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1 janvier 2013 2 01 /01 /janvier /2013 21:45

Eve Curie

Madame Curie

NRF Gallimard                                 

1938

J’ai fini l’année en lisant ce livre merveilleux, mais si j’ai fini l’année, je n’ai pas fini le livre. J’en suis à la moitié. Il est écrit à la dernière page de ma lecture d’hier soir :

« Entre ces deux notes – celle du 17 octobre 1988, où Irène ne marche plus à quatre pattes et celle du 5 janvier 1899 où elle a quinze dents -  et peu après la note sur les pots de confiture, on trouve une note digne de remarque.

Elle a été rédigée par Marie et Pierre Curie, et par un collaborateur appelé G.Bémont. Destinée à l’Académie des Sciences, et publiée dans les Comptes Rendus de la séance du 26 décembre 1898, elle annonce l’existence dans la pechblende d’un deuxième élément chimique radioactif.

Voici quelques lignes de cette communication :

Les diverses raisons que nous venons d’énumérer  nous portent  à croire que la nouvelle substance radioactive renferme un élément nouveau, auquel nous proposons de donner le RADIUM

La nouvelle substance radioactive renferme certainement une grande proportion de baryum : malgré cela, la radioactivité est considérable. La radioactivité du radium doit donc être énorme. » (page 154)

Nous le savons tous, n’est-ce pas, Marie Curie fut le prix Nobel de physique en 1903 et prix Nobel de chimie en 1911. Là n’est pas la question...encore que…pour une femme, c’est brillant !

Ce que je veux dire :

Ce livre, je l’ai lu, j’avais moins de 20 ans. Je l’ai lu passionnément. J’ai découvert cette femme qui parlait de ses jeunes enfants, des confitures qu’elle faisait, en donnant la recette, de sa vie de chercheure et de son grand amour avec Pierre. J’ai pleuré de vraies larmes en lisant la mort de Pierre.

Je suis grand-mère maintenant. Le chemin de ma vie, un jour d’IRM,  m’a fait penser à nouveau à ce livre. J’en ai commencé la relecture. Un livre comme une madeleine de Proust.

Je retrouve le petit logement où je vivais avec ma mère, ma folle habitude de lire, de lire encore et toujours. Tout ce qui passait entre mes mains, je lisais, frénétiquement.

Je retrouve le bonheur si parfait que j’ai eu à lire ce livre. Une histoire vraie comme un roman. Admirablement écrit qui nous fait trembler d’émotion devant cette jeune polonaise qui travaille, qui travaille, qui travaille, qui cherche,, qui cherche, qui cherche, qui aime, qui aime aime, ce livre qui nous fait haleter devant la découverte du radium que nous vivons comme une intrigue policière.

Ce livre, dans l’après-coup de ma jeunesse, a déposé en moi la graine de l’étude. J’ai étudié toute  ma vie

Ce livre, dans l’après-coup de ma jeunesse, a déposé en moi la graine de la recherche. Une petite graine qui a attendu 43 ans pour éclore

Ce livre, dans l’après-coup de ma jeunesse, a déposé en moi la graine d’être une femme faisant des confitures et comptant les dents de mes enfants, puis celles de mes petits-enfants.

Ce livre, dans l’après-coup de ma jeunesse, a déposé en moi bien d’autres choses encore secrètes à ma vie.

Ce livre, dans l’après coup de ma jeunesse, a déposé en moi, la graine d’être une femme devenue, une femme advenue. Une femme libre.

 Ce que je veux dire :

Nos livres les plus précieux ne nous abandonnent jamais, sont là en nous, prêts à être lus, relus avec la saveur d’une madeleine.

Madame Curie est un de ces livres pour moi.

C’est avec ce livre unique, qui parle d’une femme unique, écrit par une écrivaine unique, Eve Curie, ce livre que je vous invite à lire,  comme on jardine, comme on fait des confitures ou comme on aime, que je vous souhaite à toutes et à tous une heureuse année 2013.

Une année toute douce. MJA

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21 décembre 2012 5 21 /12 /décembre /2012 21:34

Toutes mes pensées  vont vers les femmes qui ont eu moins de chance que moi.

 

Je n’oublierai jamais les regards que j’ai croisés aujourd’hui.

Je n’oublierai jamais ces cinq semaines d’attente.

Je n’oublierai jamais les messages affectueux de chacun.

Je n’oublierai jamais la merveilleuse chanson  de Julos Beaucarne « Les amis sont comme des arbres ».

Je n’oublierai jamais ce fantasme que j’ai eu de l’Eternel  jouant à la roulette russe avec mon sein droit.

Je n’oublierai jamais qu’une hypothèse reste une hypothèse tant qu’elle n’est pas vérifiée.

Je n’oublierai jamais qu’une échographie est une image et non la réalité.

Je n’oublierai jamais qu’un fait doit être interprété avec humilité et qu’ un fait médical doit être avancé prudemment dans le respect de la vie psychologique de la patiente. Je soufflerai une consultation psychologique organisée par l’hôpital pour soutenir de si longues attentes.

Je n’oublierai jamais, que dans la vie, si on a statistiquement, une chance sur cinq de s’en sortir, on peut s’en sortir.

Je n’oublierai jamais la problématique de mon automne 2012 : vivre encore un tout petit peu… Le temps de faire ma thèse, le temps d’accueillir mes deux nouveaux petits enfants, le temps de rire encore un peu et pouvoir lire quelques livres encore, le temps de regarder encore la lune et le ciel étoilé, le temps  d’aimer encore une petite fois

Et puis allongée, sagement immobile, dans le cylindre de l’IRM, soudain, j’ai repensé à un livre de Eve Curie  « Madame Curie ». A peine rentrée chez moi, j’ai regardé dans ma bibliothèque et j’ai trouvé mon livre, avec en couverture Marie Curie. En page de garde, les initiales de ma mère, le 6 juin 1956. Ce livre publié il y a des années, (mais l’année n’est pas indiquée) était couleur sépia, couleur poussière. Je l’ai rangé dans mon sac, je le lirai pendant ces fêtes. Je vous le raconterai, comme une dette à ce couple unique, qui m’a tant fait rêver, jeune.

Chers inventeurs, je vous souhaite à tous un bon hiver et d’heureuses fêtes près de ceux qui vous aiment et que vous aimez et à tous pour 2013, je vous souhaite une bonne santé.

Croyez-moi, je pèse mes mots… MJA

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20 décembre 2012 4 20 /12 /décembre /2012 04:19

Dernier jour de l’automne

Je te donne mon sourire

Je te donne mon espoir

Je te donne mon travail

 

Dernier jour de l’automne

Je te donne tout le possible

De ma timide vie

De ma persévérance

 

A toi

Dernier jour de l’automne

Je me donne

Le regard déjà dans l’hiver

 

MJA

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19 décembre 2012 3 19 /12 /décembre /2012 21:27

Quand la lumière se brise

Dans l’alchimie des âmes

Dans l’ombre secrète

D’une pénombre bleue

Nuit de l’absolu      

Silence  éperdu

Rêves irisés

Lumière tamisée

Brume nacrée

La danse s’achève

Reste l’écume ridée

Des notes envolées

Mais aussi

Shakespeare écrit dans Othello

« How poor are they have note the patience !

What wound has ever healed by degrees ?

Than know’s we work by wit and not by witch

                                  and wit dépends on dilatory time »       

Bientôt l’hiver ! Restez au chaud ! MJA

 
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15 décembre 2012 6 15 /12 /décembre /2012 15:35

Quelque chose qui ne peut s’écrire

Ni se dire

Quelque chose qui s’envole

Et se dérobe

 

Une longue attente qui dit le silence

L’accroche

Dans la lourde pénombre qui m’élance

Me suspend

 

Une inquiétude qui ronge mon ciel

Confisque son miel

Raye mes jours sur l’ardoise noire

Du silence

 

Cinq semaines pour un diagnostic

Qui se dérobe

M’écrase de son mépris cinglant

Comme le vent d’hiver

 

Un IRM

Pour accueillir l’hiver

Un IRM couleur de neige

Qui dira de mon sein si blanc

 

Oui, non, peut-être, attend

 

 Attendre, taire le cancer dans un peut-être inhumain d’incertitude, continuer d’espérer ou de désespérer, selon le jour, selon la nuit, selon le givre  matinal ou le rayon de soleil, selon un regard, selon un silence ou un rire.

 

  Continuer comme une gentille abeille d’étudier et d’aimer.

Que seront pour moi Noël ou la Saint Sylvestre ?

  Un point d’interrogation

 Couleur de moi

Couleur de soie

                                    Attendre.

   MJA

 
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3 décembre 2012 1 03 /12 /décembre /2012 19:34

La première famille

D’après un conte du recueil  Les plus belles histoires d’amour

Adaptation française de Françoise Rose

Editions Hachette

 

 

Il était une fois donc, Dieu.

En ce temps –là, vivaient sur terre les deux premiers hommes et la première femme. Tous trois ne se connaissaient pas et vivaient en solitaire.

 

Le premier s’appelait Lundi.

Le second s’appelait Mardi.

Quant à la femme, elle s’appelait mercredi.

 

Un jour, alors que Lundi se sentait encore plus seul qu’à l’ordinaire,  l’envie lui prit de sculpter dans un morceau de bois une statue. Cette statue représentait une femme mais il ne le savait pas car il n’en avait jamais vue.  Mais ce qui est certain, c’est qu’il éprouva pour cette statue une vive affection et que grâce à elle, il se sentit moins seul. Le temps passait et son affection durait. Un jour de grande tendresse, il la baptisa Chrisalyde. Mais un jour, il dormit plus tard que d’habitude. Il avait trop chassé la veille. C’est alors que Mardi passa devant la hutte de Lundi et aperçu Chrisalyde. Il fut très ému par la statue « Chrisalyde » et loua sa beauté. Comme tu es-belle !  Il ôta sa cape et l’en revêtu. Il ramassa des coquillages et du corail et lui en fit des colliers. Il lui fit aussi une belle robe d’écume, toute blanche qui contrastait  avec la couleur du bois. Puis, il s’en alla pêcher quelques poissons pour se nourrir. De ce temps que Lundi dormait et que Mardi pêchait , passa Mercredi.. A son tour, elle aperçut Chrisalyde et fut médusée par tant de grâce et d’harmonie. Elle sourit et du fond du coeur dit : « Comme j’aimerai que tu sois mon amie ! Comme ma solitude serait plus légère ! » Et Mercredi s’empara de la statue, la ramena dans sa maison et la coucha avec amour sur un lit de feuilles.

 

Pendant ce temps là Lundi se réveilla et Mardi revint de sa pêche. Quelle ne fut pas leur détresse et leur colère de constater la disparition de Chrysalide. Ils firent à peine connaissance et vociférant se mirent à sa recherche. C’est ainsi, qu’ils arrivèrent chez Mercredi et qu’ils virent Chrysalide tendrement allongée dans la douceur des feuilles. Mercredi fut alertée par les cris des deux hommes et arriva. Tous trois, se penchèrent sur Chrysalide et oh ! surprise s’aperçurent que Chrysalide bougeait , étirait ses bras, les regardait avec étonnement. D’abord, ils furent médusés puis soudain s’agitèrent et se disputèrent à qui mieux mieux !

 

-         Elle est à moi !

-         Non à moi !

-         Non à moi !

 

Chrysalide, légèrement effrayée dit d’une voix mélodieuse qui surgissait d’un silence aussi vieux que le monde :

 

-         Si on demandait à Dieu ?

 

Ce qu’ils firent.

 

Dieu, les écouta avec bonhomie et dit d’un ton conciliant, voire même patelin :

 

-         Lundi, toi qui l’a conçue, tu seras le père mais toi Mercredi qui l’a réchauffée,  abritée dans ta maison, toi qui lui a donné vie, tu seras la mère mais toi Mardi qui l’a protégée, qui a pris soin d’elle et l’a couverte de bijoux et d’écume tu sera son époux. Et Mardi s’évanouit de bonheur de savoir que Chrysalide lui était destinée. Mais Dieu ajouta d’un ton juste :

 

-         Chrysalide n’est la possession de personne, elle est libre comme l’air qui l’entoure, elle est  souffle et nul ne peut posséder le souffle de  son prochain, elle est parfum et nul ne peut posséder un parfum, elle est lumière et nul ne peut posséder la lumière.  Chrysalide a sa juste place parmi vous , sachez l’aimer et la respecter. Elle est liberté. Elle est femme.

 

Ainsi parla Dieu.

 

Chrysalide, merveilleusement vivante, merveilleusement heureuse, merveilleusement resplendissante  prit soin de son époux comme il  prit soin d’elle. Le conte dit aussi que Lundi aima et épousa Mercredi. Etonnante Mercredi !

 

Ce fut la première famille. Il y eu beaucoup d’enfants, des bébés, de bambins. Tous firent beaucoup de bruit avec leur vie et on dit même que parfois Dieu avait du mal à s’endormir... Et c’est ainsi qu’il inventa les boules Quilès.

 

Ce conte, c’est Mercredi qui l’a écrit. Un jour de grand bonheur.MJA

 

 

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30 novembre 2012 5 30 /11 /novembre /2012 18:43

Je patiente, tu patientes, il ou elle patiente, nous patientons, vous patientez, ils ou elles patientent (IRM)

J'étudie, tu étudies, il ou elle étudie, nous étudions, vous étudiez, ils ou elles étudient.

Et on parle d'autre chose !!! MJA

 

 

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30 novembre 2012 5 30 /11 /novembre /2012 09:15

Ce que je veux dire :

Les témoignages d’affection  (tous) et le savoir (M.Espié dans la revue Le Coq-Héron, n°173, année 2003, érès) aident à se construire, permettent d’éviter le breakdown  que décrit  si bien Winnicott, si grand clinicien. Ce jour, je vais vers mon médecin, les jambes fermes, le cœur déterminé. J’accueillerai mon destin avec le courage que d’être humaine, femme entourée d’amis, femme mère, femme aimée,  femme de savoir, femmes de livres.

J'inspire.

J'expire

J'écoute le médecin

Je continue avec tous et avec les livres.

MJA

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29 novembre 2012 4 29 /11 /novembre /2012 19:06

La nuit est là, mes yeux cernés par l’inquiétude et l’angoisse.

Que sera demain ?

M’annoncera –t-il la maladie ou le bénin ?

ça s’appellera diagnostic.

Onze jours d’attente.

Je retiens mon souffle pour ne pas faire peur à mon destin.

Ce soir, je ne parlerai d’aucun livre. MJA

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26 novembre 2012 1 26 /11 /novembre /2012 19:40

Mardi dernier, mon dépistage du cancer. Un dépistage comme un autre.

En m’y rendant, comme ça, à petit pas, il faisait beau ce jour-là, j’ai soudain eu, une courte nausée. Et puis, c’est passé. Quelque chose du côté de l’angoisse sans doute. J’ai 64 ans, depuis l’âge de 50 ans, je fais mon dépistage sagement, mais à chaque fois, je suis étreinte par une peur secrète. Et si ça arrivait qu’on me trouve quelque chose ?

C’est arrivé,  mardi dernier.

Seule pendant 25 minutes, torse nu, dans la salle d’échographie, j’ai paniqué. Assise, là, le cœur battant, la tête moulinant des idées à 100 à l’heure. Malgré tout, j’étais en colère. Je me disais, c’est inacceptable de laisser une femme seule, torse nu, dans une salle d’échographie, après deux examens complémentaires de mammographie. Je me disais, ces médecins, ils sont bons pour la technique mais pas pour l’âme. Tout ça, ça se mêlait dans mon cœur : ma peur et ma colère. Et puis, j’avais un peu froid. J’ai enfilé mon pull.

La docteure est arrivée. L’échographie a commencé. Elle m’a dit comme ça : « Ce n’est pas pour voir si il y a quelque chose, c’est pour m’assurer qu’il n’y a rien ». Je suis restée sceptique sur la tournure de cette phrase. Puis, elle a mis le gel et a commencé l’examen. J’avais les yeux rivés sur l’écran. D’abord, rien d’inquiétant et puis soudain,  je l’ai vue la petite bille, qui allait, qui venait, qui revenait. Et alors, là je me suis mise à pleurer. Bon, après, le docteur a été humaine, m’a parlé de biopsie, il fallait bien en parler et m’a dit, que c’était tout petit et que même si c’était cancéreux, c’était pris à temps, et vu mon âge, « ça ne m’emporterait pas ». J’ai bien retenue la tournure de la  phrase, que j’ai trouvé littéraire, « ça ne m’emporterait pas ».

Je suis sortie de là, un peu sonnée et il a fallu que la secrétaire me répète deux fois, la mise en place du rendez-vous, pour la biopsie.

Mais vivre, c’est faire des choix. Toujours. Je me suis alors très vite posée la question suivante : dois-je ou non, en parler mes enfants ? J’ai attendu 48 heures pour répondre à cette question. Je voulais d’abord émerger de l’angoisse, non pas de la mort mais de la maladie. La peur de la douleur, la peur d’une chimio, la peur de perdre mes cheveux, la peur de ne pouvoir rien supporter de tout cela. Je me sais très mauvaise malade. La maladie, c’est un truc que je ne supporte pas.

Enfin, j’ai tenu le raisonnement suivant, à tort ou à raison. Je ne suis pas sûre de moi, mais voilà, il me fallait vivre un choix. J’ai fait comme j’ai pu. Je me suis dit, si j’ai quelque chose, je ne vais pas annoncer tout à trac à mes enfants « j’ai un cancer du sein ». Je me suis dit qu’il fallait mieux dompter le mot, progressivement, par un peut-être d’abord, y penser comme ça, dans l’incertitude et puis après si je n’ai rien tant mieux. Alors, je leur ai dit, au risque de leur alourdir la vie. Je ne sais pas si j’ai bien fait. Ce doute est en moi, comme ma petite bille.

Et puis, le lendemain,  le hasard de mes lectures, pour ma thèse, alors que je fouinais du côté de Winnicott dans Le Coq-Héron (N°173, année 2003, édition érès), m’a fait découvrir un article de Marc Espié intitulé « A propos de la crainte de l’effondrement et autre situations cliniques de D.W. Winnicott ». En plein milieu de l’article, j’ai lu comme ça « le cancer du sein ». Mon cœur s’est serré et soudain cet article m’a brûlée. J’ai un rapport au savoir très particulier. J’ai un don inné pour tomber par hasard sur des lectures identitaires. Alors, j’ai fait comme l’aurait fait mon maître, Ouaknin, j’ai caressé le texte. Il m’était impossible d’y rentrer ; ça brûlait trop. J’ai lu qu’il parlait de la crainte de l’effondrement, de Winnicott, du cancer, des repères qui basculaient. J’y suis revenu le lendemain et dans mon cœur, j’ai remercié ce praticien si plein d’humanité qui disait en termes simples ce que j’avais vécu dans la salle d'échographie, mes pauvres phrases en lambeaux, cette sensation de tribunal et de verdict, de culpabilité, cette atteinte dans ma féminité en danger, justement, je m’étais acheté un beau sous tif, quelques jours avant, couleur chair et dentelles, Marc Espié disait le monde qui soudain vacillait, il disait ma vulnérabilité découverte, il disait le sens que j’essayais de mettre sur tout cela : et du sens, j’en trouvais tant et tant : le monde comme il tourne, ma peur de vieillir, un futur que je n’arrivais plus à élaborer et puis ma vie intime, ma vie tout court. Oui, il disait tout ça Marc Espié. Je n’étais plus seule. Dans la salle d'échographie, j’avais été expulsée de mes repères, de mon quotidien, de moi-même, expulsée par une petite bille, j’avais frôlé l’effondrement et cela faisait plusieurs jours que je me battais pour ne pas m’effondrer, pour ne pas hurler. Surtout la nuit. Dans mon sommeil, il n’y avait qu’un seul mot qui rôdait « Cancer ». Mais cet article de Marc Espié qui en disait si long sur notre terreur du cancer du sein, à nous les femmes, m’a remise de plein pied dans le langage de tous, dans le sens, dans le possible à vivre et m’a donné de la force, je l’espère, mais je n’en suis pas sûre encore, pour vivre debout, le jour du diagnostic, lorsque les résultats de la biopsie seront revenus du laboratoire, vendredi ou samedi. La peur de l’effondrement, le « breakdown », tel que le définit Winnicott, c’est un temps où toute l’organisation défensive du sujet s’effondre et j’ai compris combien ce qui était en jeu dans cette épreuve de la mammographie et de l’annonce du diagnostic et puis dans la maladie était cette crainte de l’effondrement et pire encore, cet effondrement tout court. Oui, j’ai su que cette petite bille allait me porter aux limites de moi-même et j’ai su alors, qu’une fois encore, j’aurai besoin d’articles comme cela, pour ne pas perdre sens, au moment du diagnostic et qui sait, dans un terrible « peut-être », après le diagnostic. J’ai su que j’aurai besoin de l’humanité des médecins tout autant que de leur savoir médical. Je suis allée sur Google, voir le site de Marc-Espié : j’ai vu des titres d’articles et des vidéos. Mais je n’ai pas eu la force de cliquer. C’est ça mon rapport au savoir : j’y engage mon être tout en entier ou je n’y mets un petit doigt. Par crainte de l’effondrement.

Aujourd’hui, j’étais dans un train. Une jeune contrôleuse m’a demandé mon billet. Puis, elle m’a regardée et m’a dit dans un sourire « Madame, vous êtes bien jolie » et devant mon étonnement heureux, elle a ajouté : « Vous savez, des visages, on en voit toute la journée et vous, vous êtes bien jolie ». Puis, elle est partie et j’ai pensé le cœur serré à ma biopsie de demain et j’ai songé :

« Pourvu que je reste jolie ! » MJA

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