Le planning familial à Montauban
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MJ : Je t’ai rencontrée au bus et j’ai été très intéressée par tes livres. Cela a été l’origine de notre entretien d’aujourd’hui
Lorette : Oui, j’utilise ces livres en direction de jeunes scolarisés en primaire dans le cadre du Forum des droits des enfants, organisé par les Francas, une fois par an, depuis 3 ans. Ces livres me permettent de parler de la sexualité, de la construction des enfants en tant que garçon ou fille et ainsi contribuent à la prévention des comportements sexistes stéréotypés.
Par exemple, si je prends ce livre, Mademoiselle Zazie a-telle un zizi ? Zazie fait plein de trucs qui sont faits d’habitude par des garçons, ça étonne beaucoup Max qui est du côté de ceux qui sont avec les zizis comme si les filles dessinaient que des trucs nunuches, des fleurs, des trucs comme ça, comme si les filles ne montaient pas aux arbres etc. En fait, Zazie, elle fait plein de trucs, que lui, Max il n’en revient pas.
En fait, moi, je rebondis beaucoup sur ce que les enfants disent et quand j’entends des réactions soit avec la parole, soit avec des mimiques, je les interpelle. A chaque fois, ça donne l’occasion à certains de dire qu’ils sont touchés par des proches ; j’ai eu à faire des signalements d’enfants victimes d’agressions sexuelles.
Sandy Beauvais parle du livre « La Joue bleue »
C’est un livre que j’ai trouvé au centre de documentation du Planning national qui a fait immédiatement écho à un projet de travail en cours pour des enfants exposés aux violences de couple parental. : « on va lire une histoire et on discute avec les enfants. »
Les enfants qui ne sont pas exposés à la violence, réfléchissent aussi à l’histoire.
Le livre se passe dans les cavernes. C’est l’histoire d’un petit garçon qui vit avec sa maman dans les cavernes, il y a de la violence qui grandit dans la famille du petit garçon qui la subit aussi en tant que témoin. Sa mère part un jour parce que ce qu’elle endure n’est plus supportable. Il rencontre des adultes qui ne peuvent pas comprendre, qui disent que c’est la faute de la maman, lui, l’enfant dit que non et enfin ils trouvent une tribu qui les accueillent et les prennent en charge. Quand le père vient chercher la famille on lui demande « On t’a pris quelque chose ? » il répond : «ma femme ». On lui dit alors : « Non, ta femme, elle ne peut pas t’appartenir de cette façon là ». Le père violent va rechercher le petit, donc, la mère retournera dans la caverne et quand la violence se remet en place, l’autre tribu alors intervient en disant « Non ! cela n’est pas possible, c’est toi qui va quitter la caverne et tant que tu te comporteras ainsi tu ne reviendras pas. »
Et donc après on discute avec les enfants.
MJ : La joue bleue ? Pourquoi ?
Sandy : Parce que la maman à chaque fois se retrouve avec une joue bleue. J’ai testé le livre auprès de mes enfants (4 ans et 9ans).
Salomé discute comme une enfant de 9 ans sur l’histoire, sur les émotions « le petit garçon, il a certainement très peur ». Le petit qui a quatre ans a dit : « qu’est-ce qu’il a le monsieur dans sa tête ? Il a sûrement un bobo dans sa tête. » La question qu’il posait là c’était comment se fait-il qu’un adulte fonctionne comme ça ?
Dans les groupes, les enfants exposés vont parler des émotions : à un moment donné le petit garçon est dans la pensée magique de « pouvoir arrêter les choses. »
MJ : est-ce que par moment, il se sent responsable ?
Sandy : Pas dans ce livre là. Il se sent responsable de ne pas avoir pu protéger sa mère mais non pas de la violence en tant que telle. Je pense malgré tout que quelque chose transparaît à travers le texte et que les enfants peuvent le projeter
Lorette : le livre, c’est juste un support, nous, en fait, on tire le fil. Les personnes ont tricoté le fil et nous on peut parler à partir de ce que eux renvoient. Ces livres sont super bien faits et donc c’est un prétexte et un support pour parler à partir d’eux.
MJ : Dans le temps, vous l’avez acheté quand ce livre La joue bleue ?
Il n’y a pas très longtemps, 1 an je pense. Le projet est fait. On a une école qui est preneuse et donc on va commencer en septembre
Lorette : Pour le projet on a sollicité La Fondation de France. Moi, je suis très intéressée, ça fait plus de 20 ans que je suis au planning et je me dis qu’il est plus que temps de faire de la prévention primaire de la violence, qu’elle soit conjugale ou familiale, Il est nécessaire de se pencher sur la gestion des conflits, dans le respect, dans l’égalité, tout en étant différents bien sûr mais en tout cas, il y a quelque chose à faire avec les tous petits. Pour prévenir. Il y a plein d’outils, il y a aussi le documentaire « Mon corps, c’est mon corps » pour la prévention de l’inceste
Nous avons le projet de développer le centre de documentation car on se dit qu’ avec les personnes qui viennent nous voir, nous pourrons présenter et valoriser les livres, permettant ainsi la constitution d’un groupe de paroles autour de leurs livres et des nôtres, par exemple.
Les interdits des petits, les interdits des grands
La petite casserole d’Anatole. Anatole a un handicap non identifié et à l’occasion d’une rencontre d’une personne, il va pouvoir se détourner de sa casserole, arrêter l’exclusion et puis au contraire aller vers les autres
Je les ai lus à mes petits enfants
Voilà, on va développer le centre de documentation pour les petits. Nous espérons ainsi partager avec les enseignants autour de ces supports.
Lorette continue de lire passionnément ses livres. Sa documentation l’habite et fait sa force d’écoute.
Elle continue :
Lorette : Il y a eu de travaux sur la prévention des comportements sexistes ; et nous disposons d’importantes bibliographies sur ces thèmes et nous en trouvons beaucoup aussi sur Internet.
Tous ces livres sont sur la prévention des comportements sexistes sur des domaines différents. Il y aussi des livres sur l’inceste mais je travaille plus particulièrement avec le film « Mon corps c’est mon corps » , ce que ça me fait quand on touche à mon corps, ça me fait oui, ça me fait non. C’est fait par des canadiens. C’est un outil très pertinent.
Tu sais des enfants viennent me voir dans le bus. L’autre fois, j’aurai pu faire un groupe « spontané » autour de l’alcoolisme des parents. Il y aurait une réelle nécessité de proposer à ces jeunes en grande souffrance des groupes de rencontre à partir des livres qui permettrait expression, accueil et réponse à cette souffrance qui est la leur. Cela permettrait aussi et ainsi une réelle prise en compte des violences intra familiales par le rappel de la loi, égale pour tous.
Ce qui n’est pas assez connu du grand public c’est notre maîtrise des questions relatives aux violences, toutes les formes de violences. Nous avons organisé de nombreux colloques, à un rythme régulier (2 fois par an) et le projet Daphné.
MJ. : C’est quoi le projet Daphné ?
Lorette : C’est un projet européen qui a pour thème La lutte contre les violences. Il nécessite d’être au moins trois partenaires européens. Nous avons proposé un projet qui a été validé. Ce projet est une création du Planning familial, qui en a été le maître d’oeuvre avec pour partenaire une association portugaise et une association italienne. Il s’est concrétisé par la création d’un outil pédagogique : « Les violences : un jeu pour en parler ». Ce jeu constitué d’un plateau avec « des cartes attitudes », évoquant des situations vécues par des femmes et des « cartes lois », rappelant la loi. Ce projet a été crée en/ 2001.
Lorette me présente ce jeu, étonnant de qualité, tant par sa forme (plateau peint par un professionnel de talent) que par le fond exprimé par la qualité des textes sur les cartes attitudes et loi. La brochure jointe au jeu existe dans les trois langues est très pédagogique. Elle propose une riche bibliographie sur le thème des violences.
MJC : Le temps venu, je vous donnerai la documentation en destination des enfants du planning, la bibliographie jointe au jeu Daphnée et je vous parlerai plus précisément du jeu Daphné.
MJ : Ce que tu veux dire, c’est que ton travail d’écoute des enfants à partir des livres serait admirablement préparé par tout ce travail que le Planning familial a fait en aval, avec les femmes et les familles.
Lorette : C’est cela. Et puis, remettre une parole collective, alors que l’enfant est tout seul à penser dans son coin. Nous, notre but, c’est aussi de faire émerger la parole, à partir de ces temps de contes partagés avec tous, d’entendre ceux qui sont en urgence de souffrance et leur proposer, comme nous le faisons avec les groupes de femmes victimes de viol, de violences conjugales, des groupes de soutien.
MJ . Il y aurait aussi à organiser un lieu où les mères puissent parler avec leurs enfants.
Lorette : Oui, mais ce sont deux travaux différents. Le travail avec les mères, il est fait depuis très longtemps y compris dans les CHRS mais là ce qui est nouveau c’est qu’on ferait de la prévention primaire partout où on pourrait. Forcément, il y aura la parole des agressions qui pourra émerger, paroles de témoins de violences chez eux.
MJ : Il me semble que dans les groupes d’enfants, ce qui doit ressurgir, c’est le sentiment de responsabilité : la responsabilité de ne pas pouvoir protéger la mère, la culpabilité aussi et les livres ça permet de travailler autour de ça. Est-ce que vous avez des projets précis de démarrage avec l’Education Nationale ?
Lorette : L’Education Nationale a bien repéré qu’il y avait des écoles où se présentaient des problèmes mais la difficulté, c’est de trouver les financements. Pour commencer, on a la Fondation de France qui nous finance, après on verra. En général on se donne les moyens de faire, là où on a envie de faire aussi.
Mais grâce au financement de la Fondation de France, pour commencer on a.
Puis on va enclencher dans des centres de loisirs ou commencer ici aussi
ou avec le bus à l’oreille.
MJ. Parle moi, de ta découverte de la lecture. (Sandy, s'est déjà envlolée vers d'autres activités)
Lorette. Chez moi, il y avait une bibliothèque en fer forgé avec des étagères rouges sur lesquelles je trouvais toute la collection Rouge et or, le club des cinq, j’étais aussi abonnée à Fripounet, je n’ai pas de souvenirs, mais j’étais abonnée.
Une fois par mois, nous avions un rituel avec ma mère et ma soeur. Nous prenions le car pour Narbonne. Nous allions d’abord chez le coiffeur pour une séance terrible, véritable torture car ma mère nous adorait avec les cheveux courts. Pas nous ! Après, on allait sur les promenades de Narbonne, le long du canal, nous mangions des hot dog et on allait à la bibliothèque et là j’étais heureuse. On commençait par la torture et après c’était le bonheur de la bibliothèque. On empruntait des livres tous les mois. L’emprunt des livres se faisait au rythme des coiffeurs.
Merci Lorette et Sandy. Bravo ! et donc bonne chance et longue vie à tous ces projets si dynamiques en faveur d’une prévention primaire de la violence sous toutes ses formes, si tragique, quand elle touche les enfants. MJC