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7 décembre 2021 2 07 /12 /décembre /2021 10:55

Ma vie

Sofia Tolstoï

Editions des Syrtes

2010 pour la traduction française

 

En quatrième de couverture, nous pouvons lire :

 

« Sofia Andrievna (1844-1819) est la fille du docteur Andrei Bers, médecin attaché à l’administration de la cour impériale.  Elle épouse Lev Tolstoï le 23 septembre 1862 à 18 ans, alors que lui en a 32. Il est en pleine gloire, célèbre pour les Récits de Sébastopol, Les Cosaques ou Enfance. De leur union naîtront 13 enfants dont huit survivront. Après la révolution d’Octobre, elle demeure en compagnie de sa sœur, Tatiana, dans le domaine de Iasnaïa Poliana nationalisé, essayant de sauver les livres et les manuscrits de Tolstoï. Atteinte d’une pneumonie, elle meurt le 4 novembre de 1919.

Dans mes moments de tristesse ou de mélancolie, j’ai une soif de noms russes. Ce jour, je me suis dirigée vers ma bibliothèque et j’ai tiré du rayon russe, Sofia Tolstoï proche de Guerre et paix. Je les aime tant tous deux ! Je m’allonge et commence ma lecture, ma relecture.

 

«  Je naquis le 22 août 1844 au village de Pokrovvskoïe  dans la propriété de Glebov-Strechniev où mes parents passaient l’été, à douze verstes de Moscou (Soit une douzaine de kilomètres.) »

Un bon roman, pour les fêtes… Des noms russes à volonté !!! pendant 1050 pages grand format... 😊

 

Marie-José Annenkov

 

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15 août 2021 7 15 /08 /août /2021 16:11

Agota Kristof

L’Analphabète

Récit autobiographique

Editions Zoé, Genève.

2021

 

Dans un des derniers chapitres de ce court roman, intitulé Comment devient-on écrivain ? Agota Kristof nous livre son secret

 

« Il faut tout d’abord écrire, naturellement. Ensuite, il faut continuer à écrire. Même quand cela n’intéresse personne. Même quand on a l’impression que cela n’intéressera jamais personne. Même quand les manuscrits s’accumulent dans les tiroirs et qu’on les oublie, tout en en écrivant d’autres »

 

Mes tapuscrits s’accumulent dans mon ordi. Parfois, je les oublie, parfois je les reprends pour les réécrire, parfois silencieuse et seule je les relis avec étonnement.

En cette fin d’été, je remercie ceux qui ont témoigné de l’intérêt à mes écrits au fil des années écoulées.

 Ce sont mes amis.

Merci aussi à Agota Kristof pour son beau roman, L’Analphabète.

 

Marie-José Annenkov

Ecrivaine

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15 juillet 2021 4 15 /07 /juillet /2021 10:52

En vacances jusqu’au 15 août.

Bon été !

MJA

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12 juillet 2021 1 12 /07 /juillet /2021 17:55

Les comètes sont composées

d’un tiers de glace

d’un tiers d’eau

et pour le reste de Plantin

pas de Pernod

c’est sur cette roche

que l’on bâtit

l’univers qui se déplace

 

sensiblement

 

Cécile Riou.

 

Merci l’Amie !

 

Marie-José

 

  • Adhérente les mille univers

32 bis, route de la chapelle

18000 Bourges

 

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10 juillet 2021 6 10 /07 /juillet /2021 18:32

 

Elle serait une virgule de l’impossible puzzle qui l’imprimerait femme ; du linge à étendre, une vaisselle à rincer, un baiser de lui son amour, un enfant à consoler, un regard vide devant la télévision, une amie qui parle, une minute de solitude, une larme qui coulerait, un instant de clarté, un ongle cassé, un moment à ne rien faire, le gâteau du dimanche à pétrir, les plantes de la salle à manger à arroser, le livre à feuilleter, la framboise à ramasser, la tendresse à exprimer, l’autre à écouter, la lettre qui n’arriverait pas, la robe neuve à choisir, le baiser du soir aux enfants, l’étreinte dans la nuit, une page blanche à écrire.

 

Elle serait l’épouse, la mère, la fille, la sœur, l’amie, la belle-fille, la belle-sœur, la cousine, la mère, la voisine, la passante (Aujourd'hui, elle ajouterait la grand-mère).

 

Elle serait la craquelure de ce qui ne cesse de se taire.

 

Elle serait des mots, des mots cannelle, des mots amers, des mots doux, des mots sucrés, des mots cristaux, des mots fleurs, des mots peur, des mots qui mourraient, des mots soufflés, des mots balbutiés, des mots chuchotés, des mots qui blesseraient, des mots qui égratigneraient, des mots qui ratureraient, des mots tonnerre, des mots d’hier, des mots perdus, des mots oubliés, effacés. Des mots refoulés.

 

Elle serait la lassitude dans ce qui se répète et s’use, imparfait des certitudes, bruissement d’ailes, tournoiement de l’être.

 

Elle serait une femme.

La Multiple.

 

 

Marie-José

La valse des Narcisses texte inédit 1982

 

 

 

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20 juin 2021 7 20 /06 /juin /2021 10:36

A voté ! (Deux fois.)

 

La citoyenne

Marie-José Annenkov

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30 mai 2021 7 30 /05 /mai /2021 20:46

Souvenir : Clara avait sept ou huit ans. C’était le jour de la fête des mères. Flora était venue chercher Clara à Cormeilles en Parisis. Correspondances à Argenteuil et à Saint-Lazare. Train à deux étages. Clara s’asseyait toujours en haut. Elles étaient encore toutes les deux sur le quai. Clara avait laissé échapper de ses mains une précieuse lettre, celle rédigée avec application pour la Fête des mères qu’elle devait remettre à Flora le lendemain. Elle pleurait parce que la lettre s’était envolée sous le train à l’arrêt Flora surprise interrogea Clara qui alors lui expliqua la nature du malheur et le miracle se produisit : Flora alla voir le chef de gare ; en aparté  elle lui expliqua quelque chose ; le cheminot descendit du quai, se faufila entre les roues et récupéra la précieuse lettre. Il la tendit à Clara qui récupéra ainsi la précieuse lettre et qui de joie l’embrassa. De ce jour, Clara gardait une grande confiance et une grande tendresse pour les adultes, un grand respect pour Flora qui avait respecté sa peine. Par la suite Clara et Flora vécurent ensemble de nombreuses Fêtes des mères réussies. Clara offrait des fleurs ou un livre ou un châle ou des chaussons. Toujours du chaud. Mais les relations difficiles qui s’instaurèrent entre elles deux entraînèrent la raréfaction des idées.

Lettre perdue, lettre retrouvée. Chaque fois que Flora et Clara se rencontraient, symboliquement elles s’envoyaient une lettre dans laquelle elles se disaient que c’était possible de s’aimer. Mais leurs lettres leur échappaient et elles se manquaient. C’était le bruyant malentendu. A chaque fois que Clara songeait à tout cela les larmes l’envahissaient. Apparaissait à nouveau Flora parlant avec le chef de gare et l’heureux dénouement de l’histoire. Pourquoi n’avait-elle pas eu ce souvenir du vivant de Flora ? Et avec cette interrogation se profilait l’irréductible sentiment de la mort et défilait devant ses yeux le paysage de sa jeunesse, de sa vie de femme, un paysage lent inscrit dans du temps dépassé à tout jamais.

 Aujourd’hui, le souvenir envolé était prégnant, sa poitrine se serrait à exploser et dans son corps un cri hurlait le manque de la mort.

 

J’ai écrit La femme en retard, l’hiver qui suivit la mort de ma mère le 21 septembre 1997. J’ai réécrit 4 fois ce livre, ne trouvant pas les pronoms personnels. Un texte qui ne pouvait s’écrire pas plus que ce retard que j’avais pris sur son destin et sa douleur de femme. Puis j’ai trouvé Clara et Flora. Mon texte est devenu livre, autofiction publiée par les éditions La Brochure en 2008.

Je n’ai oublié ni ma mère, ni le manque, ni notre malentendu. La douleur du deuil s’est apaisée. Cette fête des mères 2021, je pense à elle.

Bonne fête maman !

 

Marie-José

 

 

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30 mai 2021 7 30 /05 /mai /2021 16:45

Aujourd’hui quelqu’un avait prononcé devant Clara le mot mortuaire, ça s’était serré en elle et  elle avait pensé « maman. » Aujourd’hui encore, quelqu’un d’autre avait prononcé le mot MAPA.  Une fois encore, cela s’était  serré en elle, elle avait pensé à Flora. Clara comprenait  que Flora n’était plus, que ce monde dans lequel elle vivait, elle travaillait, elle existait n’était plus celui de Flora. En Clara, il y avait une grande douceur. Peut-être était-ce la douceur dont Flora avait parlé quand les derniers temps elle lui avait dit  « j’ai une douceur.»  La peine adoucit. Pas toujours. Parfois, elle révolte. Entre colère et douceur, il n’y a qu’un pas, un tout petit pas, celui de la tristesse. C’était peut-être ce que Flora avait voulu dire à Clara, quand elle, si pleine de colère autrefois,  avait murmuré  « j’ai une douceur. »

Clara prit alors un des livres de Flora ; retrouver un de ses livres c’était la retrouver. Elle avait choisi dans une collection pour lycéen les Journaux de Marivaux. Flora avait souligné, annoté, Clara retrouvait ses marques comme une caresse. Flora avait souligné plusieurs fois le mot « sensibilité. » Clara était trop fatiguée pour découvrir Marivaux, mais elle regardait l’écriture de Flora, ses traits tremblants qui signaient les fermes mots imprimés. Dans cet écart du tremblant et de l’imprimé, Clara savait que Flora avait existé. Clara savait  qu’il était trop tard pour réussir la seconde avec Flora mais il lui restait un trait tremblant, une écriture, il restait le passant qui prononçait les mots « mortuaire » et « MAPA », il lui restait une photo, la dernière, et ses larmes.

 

Marie-José Annenkov-Colet

La Femme en retard

Edition La Brochure

2008 (épuisé)

 

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9 mai 2021 7 09 /05 /mai /2021 09:47

 

Je vous offre ce jour un texte inédit que j'ai écrit en 2019.

 

Lire et penser

 

« Lire et penser » : 5 petits anneaux en or très fin surplombés de petits diamants de couleurs différentes.

A ceux, qui de l’aube au crépuscule,  s’appliquent à penser.

 

Ecrire, penser,  ressorts de la vie d’Adeline. 

Depuis toujours.

Dans son quotidien

Dans sa  presque solitude

Dans son partage à tout âge.

Pour Adeline, penser

est son engagement

sa boussole, son guide

sa droite route

son ciel, son miel

ses jours, ses Toujours

sa nuit, son firmament

ses  lunes, ses dunes, ses doutes

son manque,  son temps, son espoir

ses bleus, son gris,  son il était une fois

son « comme moi » « notre comme toi »

son identité, sa citoyenneté

sa fortification, son invention

sa création, sa récréation

son cahier, son clavier 

sa confidente, son miroir

son or, jamais sa mort

ses pages trop sages

son âge, son rivage, sa spirale

sa dormition, sa séparation

sa disparition, sa réparation.

 

Liberté de lire et de penser, liberté d’écrire dans le fil du temps pour ses enfants et petits- enfants. Leur dire ce en quoi elle espère,  leur dire ses combats, leur dire son cœur qui bat, leur dire tant de son âme incertaine. Lire au passé, au présent, au futur de sa vie emmêlée à celle de tous.

 

Elle est née pour  connaître et  nommer ses livres dans le mouvement d’une éthique de l’être. Vivre sans éthique, sans lire et penser, c’est mourir de ne rien comprendre à sa vie, au monde comme il tourne, au temps comme il s’arrête, c’est ne rien comprendre à ses rencontres avec les autres, à ses engagements personnels et professionnels. Chacun, son fil d’Ariane pour se retrouver dans son labyrinthe identitaire, chacun son trapèze pour s’élancer dans l’air du temps de son désir d’humain, celui d’hier et de demain. La bibliothèque D’Adeline est son trapèze. Adeline lit pour penser le sens de sa vie, l’offrir en partage aux autres.

 

Donner du sens à  sa vie, c’est vivre deux fois.

Adeline existe à partir des livres qu’elle aime.

son identité passe par ses livres et ceux des autres.

Adeline prend le risque d’être dans le partage à partir duquel son identité se constitue. Hannah Arendt l’écrit dans son Journal de pensées, pour être Un il faut être Deux. Adeline prend le risque du Deux et même du Millier pour exister UN, dans le temps de l’action et de la parole dirait encore Hannah Arendt. Elle lutte contre l’immédiateté de son époque, contre son règne de l’avoir qui la ronge et la détruit.

 

 Adeline parie son identité chaque jour. Un pari contre Thanatos, un pari contre tout ce qui fait destructivité, un pari contre la guerre et la maladie, un pari contre la haine et l’envie, un pari contre la culpabilité, un pari contre la solitude, un pari contre son égoïsme et son agressivité toujours à l’œuvre, un pari contre la tyrannie de certains, un pari contre la méchanceté de certains autres, un pari contre la bêtise.

 Son identité, Adeline la parie chaque jour, avec panache, sa bague Lire et penser au doigt, au risque d’être lectrice.

 

MIROIR D’ENCRE

 

Un nous d’encre

Miroir noir

Ivoire bleu

Miroir de feu

Miroir de nous

Miroir d’encre

Entrons

Dans le nous et l’encre

Existons

Dans l’antre de notre encre

Entrons

 

Avec sa bague Lire et penser, Adeline invente ses fictions plurielles, socle de son identité  dans le temps de l’ambre blond, du temps généreux à profusion, du temps qui n’en finit pas de glisser et de déglisser, de voiler et de dévoiler, de ralentir pour s’envoler plus haut encore, du temps comme une robe qui se dérobe, qui la couvre.

 

Lisant, pensant,

Adeline découvre sa pensée et sa  mouvance intérieure

Elle murmure son hymne, son essentiel  

Elle retrouve son enfance

Elle invente son pas de danse

Dirait Charlotte Delbo.

 

Adeline est ceux qu’elle a lus, avec qui elle pense.  Ces autres, ses amis qui lui disent que vivre est possible parce que pour eux cela l’a été dans le temps de l’écriture. Ce qu’ils ont pu écrire, Adeline le lit comme une dette contractée, comme la réception d’un testament légué par ses ancêtres les auteurs. Sa patrie, les livres. Comme Amos Oz, elle est « patriote du langage. »

 

Son étendard est le savoir de tous

 

Son hymne, le bruissement des ailes de La Colombe de Picasso

 Son ciel, les pages de ceux qui, un jour ont écrit sa vie.

L’important, est  pour Adeline, d’être avec ses livres.

                Adeline lit et pense ! Elle est  libre !

 

Page

Après

Page.

Pensée

Après

Pensée

Silence

Après

Silence

Dans le sillon de sa bague Lire et Penser !

Qui la creuse

Heureuse

Et sage.

 

Cette bague est une bague préférée d’Adeline. Elle est douce à son doigt. Elle ouvre à tous son désir d'intellectuelle.

 

Marie-José Annenkov

Femme. Lectrice et écrivaine                                           

 

 

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8 mai 2021 6 08 /05 /mai /2021 18:25

 

Pour fêter La Victoire je vous offre ce texte inédit écrit en 2019. Bonne et longue lecture !

 

Hannah Arendt, la si grande philosophe politique, née le 14 octobre 1906 en Allemagne , morte, entourée d’amis à New York le 4 décembre 1975.

Adeline aimait le beau visage de jeunesse d'Hannah Arendt et son sourire de femme mûre. Adeline trouvait parfois qu’elle lui ressemblait. Le regard surtout qui abritait la pensée dans une certaine attente. La pensée non éclose. La pensée à advenir, l’existence à  survenir parce que penser c’était exister passionnément pour Hannah comme pour Adeline. Les livres étaient là pour nous sauver de la solitude pensait depuis toujours Adeline et Hannah Arendt avait sauvé Adeline du désespoir de la mort de celles qu’elle aimait et du désespoir d’une société de marges et d’exclusions, d’une société où la parole des parias étaient encore trop souvent largement ignorée.  Ce qu’aimait Adeline dans l’oeuvre d’Hannah Arendt c’était le génie de la pensée et des langues qui abritaient cet immense fleuve de pensée. Comment pourrais-je  parler d’Hannah Arendt  sans parler l’anglais, l’allemand et le grec sans avoir lu Platon, Aristote, Sophocle, Hérodote, Héraclite, Heidegger, Nietzsche, Marx, Jasper, Kierkegaard, Kant, Locke, Hobbes, Lazare et tant et tant d’autres ? Hannah était une femme de mots et de livres. La seule chose qui l’intéressait au monde c’était de penser. Et en cela, Adeline lui faisait écho. Depuis toute petite Adeline pensait. Elle le savait. C’était inscrit dans les cernes de ses yeux, dans ses migraines trop fréquentes, dans son regard solitaire mais aussi dans ses enthousiasmes féconds qui donnaient à sa bouche tant de sourires et de rires.

Adeline aimait lire Hannah parce qu’elle  interrogeait le monde et dépassait la solitude de penser seule, ce que Hannah appelait la pensée dialogique. Hannah posait des questions. Sans cesse. Sur la culture, sur le mensonge, sur la violence dans la politique, sur sa judéité et celle des autres, sur l’amour, sur l’amitié, sur la justice, sur la volonté, sur la réconciliation et le pardon, sur le mal celui si radical des nazis, sur celui de tous les totalitarismes, sur Eichmann, sur les philosophes, Jaspers, Heidegger, sur les poètes, sur Rainer Maria Rilke, sur son ami Walter Benjamin, sur ses deux maris, le second, dont elle fut si amoureuse, parce qu’elle l’aimait et qu’il reconnaissait son identité d’intellectuelle, compagnon de ses engagements de vie : l’écriture et la politique.  Elle écrivait du lieu de ses poèmes et de ses ombres. Elle écrivait ses exils, les géographiques et ceux de l’âme. Adeline comme Hannah se sentait en exil d’elle-même. Un exil qui venait de l’enfance. Adeline l’enfant silencieuse, Hannah, l’enfant de silence et déjà de questions. Il fallait comprendre. Il fallait penser pour prendre racine dans ce monde si affolant des adultes puis des autres qui inventaient cette politique qui toujours avait passionnée Hannah comme Adeline ; la politique lieu de rencontre des humains dans l’histoire des générations sans cesse inventée, de ce pluriel sans cesse recrée à partir de la singularité de chacun. Adeline, Hannah, deux femmes cherchant à comprendre, à défendre le monde des parias contre celui des parvenus.  Hannah avait été longtemps apatride, sans lieu pour penser, et donner la parole aux parias, lui était essentiel. Essentiel aussi, leur donner l’accès à la pensée pour que jamais le Mal radical ne revienne, donner la parole aux parias, leur donner l’accès à la pensée pour que s’installe une vraie démocratie, celle qui dirait un non définitif au totalitarisme qui tuait la singularité et le pluriel, qui engendrait le « tous pareils », la toute-puissance du pouvoir. Comprendre. Prendre racine dans la profondeur de l’humain. Comprendre pour dénoncer ceux qui un jour dirent que les hommes, les juifs mais d’autres aussi pouvaient être superflus. Hannah écrivait, Adeline lisait, Hannah et Adeline s’engageaient dans ce monde de vies, d’existence et de pensée. Deux femmes qui refusaient les chemins de l’injustice. Deux femmes qui lisaient passionnément, deux femmes qui cherchaient jusqu’à l’épuisement, deux femmes qui aimaient le murmure du vent et les plaines labourées par leurs pensées incessantes. Deux femmes complexes, dans le paradoxe du non manichéen et du pluriel, deux femmes qui défendaient et croyaient aux concepts de liberté, d’égalité, de fraternité. Adeline disait adelphie parce que ce mot recouvrait de l’harmonie entre les hommes et les femmes. Hannah disait que le UN de chacun n’existait qu’à partir du pluriel des autres ; Hannah disait que chacun était un QUI ne pouvant se révéler que dans le réseau des autres humains, que dans la cité ; c’était pour cette raison même que Adeline aimait la vie associative qui toujours faisait réseau pour les uns et pour les autres, tissu social garant de démocratie en était convaincue Adeline. De démocratie et d’existence.

Ainsi dans son travail de formatrice d’ateliers de lecture qu’elle animait depuis des années,  Adeline laissait une large place au travail citoyen de tous qui aidait à constituer l’identité de chacun. C’était sa foi et celle d’Hannah Arendt. L’être humain existait à partir de la cité et voilà pourquoi pensaient ces deux femmes l’exclusion était un crime. Exclure de la cité sous toutes formes d’exclusion c’était priver de parole celui ou celle qu’on excluait et priver de parole c’était priver d’action, c’était priver d’être, c’était priver de récit, celui-là même qui rendait possible de supporter tout chagrin.

Ainsi Adeline luttait auprès des hommes pour la prise en compte des difficultés spécifiques des femmes et de leurs droits à  les défendre.

Ainsi Adeline luttait contre tout ce qui faisait exclusion  en travaillant, en lisant, en écrivant, en militant, en parlant, en marchant dans sa ville.

Hannah aimait les récits et Adeline aussi. La lecture, les livres étaient des récits, Les Milles et une nuits de leurs jours et de leurs vies, Les milles et une nuits qui les tenaient en vie dans le suspens de leur temps et de leur mémoire, dans le souffle de ce qui se renouvelle sans cesse : la promesse tenue à l’autre de continuer malgré l’oubli. Et ce depuis l’antiquité.

Adeline connaissait  peu les textes antiques mais Hannah ne connaissait que  ceux-là. Son texte saignait de langue grecque. C’était beau à lire, cette fente du texte dont s’échappait la langue grecque, comme un fleuve de vie d’une blessure qui aurait pu tuer Hannah, la femme blessée d’être femme, blessée de son enfance quand son père syphilitique mourut, Hannah, la juive blessée qui dut s’exiler,  Hannah la juive qui du découvrir la Shoah dans un après-guerre de paroles terribles si terribles qu’elles parurent incroyables à Hannah, à Flora, la mère de Adeline. De l’impossible à croire et l’humanité s’écroule dans le néant. Oui, ça avait eu lieu, le Mal radical, celui qu’on ne pouvait pardonner, celui qui rendait impossible toute réconciliation, tout partage. La Shoah ou l’impossible des hommes, Hannah dont la langue maternelle l’allemand fut une souffrance à laquelle elle ne voulut jamais renoncer. Alors, elle apprit l’anglais, se fit traduire en français, inventa un compromis avec le grec, splendeur des anciens qui la pansa, lui redonna vie. C’était possible de vivre avec Sophocle, Hérodote, c’était possible de vivre avec la polis comme référence de pensée, c’était possible de continuer avec la nécessité retrouvée de la cité. C’était possible de vivre dans la citoyenneté parce que la politique c’était le pluriel du monde et le respect du singulier de chacun. Hannah et Adeline par la politique vivaient leur engagement de femmes debout, par leur paradoxe, elles luttaient contre une pensée totalisante et toute puissante. Elles étaient singulières quand le pluriel mettait fin à la toute-puissance de la solitude. Les livres étaient un immense pluriel et c’est pour cela pensaient-elles toutes deux que la pensée de tous et de chacun devaient être par la culture. Mais Hannah était limpide et exigeante sur ce point. Rien n’était pire que de ne pas penser car ne pas penser laissait place à l’obéissance servile et obtuse, telle celle d’un Eichmann, d’un n’importe qui robotisé à l’extrême où les ordres envahissaient le cerveau vide. Mais tout aussi immensément terrible était un cerveau plein de pensées solitaires, qui ne seraient pas confrontées au pluriel des autres, un cerveau dialogique dans la toute-puissance de la tour d’ivoire, dans le piège du renard Heidegger qui le menait à trahir ses amis juifs. Le bout du chemin. Le bout du désastre et de la honte.  Heidegger l’amant était le paradoxe d’Hannah quand le rapport Maître, élève signifiait l’impossible du désarroi de la femme. Toujours la femme. Quand la femme souffrait. Quand Hannah et Adeline pensaient et pansaient leur solitude. Changer de ligne. Lire. Tourner la page.

Faire jaillir les étincelles quand Hannah comparait splendidement le surgissement de la pensée à l’étincelle de deux pierres à feu. La pensée ne pouvait que surgir, elle ne s’élaborait pas, elle ne se démontrait pas. Si, sans doute, elle s’élaborait car Hannah Harendt était une femme rigoureuse mais elle s’élaborait dans un second temps. Après le surgissement, l’étoile filante dans les ténèbres de la solitude, après l’étincelle. La pensée alors pouvait advenir dans  une élaboration sans violence. La logique était violente. Combien Adeline suivait Hannah sur ce chemin-là. Adeline détestait les gens qui démontraient les choses. Elle les fuyait, elle les craignait parce qu’ils dévidaient leur vie de leurs affects. Elle savait que même les sciences les plus exactes laissaient une place nécessaire au célèbre Euréka ! La pensée ne pouvait être qu’un Euréka même si le fleuve souterrain coulait lentement avant et après l’élan. La pensée humaine pour être belle et vivante devait être lente et puissante mais jamais violente. Et Adeline aimait Hannah pour cela. Sa douce lenteur, ses répétitions et puis soudain elle disait ce qu’il fallait dire : les totalitarismes à dénoncer, la complexité du sionisme, les interprétations des antisémitismes, l’histoire, le travail, le questionnement sur Marx, le danger de l’acosmisme, la philosophie de l’étant, la philosophie politique, le risque politique des états-nations, les démocraties en danger. Elle  pensait, elle pensait, n’arrêtait pas, elle marchait dans l’espace du monde qui tournait, qui vivait, qui cherchait. Hannah était une chercheuse d’or,  l’or de ce qui serait le  meilleur des hommes, la foi dans leur pluriel si le pire n’existait pas.

Le génocide. Pour Adeline, un être, sa grand-mère. Pour Hannah, une longue, très longue pensée, après avoir échappé de justesse au nazisme et au camp de rétention dont elle put s’échapper à temps.

Il était une fois des juifs indécis qui ne savaient s’ils voulaient être assimilés ou non.

Il  était une fois des juifs dont la conscience politique était trop rare, dans une histoire « sans politique »

Leur solitude. Toujours de la solitude. Alors Hannah racontait, contait même la politique.

Il était une fois l’affaire Dreyfus.

Il était une fois Panama.

 Il était une fois, la IIIe république. Il était une fois l’état-nation et  l’expansionnisme, le pouvoir et la bourgeoisie.

Il était une fois la foule.

 Il était une fois l’impérialisme, ses investissements et l’accumulation des pouvoirs. La perte du lien humain et soudain le racisme. Non ! Pas soudain. Dans la lenteur des siècles. Gobineau.Le cancer. La bête immonde. Le chômage. Le fascisme. La montée d’Hitler. L’impensable. Le Mal radical .

Enumérer pour dire l’impossible phrase humaine. Quand ’humanité avait perdu ses liens, Quand la phrase avait perdu son verbe, quand les pierres à feu avaient perdu leur étincelle. La coupure d’avec l’humain. Le désastre dans l’humanité. Quand l’horreur se faisait génocide ou le contraire. Les contraires étaient brisés. Restait le rien qui chavire celui qui reste. Restait la tragédie. Non pas celle de Sophocle qui disait l’histoire des hommes. Celle d’Hitler qui la détruisait.

Mais Hannah reconstruisait et écrivait La condition de l’homme moderne. Le livre d’Hannah qu’Adeline avait préféré. Qu’inventait l’homme pour ne pas tomber dans l’impensable du totalitarisme ?  Il était  alors une fois, le travail, la création, la pensée, l’action. La nécessaire politique pour s’y retrouver citoyens et non plus opprimés ou parias. Il était une fois, la promesse, le recommencement, la naissance. Adeline avait trois enfants et avait connu ce miracle de liberté par trois fois. Adeline pouvait continuer malgré la détresse du monde parce qu’elle avait à transmettre ce même monde dans le mouvement de ses engagements, dans le mouvement de l’imprévisible de sa vie, dans le malentendu d’exister et d’aimer. Dans le malentendu d’insister pour le meilleur, elle femme existante, elle femme insistante, elle femme résistante, elle femme obstinée.

Adeline lisait Hannah avec son intelligence, avec son âme, avec son corps trop souvent fatigué et parfois Adeline ne comprenait plus Hannah. Alors, elle refermait le livre mais le lendemain, elle le reprenait. Dans le temps alterné du livre qui se fermait  et qui s’ouvrait, Adeline continuait sa lecture et sa vie. Son amitié avec Hannah l’intelligente, la déterminée à être, la soutenait, l’emportait dans l’Histoire, la solidifiait, la consolidait, elle la fragile. Parfois, Adeline ralentissait son engagement dans la lecture d’Hannah ; elle hésitait. Adeline savait être une femme hésitante. Une femme pensive au-dessus d’une vérité vacillante. Quand elle lisait Eichmann à Jérusalem, elle lisait avec une lenteur extrême. Elle n’était pas suffisamment historienne pour valider ou invalider la thèse de la coopération des Conseils juifs à la déportation. Adeline ne savait pas et la page devenait voile noir de désespérance car Adeline, femme désespérée pouvait imaginer que cela fut possible, un tel effondrement moral. Elle ne jugerait pas. Elle pleurerait. Comme Hannah qui elle aussi était désespérée, mais d’un désespoir qui ne pouvait se dire. Adeline lisant ce livre sur Eichmann percevait une immense rigueur qui semblait contenir ce désespoir. S’il n’était pas contenu Hannah en mourrait. Alors, s’inscrivirent sur les pages du livre les mots pour dire un regard impitoyable sur la réalité psychique d’Eichmann et de quelques autres Eichmann qui s’ignoraient, des Eichmann potentiels à force d’obéissance à la loi, au  règlement, au texte. Et Adeline, décidément désespérée connaissait de telles personnes « appliquées ». « On nous le demande ». On nous le demande l’absurde et le quantifiable. Cette description de la banalité du mal la terrifiait, la glaçait et c’est pour cette raison là qu’elle lisait si lentement ce livre-là. Elle lirait toute roide mais elle le lirait jusqu’au bout du chemin noir qu’il traçait. Et Adeline savait sa nécessité à elle, de professionnelle obstinée. Elle continuerait envers et contre toutes les difficultés rencontrées ses ateliers de lectures qui bousculaient la rigidité  potentielle des textes et qui d’une certaine façon lente introduisait la subversion dans la lecture et ralentissaient l’obéissance au texte. Si on n’est pas sûr de ce que dit un texte, on va plus doucement, on interroge sa propre histoire et même peut-être ses propres pulsions. Bien sûr Adeline introduirait ce désordre et cette subversion en douceur car l’introduire violemment serait tomber dans le même excès qu’une rigueur à la lettre. Pour Adeline, lire était un acte doux qui se réalisait dans la banalité du Bien des Justes, dans un vivre ensemble qui ne cesserait jamais. Robinson Crusoé est une métaphore splendide de la solitude mais tout au bout de cette métaphore, à portée de main de Robinson, on rencontrait Vendredi qui écrivait le pluriel de Robinson à partir duquel il s’écrivait UN, à partir duquel il ne cesserait pas de parler avec un autre qui lui permettrait de rester humain, Homme à con-naître

Con-naissance, naissance avec Connaissance. Adeline aimait Hannah qui la guidait dans ce chemin là de l’existence. Freud avait aidé Adeline dans tout ce qui faisait insistance à sa vie, Gandhi et Martin Luther King avait aidé à Adeline dans tout ce qui faisait résistance civile à sa vie, une longue liste d’écrivaines  femmes  avait  aidée Adeline à s’affirmer  dans l’élaboration de la sororité mais Hannah l’avait aidé à naître dans son engagement politique. Adeline restait définitivement à gauche de l’Hémicycle, mais elle resterait toujours et principalement juive,  attentive à la superfluité, au pluralisme, à la singularité de chacun et surtout aux parias, à leur parole. Adeline avait choisi l’acte de lire et celui d’écrire pour combattre.

Mais Adeline savait que la beauté du monde ne pouvait se loger ailleurs que dans cet indicible point de suspension. Alors Adeline continuait sa lecture d’Hannah Arendt.

Il lui faudrait lire Kant pour comprendre Juger, l’oeuvre en suspens de la mort d’Hannah, sa dernière feuille sur sa machine à écrire ;  malgré tout Adeline a pressenti dans cette lecture là ce qu’elle avait en elle depuis toujours : le rêve d’une nécessaire communicabilité entre les hommes pour qu’advienne une nécessaire citoyenneté, une nécessaire responsabilité, une nécessaire fraternité ; et surtout un nécessaire amour, un nécessaire lien entre les hommes et les femmes. Adeline lirait encore, la thèse d’Hannah  Le concept d’amour chez Augustin

Et c’est pour tout cela que Adeline  une juive laïque et lectrice et écrivaine aimait Hannah, une juive laïque et lectrice et écrivaine. Adeline si pensive aimait Hannah la penseuse La pensée d’Hannah Arendt pansait Adeline de sa souffrance du monde et grâce à elle, elle pouvait continuer parce qu’elle pouvait mettre du sens sur les blessures du monde et même sur la Shoah. Un tout petit peu de sens. Et même sur d’autres génocides. Chaque génocide commençait par la volonté d’un seul de tuer le pluriel d’un peuple. Seules des pensées plurielles pouvaient s’y opposer et c’étaient ces pensées plurielles qu’Adeline cherchaient dans les livres et dans leur partage. Parler les livres c’était les agir dans la pluralité de tous. Chaque lecteur emportait avec lui parole et action si chères à Hannah Arendt.

Hannah Arendt était une auteure d’une extrême ampleur et Adeline savait que sa vie n’y suffirait pas à l’étudier comme elle l’avait étudié Freud dans sa jeunesse du temps où elle voulait devenir psychanalyste pour aider les autres à être, à naître ou renaître et à s’y reconnaître pour mieux commencer et recommencer la liberté citoyenne.  Et dans sa quête de lectures de la femme mûre, puis âgée qu’elle était devenue elle ne voulait pas renoncer à sa quête de jeunesse ; elle voulait comprendre l’histoire et la politique à partir de l’expérience, à partir de son expérience de femme, à partir des actualités politiques, à partir des scandales de l’humain toujours à dénoncer, à combattre.

De nombreux auteurs aidaient Adeline, l’autodidacte dans sa découverte d’Hannah Arendt : Martine Leibovici, Françoise Collins, Wolfgang Heuer, Julia Kristeva, Laure Adler, Sylvie Courtine –Denamy, Fred Poché. Adeline pour se soigner du temps lisait Proust en boucle, Adeline pour se soigner de l’inconscient lisait Freud en boucle, Adeline pour se soigner de l’Histoire lisait Hannah Arendt en boucle. Elle voyageait de Combray à New-York en passant par Rome et Vienne ; de  tous ses voyages elle ramenait la vie... incertaine, vacillante… La vie en question (s).

Marie-José Annenkov

 

 

 

 

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