Si vieillir était une lumière à partager ? dit doucement Adeline
Doucement, elle ajouterait :
Si le bonheur de vieillir était le temps de respirer, d’écouter chaque matin les oiseaux, de regarder le ciel, de déguster lentement le miel du nouveau jour ?
Il était une fois Adeline.
Elle avait 92 ans
Ne coûtait cher
Ni à la société
Ni à ses proches.
Sa richesse intérieure, Adeline la partageait avec tous, encore fallait-il savoir l’apercevoir. Sa richesse c’était son don magique de l’écoute.
Ecouter
le bruissement des feuilles
lumineuses et verdoyantes
Ecouter la cascade
.les ruisseaux
Ecouter l’enfant qui pleure
Rassurer la mère qui le gronde
Recueillir la plainte de la passante
Ecouter le chat qui miaule
L’oiseau qui gazouille
Ecouter la jeune fiancée épanouie de bonheur qui se marie, le prochain samedi.
Adeline en silence, écoutait les autres, ses autres. Leur répondait. Sa réponse les réconfortait, eux si perdus dans leur temps dit moderne. Adeline prenait racine dans son passé.
Elle avait aimé
passionnément
loin de l’usure
des longues heures.
Elle avait travaillé
Elle avait connu trop de deuils et des feuilles de sa vie, déchirées par la mort, s’étaient envolées au large d’elle-même. Mais, Adeline n’avait jamais renoncé à exister, entêtée, obstinée, croyant au soleil levant, au soleil couchant. C’est sa force d’être qu’elle avait à donner et qu’elle donnait toujours, à l’ombre de ses jours. C’est pour cela qu’elle ne coûtait cher à personne. Elle était riche de son âme, de sa longue vie, de ses carences dépassées, de sa solitude vaincue.
Adeline en savait long sur la solitude ; elle était attentive à celle des autres.
Adeline pleurait quand elle entendait qu’elle coûtait cher. Cela lui donnait envie de mourir. Elle avait même entendu à la télévision, qu’elle était, pour ses enfants, un accident de la vie.
Comment pouvait-on être si cruel ?
Adeline savait qu’elle devait vivre encore un peu pour transmettre la bonté à ceux qui l’entouraient et leur donner encore un peu de sa richesse.
Vivre encore quelques années pour partager avec tous un peu du miel de mon âme avant de la rendre au ciel, dit doucement Adeline
A suivre,
MJA