Pour fêter La Victoire je vous offre ce texte inédit écrit en 2019. Bonne et longue lecture !
Hannah Arendt, la si grande philosophe politique, née le 14 octobre 1906 en Allemagne , morte, entourée d’amis à New York le 4 décembre 1975.
Adeline aimait le beau visage de jeunesse d'Hannah Arendt et son sourire de femme mûre. Adeline trouvait parfois qu’elle lui ressemblait. Le regard surtout qui abritait la pensée dans une certaine attente. La pensée non éclose. La pensée à advenir, l’existence à survenir parce que penser c’était exister passionnément pour Hannah comme pour Adeline. Les livres étaient là pour nous sauver de la solitude pensait depuis toujours Adeline et Hannah Arendt avait sauvé Adeline du désespoir de la mort de celles qu’elle aimait et du désespoir d’une société de marges et d’exclusions, d’une société où la parole des parias étaient encore trop souvent largement ignorée. Ce qu’aimait Adeline dans l’oeuvre d’Hannah Arendt c’était le génie de la pensée et des langues qui abritaient cet immense fleuve de pensée. Comment pourrais-je parler d’Hannah Arendt sans parler l’anglais, l’allemand et le grec sans avoir lu Platon, Aristote, Sophocle, Hérodote, Héraclite, Heidegger, Nietzsche, Marx, Jasper, Kierkegaard, Kant, Locke, Hobbes, Lazare et tant et tant d’autres ? Hannah était une femme de mots et de livres. La seule chose qui l’intéressait au monde c’était de penser. Et en cela, Adeline lui faisait écho. Depuis toute petite Adeline pensait. Elle le savait. C’était inscrit dans les cernes de ses yeux, dans ses migraines trop fréquentes, dans son regard solitaire mais aussi dans ses enthousiasmes féconds qui donnaient à sa bouche tant de sourires et de rires.
Adeline aimait lire Hannah parce qu’elle interrogeait le monde et dépassait la solitude de penser seule, ce que Hannah appelait la pensée dialogique. Hannah posait des questions. Sans cesse. Sur la culture, sur le mensonge, sur la violence dans la politique, sur sa judéité et celle des autres, sur l’amour, sur l’amitié, sur la justice, sur la volonté, sur la réconciliation et le pardon, sur le mal celui si radical des nazis, sur celui de tous les totalitarismes, sur Eichmann, sur les philosophes, Jaspers, Heidegger, sur les poètes, sur Rainer Maria Rilke, sur son ami Walter Benjamin, sur ses deux maris, le second, dont elle fut si amoureuse, parce qu’elle l’aimait et qu’il reconnaissait son identité d’intellectuelle, compagnon de ses engagements de vie : l’écriture et la politique. Elle écrivait du lieu de ses poèmes et de ses ombres. Elle écrivait ses exils, les géographiques et ceux de l’âme. Adeline comme Hannah se sentait en exil d’elle-même. Un exil qui venait de l’enfance. Adeline l’enfant silencieuse, Hannah, l’enfant de silence et déjà de questions. Il fallait comprendre. Il fallait penser pour prendre racine dans ce monde si affolant des adultes puis des autres qui inventaient cette politique qui toujours avait passionnée Hannah comme Adeline ; la politique lieu de rencontre des humains dans l’histoire des générations sans cesse inventée, de ce pluriel sans cesse recrée à partir de la singularité de chacun. Adeline, Hannah, deux femmes cherchant à comprendre, à défendre le monde des parias contre celui des parvenus. Hannah avait été longtemps apatride, sans lieu pour penser, et donner la parole aux parias, lui était essentiel. Essentiel aussi, leur donner l’accès à la pensée pour que jamais le Mal radical ne revienne, donner la parole aux parias, leur donner l’accès à la pensée pour que s’installe une vraie démocratie, celle qui dirait un non définitif au totalitarisme qui tuait la singularité et le pluriel, qui engendrait le « tous pareils », la toute-puissance du pouvoir. Comprendre. Prendre racine dans la profondeur de l’humain. Comprendre pour dénoncer ceux qui un jour dirent que les hommes, les juifs mais d’autres aussi pouvaient être superflus. Hannah écrivait, Adeline lisait, Hannah et Adeline s’engageaient dans ce monde de vies, d’existence et de pensée. Deux femmes qui refusaient les chemins de l’injustice. Deux femmes qui lisaient passionnément, deux femmes qui cherchaient jusqu’à l’épuisement, deux femmes qui aimaient le murmure du vent et les plaines labourées par leurs pensées incessantes. Deux femmes complexes, dans le paradoxe du non manichéen et du pluriel, deux femmes qui défendaient et croyaient aux concepts de liberté, d’égalité, de fraternité. Adeline disait adelphie parce que ce mot recouvrait de l’harmonie entre les hommes et les femmes. Hannah disait que le UN de chacun n’existait qu’à partir du pluriel des autres ; Hannah disait que chacun était un QUI ne pouvant se révéler que dans le réseau des autres humains, que dans la cité ; c’était pour cette raison même que Adeline aimait la vie associative qui toujours faisait réseau pour les uns et pour les autres, tissu social garant de démocratie en était convaincue Adeline. De démocratie et d’existence.
Ainsi dans son travail de formatrice d’ateliers de lecture qu’elle animait depuis des années, Adeline laissait une large place au travail citoyen de tous qui aidait à constituer l’identité de chacun. C’était sa foi et celle d’Hannah Arendt. L’être humain existait à partir de la cité et voilà pourquoi pensaient ces deux femmes l’exclusion était un crime. Exclure de la cité sous toutes formes d’exclusion c’était priver de parole celui ou celle qu’on excluait et priver de parole c’était priver d’action, c’était priver d’être, c’était priver de récit, celui-là même qui rendait possible de supporter tout chagrin.
Ainsi Adeline luttait auprès des hommes pour la prise en compte des difficultés spécifiques des femmes et de leurs droits à les défendre.
Ainsi Adeline luttait contre tout ce qui faisait exclusion en travaillant, en lisant, en écrivant, en militant, en parlant, en marchant dans sa ville.
Hannah aimait les récits et Adeline aussi. La lecture, les livres étaient des récits, Les Milles et une nuits de leurs jours et de leurs vies, Les milles et une nuits qui les tenaient en vie dans le suspens de leur temps et de leur mémoire, dans le souffle de ce qui se renouvelle sans cesse : la promesse tenue à l’autre de continuer malgré l’oubli. Et ce depuis l’antiquité.
Adeline connaissait peu les textes antiques mais Hannah ne connaissait que ceux-là. Son texte saignait de langue grecque. C’était beau à lire, cette fente du texte dont s’échappait la langue grecque, comme un fleuve de vie d’une blessure qui aurait pu tuer Hannah, la femme blessée d’être femme, blessée de son enfance quand son père syphilitique mourut, Hannah, la juive blessée qui dut s’exiler, Hannah la juive qui du découvrir la Shoah dans un après-guerre de paroles terribles si terribles qu’elles parurent incroyables à Hannah, à Flora, la mère de Adeline. De l’impossible à croire et l’humanité s’écroule dans le néant. Oui, ça avait eu lieu, le Mal radical, celui qu’on ne pouvait pardonner, celui qui rendait impossible toute réconciliation, tout partage. La Shoah ou l’impossible des hommes, Hannah dont la langue maternelle l’allemand fut une souffrance à laquelle elle ne voulut jamais renoncer. Alors, elle apprit l’anglais, se fit traduire en français, inventa un compromis avec le grec, splendeur des anciens qui la pansa, lui redonna vie. C’était possible de vivre avec Sophocle, Hérodote, c’était possible de vivre avec la polis comme référence de pensée, c’était possible de continuer avec la nécessité retrouvée de la cité. C’était possible de vivre dans la citoyenneté parce que la politique c’était le pluriel du monde et le respect du singulier de chacun. Hannah et Adeline par la politique vivaient leur engagement de femmes debout, par leur paradoxe, elles luttaient contre une pensée totalisante et toute puissante. Elles étaient singulières quand le pluriel mettait fin à la toute-puissance de la solitude. Les livres étaient un immense pluriel et c’est pour cela pensaient-elles toutes deux que la pensée de tous et de chacun devaient être par la culture. Mais Hannah était limpide et exigeante sur ce point. Rien n’était pire que de ne pas penser car ne pas penser laissait place à l’obéissance servile et obtuse, telle celle d’un Eichmann, d’un n’importe qui robotisé à l’extrême où les ordres envahissaient le cerveau vide. Mais tout aussi immensément terrible était un cerveau plein de pensées solitaires, qui ne seraient pas confrontées au pluriel des autres, un cerveau dialogique dans la toute-puissance de la tour d’ivoire, dans le piège du renard Heidegger qui le menait à trahir ses amis juifs. Le bout du chemin. Le bout du désastre et de la honte. Heidegger l’amant était le paradoxe d’Hannah quand le rapport Maître, élève signifiait l’impossible du désarroi de la femme. Toujours la femme. Quand la femme souffrait. Quand Hannah et Adeline pensaient et pansaient leur solitude. Changer de ligne. Lire. Tourner la page.
Faire jaillir les étincelles quand Hannah comparait splendidement le surgissement de la pensée à l’étincelle de deux pierres à feu. La pensée ne pouvait que surgir, elle ne s’élaborait pas, elle ne se démontrait pas. Si, sans doute, elle s’élaborait car Hannah Harendt était une femme rigoureuse mais elle s’élaborait dans un second temps. Après le surgissement, l’étoile filante dans les ténèbres de la solitude, après l’étincelle. La pensée alors pouvait advenir dans une élaboration sans violence. La logique était violente. Combien Adeline suivait Hannah sur ce chemin-là. Adeline détestait les gens qui démontraient les choses. Elle les fuyait, elle les craignait parce qu’ils dévidaient leur vie de leurs affects. Elle savait que même les sciences les plus exactes laissaient une place nécessaire au célèbre Euréka ! La pensée ne pouvait être qu’un Euréka même si le fleuve souterrain coulait lentement avant et après l’élan. La pensée humaine pour être belle et vivante devait être lente et puissante mais jamais violente. Et Adeline aimait Hannah pour cela. Sa douce lenteur, ses répétitions et puis soudain elle disait ce qu’il fallait dire : les totalitarismes à dénoncer, la complexité du sionisme, les interprétations des antisémitismes, l’histoire, le travail, le questionnement sur Marx, le danger de l’acosmisme, la philosophie de l’étant, la philosophie politique, le risque politique des états-nations, les démocraties en danger. Elle pensait, elle pensait, n’arrêtait pas, elle marchait dans l’espace du monde qui tournait, qui vivait, qui cherchait. Hannah était une chercheuse d’or, l’or de ce qui serait le meilleur des hommes, la foi dans leur pluriel si le pire n’existait pas.
Le génocide. Pour Adeline, un être, sa grand-mère. Pour Hannah, une longue, très longue pensée, après avoir échappé de justesse au nazisme et au camp de rétention dont elle put s’échapper à temps.
Il était une fois des juifs indécis qui ne savaient s’ils voulaient être assimilés ou non.
Il était une fois des juifs dont la conscience politique était trop rare, dans une histoire « sans politique »
Leur solitude. Toujours de la solitude. Alors Hannah racontait, contait même la politique.
Il était une fois l’affaire Dreyfus.
Il était une fois Panama.
Il était une fois, la IIIe république. Il était une fois l’état-nation et l’expansionnisme, le pouvoir et la bourgeoisie.
Il était une fois la foule.
Il était une fois l’impérialisme, ses investissements et l’accumulation des pouvoirs. La perte du lien humain et soudain le racisme. Non ! Pas soudain. Dans la lenteur des siècles. Gobineau.Le cancer. La bête immonde. Le chômage. Le fascisme. La montée d’Hitler. L’impensable. Le Mal radical .
Enumérer pour dire l’impossible phrase humaine. Quand ’humanité avait perdu ses liens, Quand la phrase avait perdu son verbe, quand les pierres à feu avaient perdu leur étincelle. La coupure d’avec l’humain. Le désastre dans l’humanité. Quand l’horreur se faisait génocide ou le contraire. Les contraires étaient brisés. Restait le rien qui chavire celui qui reste. Restait la tragédie. Non pas celle de Sophocle qui disait l’histoire des hommes. Celle d’Hitler qui la détruisait.
Mais Hannah reconstruisait et écrivait La condition de l’homme moderne. Le livre d’Hannah qu’Adeline avait préféré. Qu’inventait l’homme pour ne pas tomber dans l’impensable du totalitarisme ? Il était alors une fois, le travail, la création, la pensée, l’action. La nécessaire politique pour s’y retrouver citoyens et non plus opprimés ou parias. Il était une fois, la promesse, le recommencement, la naissance. Adeline avait trois enfants et avait connu ce miracle de liberté par trois fois. Adeline pouvait continuer malgré la détresse du monde parce qu’elle avait à transmettre ce même monde dans le mouvement de ses engagements, dans le mouvement de l’imprévisible de sa vie, dans le malentendu d’exister et d’aimer. Dans le malentendu d’insister pour le meilleur, elle femme existante, elle femme insistante, elle femme résistante, elle femme obstinée.
Adeline lisait Hannah avec son intelligence, avec son âme, avec son corps trop souvent fatigué et parfois Adeline ne comprenait plus Hannah. Alors, elle refermait le livre mais le lendemain, elle le reprenait. Dans le temps alterné du livre qui se fermait et qui s’ouvrait, Adeline continuait sa lecture et sa vie. Son amitié avec Hannah l’intelligente, la déterminée à être, la soutenait, l’emportait dans l’Histoire, la solidifiait, la consolidait, elle la fragile. Parfois, Adeline ralentissait son engagement dans la lecture d’Hannah ; elle hésitait. Adeline savait être une femme hésitante. Une femme pensive au-dessus d’une vérité vacillante. Quand elle lisait Eichmann à Jérusalem, elle lisait avec une lenteur extrême. Elle n’était pas suffisamment historienne pour valider ou invalider la thèse de la coopération des Conseils juifs à la déportation. Adeline ne savait pas et la page devenait voile noir de désespérance car Adeline, femme désespérée pouvait imaginer que cela fut possible, un tel effondrement moral. Elle ne jugerait pas. Elle pleurerait. Comme Hannah qui elle aussi était désespérée, mais d’un désespoir qui ne pouvait se dire. Adeline lisant ce livre sur Eichmann percevait une immense rigueur qui semblait contenir ce désespoir. S’il n’était pas contenu Hannah en mourrait. Alors, s’inscrivirent sur les pages du livre les mots pour dire un regard impitoyable sur la réalité psychique d’Eichmann et de quelques autres Eichmann qui s’ignoraient, des Eichmann potentiels à force d’obéissance à la loi, au règlement, au texte. Et Adeline, décidément désespérée connaissait de telles personnes « appliquées ». « On nous le demande ». On nous le demande l’absurde et le quantifiable. Cette description de la banalité du mal la terrifiait, la glaçait et c’est pour cette raison là qu’elle lisait si lentement ce livre-là. Elle lirait toute roide mais elle le lirait jusqu’au bout du chemin noir qu’il traçait. Et Adeline savait sa nécessité à elle, de professionnelle obstinée. Elle continuerait envers et contre toutes les difficultés rencontrées ses ateliers de lectures qui bousculaient la rigidité potentielle des textes et qui d’une certaine façon lente introduisait la subversion dans la lecture et ralentissaient l’obéissance au texte. Si on n’est pas sûr de ce que dit un texte, on va plus doucement, on interroge sa propre histoire et même peut-être ses propres pulsions. Bien sûr Adeline introduirait ce désordre et cette subversion en douceur car l’introduire violemment serait tomber dans le même excès qu’une rigueur à la lettre. Pour Adeline, lire était un acte doux qui se réalisait dans la banalité du Bien des Justes, dans un vivre ensemble qui ne cesserait jamais. Robinson Crusoé est une métaphore splendide de la solitude mais tout au bout de cette métaphore, à portée de main de Robinson, on rencontrait Vendredi qui écrivait le pluriel de Robinson à partir duquel il s’écrivait UN, à partir duquel il ne cesserait pas de parler avec un autre qui lui permettrait de rester humain, Homme à con-naître
Con-naissance, naissance avec Connaissance. Adeline aimait Hannah qui la guidait dans ce chemin là de l’existence. Freud avait aidé Adeline dans tout ce qui faisait insistance à sa vie, Gandhi et Martin Luther King avait aidé à Adeline dans tout ce qui faisait résistance civile à sa vie, une longue liste d’écrivaines femmes avait aidée Adeline à s’affirmer dans l’élaboration de la sororité mais Hannah l’avait aidé à naître dans son engagement politique. Adeline restait définitivement à gauche de l’Hémicycle, mais elle resterait toujours et principalement juive, attentive à la superfluité, au pluralisme, à la singularité de chacun et surtout aux parias, à leur parole. Adeline avait choisi l’acte de lire et celui d’écrire pour combattre.
Mais Adeline savait que la beauté du monde ne pouvait se loger ailleurs que dans cet indicible point de suspension. Alors Adeline continuait sa lecture d’Hannah Arendt.
Il lui faudrait lire Kant pour comprendre Juger, l’oeuvre en suspens de la mort d’Hannah, sa dernière feuille sur sa machine à écrire ; malgré tout Adeline a pressenti dans cette lecture là ce qu’elle avait en elle depuis toujours : le rêve d’une nécessaire communicabilité entre les hommes pour qu’advienne une nécessaire citoyenneté, une nécessaire responsabilité, une nécessaire fraternité ; et surtout un nécessaire amour, un nécessaire lien entre les hommes et les femmes. Adeline lirait encore, la thèse d’Hannah Le concept d’amour chez Augustin
Et c’est pour tout cela que Adeline une juive laïque et lectrice et écrivaine aimait Hannah, une juive laïque et lectrice et écrivaine. Adeline si pensive aimait Hannah la penseuse La pensée d’Hannah Arendt pansait Adeline de sa souffrance du monde et grâce à elle, elle pouvait continuer parce qu’elle pouvait mettre du sens sur les blessures du monde et même sur la Shoah. Un tout petit peu de sens. Et même sur d’autres génocides. Chaque génocide commençait par la volonté d’un seul de tuer le pluriel d’un peuple. Seules des pensées plurielles pouvaient s’y opposer et c’étaient ces pensées plurielles qu’Adeline cherchaient dans les livres et dans leur partage. Parler les livres c’était les agir dans la pluralité de tous. Chaque lecteur emportait avec lui parole et action si chères à Hannah Arendt.
Hannah Arendt était une auteure d’une extrême ampleur et Adeline savait que sa vie n’y suffirait pas à l’étudier comme elle l’avait étudié Freud dans sa jeunesse du temps où elle voulait devenir psychanalyste pour aider les autres à être, à naître ou renaître et à s’y reconnaître pour mieux commencer et recommencer la liberté citoyenne. Et dans sa quête de lectures de la femme mûre, puis âgée qu’elle était devenue elle ne voulait pas renoncer à sa quête de jeunesse ; elle voulait comprendre l’histoire et la politique à partir de l’expérience, à partir de son expérience de femme, à partir des actualités politiques, à partir des scandales de l’humain toujours à dénoncer, à combattre.
De nombreux auteurs aidaient Adeline, l’autodidacte dans sa découverte d’Hannah Arendt : Martine Leibovici, Françoise Collins, Wolfgang Heuer, Julia Kristeva, Laure Adler, Sylvie Courtine –Denamy, Fred Poché. Adeline pour se soigner du temps lisait Proust en boucle, Adeline pour se soigner de l’inconscient lisait Freud en boucle, Adeline pour se soigner de l’Histoire lisait Hannah Arendt en boucle. Elle voyageait de Combray à New-York en passant par Rome et Vienne ; de tous ses voyages elle ramenait la vie... incertaine, vacillante… La vie en question (s).
Marie-José Annenkov