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11 juillet 2010 7 11 /07 /juillet /2010 17:35

ANNEXE.

 

I N D I C A T I F

Présent

Je
tu
il
nous
vous
ils

suis
es
est
sommes
êtes
sont

 

Imparfait

j'
tu
il
nous
vous
ils

étais
étais
était
étions
étiez
étaient

 

Passé simple

je
tu
il
nous
vous
ils

fus
fus
fut
fûmes
fûtes
furent

 

Futur simple

je
tu
il
nous
vous
ils

serai
seras
sera
serons
serez
seront

 

Passé composé

j'
tu
il
nous
vous
ils

ai
as
a
avons
avez
ont

été
été
été
été
été
été

 

Plus que parfait

j'
tu
il
nous
vous
ils

avais
avais
avait
avions
aviez
avaient

été
été
été
été
été
été

 

Passé antérieur

j'
tu
il
nous
vous
ils

eus
eus
eut
eûmes
eûtes
eurent

été
été
été
été
été
été

 

Futur antérieur

j'
tu
il
nous
vous
ils

aurai
auras
aura
aurons
aurez
auront

été
été
été
été
été
été

 

 

 

 

S U B J O N C T I F

Présent

Que
que
qu'
que
que
qu'

je
tu
il
nous
vous
ils

sois
sois
soit
soyons
soyez
soient

 

Imparfait

que
que
qu'
que
que
qu'

je
tu
il
nous
vous
ils

fusse
fusses
fût
fussions
fussiez
fussent

 

Passé

que
que
qu'
que
que
qu'

j'
tu
il
nous
vous
ils

aie
aies
ait
ayons
ayez
aient

été
été
été
été
été
été

 

Plus que parfait

que
que
qu'
que
que
qu'

j'
tu
il
nous
vous
ils

eusse
eusses
eût
eussions
eussiez
eussent

été
été
été
été
été
été

 

 

 

 

C O N D I T I O N N E L

I M P E R A T I F

Présent

Je
tu
il
nous
vous
ils

serais
serais
serait
serions
seriez
seraient

 

Passé

j'
tu
il
nous
vous
ils

aurais
aurais
aurait
aurions
auriez
auraient

été
été
été
été
été
été

 

Présent
sois
soyons
soyez

Passé
aie été
ayons été
ayez été

 

 

 

I N F I N I T I F

P A R T I C I P E

Présent

être

Passé

Présent

étant

Passé

été

 

 

 

G E R O N D I F

 

Présent

en étant

Passé

 

 

 

 

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11 juillet 2010 7 11 /07 /juillet /2010 17:14

L’identité au risque de l’être (7)


L’identité au risque de l’adelphité


La vague


            Faire fondre en elle

            cette boule de silence

             dure et  pure

            qui vers le ciel blanc s'élance


            Cette boule de silence

             roule en elle

            depuis tant d'années

            amassant les fleurs fanées

            sur les rives de la mélancolie


            Une boule de silence

             coule en elle

            avec l'habitude de la solitude

             du temps emporte l'éternité,

            des heures épelle la multitude

            et brise l'infini


            Une boule de silence

             vers les autres s'écoule

            au coeur de la houle et de la foule

            recevant de chacun

            les vagues embruns de l'âme


            Une boule de silence

             dans un terrain vague échoue.

            De son enfance elle se souvient

            de ce terrain vague là


            C'était en face de son immeuble

            toute seule elle y jouait

            déplaçait les cailloux

            cherchait des secrets

            créait sa solitude et la cachait


            Une boule de silence

             vers son enfance roule

            dans un vague terrain vague

            Un vague sentiment de vague à l'âme


            Soudain ça hurle  ça l'enroule

            La vague l'emporte loin et elle coule

            Au loin, dans la lumière

            sur la vague roule

             comme une pierre


            Une boule de silence                                                                            25.02.2001

           






Il était une fois les humains

Il était une fois leur solitude à crever

Il était une fois une boule de silence

            Vint alors pour les sauver

L’immense adelphité


J’adore ce mot « Adelphité » qu’un jour, j’ai découvert par hasard en surfant. C’est un mot rare, précieux qui dit l’harmonie entre les hommes et qui bien sûr vient du grec, Aleph qui a donné ses lettres de noblesse aux mots Fraternité et  Sororité. J’aime les mots qui viennent du grec, ils me font rêver car ils viennent de très loin et ont voyager à travers l’humanité. Ils ont bien du mérite à avoir survécu à la galère du temps de l’être.

Et donc, l’adelphité est venu nous sauver de la solitude. Ce que je veux dire, c’est que notre identité se forge au risque d’être ensemble.

Pour moi, le risque d’être ensemble passe par le privé, ma famille, dont je ne parlerai pas, respectant justement l’essence splendide du privé mais aussi par l’espace public et citoyen, je veux dire, pour moi,  le militantisme. J’ai toujours été une femme militante et citoyenne. A l’école je me présentai toujours comme déléguée de classe, au collège, dès mes 15 ans, je faisais partie d’un mouvement de jeunesse, rouge, tout rouge, bien sûr je n’ai pas raté Mai 68, et en tant que professionnelle, je n’ai pas raté pas non plus mon engagement syndical, maintenant à la retraite, je participe à deux associations : une qui défend le droit des étrangers, l’autre qui me permet d’être avec des personnes en situation de handicap.

Ce que j’aime dans l’espace citoyen, c’est la chaleur d’être ensemble, de partager des convictions profondes qui nous transcendent et nous font vivre debout, souvent dans la résistance, toujours dans l’espérance. J’ai un oncle, dont j’ai parlé dans mon autofiction La Femme en Retard qui a été fusillé par les allemands à l’âge de 20 ans. On ne lui avait pas pardonné son engagement splendide pour la liberté. Il s’appelait Roger, toute ma vie ma famille m’a appelé José. Roger, José. Je trouvais que cela rimait et que nos syllabes identitaires étaient  proches. Alors, j’ai marché dans ses pas  de l’idéal presque idéal. J’espère que je n’en mourrai pas comme lui.

Pour le moment cet idéal me fait vivre. Je suis fière d’être idéaliste, utopique et tout ça et tout ça que les gens « réalistes n’aiment pas. » Je suis fière de n’être pas réaliste, je suis fière d’être portée par les mots, fraternité, sororité, adelphité, liberté, égalité, planète, universalité, interculturel, respect des étrangers, respect de la différence sous toutes ses formes et tout et tout. Je suis fière non d’être bourguignonne puis que je suis d’origines mêlées au possible et à l’impossible, mais fière d’être militante dans le fils des réunions et des manifestations, des cercles de silences, des rencontres avec tous, et bien sûr toujours dans le mouvement de mes livres lus qui me disent les engagements des autres quand ils deviennent les miens.. Fière malgré le découragement qui parfois m’assaille. C’est si dur d’être toujours dans l’incertitude du lendemain, dans la précarité de l’espoir, de marcher sur les trottoirs, pensant toujours à ce que pourrait être le monde si la barbarie reculait, si la justice advenait, si les médias se taisaient, si on prenait le temps de vivre à l’heure de regards.

C’est de ces regards que je veux vous parler, là maintenant, dans l’urgence avant de de n’être que lasse solitude, avant que la vague ne m’enroule et que mon silence advienne.

Je veux vous parler de Noémie qui  dessine son silence dans un splendide poème, qui dans un autre raconte l’intolérance qu’elle a vécue, elle la différente, qui raconte encore son chagrin quand elle se rend jusqu’aux frontières de l’ennui, qui raconte peut-être l’accident de voiture qui a brisé sa vie.

Je veux vous parler  de Yannick et Claudie Debrouat, qui dans le temps de mon blog racontent avec pudeur et profondeur, leur vie « sans regard » et qui nous dis le miracle que fut pour eux de faire de la poterie et de la sculpture..

Je veux vous raconter ma rencontre persévérante avec Pierre Constant, président de l’ASA 82, auberge espagnole, qui n’a d’autre raison d’être que « d’être ensemble » avec ou sans handicap, au fil des évènements de l’association, au fil des goûters et des ballades, au fil de réunions difficile pour élaborer cet être ensemble » si peu évident pour la société de maintenant.


Je veux vous parler de Magali et Jessica, celles là qui assurent présence, sourires et dynamisme auprès de personnes en situation d’Handicap,


Je veux vous parler de Pier Paolo, toujours sur la brèche de l’ASA 82


Je veux vous raconter mes amies et collaboratrices Anne Dubaele-Le Gac et Nicole  Rouja qui ont fait profession de permettre la reconnaissance de personnes en situation d’illettrisme reconnaissance et accès au monde de l’alphabet en formant tant de formateurs au travail.


Je veux vous parler de mon amie Nadine Bernez-Cambot qui porte aussi haut qu’elle le peut son engagement dans la psychanalyse et qui dans la douceur de fins d’après-midi partagent avec moi thé et confidences de femmes


Je veux vous parler de Christiane Pierdlé, équipière bénévole de la Cimade, qui avec énergie et douceur écoute, jour après jour, les étrangers trop souvent si mal accueillis par notre pays des Droits de l’homme.


Je veux vous parler de Juliette et de ses magnifiques poèmes sur l’Afrique, sur la femme et sur les immigrants, je veux vous parler de son courage qui lui fait se rendre à Emmaüs chaque jour.


Je veux vous parler de Brigitte Lamouri qui fait de chacun de ses jours un combat patient et efficace pour le droit à l’égalité des femmes et contre les violences si violentes exercées sur elle.


Je veux vous dire mes compagnons  et compagnes de clavier qui m’aident chaque jour à contourner la solitude de l’écriture qui me livre à ma béance et qui la comble tout à la fois


Je veux vous dire mes amis d’Empan, mes amis d’espoirs, mes amis si intellectuels, mes amis au travail de leurs articles si rigoureux, si intelligents, documentés et travaillés, mes amis de bibliographie, mes amis inventeurs d’humanité.


Je veux vous dire mes compagnons et compagnes de clavier, leurs encouragements, et leurs silences dans lesquels j’ai si souvent trouvé la force de continuer d’écrire malgré des doutes comme des torrents.


Je veux vous parler de tous ceux que je croise dans ma vie de citoyenne et qui dans le temps de leur regard me réchauffent et me disent que c’est possible de vivre malgré ma solitude existentielle, celle de tous.


Je veux vous dire, dans le temps d’un poème, des femmes que j’ai rencontrées et des vous demander de les écouter


Ecoutons ces femmes venues d’ailleurs


Elles racontent l’attente

de leurs papiers pour vivre dignes et travailler

Elles racontent le poids

des lois injustes qui les exilent une seconde fois

De leurs pays et de leurs vies,

Séparées de ceux qu’elles aiment

Elles racontent les violences

qu’elles doivent taire

Leurs peurs et leur chagrins

Elles racontent... Ecoutons les...

Accompagnons les de notre amitié

Dans le fil du temps de leur détresse

Et avec un sourire ou un mot

Glissons dans le regard

L’espoir d’une étoile.


L’adelphité, c’est l’espoir d’apercevoir une étoile. Nous sommes tous étoiles du firmament humain. Certaines sont plus brillantes que d’autres, certaine plus lointaines, certaines appartiennent  à des constellations. Ma conviction profonde, celle qui me fait vivre et tenir debout, malgré les tourments et les tempêtes est que chaque étoile participe à la beauté du firmament humain.

Je vis sous le ciel étoilé de tous et dans l’adelphité, chaque jour j’invente mon identité au risque d’être avec les autres dans le dur labeur de parler et d’inventer ensemble,  un monde presque meilleur.



Mon identité au risque d’être lectrice



La lecture comme déconstruction du souvenir d’enfance

et reconstruction du sujet indivis



6 novembre 2007. J’écrivais pour Empan l’article suivant et au sortir de cet article je faillis mourir écrasée. J’étais distraite à moi-même et hors passage protégé. Ne serait-ce la vigilance extrême du conducteur providentiel, je serai morte par inadvertance. Voici l’article en question et mes commentaires à la lumière de mon Alhambra :


DE MEMOIRE


Nous avons tous une mémoire de tout ce que nous désirons  oublier : l’impossible et l’horreur de ce qui a fait échec  à nos identifications oedipiennes dans le fantasme et dans la réalité. Nous sommes tous confrontés un jour ou l’autre, au jour le jour et dans le fil de nos nuits et de nos cauchemars à la préhistoire de notre libido :  jouissance interdite : tuer le père, (pour le fils), aimer la mère (pour le fils), aimer son fils (pour la mère), aimer sa fille (pour le père), aimer son père (pour la fille). Et pire encore lorsque l’inceste se joue dans la réalité...


J’interroge : et si la lecture était le domaine privilégié de cet oubli ?


Je dis cela parce que c’est à 6 ans  qu’on apprend à lire et à écrire, qu’on accepte l’ordre de l’alphabet, l’ordre du langage. Pour accepter cet ordre il faut avoir accepté et « être » dans l’ordre symbolique qu’introduisent les identifications oedipiennes. (Nous ne symbolisons jamais totalement ; toute la vie notre jouissance impossible revient sur le tapis de notre vie avec nos symptômes, avec nos cycles dans lesquels nous rejouons notre impossible jouissance jusqu’à la destruction d’être et jusqu’au néant qui lui est associé... Pulsion de mort à l’oeuvre.)


Ma première perception de l’illettrisme a toujours était celle d’un chaos. Comme si le chaos des lettres et des mots était la métaphore d’un chaos intérieur, comme si c’était une façon de compenser la souffrance qui pourrait en découler. Une fois quelqu’un m’a dit que je me tenais voûtée pour ne pas souffrir du mal au dos et c’est vrai je ne souffre jamais du dos. Se mettre en situation d’illettrisme c’est une façon de se tenir voûté pour ne pas avoir mal à l’âme comme dans la psychose par exemple. Le psychotique a très mal à l’âme, il ne compense ni par un dos voûté (l’illettrisme), ni par des symptômes, ni par des actes manqués.. L’inconscient est à ciel ouvert


Pourquoi certaines personnes, comme les psychotiques, qui connaissent un immense chaos d’identifications oedipiennes savent lire et écrire contrairement à ceux qui sont en situation d’illettrisme? Je pense que pour  les psychotiques la nécessité de lire et d’écrire est plus forte. C’est lire et écrire ou mourir. Le chaos est si fort que c’est la seule façon pour eux de se rattacher à l’humain. Leur chaos est purement symbolique et de se tenir voûté, pour reprendre la métaphore précédente ne suffirait pas pour leur économiser la douleur alors que pour les personnes en situation d’illettrisme la compensation par leur illettrisme est encore possible, jouable. J’aurai envie d’écrire que les personnes en situation d’illettrisme ne sont probablement pas psychotiques et qu’il faut les aider parce que c’est possible encore de s’y reconnaître pour eux dans leur désordre. Il faut les aider à ranger leur maison symbolique. C’est ce que faisait le psychanalyste Chassagny. Il les aidait à se repérer par des associations « de sens » comme des torches de lumière qui éclairaient leur maison. Pour ranger, il faut de la lumière et du désir, du désir et de l’amour. Pour les illettrés c’est encore jouable : par des associations, en parlant, en posant le transfert. Poser le transfert c’est poser de l’amour. Je t’aime assez pour devenir cette mère incestueuse, cette mère toute-puissante ce père incestueux, ce père violent, je t’aime assez pour poser ton désordre, pour t’aider à t’y reconnaître, à apprendre à lire et à écrire. Je veux bien devenir ta mère suffisamment bonne qui peut te transmettre les lettres. Pourquoi la mère suffisamment bonne ? Parce que pour apprendre à lire, pour « créer » l’alphabet, il faut jouer et rejouer l’impossible séparation d’avec la mère. Et cela peut  se faire avec l’objet intermédiaire qu’est le livre à partir du quel « il peut vivre sur la scène de ses identifications ». Quitter la fusion maternelle pour y trouver  l’alphabet. Le père lui c’est autre chose. Il aide là-dedans, dans cette histoire, en introduisant un ordre nécessaire dans l’alphabet mais la mère elle aide en rejouant la séparation et la permanence de l’amour. Tu peux partir, je t’aimerai toujours, donc tu peux découvrir le monde, le lire et continuer de créer.


La mère aide à se séparer, le père aide à ranger, à ordonner. Je réfléchis. Pour aider à ranger une  maison de lettres il faut du père et de la mère. De l’écriture féminine intuitive et de l’écriture masculine rigoureuse. D’où la nécessité de diverses séquences : de déchiffrage (le père), créatives la mère. C’est ce que  je m’applique à faire dans mes ateliers.

Klee a peint deux très beaux tableaux. L’arbre aux maisons  et Le jeune arbre que j’ai perçu comme un arbre aux lettres. Je pense à l’illettrisme dans ces tableaux. L’arbre c’est le sujet, les maisons c’est ce qu’il essaie successivement de ranger, de métamorphoser, d’élaborer, de symboliser, les lettres ce sont de l’alphabet coloré (alphabet : le père, coloré : la mère) sur nos branches identitaires. Chercher, aménager, rendre possible et visibles, les rendre acceptables par la cité, maisons et arbres, identité et lettres. Ce travail là constitue l’occupation du poste de lecteur. Quand ce travail de symbolisation ne se fait pas pour cause de désespoir (et d’autres multiples causes ainsi que le mentionnent Véronique Leclercq, Jacques Fijalkow et de nombreux autres) le poste de lecteur reste vacant.


Pour la psychose c’est plus difficile, voire même impossible à cause de l’immense souffrance qui a pulvérisé la maison, souffrance et désorganisation absolue. Je crois que ce n’est pas une histoire de degré mais une histoire d’organisation oedipienne différente. L’illettré a une maison en désordre mais il a une maison. Le psychotique n’a pas de maison, car  la loi oedipienne est définitivement transgressée. Pour survivre à cette mort psychique, à cette absence de maison, il a alors la nécessité absolue de lire et d’écrire, d’épouser l’ordre de l’alphabet, voire même d’apprendre dictionnaire et annuaire par coeur, sinon il meurt. Il épouse et il épuise l’ordre de l’alphabet qui obture son chaos. Il occupe sa place de lecteur, s’y accroche jusqu’à la néantisation de la réalité. La lecture se constitue entre découverte de la réalité (lire le monde) et sa négation (se plonger dans l’oubli de sa jouissance voire même s’y laisser engouffrer)

La personne en situation d’illettrisme ne possède que du désordre pour mal obturer son chaos mais amour et transfert avec lui sont  jouables pour l’aider à réintégrer la cité, même voûtéé

Le psychotique est un être pulvérisé de l’intérieur et la seule chose jouable et « d’y être » avec lui dans son chaos, de le partager, de partager sa souffrance et aussi sa nécessité d’ordre réparatrice : ses livres. Peut-être alors, se rapprochera-t-il des portes de la cité sans y rentrer malheureusement.


Mais, il me semble aussi qu’il y a beaucoup à chercher tant pour les personnes en situation d’illettrisme que pour les psychotiques du côté du temps et de ce que Ouaknine appelle la chronothérapie que constituent les livres (Voir son ouvrage « La bibliothérapie ») Mais là encore, il faut distinguer. Si le temps des personnes en situation d’illettrisme est altéré, il reste le temps  commun de tous alors que pour les psychotiques, le temps n’est pas le même. Les psychotiques vivent au temps de l’inconscient et la chronothérapie ne sera pas la même pour les unes et pour les autres. Pour les premières, il faudra retrouver la chronologie du temps et des livres, pour les seconds, il faudra reconnaître et partager leur temps différent par leurs livres et par leurs mots. Là se jouera l’impossible chronothérapie. Chez les premiers la chronothérapie est jouable, chez les seconds, elle relève de l’impossible, impossible à vivre et à partager malgré tout, il en va de la viabilité des psychotiques et de leur entourage. Partager le temps des psychotiques en partageant ses livres.


Chercher ensemble. Tous ensemble. Chercher et trouver car habiter le monde, le lire et se l’approprier symboliquement est la nécessité de tous. Lire, parler, être entendu, reconnu dans la dignité d’humaine. Liberté, égalité, fraternité, sororité, adelphité.  Démocratie


Les livres constituent pour moi un immense espoir de donner à l’humanité un visage d’enfant, enfant souffrant, enfant de douleur et de désordre, enfant bafoué par trop de grands qui ne veulent plus ni  de leur souffrance, ni de leur enfance, qui l’obturent (chacun à sa manière). Les exclus sont des êtres voûtés, les adultes sont trop souvent des gens qui se tiennent droit comme des piquets, raidis par la peur de leur enfance qui fut désastreuse. Être humain, c’est pour moi accepter ses difficultés de dos, savoir qu’on peut en souffrir, tenter de moins en moins en souffrir pour continuer mais pas au prix de l’inhumanité et de la raideur. Lire c’est assouplir son dos et son âme par la relativité du savoir et de l’oubli, c’est ranger sa maison,  sans obturer son désordre et continuer dans la quête d’un ordre où le désordre à sa place... Et, je pense là à La complexité du savoir d’Edgar Morin.


 Lire, c’ est occuper sa place de lecteur, sans la remplir, c’est accepter « le jeu » du lire et du non-lire, c’est accepter l’interstice de l’existence et de l’humain. C’est lutter contre le néant tout en acceptant qu’il survienne, c’est accepter de vivre malgré la mort. Lire c’est sublimement sublimer.


Lire, c’est sublimer au service de la paix,  je l’ai lu dans le livre qui s’avance :



Le livre d’Albert Einstein et de Sigmund Freud

Pourquoi la guerre ?
Rivages Poches/Petites bibliothèque
2005


J’ai une amie qui aime à me dire que la Bible est le livre des livres, est qu’à elle seule, la bible est toute une bibliothèque.

Je reprends l’assertion de mon amie et je dis que ce petit livre de 65 pages de Freud et D’Einstein est à lui seul une bibliothèque de livres pour la paix. Ce livre ouvre sous nos regards attentifs des chemins de connaissance : le droit, la politique, l’histoire, la philosophie, la mythologie. Nous pensons tour à tour à Marx, à Jean-pierre Vernant, à Hannah Arendt, aux auteurs qui nous ont conté l’histoire de Rome ou de la Grèce, nous pensons aux guerres de religions ou au conquistadors. Et soudain s’ouvre sous nos pieds le gouffre de la seconde guerre mondiale.

Un livre qui a une histoire, celle de la rencontre de deux hommes de génie en Europe, dans une période violente : les années 30. Deux hommes, deux chercheurs, deux hommes juifs. Pas de la même façon : un, (Einstein) plus sioniste que l’autre (Freud). Freud est fier de l’Université de Jérusalem, fier des kibboutz mais il pense que La Palestine ne pourra jamais être un état juif, que le monde Chrétien et Musulman ne laisseront jamais faire. Il aurait mieux fallu pensait Freud que la patrie juive s’installe ailleurs ; mes pensées vont vers Hannah Harendt qui décrit si bien dans les Origines du totalitarisme les divers possibles du sionisme.

Un livre, une correspondance poignante d’intelligence. Une correspondance dans le cadre de la Société des Nations dont Einstein à souhaité démissionné à plusieurs reprises pour plusieurs raisons, la principale étant qu’en tant que juif il ne pouvait représenter l’Allemagne. Une correspondance dans le cadre de l’Histoire. 27 février 1933 : incendie du Rechstag, une correspondance qui deviendra un cadeau de Freud à Mussolini, une correspondance qui deviendra dans l’histoire des hommes un lieu d’interrogations sur la guerre, sur la paix.

Plus, je relis ce livre plus j’ai envie de le relire, il est d’une telle richesse, d’une telle intelligence, d’une telle simplicité ! Mais il est aussi un livre complexe, parce que l’humanité est complexe ; à chaque fois que vient le temps de le fermer et de reprendre mon chemin, je reste un long moment pensive comme si ce livre à lui seul pouvait m’aider dans mon interrogation immobile et désespérée de toujours : pour quoi la guerre ?

Pourquoi la guerre ? Pourquoi la violence ? Pourquoi le droit ? Pourquoi la force ? Pourquoi les communautés ? Pourquoi des intérêts pour les pays ? Pourquoi l’histoire ? Pourquoi la Paix si difficile, partout et de tous temps? Me voici l’enfant égrainant devant mes parents perplexes mes Pourquoi ? Et point par point, Einstein puis Freud déclinent ces pourquoi et moi, à chaque fois le sens m’échappe mais j’y reviens fascinée mon crayon en main. Je trouve ce livre terriblement dur à lire dans son apparente simplicité peut-être parce que tout simplement il me renvoie à ma propre violence, à ma propre pulsion de mort moi la pacifique, moi la vivante. Il y a là quelque chose que je ne peux nouer dans l’intelligence du livre. Qu’est que j’oublie là chaque fois dans ma nouvelle lecture de « Pourquoi la guerre ? » Qu’est que j’échoue à vous transmettre de ce livre que j’aime tant ? Je ne sais pas. J’échoue à le transmettre mais comme j’aimerai le partager, comme j’aimerai ne pas être désespérée en lisant la conclusion de Freud ayant trait à la force de la culture pour canaliser la pulsion de mort, comme j’aimerai ne pas être désespérée et être convaincue par l’assertion de Freud que la culture travaille pour la Paix ! Mais je ne sais pas. L’Allemagne, l’Autriche n’étaient-elles pas des nations cultivées ? Combien de fois me suis-je heurtée à cette question là, les larmes au yeux ? Alors à ma façon de femme, à ma façon de lectrice, à ma façon d’animatrice d’ateliers de lectures, une fois de plus je réponds que: l’essentiel n’est pas la culture, (trop souvent la culture d’une élite social) mais la culture parlée par tous, humbles et grands, la culture sans l’exclusion des mots et des affects qu’elle emporte, la culture à l’écoute de la tendresse de celui qui la porte, de ceux qui l’inventent. Les ateliers de lectures ne sont pas des lieux de culture mais des espaces temps pour des personnes de toutes origines sociales parlant ensemble les mots des livres.

Pourquoi la guerre ? Parce que les hommes inscrits dans la relativité du temps et de l’espace ne savent ni lire ni parler pour cause d’inconscient.


Bibliographie


A la recherche du temps perdu / Marcel PROUST.- Gallimard, 1999.- 2048 p. (Quarto)

Bibliothérapie. Lire, c’est guérir / Marc- Alain OUAKNIN.- Seuil, 1998.- 409 p. (La couleur des idées)

Comprendre la complexité - Introduction à la Méthode d’Edgar Morin / Robin FORTIN.- Les presses de l’université de Laval - L’Harmattan, 2005.

Condition de l’homme moderne / Hannah ARENDT - Préface de Ricoeur.- Calmann-Lévy, 1961-1983 (Pocket)

Conversations ordinaires / DW. WINNICOTT.- Gallimard – NRF, 1988.- 308 p. (Connaissance de l'inconscient).

Du lire au dire In Empan, n° 19 - dossier : Mémoire, institution et transmission.

Eloge de la lecture - la construction de soi / Michèle PETIT.- Belin, 2002.- 159 p.

Fabrique des exclus (la) In Empan, n° 42 - dossier : Pratiques artistiques en milieu soignant.

Illettrisme et psychanalyse.- Immédiat - Arale, 1992.

Introduction à la pensée complexe / Edgar MORIN.- Points Seuil, 2005 (essais)

Jeu et réalité / DW. WINNICOTT.- Gallimard - Folio Essai, 1971-2002.- 275 p.

Lecture comme jeu (la) / Michel PICARD.- Les éditions de minuit, 1986.- 328 p.

Malaise de la culture (le) / Sigmund FREUD, Pierre COTET (Trad.), René LAINE (Trad.), Johanna STUTE-CADIOT (Trad.)- PUF, 2004.- 93 o. (Quadrige Grands textes)

Trois essais sur la Sexualité Sigmund Freud Vérifier edition

Organiser la résistance sociale - Transformer les fragilités / Fred POCHÉ.- Chronique sociale, 2005.

Récits de vie (les) : application de la démarche dans les formations "Savoirs de base" / M.C. TABARAUD et D. ROZIS.- Toulouse : BPS, 2000.

Reconstruire la dignité / Fred POCHÉ.- Chronique Sociale, 2000.

Savoirs, la réciprocité et le citoyen (les) / par Claire HÉBER-SUFFRIN.- Desclée de Brouwer, 1998.

Sur la lecture - Perspectives sociocognitives dans le champ de la lecture / Jacques FIJALKOW.- Editeur ESF, 2000.- 208 p. (Didactique du français)

Sur la lecture In Empan, n° 61 - dossier : Management et idéologie managériale.

Une approche thérapeutique de la psychose : Le groupe de lecture / Dominique FRIARD.-Editions hospitalières, 1997 (Collection Souffrance psychique et soins)

Le livre d’Albert Einstein et de Sigmund Freud : Pourquoi la guerre ? Rivages Poches/Petites bibliothèque ; 2005

Madame, je veux apprendre à Lire/Marie-José Colet en collaboration avec     Anne Dubaele-Le Gac et Nicole Rouja Editions Erès (à paraître en 2008)


C’’est  cette bibliographie qui introduit à la lumière d’être, qui introduit et la déploie, cette bibliographie qui écrit  le sens de ma vie que je vous quitterai.

J’ai toujours aimé l’inachevé et ceux qui suivent mon blog de près verront que je n’ai pas développé ici le volet « XX, »,  le volet Femmes. Je le laisse en devenir de mes lectures et de mon écriture, en devenir de ma vie. Un devenir à inventer ensemble, en marchant sur une route commune d’adelphité ; il y a tant à faire ! Je commencerai, le tome 2 de La route des livres que nommerai « L’identité au risque de l’engagement » par le chapitre  « Femmes engagées ». C’est promis ! … Un nouveau projet, un nouveau livre en attente, un espoir, un coquelicot  à bientôt cueillir.

Et dans cette suspension , je vous dis au revoir et à bientôt sur La route des livres dont vous trouverez le tracé sur mon blog quotidien « Les Inventeurs de lectures. »


Un mot encore, vous l’aurez deviné, si mon identité est au risque d’être lectrice, elle est simultanément au risque d’être écrivaine. Mes derniers mots seront donc :


  Ecrire est un grand désordre, une grande tension, qui nous met aux prises avec une  « chose étrange »,  une « chose » venue de la nuit de l’âme  pour faire lumière sur la page, une chose avec laquelle on n’en a jamais finit, une chose qui insiste et se répète.


          Cette  chose... 

          Ce serait un fil à tirer

          Un noeud à défaire

          Un point à l’endroit

          Un point à l’envers

          Deux pas à gauche

          Un pas à droite.


  Ce serait un texte tissé, dansé, défait, ni fait, ni à faire, toujours à refaire


           Ecrire serait mon ailleurs.

           J’ écrirais à partir du manque.

Je ne saurais rien de mes ancêtres.

C’est cela qui ferait de moi 

une femme au conditionnel.

           Des perles de silence et de brume.

           L’écriture est ma fugue solitaire.


           J’ ai l’obsession du temps qui passe.

.


 Je vous remercie de m’avoir lue jusqu’au bout, au risque d’être, inventant  avec moi cet humanisme du temps mêlé des émotions et des savoirs, dans les vulnérables  empreintes de nos pas sur La Route des livres.


En route !



Marie-José Colet

Montauban, le 28.08.2009.


Surtout ne manquez pas mon Annexe qui est le seul enjeu du verbe vivre ! MJC (voir article suivant).

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11 juillet 2010 7 11 /07 /juillet /2010 16:56

« L’ identité au risque de l’être (6bis)

 

Ma vulnérabilité

 

                     Rimes

 

            Un immense fleuve bleu

            les méandres blancs de son lit blême

            s'étirent et mordent la mer

            Tu dis ta plainte et tes craintes

            tu pleures et tu t'éreintes


            Ta vie d'argile si fragile

            abrite tes pauvres feintes

            dans les noirs corridors de ton âme éteinte.

            En bleu et en blanc

            tu écris des lettres blêmes


            La solitude te traverse

            tout te fait mal et te blesse

            tes blessures s'écaillent

            tu as mal, tu as peur.


            Dans son impossible rime

            en bleu et en blanc

            la vie blême

            te laisse sur la rive

            plus morte que vive

            désespérément seule.


            Une histoire de lune

            une histoire de dune

            de bleu et de blanc

            au creux de la lagune


            Dans une solitude bleue

            dans un désert blême de fleurs bleues.

            Secrète, tu te tais

            rien ne se sait

            ni tes craintes

            ni tes bleus à l'âme

            ni le blanc ni le blême

            ni le désert

            ni les fleurs bleues


            Tu es seule

            tu en meurs

            en bleu, en blanc

            Tout est blême.

            Ici finit la rime

            Ainsi s'achève le poème

            bleu blanc blême.

 

Dans le silence je disparais

 

 

 

 

Je voudrais te dire

 

Je voudrais  te dire

la peur de mon coeur

du silence qui s’avance

dans mon âme qui s’élance

et que rien ne panse

 

Je voudrais te dire

mon impossible

dans ton impossible

je voudrais te dire

mon ciel dans ta nuit


Je voudrais te dire

mes pages blanches

et mes lignes désertes

quand  mon cahier fermé

j’efface mes traces


Je voudrais te dire

de mon jardin les fleurs

et de mon coeur la douleur

dans  mon éternelle peur

devant l’horreur


Je voudrais te dire

l’impossible ronde

de ce grand monde

qui se tait ou gronde

dans paix  ou  guerre


Je voudrais te dire

l’impossible colombe

mon découragement

de femme vivante

entourée par trop de guerres

 

Je voudrais te dire

tant et tant de choses

un rassemblement manqué

une solidarité absente

et le monde qui tourne


Je voudrais te dire

le découragement

l’inutile

l’indifférence

 

Je voudrais te dire


Mais dans le silence je disparais

 

2 avril 2009

 

 

Waterloo

 

Ce serait l’aube de matins

De grands chagrins

Ta terre serait brûlée

De ne plus pouvoir parler

Et dans l’immense plaine

Tes jours immobiles

Se tairaient

 

Ce serait le crépuscules des grands soirs

D’immenses désespoirs

De ton histoire si noire

De tes mots sans gloire

Qui dans le fouillis des phrases

Diraient les nuits qui écrasent tes jours

Maintenant sans toujours

 

Ce serait Waterloo, cette morne plaine

Tous ces rêves morts, jonchant ta mémoire

De femme autrefois si riante

Pleine de si beaux espoirs

Mais tu as vieilli

Et tes espoirs de ton chemin de  vie

Ont disparu comme des étoiles filantes

 

Ce serait la victoire de l’immobile

Et toi, tu écrirais ton poème

Toujours le même

Dans le ciel noir de chaque soir

Tu n’attendrais plus

Tu saurais le silence définitif

D’une plage sans coquillage

 

 

Ce serait ton regard perdu

Dans chaque nuage

Tu aurais froid d’avoir perdu

Tu te tairais

Infiniment triste

Tu quitterais la piste

Ce serait fini.

 

Juillet 2009-

 

Mais aussi ma force

 

Elle serait une virgule de l’impossible puzzle qui l’imprimerait femme ; du linge à étendre, une vaisselle à rincer,  un enfant à consoler, un regard vide devant la télévision, une amie qui parle, une minute de solitude, une larme qui coulerait, un instant de clarté, un ongle cassé, un moment à ne rien faire, le gâteau du dimanche à pétrir, les plantes de la salle à manger à arroser, le livre à feuilleter, la framboise à ramasser, la tendresse à exprimer, l’autre à écouter, la lettre qui n’arriverait pas, la robe neuve à choisir, le baiser du soir aux enfants, l’étreinte dans la nuit, une page blanche à écrire.

 

Elle serait l’épouse, la mère, la fille, la soeur, l’amie, la belle-fille, la belle-soeur, la cousine, la mère, la voisine, la passante.

 

Elle serait la craquelure de ce qui ne cesse de se taire.

 

Elle serait des mots, des mots cannelle, des mots amers, des mots doux, des mots sucrés, des mots cristaux, des mots fleurs, des mots peur, des mots qui mourraient, des mots soufflés, des mots balbutiés, des mots chuchotés, des mots qui blesseraient, des mots qui égratigneraient, des mots qui ratureraient, des mots tonnerre, des mots d’hier, des mots perdus, des mots oubliés, effacés. Des mots refoulés.

 

Elle serait la lassitude dans ce qui se répète et s’use, imparfait des certitudes, bruissement d’ailes, tournoiement de l’être.

 

Après tant d’années de silence, vers vous, elle s’élancerait, elle serait l’écrivaine, la triomphante, la resplendissante, la lumineuse

 

Elle serait femme. 

 

La Multiple.

 

MJC

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11 juillet 2010 7 11 /07 /juillet /2010 16:50

L'identité au risque de l'être (6)

 

L’identité au risque de sa force et sa vulnérabilité


J’aimerais tant vivre dans un monde où les personnes handicapées ne seraient plus dans la nuit et dans l’angoisse, dans la dépendance et dans la solitude, dans le chagrin et l’immobilité d’une difficile relation avec les autres.

J’aimerais tant vivre dans un monde qui ne passerait plus indifférent, ignorant à ce qui fait la valeur de tous : une lutte au quotidien pour être reconnu et respecter.

J’aimerais tant vivre dans un monde où nous apprendrions tous sur les différents visages des souffrances humaines qui nous sommes.

J’aimerais tant vivre dans un monde où la domination ne serait plus. La domination de ceux qui se croient les plus forts sur ceux qui se savent ne pas être les plus faibles tant leur combat quotidien révèle leur humanité. Souvent, parfois. Ne pas simplifier. Ni le bon, ni le meilleur. Parfois trop méprisés, trop cassés, certains épuisés de souffrance peuvent détruire eux-mêmes ou les autres. Reconnaître la moyenne païenne pour tous..

J’aimerais tant vivre dans un monde dans lequel l’enfer de la discrimination n’existerait plus. Nous serions tous égaux dans une parole construite qui reconstruirait après le néant, les gouffres, les hiatus, les brisures, les schismes, les malentendus, les nuits, les silences sans patiences, les tempêtes, les cyclones, les immobilités roulantes, les ignorances, les indifférences, dans une parole qui reconnaîtrait les différences sans les nier, une parole qui inventerait une humanité qui part en vrille dans la multitude des souffrances qui ravagent les continents, tous les continents géographiques, physiques, psychiques.

J’aimerais tant vivre dans le monde de Jacques DEJANDILE. Dans lequel un animateur en fauteuil roulant présenterait une émission qui parlerait de tout sauf du handicap !

J’aimerais tant vivre dans un monde où chacun aurait des savoirs que tous partageraient dans une mutualisation heureuse, généreuse. Que chacun soit, muet, sourd, aveugle, érudit, paralytique, bavard à tuer son prochain, bègue, silencieux, sombre, clair, coloré, colérique, doux, hurlant, glissant, dérapant, cinglé, posé, raisonnable, imaginatif, créatif, il offrirait aux autres son don que chacun alors recueillerait humblement, étonné, admiratif, enthousiaste, reconnaissant. Ce serait beau ! Ce serait le temps des énumérations vivantes gagnées sur la souffrance et sur le silence de la différence. Ce serait si passionnant la terre !

J’aimerais tant vivre dans un monde où aider son prochain serait un désir, un bénéfice, une chance. Ce serait un partage des âges et des âmes ; ce serait un tendre regard sur les corps différents et souffrants, un regard sans peur qui dirait la possible peur de l’étrange étrangeté vaincue.

J’aimerais tant vivre dans un monde où aider l’autre ce serait se retrouver plus riche du combat de l’autre pour exister. Ce serait se retrouver fier d’exister grâce à son existence différente.

J’aimerais tant vivre dans un monde où la solidarité ne serait pas des décrets boiteux, des lois parfois glacées, des discours parfois sans âmes (vous savez des discours électoraux). Mais la solidarité serait celle d’un monde qui regarderait en face les difficultés, elle s’affirmerait au risque du quotidien, au risque de la maladresse qui blesse, du cauchemar qui remue, du rire qui réchauffe, de la voix qui émeut, du ciel partagé de l’attention porté à l’autre, humain comme moi, indestructible, comme moi jusqu’au jour où la mort imprévisible nous surprendra , lui comme moi.

J’aimerais tant vivre dans un monde où tous nous partagerions égaux la même planète. A corps perdu, à regards troués, avec mon sourire qui affronte le pire, comme Delphine, je suis femme dans cet éternel voyage initiatique qui nous pose dans notre difficulté d’exister femme si différente des hommes, avec tant de droits à conquérir pour inventer la féminitude. Inventer, cette féminitude, ensemble hommes et femmes dans la mutualisation de nos différences. Parce que la féminitude est au coeur de l’humanitude.

J’aimerais tant vivre dans un monde où parleraient sans effet néfaste des lieux communs qui pulvérisent par leur absurde force la bonté inhérente à chacun.

J’aimerais tant vivre un monde où l’humanité serait belle de ses imperfections, visibles ou non mais toujours secrètes nous nous rendons tous fragiles et vulnérables dans le fil difficile des jours à vivre avec les autres. Nos souffrances nous mettent en exil de nous-même, en exil de notre entourage, en exil des humains . Aucun d’entre nous n’est intact ni de lui-même ni des autres et malgré cela il continue son chemin d’humain. Voilà ce qui fait la dignité d’être. Laissons cette dignité fleurir, ne la laissons pas mourir par peur, par inquiétude, par angoisse de la différence

J’aimerais tant vivre dans un monde qui ne serait pas idyllique mais dont de possibles idylles naîtraient ; qui de la différence reconnue et acceptée ferait de chacun une terre de voyage, une terre à explorer, une terre à révéler sous le soleil de l’humain.

Je sais que vivre dans un tel monde est possible parce que j’ai lu ce très beau livre de Charles Gardou si intelligent dans son engagement. Ce très beau livre nous dit comment il est urgent de sans cesse parfaire l’humanitude ensemble, tous ensemble et surtout avec les personnes en situation d’handicap qui ont tant à nous apprendre.

Donnons du sens à nos paroles et à nos actes comme l’écrivait avec ses mots Hannah ARENDT ; ce livre nous aide à cheminer sur notre route, comme le faisait, son bâton à la main, Oedipe.


(NAÎTRE OU DEVENIR HANDICAPE
LE HANDICAP EN VISAGES 1
Erès 1996, )


J’ai lu les livres de Charles Gardou, je suis allée à une journée  d’étude organisée à Montpellier sur son travail si passionnant et si généreux. Alors, j’ai appris, ce qu’une petite voix me soufflait déjà depuis toujours que,  au cœur  de notre force se loge notre vulnérabilité mais aussi que des personnes, en situation de handicap, si vulnérables au regard de tous ont en eux une force exceptionnelle de vie.

Dans mes lectures, je me suis penchée avec tendresse sur ce qui fait chez nous tous et chez moi « Force et vulnérabilité. »


Pour découvrir la pensée de Charles Gardou, je vous propose d’emprunter les chemins suivants. :


Une  dialectique  d’ égalité : Force et vulnérabilité

De l’égalité à la créativité

Ce qui confient du lieu de leur force leur vulnérabilité

Mon chemin, mon intime



Premier chemin : Une  dialectique  d’ égalité : Force et vulnérabilité


 Ce chemin est celui proposé dans une conférence


a) Handicap, force, vulnérabilité (2)

Rencontres, débats avec Charles Gardou

28 mai 2009 (entrée libre)

 

Je  retranscris dans cet article nos « notes d’écoute » de la deuxième conférence de cette journée intitulée Handicap, force et vulnérabilité


 Méthode de travail : j’ai repris mes notes prises dans le fil des phrases et des mots précis  de Charles Gardou  puis j’ai étoffé cette retranscription de sa préface et de certaines de mes associations d’idées venues là au moment de la retranscription. Ce texte est donc une mosaïque de retranscription de mot à mot, de relecture d’un écrit (la préface) et bien sûr de re-création personnelle. Je souhaite ainsi rendre au plus près l’étonnante force de travail, d’intelligence et de profonde sensibilité qui émanaient de cette conférence toute aussi brillante qu’émouvante.

 

Je commence donc, mais que Charles Gardou me pardonne, je commence par une image qui m’est propre, mais qui, j’en suis certaine retiendra son attention.

 

Récemment, j’ai eu la chance de me promener dans les pavillons de la biennale de Venise. Une œuvre d’art m’a profondément émue. Elle était signée du Camerounais Pascal Martine Tayou. Elle représentait le continent africain comme un assemblage de porcelaine brisé. Probablement parce que j’avais déjà entendu Charles Gardou et à ma façon de toujours inventer ce que je perçois, j’imaginais une nouvelle œuvre d’art qui serait une forme humaine constituée de porcelaine brisée. Charles Gardou écrit dès les premières lignes de sa préface que l’humanité fait un «  bruit de porcelaine brisée » alors qu’elle se croit forte. C’est à se croire si forte qu’elle se brise.

 

Cette conférence est à l’écoute du son brisé et cristallin de l’humain.

Cette conférence est ce bras tendu, ces mains tendues quand elles recueillent la fragile porcelaine pour en constituer l’espoir de la solidarité. La fragilité est énoncée dans sa dialectique avec le sentiment de force et non dans sa rupture, et non dans son opposition à la force. C’est la seule attitude humaine possible, constructive, respectueuse. L’être humain EST fort et vulnérable même si cette vulnérabilité et cette force ne sont pas réparties égalitairement. Mais cette inégalité, cela est certain est à tout instant en suspend dans la vie de chacun. Elle est provisoire. Rien n’est jamais acquis à l’homme dit le poète, dit aussi Bouddha. L’homme au cœur de sa force peut rencontrer de façon inattendue sa  vulnérabilité mais  au cœur de sa vulnérabilité il peut rencontrer sa force.

L’espoir peut décupler les forces vitales de tous ceux qui savent emprunter les interstices existant entre les morceaux brisés de la porcelaine. L’être humain est à même de vivre des situations imprévues parce que l’homme construit, supplée, s’adapte. Ainsi une entrave peut devenir motrice d’adaptation.

 

Le handicap incarne cette éclosion de facultés de suppléance et dit Charles Gardou, l’assèchement apparent peut susciter une floraison de la vie.

 

Vous savez, j’ai dans mon jardin, un abricotier tout noué, voire même calciné, qui un jour a été foudroyé. Si vous saviez comme ses branches, la saison venue sont alourdis de fruits ! C’est à mon arbre fruitier que les mots de Charles m’ont fait penser. Mais ajoute-t-il, à contrario, des forces intactes ne garantissent pas le désir de vivre.

 

Vulnérabilité donc inhérente à la blessure d’être humain, à la blessure qu’emporte le handicap physique ou psychique mais chacun, chacune aux prises avec cette blessure la transcende pour continuer d’être et c’est le devoir d’humanité de chacun d’aider son prochain à  situer dans l’ordinaire du quotidien cette faille là et non de la statufier, de la pétrifier par un regard réducteur. Faire vivre par notre pouvoir de reconnaissance de l’être et non du handicap auprès de ceux qui ne se sont jamais résignés, qui se sont rebellés, qui ont refusé le double processus mortifère de la maladie et du regard déshumanisé que parfois pose le passant « sur eux » les évidant de leur force vitale et de leur sublime transcendance.

 

Sublime transcendance parce que si souvent se retourne le handicap pour donner « une nimbe à la clarté », de la vie si quotidienne, à la clarté de l’ordinaire. Charles Gardou, raconte le combat de ceux qui se sont emparés de la vie, de leur vie pour lui redonner sa hauteur.

 

Le devoir d’humanité, c’est dans la solidarité avec celui qui souffre de lui donner la possibilité de le sortir de la détresse engendrée par la dissociation du handicap, c’est reconnaître aux plus inaperçus le droit d’exister et de sublimer leur vie parce que la blessure n’est pas une totale négation. Le handicap provoque à exister. Le handicap impose limites et détresse, il réduit en poussière des projets mais jamais, au grand jamais, il n’empêche d’être. Toute vie dépouillée a son vernis et renvoie à une fragilité d’être, à une fragilité d’identité et la solidarité, la vraie c’est celle qui se niche dans la profonde prise de conscience de cette fragilité qui est la nôtre, inhérente à l’humanité. Chaque homme est un continent de porcelaine brisée. Chaque homme, doit un jour entendre le tintement de sa vaisselle éclatée par la souffrance et le manque et non la loger dans l’autre et non asseoir sa force sur la faiblesse de son prochain. La vraie force est celle qui repose sur la reconnaissance de sa propre vulnérabilité. Nier cela serait pure vanité.

 

La fragilité est à fleur d’épiderme et l’humanité se pervertit dans la célébration excessive de la force. L’humanité ne doit être constituée de faibles et de forts sinon on aboutit à une humanité de battants et de battus, à une humanité vidée de ses valeurs d’amour et de solidarité, à une humanité lamentable, à une humanité présomptueuse, à une humanité de miroirs brisés ne pouvant soutenir le mensonge de l’homme idéalisé.

 

Il est urgent de s’interroger et de proclamer la valeur humaine des plus vulnérables.

 

Il est urgent de reconnaître en soi et en l’autre la faille dans laquelle peut prendre racine notre arbre de vie.

 

Il est urgent de s’assumer fragile.

 

Il est urgent de ne plus ignorer notre destin d’humain fait d’argile et de marbre.

 

Il est urgent de ne plus se mirer dans une image idéalisée de l’homme.

 

Il est urgent de replacer la personne porteuse de handicap dans une vraie chaîne culturelle et de lui donner accès à Venise.

 

Il est urgent de replacer la personne porteuse de handicap dans l’ordinaire de la vie et de la sortir du soi-disant extra-ordinaire de sa condition.

 

Il est urgent d’être avec la personne porteuse de handicap pour lui permettre (et non pour l’aider) de vivre son destin comme nous dont la fragilité est provisoirement moindre.

 

Il est urgent de reconnaître la force des vulnérables, de s’en nourrir et de les remercier pour ce qu’ils sont au lieu de les plaindre pour ce qu’ils n’ont pas.

 

Il est urgent de vivre dans la dimension de l’être et non de l’avoir.

 

Il est urgent de s’y mettre à être.

 

Il est urgent…

 

Ce que je veux dire, c’est que, ce que j’ai passionnément aimé dans cette journée du 28 mai c’est son éclairage intime.

 

Je sais les lois, je sais le matériel, je sais le spécifique, je sais le concret, je sais le faire. Je sais tout cela et cette urgence quotidienne. Je sais le politique et le social, je sais les financements, je sais les élus, je sais les politiques de gauche et de droite, je sais le bon cœur, je sais les bonnes volontés, je sais le singulier et le pluriel. Je sais tout cela.

Mais, je sais maintenant, encore plus qu’avant,  la nécessité de conjuguer ensemble, d’une même voix universelle dans un immense  chœur :

 

Je suis de marbre et d’argile

Tu es de marbre et d’argile

Il ou elle est de marbre et d’argile

Nous sommes de marbre et d’argile

Vous êtes de marbre et d’argile

Ils ou elles sont de marbre et d’argile.

 

 Merci Charles Gardou de donner à la clarté une nimbe.

Merci de votre talent, de votre érudition, de votre travail.

Merci de l’espoir que vous nous faîtes partager,

d’un monde entre marbre et argile.


Je tiens également à signaler les articles publiés dans le blog qui relatent chapitre par chapitre ce livre indispensable qu’est le livre  suivant, dont je présente ici l’introduction :


b) Handicap

Le temps des engagements

Sous la direction de Julia Kristeva-

Charles Gardou

PUF 2006 (355 pages.15 euros) (2)


Introduction de Julia Kristeva et Charles Gardou : Présidents du Conseil National du « Handicap : sensibiliser, informer, former »


20 mai 2005, Maison de l’Unesco : premiers Etats généraux «  Handicap : le temps des engagements »


De nombreux noms qui  s’honorent de leur engagement dans le collectif Reliance sur les situations de handicap, l’éducation et les sociétés fondé et présidé par Charles Gardou. Ils viennent de partout, ils sont 150 personnes du monde des Lettres, des arts, des sports et du spectacle, des chefs d’entreprise, de la MGEN, de CASDEN, d’Air France, des journalistes responsables des grands médias, des chercheurs, des médecins et des psychologues, des responsables associatifs et institutionnels, du CNCPH, de l’APF, de l’APAJH, de l’UNAFAM, de l’UNAPEI. La fondation de la solidarité de la Caisse d’épargne assure la coordination de tous ceux qui composent le collectif Reliance


Le Conseil national « Handicap : sensibilisation, informer, former » qui prend appui sur ce collectif a appelé à la mobilisation citoyens, médias, entreprises, associations, administrations  à créer et participer aux premiers états généraux « Handicap : le temps des engagements à Paris, Maison de l’Unesco, 20 mai 2005.


France Télévisions a appuyé la préparation des Etats Généraux sur les chaînes publiques par la diffusion de sept programmes courts réalisés par Serge Moati


Ces états généraux se sont déployés dans huit dimensions avec les visées suivantes :


Désingulariser le handicap : le replacer dans l’ordinaire de l’existence humaine (rencontres, projets, entrer en complémentarité et synergie avec les associations)


Mobiliser l’ensemble des citoyens avec le soutien de personnalités de tous les secteurs, arts et culture, travail, associatifs pour donner de l’ampleur au message, pour affirmer que l’exclusion générée par le handicap est l’affaire de tous

 Affirmer que l’égalité des droits et des chances se fait dans la tolérance et s’inscrit dans  tous les moments politiques citoyens et républicains. C’est l’affaire de tous


Traduire en acte les principes de la loi adoptée le 11 février 2005 et rejoindre les perspectives ouvertes au niveau européen c’est à dire intervenir dans le cadre législatif en y amenant des améliorations et contribuer à l’amélioration de l’accompagnement des personnes en situation de handicap –quel que soit le handicap à partir des chartes, des dispositions législatives et France et en Europe.


Faire émerger des engagements concrets, constructifs et prospectifs dans tous les domaines de la vie : citoyenneté, santé, éthique, vie affective et familiale et sexuelle, vie professionnelle, scolarité, culture, sports et loisirs, dignité en situation de grande dépendance.


Ces états généraux se déroulent dans un état d’esprit citoyen et républicain et laissent place à la diversité des passions et des débats, des enjeux et des engagements de chacun et de tous, porteurs de handicaps ou non.


Mon commentaire :


Ces états généraux, le collectif Reliance sont des initiatives porteuses d’humanisme et de solidarité. Dans les jours à venir, je vous invite à suivre le résumé des chapitres qui suivront


Ce livre je souhaite le découvrir et vous le faire découvrir à petit pas et dans la lenteur des jours, lenteur qui à mon avis est garante d’une élaboration patiente et respectueuse des propos, garante d’une élaboration constructive dans la douceur et la profondeur du savoir.


A suivre donc…


Combien, j’ai aimé le chemin qui s’avance !


Deuxième chemin :  De l’égalité à la créativité


Un livre de Charles Gardou et Emmanuelle Saucourt :


La création à fleur de peau. Art, culture, handicap.

Erès Collection 2005.

Connaissance de l’éducation (113 pages.)


Un souffle. Le mien. Celui de ma lecture de ce livre étonnant de poésie, d’intelligence, de générosité. Créer dans l’échange et dans la réciprocité. Inventer la singularité. Ils ont parcouru à grands regards d’étranges contrées peuplées d’êtres si vulnérables mais si doués et ce dans tous les domaines : danse, musique, théâtre, peinture, photographie, littérature écrite et orale. Ils disent de l’art la presque finitude, le presque inachèvement, ils disent de tous ceux qui le portent le manque, la béance, le mouvement, la fécondité dans la déchirure. C’est cela, tous créent dans la déchirure de leur clair de lune, dans la vacance de leur terre, dans l’errance de leur corps troué par le handicap, dans leurs trajets bousculés par la souffrance et le creusement de la différence. Regard de l’autre qui parfois n’y comprend rien à  l’art et au handicap, regard de l’autre qui parfois mélange tout : création, handicap, souffrance, différence, marginalité, exclusion. En finir avec le mythe des handicapés géniaux. Admirer leur art pour ce qu’il est de création et de qualité, pour ce qu’il est « d’être » et non parce qu’il prend racine dans la souffrance. En finir avec le regard qui broie, le regard qui noie, le regard qui nie le noyau du fruit, la perle de l’huître, l’étamine de la fleur. En finir avec la rupture du dialogue. Caresser la blessure du handicap avec notre âme attentive, avec notre présence au monde, avec la vérité de l’être. Retrouver, inventer, épeler, nommer, le lien subtil à l’autre, si différent certes mais si semblable. Entre différence et similitude s’incliner devant l’altérité transcendée par  des créations multiples :


La danse qui s’élance, la danse qui absorbe la différence et la douleur de l’immobile. Les formes mobiles s’offrent au public dans le dialogue des corps qui bougent. Ils sont empêchés, peut-être mais dans le peut-être ils épousent la musique, leur corps se ploie, se déploie. Ils gagnent sur la  différence, portés par la musique. Les fauteuils ne roulent plus, ils se soulèvent, caressent les contours de l’air et toi le spectateur, tu es pris, tu oublies le fauteuil et c’est gagné, l’art a gagné ! La différence est vaincue. C’est la fin du spectacle et l’alter est égo. Bravo !  La chorégraphie a tissé ses liens et le partage est là, parfaitement là. Ils ont crée ensemble dans l’ici et maintenant de la musique, du texte et du déplacement. Bravo ! Bravo ! Bravo !


La musique. Dans le silence trahi les cœurs battent, l’air vibre, les percussions résonnent, tout s’enlace indépendamment des handicaps. Le chef d’orchestre passe les sons et là encore ça se tisse le lien entre tous ceux de la déchirure et les autres. Tout est aléatoire mais tout advient. C’est le miracle de l’humain dans le dur labeur de la création. Juste jouer et jouer juste. Oublier la séduction. Laisser Narcisse au vestiaire et créer dans la vérité du son jusqu’au point nodal de l’expression quand elle se fait densité. Miracle de l’oiseau noir du Champ fauve. Quand l’art se fait percussion soutenue d’une splendide photo. Continuer la musique. Continuer la vie.


Théâtre. Mettre en mouvement les corps et les récits. Dé-pétrifier le handicap. Ne pas nier la spécificité et les différences des acteurs, donner les repères, une fois encore créer les liens entre tous constituent l’essentiel du travail de la création dans le mouvement des mots, des corps, dans l’impact des regards, dans la fragilité des sourires. Sur scène, ce n’est pas comme dans la rue, là avec ses tabous, ses regards qui tuent, non sur scène tout est simple. Tabous et inhibitions tombent. Reste la rencontre, la vraie portée par la création qui transcende le handicap. Une seule exigence : la qualité de la prestation théâtrale, générer du vrai, générer une authentique rencontre. Le lien encore par la création. Le rideau tombe. C’est la fin du spectacle mais ce qui s’est joué là de vérité est inscrit pour toujours sur les auteurs et spectateurs. Rien, n’est moins éphémère que la création. La création est indélébile parce qu’elle est dans l’être et non dans le paraître. C’est la qualité, l’authenticité du jeu, des JE qui l’emportent, qui gagnent, qui triomphent et rien d’autre, certainement pas le handicap. Bravo ! Bravo ! Bravo !


Peinture. Ce sont les couleurs qui cette fois révèlent le lien. Ouvrir à la diversité du champ pictural et créer les couleurs, travailler les ronds et les carrés, la matière et la structure. Travailler avec la peinture. S’exprimer. Libérer les perceptions. Refléter l’intime et ses luttes. Ses victoires aussi. Raconter son histoire et créer du lien encore et encore dans le mouvement de l’art, dans le mouvement de l’être, dans le mouvement de la toile. Continuer jusqu’à la presque maîtrise du réel. Maîtrise. Handicap presque vaincu. Bravo ! Bravo ! Bravo !


Image : les yeux écoutent. Photographier sans trahir, photographier avec amour « tout simplement. » Créer ensemble la fluidité de l’image et donc du lien allégé de la déchirure parfois si profonde. Chercher l’invisible et l’offrir au possible regard. Eviter l’intrusion. Abandonner le sensationnel. Trouver l’essentiel parce que l’identité est une somme, une construction entre intérieur et extérieur. L’identité est un entre-deux, une aire intermédiaire. Photographier l’aire intermédiaire dans la tendresse de l’invisible presque à portée du regard mais à l’abri du voyeurisme. Bravo ! Bravo ! Bravo !


Conte : Les mains parlent. Quand le signe se marie au verbe dans la spatialisation des corps  dessinant l’émergence du conte : La belle au bois dormant, le Petit Prince, Œdipe… Magie des mains, magie des mots. Bravo ! Bravo ! Bravo !


Littérature : les mots traduisent.

Comme précédemment les mots traversent le corps, la déchirure, la blessure. L’écriture c’est la présence au monde, la présence aux autres, la présence en mouvement. L’écriture c’est la rencontre. Et pourtant,  ils peuvent à peine tenir leur stylo. Atmosphère si étrange entre lenteur de l’énonciation et richesse de l’imagination. Les aider à accoucher de leurs mots, les aider à vaincre le blanc de leur page, la nuit de leur faille. Les accompagner dans cette solitude de leur main, dans sa lenteur à être. Malgré lenteur et angoisse, écrire, dire, se dire et surtout se risquer. La création est un immense risque. Celui de s’exposer. Bravo ! Bravo ! Bravo !


Art et Culture. Entrée libre. D’abord sortir de l’exceptionnel. Créer dans l’ordinaire de la création. On ne crée pas parce qu’on est handicapé. On crée parce qu’on est homme, parce qu’on est femme. Le sujet du verbe créer n’est jamais,  absolument jamais  le handicap mais le pronom personnel JE. Un JE de culture à toujours développer dans une dialectique de l’accessibilité.

La culture est lieu de rencontre, la culture est lien, comme la création. Lien entre des êtres vivants, remuants, inscrits dans le passé, présent, futur, dans l’intranquillité  chère à Pessoa et dans l’improbable du hasard et de notre destin. L’accès à la culture dans la mixité des publics, dans le décloisonnement des souffrances est le seul chemin possible. Les artistes entrent dans l’hôpital, les patients sortent. Circuler tout est à voir : le spectacle de l’art, le spectacle de la vie, le spectacle du monde qui bouge. « Je sans frontière » sinon « Frontière de l’ennui. » Je pense à la magnifique nouvelle de Noémie Aulombard « La frontière de l’ennui » (voir 20 juin 2009 dans la catégorie Force et vulnérabilité). Je ne sais pas pourquoi, ce prénom de Frontière m’a touchée si fort. JE sans frontière, JE de culture, JE de création. Projets citoyens dans une vraie liberté d’action. Transmettre l’art. Histoire de médiateur et de passeur. Histoire du corps qui touche l’art. Inventer la réciprocité. Retrouver le dialogue d’une pédagogie active qui interroge la réception des sens et qui refuse la passivité du spectateur. Ne plus consommer l’art. Le vivre à corps retrouvé. Ce qui signifie poser la question de la culture en terme politique, en terme de financement. Le lien social ne se paie pas que de mots. Il exige des structures, des cadres, du temps, de l’espace. Le lien social est cher parce que précieux ; le lien social c’est avec la création, l’or de l’humanité. A cet or là tout le monde, handicapé ou non à le droit d’accéder. C’est tout simplement une histoire des droits de l’homme et du citoyen. Ce n’est pas autre chose. Basta !


Conclusion


Créer ensemble dans la reliance de l’humain, dans l’alliance de tous, handicapés où non. De cette reliance, de cette alliance, la fécondité de la création, l’essor de la culture  en dépendent. Liberté, égalité, fraternité. Tous libres et égaux devant la création, tous fraternels. Création histoire de force et de vulnérabilité. Création, histoire d’adelphité. Mais il faut soutenir les mots de leur force oeuvrante, de leur force d’action, de leur force de durabilité en instituant des formations interprofessionnelles et des budgets, en développant toujours plus d’information. Cesser de lier handicap et créativité. La créativité est liée à la puissance créative qui surgit de la faille mais la créativité n’est pas la faille. Un fleuve n’est ni sa source ni son embouchure, un fleuve est son cours de sa source à son embouchure. Un fleuve est un chemin. Une création aussi. Refusons les « pétrificateurs » de toutes sortes et soyons chercheurs d’or, chercheurs d’art mis au monde par des créateurs de qualité venant de tous horizons de l’humain, venant de partout de la planète. Chercheurs d’art, chercheurs d’or. Oui, ça me plaît.


Chercheurs d’être aussi.


J’ai beaucoup aimé ce livre « La création à fleur de peau » qui pose  de l’art ses branches essentielles : l’être, la culture, le social, la politique, le lien citoyen, sans oublier bien sûr la souffrance intranquille et probable de la déchirure que d’être humain.


Enfin, je veux signaler la bibliographie de 8 pages et l’annexe si habitée de tous ces artistes du livre qui « dessinent un monde métis. »


Bravo ! Bravo ! Bravo !


Bravo aussi à ceux qui du lieu de leur force racontent sobrement leur vulnérabilité  dans


Cent mots pour les bébés d’aujourd’hui  (1)

(Réunis par Patrick Ben Soussan)

Erès 2009. 361 pages)


Tomber

(Ode pour les mères empêchées)

Texte de Sarah Rayr- Salomonowicz


Je lis. Je relis ce texte de toute beauté qui dit de la naissance le trou originel, qui dit la mère empêchée dans son amour par une antériorité trop douloureuse, qui dit la mère qui ne peut accueillir son enfant dans ce lien d’amour si précieux à l’enfant pour grandir comme pour être, qui dit le malentendu qui s’instaure entre le bébé et sa maman douloureuse qui ne peut s’appuyer sur son enfant pour retrouver la vie qu’une souffrance lui a volée, qui dit l’enfant qui ne parvient pas à faire sourire sa mère, qui dit son impossible mouvement vers elle, empêché qu’il est de l’empêchement de sa mère, qui dit sa férocité à exister malgré…


Mais soudain l’espoir.

La maman du lieu de son malheur sait dire à l’enfant : « tourne-toi ailleurs, que vers moi la mère douleur, et aime ailleurs, vit leur passion de toi, vit ta passion d’eux car vivre c’est aimer, donner et recevoir. Moi, la maman empêchée, je ne le peux, alourdie par mes peines, mais les autres le peuvent. Invente ton sillon dans le leur.


L’espoir continue parce que l’enfant grandit et qu’il sait du plus profond son être que ni sa mère ni lui ne sont coupables de tant de chagrin, parce qu’il sait du plus profond de son être que ni sa mère ni lui ne sont coupables du malentendu, parce qu’il sait du plus profond de son être que ni si sa mère ni lui ne sont coupables de la disparition de l’être si cher, parce qu’il est convaincu du plus profond de son être que sa mère et lui ont tissé avec amour du presque possible autour de ce trou si originel


Un texte qui dit le désespoir de tomber un jour par naissance, un jour par mort mais entre l’une et l’autre, entre la chute de l’enfant et celle de la mère, entre l’enfant et les autres, s’est joué au-delà de l’empêchement de l’humain  du peut-être lien, du peut-être amour. Entre ce peut-être du lien et de l’amour s’invente obstinément le possible de l’humain et de sa parole.


Ce texte, je l’ai lu du lieu de ma mère empêchée, je l’ai lue du lieu de mon enfance meurtrie, je l’ai lu du possible retrouvé avec les autres, avec tant d’autres vers qui ma mère à su me pousser.



A ma mère, à eux ces autres si précieux je dis merci.



A Sarah Rayr-Salomonowicz, je dis merci pour son texte si beau, si intense, pour ces souvenirs auxquels elle a su redonner sens, du  même coup redonnant sens aux miens dans l’amour retrouvé pour ma mère empêchée.


Et aussi :toujours dans Cents mots pour les bébés, un texte de Rémy Puyuelo : Frère de lait 


Somogoudou. Bonjour.

Rémy est au travail. Il nous raconte un pan de son enfance. Il nous raconte l’Afrique, sa mère malade. Une nourrice, un frère de lait, des jeunes en galère. Il se raconte, ni noir, ni blanc, noir et blanc. Il se raconte au passé. Lui, adorable bébé avec un casque colonial sur la tête. Il est sur les genoux de sa maman qu’on devine souriante, mais le visage maternel est dans l’ombre. J’aime trop cette photo !

Je veux dire au passage, qu’un des charmes de ce livre, Cents mots pour les bébés d’aujourd’hui réside dans les photos des auteurs quand ils sont bébés. Ça me plaît trop ! Je les ai regardés un à un, à chaque fois j’ai souri.

Okakèmé ! ça va je continue !

Rémy raconte. Le voilà adulte, au Burkina Faso dans le petit village agricole de Samandénie, en brousse. Le village accueille des ados venus de France pour effectuer des travaux humanitaires. L’ultime alternative pour ces jeunes au bord de la prison est de travailler là, avec tous. Noirs et blancs. Rémy, transmet à ses jeunes son enfance. Sa dette. Mais n’allons pas trop vite. Donnons au temps le temps. Le temps pour Rémy de rencontrer le chef du village, homme aveugle, assis sur sa natte ;  comme ça, en confiance, il dit sa naissance au Congo, son enfance, les affectations du père, sa vie dans divers lieux d’Afrique, au rythme du père, il dit  sa mère, sa nourrice, son frère de lait. Là, le chef du village l’arrête, lui prend les bras, les pétris,  lentement s’étonne, s’interroge, interroge :  Rémy les a-t-il recherchés l’un et l’autre, la nourrice, le frère de lait. N’a-t-il jamais cherché  à manifester sa reconnaissance et sa dette ? N’a-t-il jamais chercher « à leur faire honneur ? »


Rémy sait alors un peut-être. Peut-être qu’il n’est plus cet enfant unique qu’il a toujours pensé être. Le frère de lait se met à l’accompagner, là dans son silence, il l’accompagne son destin d’homme, comme son ombre. On l’appelle « Rémy le Vieux. Il trouve ainsi sa place dans le village, dans la collectivité. Il n’est ni blanc, ni noir. Il est blanc et noir. Il peut aider les noirs à comprendre les blancs et les blancs à écouter les noirs. Il sent la présence profonde de son frère de lait, là, avec eux, par eux, parmi eux. Il existe pleinement dans un sentiment « étrangement familier », il se sent « vrai et vivant. »


J’ai profondément aimé ce texte qui dit la reconnaissance. On ne peut vivre sans reconnaissance, sans dette, sans gratitude. Je pense que c’est cette vérité là que Rémy a transmis à ces jeunes ados en dérive, au bord de l’exclusion sociale, grave. Insérer, c’est dire « ta place est là parmi nous. Elle est possible. Tu seras reconnu mais reconnais ton antériorité, ta dette. » La dette préexiste à toute existence dans le groupe. Rémy a pu s’insérer dans la collectivité noire par la reconnaissance de la nourrice et du frère de lait, par son récit au chef du village qui a su l’entendre et attiré son attention sur cette fameuse dette, sur cette antériorité là qui faisait partie de son histoire d’homme après avoir fait partie de son histoire d’enfant.


J’ai profondément aimé ce texte dans lequel Rémy Puyuelo dit avec pudeur mais certitude le bébé qu’il a été, l’adulte qu’il est devenu, le bébé splendidement présent dans l’homme, l’un n’abandonnant jamais l’autre, l’un donnant force et vigueur à l’autre. Il nous rappelle une fois de plus que nous sommes tous à la fois fort et vulnérable pour reprendre un terme cher à Charles Gardou. Notre force d’adulte puise ses racines dans le bébé vulnérable que nous avons un jour été. Notre vitalité prend son élan dans la dette que nous avons contractée auprès de ceux qui nous ont précédés.


J’ai profondément aimé ce texte qui dit la chaleur, le choc, « le fracas de l’Afrique » que moi aussi j’ai eu la chance de connaître non dans mes racines de vie mais dans les branches de mon arbre d’identité. Une de ces branches m’a donné mon fruit préféré : mon petit-fils splendidement métissé de noir et de blanc. Lui aussi, j’en suis certaine trouvera sa place  pour aider et des noirs et des blancs à se parler. Moi, l’Ancêtre, je guiderai ses pas et ses mots pour qu’il se reconnaisse homme dans ses deux cultures. Le monde est si beau de son pluriel familier et si étrange, inventant le vrai et le vivant.


Merci Rémy pour votre force et votre tendresse, merci pour votre écriture qui soudain m’a fait souvenir que moi aussi j’avais un frère de lait. Mon histoire, mon enfance, ma mère malade de la guerre.  Mais n’est-ce pas cela le secret d’une belle écriture :  suggérer par les mots, par les monts et par les vaux de nos vies si différentes du pareil qui soudain nous révèlent semblables ?


En guise de conclusion :

J’écris ce texte dans un café toulousain. Je lève les yeux et dans la douceur de ce début de matinée, j’aperçois, là, à une table de moi, une femme qui allaite son bébé. J’en suis profondément émue. Ma vie.

Je me souviens aussi de demain : je vous parlerai de Winnicott quand il raconte La sollicitude, et peut-être d’un autre texte : Allaitement…


Empruntons un nouveau chemin, le mien, l’intime, celui qui dit ma force et ma vulnérabilité, celles grâce auxquelles j’écris et cueille mes coquelicots.


L’identité au risque de l’être. Chez les autres mais aussi chez moi. Ma rencontre avec Charles  Gardou a été déterminante dans l’écriture de ce livre. comme l’a été celle avec Jacques Fijalkow. Le premier, comme un fleuve a drainé mes interrogations sur ma vulnérabilité et ma force, Le second, Jacques Fijalkow par son patient travail sur la transmission de la Shoah m’a donné des repères sur ma judéité. L’un et l’autre, je les remercie vivement ; je ne sais si ce livre aurait vu le jour sans nos rencontres.


Dans le mouvement de ce chapitre, il me paraît intègre de vous confier ces poèmes qui chantent dans la douceur de mes jours et de ma vie, ma  vulnérabilité et ma force.


(voir poèmes dans 6 bis)... et donc ...


A suivre ! MJC







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11 juillet 2010 7 11 /07 /juillet /2010 16:18

L’identité au risque de l’être (5)


Mon identité au risque de la Shoah


Drancy, le 22 mars 1943


                        Mes chers tous

Je vous ai déjà écrit et je n’ai rien reçu. Je regrette, j’aurai voulu me rassurer avant de partir, je pense beaucoup à vous et j’espère que vous jouissez d’une parfaite santé. Ne vous faîtes pas de mauvais sang pour moi car je prends tout avec courage.  Je me porte bien et chacun a son destin. Il nous reste que de prier le bon dieu pour qu’il nous réunisse et nous permette de nous revoir au complet. Je vous avertis de ne rien envoyer ni lettre ni colis car nous partons pour une destination inconnue demain. Fortunée. (Lettre de  Fortunée, adressée à sa famille, écrite la veille de son départ pour Sobibor.)

Fortunée était ma grand-mère et dans l'absence de cette grand-mère, jamais revenue se sont engouffrées beaucoup de mes lectures.

La Shoah, c’est tout ce que ma mère ne m’a jamais dit, tout ce dont elle ne voulait rien savoir : elle en serait morte de chagrin et de culpabilité car sa mère, elle avait dû la laisser et sa mère avait été arrêtée et déportée et assassinée. Ma mère est morte à son tour et dans ces papiers, j’ai trouvé cela :


ETAT-CIVIL


COPIE D’IMMATRICULATION -Registre N°3-Immatriculation des +algériens-Immatriculation N°397- du 2 juillet 1884-

Judas Lévy ABIGNOLY,commerçant-Mascara (Oran Algérie) le 25 mars 1838-au Caire rue Neuve-marié à Zahra Hassina ayant :

A- Isaac Levy né a Jérusalem en 1867 -B- Abraham Levy né à

Jérusalem en  1868 marié à Flor Rossano(divorcées le 22 mars 1923) ayant a)Régina née au Caire le 20 novembre1896 b)Aslan né au Caire 27septembre1899 -C-Moussa Lévy né au Caire en 1875 marié à Rébecca Rawasse(décédée)ayant

Félix né au Caire le 30 avril 1900

b) Léon né au Caire le 18 octobre 1903 remarié à Esther Gaboay(décédée) ayant : c) Max né le 2 mai 1913

 d)Albert né 15 août 1914 au Caire

 e) Sami né le 14 avril 1917 au Caireremarié à Nazli (Fortunée) Dayan le 23 octobre 1919 (suivant certificat du Rabbinat du 25 mai 1922 N°680) ayant

 a) Flore née le 2 septembre 1920 –

D- Yussef

 

Levy né au Caire en 1877 marié à Esther Lévy Basmon ayant

a)Flore née le 20 août 1904

 b) Jeanne née le 16 octobre 1905 -Claire née le 29 octobre 1916 Edgard né le 18mars  1914- Victoria née le 15 mai 1909- E- David Lévy né au Caire en 1882 marié dix sept septembre 1910 à Marie Dayan ayant :

Elie né au Caire le 21 février 1916

 Lucien né au Caire le 2 janvier 1921 –

 Yvette née au Caire le 31 mars 1922 –

Léonie née le 25 juillet 1923 au Caire  G-Aaron né au Caire en     1889 marié à Rose née Jasson-sur le vu d’un jugement rendu par le     Tribunal de Mascara en date du 28 mars 1884 N°85 Enregistré à la Chancellerie de ce consulat le 5 juillet 1884 sous le N°10 du registre           des actes sous Seing privé- signature de l’immatriculé


POUR COPIE CERTIFIEE CONFORME A L’ORIGINAL. Le Caire, le neuf janvier mil neuf cent cinquante neuf.


                                                                           AMBASSADE DE SUISSE

                  Tampon de l’ambassade de Suisse                                                                                 Le Caire                                               Section des intérêts français

                                                                           p.o

                                                                           C K



Extrait de naissance d’après paragraphe souligné.



Dépôt de cette pièce a été fait le 11/8/1959 au greffe de tribunal d’instance 27 bld des Dames à Marseille.



Mini-commentaire


Je suis émue de taper cet extrait de naissance. Je suis émue par ce flot de vies qui me précèdent. Des dates de naissance, de mariage, des décès. Certains noms ont bercé mon enfance .Un nom essentiel Le Caire. J’ai envie d’aller au Caire.


En haut à gauche il est écrit :

« Mlle Abignoli » Cachet rond avec mention :

Complément payé au tarif de 1937

E.99935

Timbre rose d’une valeur

de 1 franc

Tampon République française »

D.A.

Traduction

Gratis

Certificat de naissance


Extrait du Registre des naissances du Caire (Egypte)

N° d’Enregistrement 1230.

Date de la naissance :  8 septembre 1920

Nom et sexe du nouveau né : sexe féminin, Flore

Nom et prénom du père Moise Abignoly

Nom et prénom de la mère : Fortunée

Profession du père : Employé de commerce.

Nationalité française

Sujet du gouvernement français.

Religion : Israelite

Habitation et rue Chaïr Hamdi n° 43

Pour copie conforme

Signature ou cachet du dépositaire du registre : Illisible

Fait au Caire le 11.9.1920


T.S.V.P


Signature et cachet : Illisible

Pour traduction conforme en langue arabe.

Marseille le 11 mars 1938

Le traducteur Juré

signature M.Beraha


Tampon rond: M.Beraha, interprète traducteur juré. Prés le tribunal civil Marseille

TAMPON RECTANGULAIRE EN ROUGE / VU POUR LA LEGALISATION DE LA SIGNATURE CI-CONTRE Marseille le 12 mars 1938. Pour le Maire de Marseille. L’adjoint délégué. Signature



TRADUCTION

-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-

GRATIS


CERTIFICAT DE NAISSANCE



Extrait de Registre des Naissances du Caire (Egypte)


N° d’Enregistrement 1230

Date de la naissance 8 septembre.1920

Nom et sexe du nouveau-né -féminin-FLORE

Nom et prénom du père : ABIGNOLI Moïse

Nom et prénom de la  mère : Fortunée DAYAN

Profession du père : employé

Nationalité Française

Sujet du gouvernement français

Habitation et rue  Chaïr Hamdi n°43

Pour copie conforme


 Signature ou cachet du dépositaire du registre


Fait au Caire le 11.9.1920

 

SIGNATURE


CACHET


Commentaire


Ce papier, dans le désordre de son énoncé qui dit le désordre de mon histoire n’a aucune valeur juridique. Il est simplement tapé à la machine -probablement par maman elle-même-. Il n’y a ni cachet ni tampon, ni timbre, ni signature. Je pense que cela traduit la peur panique que j’ai toujours connu chez maman de perdre ces papiers officiels. .Peur qu’elle m’a transmise.


La perte a été un mot essentiel pour maman. Perte de son histoire, perte de ses repères, pertes de ses êtres chéris. Pour elle, la Shoah, c’était ça : de la perte. A mon tour j’ai porté et emporté, j’ai charrié la perte.

EXTRAIT OFFICIEL

----------------------------


des Registres de Naissances du  Kism d’Ezbekieh -Gouvernorat du Caire

- lieu d’émission de l’Extrait : Archives du Ministère de l’Hygiène Publique

- Nom du Requérant : Flore Moussa

-N° de la demande : 15.994

- Droits perçus :  90 Mlls-Récipissé du 13.8.1950

    payés à la caisse du Ministère, y compris les droits de timbre.



                     EXTRAIT DEMANDE

-----------------------------


Des recherches effectuées dans le registre vol.32, il appert que sous le N° 1330 sont inscrites les indications suivantes ;

- Date d’enregistrement de la naissance : 10 septembre 1920

- Date de la naissance : 8 Septembre -heure  :10 p;m

- Nom  du nouveau né : -Flore Moussa-Sexe féminin

- Lieu de naissance : Rue Hamdi N°43

- Nom du Père : Moussa Lévy Abignoly

- Nationalité : Française

- Religion : Israëlite

- Profession : Employé

- Nom de la Mère : Fortunée Lévy Abignoly

- Nom du Déclarant : Félix Lévy

- Adresse : rue Hamdi N°43


Pour copie conforme,

Signature du clerc : illlisible

Signature du dépositaire du registre : illisible

le 14.8.1950


Délivré sans aucune responsabilité de la part du gouvernement Egyptien.


Signatures des Chefs de service : illisibles

Signature du Directeur du Département : illisible


SCEAU

le 14.8.1950


La Shoah, pour moi ce n’est ni Nuit et brouillard, ni tout Elie Wiesel ou Primo Lévi, ni Le journal d’Anne Frank, ni Imre Kertez, ni tout Jorge Semprun ou tout Charlotte Delbo, pour moi c’est un trou immense, Fortunée Abignoli, dans cette famille,  dont j’ai recopié les noms, une famille digne, une famille qui peuplait la terre. Une famille, mes ancêtres ces inconnus. Ma dette.


Alors j’ai lu :


- Primo LEVI. Le devoir de Mémoire

           Si c’est un homme

          La Trêve

          L’asymétrie de la vie

          Le système périodique


- Myriam ASSIMOV  Primo LEVI


- David GROSSMAN Voir ci- dessous Amour

- Sous la Direction de Robert MENCHERINI : PROVENCE – AUSCHWITZ

- Jean Christophe ATTIAS et Esther BENBASSA Petite histoire du judaïsme


- Jonathan LITTELL Les bienveillantes


- Sous la Direction de Christophe OPPETIT  Marseille, Vichy et les Nazis

- La Raffle du Veld’hiv. M. RAJSFUS

- Drancy M. RAJSFUS


- Irène NEMIROVSKY Suite Française

- Elisabeth GILLES. Le Mirador

- Elisabeth GILLES. Un paysage de cendres

( Elisabeth GILLES est la fille d’Irène NEMIROVSKY)


- L’enfer d’Alsace un guide témoignage sur le Struthof

- Camp de Concentration Natzwiller STRUTHOF


- Robert ANTELME L’espèce humaine

- Jorge SEMPRUN Quel beau dimanche !

            Ecrire ou la Vie

- Elie WIESEL Mémoires 1 et 2

              La nuit

              Célébrations Hassidiques

              Le cinquième fils

               Le crépuscule au loin


- William STYRON Le choix de Sofia

- Hélène BERR  Journal

- Gérard RABINOVITCH  Questions sur la Shoah

- Aharon APPELFED Histoire d’une vie

- D.ROUSSET. L’univers concentrationnaire

- J AMERY  Du vieillissement

        Par- delà le crime et châtiment

- G. DE GAULLE  ANTHONIOZ La traversé de la nuit


IMRE KERTESZ

- Liquidation

- Le refus

- Le chercheur de traces

- Un autre

- Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas

- Etre sans destin


- Todorov Les Abus de la mémoire

- Joseph BIALOT C’est en hiver que les jours rallongent

- Jacques HASSOUN et Cécile WAJSBROT  L’Histoire à la lettre

Charlotte DELBO ( Voir bibliothèque Femmes)


J’ai aussi récemment lu de nombreux articles des Colloques de Lacaune sous la direction de Jacques Fijalkow.


‘(ceci n’est pas une bibliographie, ceci est ma nuit)


Alors, j’ai écrit


J’ai écrit La Femme en retard

 J’ai écrit de nombreuses notes de lectures sur la Shoah


Mais surtout, j’ai rencontré Elie Arditti

Il m’a donné son amitié et qui m’a confié son témoignage que voici :








Le récit d’Elie Arditti


ILIYA  ARDITI (nom sous lequel j’ai été arrêté)

EIE ARDITTI (en français)

Né le 15 mai 1924 à Smyrne en Turquie.


Ma première école a été l’école libre catholique Saint Joseph de l’apparition, dans la banlieue de Smyrne, tenue par les religieuses où j’ai appris le français.

22 août 1934, arrivé à Marseille avec ma mère et ma sœur Victoria, puis départ pour Paris vers 1935 (?). Retour à Marseille où nous avons habité au 23 de la rue Glandèves chez monsieur et madame Jechaya et Rachel Reskenazi. J’allais à l’école communale en haut de la rue Sainte dans le quartier de la Corderie. Puis, de retour à Paris, je suis allé à l’école rue Keller dans le 11ème arrondissement, auparavant en 1934, j’étais allé à l’école rue Erckman Chatrian dans le 18ème arrondissement. J’ai obtenu le certificat d’études en 1937, puis j’ai commencé à travailler.


13 juin 1940 à 14 heures, je quitte Paris à pieds (il n’y avait plus de train) avec ma mère et ma sœur en exode (les Allemands rentrent dans Paris le 14 juin)  par la porte d’Orléans jusqu’à Nemours où nous trouvons un train avec des soldats français, nous montons dans un wagon de charbon vide et découvert. C’est le  15 juin vers 15 heures, nous sommes attaqués par des avions qui bombardent le train puis en raz motte nous mitraillent. Nous abandonnons le train avec nos affaires et nous nous enfuyons en sautant du wagon vers la lisière de la forêt toute proche. Au retour, il n’y a plus de train, nous allons toujours à pied jusqu’à Montargis où le lendemain nous trouvons un autre train avec des soldats français, nous montons avec eux. Ils nous donnent à boire et à manger, le 17 juin nous arrivons à Saint Germain des fossés (Allier), à 12 kilomètres au Nord de Vichy où on fait descendre tous les civils. Nous sommes très bien accueillis par le maire et par la population. Nous allons chercher de la paille et nous passons la nuit à l’école, par terre. Le lendemain matin 18 juin 1940 vers 6 heures, ma mère me réveille et nous dit en espagnol : « levez-vous mes enfants, venez voir ! » Et nous avons vu passer sur la route devant nous des tanks avec drapeaux à la croix gammée. Donc, il n’était plus nécessaire de fuir vers le Sud, ils nous avaient rattrapés.


Puis, par l’intermédiaire de la Croix rouge, nous avons appris que mon frère Albert qui était engagé volontaire était au camp de Septfonds, dans le Tarn et  Garonne, où après avoir trouvé du travail à Montauban, il s’était fait démobiliser. Notre mère et ma sœur Victoria, nous sommes allés retrouver Albert en septembre 1940. C’est pour cela que fin novembre 1940, nous sommes partis pour Marseille suite aux lois de Vichy et le 1er décembre 1940 je trouvais un emploi dans une confiserie foraine derrière la bourse. L’Enseigne était « Confiserie orientale ».

Mais en tant que réfugiés, étrangers on était devenus « indésirables . »  La loi du 2 juin 1941 appelait tous les juifs à se déclarer à l’hôtel de ville (service de la Police Administrative. )

A Marseille, je reçois une feuille du petit commissariat de quartier près du cours Lieutaud, disant de me présenter au 804 à Saint Jérôme. Ne comprenant rien, je me présentais à ce commissariat où l’on me dit : « prenez le tramway et allez à Saint-Jérôme, » ce que je fis :  à Saint Jérôme je vois des petites plaques en bois indiquant le chemin du 804, je continue  et tout en avançant je vois des GMR (Groupe Mobile de Réserve) de chaque côté puis au fond une entrée 804. Je suis loin de me douter que c’est un camp. Une fois dedans on ne sort plus. On prend mon nom Arditti Iliya et je vois plein de monde, que des hommes, tous juifs. (En fait ils avaient écrit « ARDITI, avec un t).

Un homme s’approche de moi et me parle en allemand, un autre juif traduit et me dit « c’est un juif allemand », il est médecin, il est interné comme nous tous ici, voyant que je me grattais, il regarde mes mains et me dit toujours (par l’intermédiaire de l’interprète) : « Tu as la gale, c’est bon signe ! » Demain, ou après demain le docteur va venir, tu te fais porter malade et pendant le transfert à l’hôpital tu t’évades, si tu as la chance entre temps de ne pas être appelé. Car dans la journée des camions venaient, ils appelaient des noms et ils montaient dans le camion. Les GMR fermaient la bâche à l’arrière, et ils s’en allaient, ni vu ni connu, en traversant Saint Jérôme.

Pendant mon transfert, je ne me suis pas évadé car il était facile de s’en prendre à ma mère et à ma sœur.

Je fus conduit dans un pavillon de la prison des Baumettes, Le Dantec où cinq jours après, je réussissais en rampant à passer par la porte, à m’évader, alors qu’un camion bâché venait de rentrer. Il tombait quelques flocons de neige.

Par la pinède je courrais jusqu’à l’avenue du Prado où je montais dans le 1er tramway  en direction Place Castellane. Comme à l’arrivée au Dantec, au bureau on m’avait pris le peu d’argent que j’avais, sur le tramway, il y avait un jeune homme, sans lui raconter d’où je venais, je lui dis que je n’avais pas de sous et lui demandais s’il voulait payer mon ticket, il m’a dit que oui.

Le vendredi 22 janvier 1943, je travaillais à la confiserie comme d’habitude, depuis le 1er décembre 1940. A partir de 10heures du matin je commençais à remarquer l’arrivée par la porte d’Aix et le cours Belzunce un défilé ininterrompu de camions bâchés et de side-cars avec plein de GMR jusqu’au soir. J’étais loin de me douter de ce qui nous attendait, nous les juifs, la nuit prochaine. Après mon travail, je rentre tranquillement chez moi (veille de Shabbat) au 13 rue d’Aubagne.

Dans la nuit à deux heures du matin, alors que nous dormions, on frappe à la porte : POLICE, OUVREZ !

Ma sœur Victoria ouvre, un civil demande « Contrôle d’identité ! » Elle montre les papiers avec le tampon JUIF en rouge, le policier civil dit : « Suivez nous ! » Ma mère cardiaque (elle était soignée par le Docteur CHAOUAT, juif aussi) est prête à se lever. Je dormais sur trois chaises derrière la porte (je n’avais pas de lit) et le policier ne m’avait pas vu. J’entends le policier qui dit à ma mère : « Prenez une couverture ! » A ce mot de couverture qui me réveille je compris ce qui nous attendait ; Je dis en espagnol à ma mère « Ne bougez pas mère, on ne reviendra pas ! »

Le policier dit : « Qui c’est ? » Ma sœur répond : « C’est mon jeune frère.. » Ma sœur propose d’aller demain pour le contrôle d’identité. Ma mère est prête debout, je lui serre fort le bras et lui répète en espagnol : « Ne bougez pas ( je la vouvoyais) on ne reviendra pas ! » Le policier dit qu’il y en a pour deux minutes. Ma sœur qui a commencé à comprendre insiste : « Contrôlez ici les papiers, nous sommes turcs, notre pays est neutre. » Réponse du policier : « Je ne vous demande pas si votre pays est neutre, SUIVEZ-NOUS ! » Alors derrière le civil, un jeune GMR lui dit : « Laissez là la pauvre, elle est malade. » Perplexe, il prend les cartes d’identité et les cartes d’alimentation de nous trois et marque sur un papier : Madame Arditti étant malade, sa fille reste pour la garder et à moi, il me dit « VOUS ! VENEZ » et il me remet tous les papiers et me dit « Vous donnerez tous les papiers au commissaire en bas qui décidera. »

J’avais deux gabardines, en partant ma sœur veut me donner la neuve, je lui dis « donne-moi la vieille car je ne reviendrai pas »

En descendant les escaliers, j’ai compté : ils étaient 6GMR avec des mitraillettes et trois civils qui continuaient la rafle en faisant du porte à porte.

Arrivés au premier étage, je demandai au GMR « Je peux aller pisser un coup ? » (Je n’en avais pas envie.) Il me dit « Oui. » Je suis allé au bout du couloir où il y avait un cabinet, je pris les papiers de ma mère et de ma sœur et les cachaient dans mon slip. Arrivés en bas, devant l’immeuble, il avait un camion et des policiers civils. J’ai été fouillé, on a noté mon identité. Celui qui avait l’air d’être le commissaire me dit  : « Vous êtes seul ? » Je répondis « Oui »  et il ajoute : « Vous n’avez pas de famille ? » Je réponds « Non ! » Alors il dit au GMR « Allez ! Embarquez le ! » et je fus emmené sur la petite place où il y avait la halle aux poissons où un autre camion nous attendait. A ce  moment là, j’ai tendu la main à une dame d’environ 60 ans pour l’aider à monter dans le camion,  là,  elle s’est tournée vers les policiers et dignement elle a dit : « On nous embarque comme des moutons à l’abattoir » et elle s’est assise à côté de moi. Un monsieur, son fils est monté ensuite et m’a raconté qu’il était chanteur d’Opéra à l’Opéra de Marseille dans le rôle du Ténor : Mario Cavarodossi dans la Tosca et qu’il venait de chanter « c’est mon dernier jour, je meurs désespéré » et « maintenant c’est pour de vrai ».  a-t-il ajouté. Il m’a dit que sa mère était veuve à la  suite de la guerre de 14 et que lui était pupille de la nation. Le camion plein, il est parti par la rue Saint Ferréol. En route, par la bâche un peu ouverte, j’ai pu voir le trajet : Préfecture, Castellane, Prado. Le camion était conduit par  un GMR et à l’intérieur du camion, à l’extrémité, face à face, il y avait 2 GMR. Ils étaient donc trois pour nous emmener.

Arrivés au Baumettes, les camions, avant de nous décharger, tournaient prêts à repartir, l’arrière du camion donnant sur l’entrée de la prison. J’ai vu à côté de moi d’où on avait déchargé, tourné prêt à repartir, l’arrière du camion donnant sur l’entrée de la prison. J’ai vu à côté de moi d’où on avait déchargé les passagers d’un autre camion une femme qui réclamait ses béquilles restées dans le camion. « Mes béquilles, je ne peux pas marcher sans elles » dit-elle et j’ai vu et entendu un jeune GMR lui dire: « Oh bientôt vous n’en aurez plus besoin ! »

En entrant en prison, on nous a rassemblés dans le hall sur la gauche, où j’ai rencontré Madame Elisa VALARIOLA et Madame Rachel CAPELLUTO, deux voisines qui m’ont dit en espagnol : «  Qu’est-ce qu’on va nous faire Elie ? :   Je répondis  « Oh ! rien », puis elles ajoutèrent : « ils vont nous libérer.»  Je répondis : « Bien sûr ! «  (je mentais.) « Que Dieu t’entende ! mon fils » m’ont-elles répondu en espagnol. Je ne devais plus les revoir.

A côté de moi, à ma gauche, il y avait une jeune femme avec un « GROS VENTRE », elle tenait de sa main gauche une fillette qui ne devait pas avoir encore 3 ans. A ma droite, une autre jeune femme, avec un bébé dans ses bras. Plus loin, une autre femme qui m’a montré un tout petit chien caché dans son manteau contre sa poitrine, elle m’a dit : « Je suis seule, je n’allais pas le laisser à la maison mourir de faim. »

Des enfants en bas âge, tenaient leur père par leur main. A un moment, à environ 20 mètres de moi, j’ai vu un civil (Gestapo peut-être ?) faire un signe de la tête, et des civils qui étaient mélangés avec nous, en moins d’une minute, ont arraché brutalement les enfants des mains de leur père, et les femmes et les enfants furent séparés des hommes. Les civils n’ont pas dit un mot, ils avaient l’air d’avoir de l’expérience, ce qui m’a fait penser que ça devait être la Gestapo (? ) car je n’osais pas penser que des français fussent capables de tout cela !

Puis nous avons été dirigés dans une salle à côté par petits groupes, où un civil nous a dit : « LES JUIFS, deux pas en avant ! » Automatiquement, je me retournai, nous avions tous avancé, nous étions tous juifs. Devant, il y avait des tables et derrière ces tables, des fonctionnaires français assis qui notaient notre identité. Il m’a fallu vider mes poches, j’avais un petit canif en nacre (cadeau de mon frère Albert), tout est resté sur la table.

Le fonctionnaire m’a demandé si j’avais des armes, je répondis « Oui, j’ai une mitrailleuse ! » Je voulais me payer le luxe de me foutre de sa gueule, parce que je sentais que c’était fini.


Puis nous avons été conduits au 2ème étage de la prison dans les cellules ouvertes. Nous étions 6 hommes par cellule, il n’y avait ni lit , ni eau, ni cabinet. Le cabinet se trouvait au bout du couloir.

Le samedi 23 janvier vers 18 heures, on nous a appelés au rez-de-chaussée  pour nous donner une assiette creuse, une cuillère à soupe et un quart, le tout en métal. On nous a rempli « DE SOUPE » la moitié de l’assiette, avant de revenir à la cellule car en 3 ou 4 cuillérées j’avais tout bu. Il y avait des hommes âgés qui donnaient leur part à des jeunes, car ils n’avaient pas faim. Avec le quart en métal j’allais puiser de l’eau dans la chasse, en haut des cabinets. Je buvais, puis j’apportais à boire à nos voisins âgés.


En revenant des cabinets, à côté des escaliers, j’ai vu une porte ouverte qui menait sur les toits, je suis monté et à plat ventre, j’ai regardé s’il était possible de s’évader par le toit. J’ai vu que c’était impossible.


Le dimanche 24 janvier à 5 heures du matin, on nous annonce qu’on va être libérés. Du 2ème étage où j’étais, je cours pour me trouver le premier à sortir. Alors à ma droite, un jeune civil dit : « Ne poussez pas, vous Y passerez tous »

Intrigué par le Y, j’arrête de pousser. A 5h30 les portes de la prison s’ouvrent, et ce que je vois me fait comprendre ce que voulait dire le Y.

J’aperçois des soldats allemands, je vois « des paniers à salade » vitrés avec des barreaux, on nous fait monter dedans. Le chauffeur est un gendarme, et à l’intérieur, près des portes arrières, face à face, deux gendarmes français, ( oui, il faut le dire).

Le convoi se met doucement en route, de chaque côté, tous les 10/15 mètres environ, jusqu’à la gare d’Arenc où nous arrivons à 6h 45, il y a des soldats de la

WERMACHT, baïonnettes à canon pointé sur nous, et en plus de temps en temps des officiers SS avec les chiens bergers « allemands. »

Les officiers SS se tenaient tellement raidis que devant les gendarmes j’ai dit : « Ils sont fiers, ils se tiennent tellement droits qu’on dirait  qu’on leur a planté un manche à balai dans le c… (pardonnez-moi mon insolence j’avais 18 ans et demi !)

Nous sommes passés par le Prado, Castellane, la rue de Rome, le cours Belzunce,  la porte d’Aix.


En franchissant dans le « panier à salade », l’entrée de la gare d’Arenc, j’ai pu voir sur la gauche, un groupe de SOL (Miliciens de Joseph Darnand. SOL : Service d’Ordre Légionnaire) au garde à vous devant les SS, puis des civils souriants –l’air satisfait et fiers de la besogne qu’ils étaient en train d’accomplir. Des GMR, des officiers SS avec toujours les chiens.

Le « panier à salade » s’est dirigé en tête du train parmi les premiers wagons. Sur la photo prise par les allemands (Histoire de Marseille en 13 évènements sous la direction de Philippe Joutard) on peut voir,  sur la gauche du wagon, le plomb qui va servir à fermer le wagon. Je suis parmi, les premiers à monter et je donne la main pour aider les autres. A un moment donné (l’homme à casquette qui donne la main, celui qui est près de la porte) me dit : « Passes la main, tu es crevé ! »  Plus tard, cet homme me dira qu’il a soixante ans et qu’il est de MIRAMAS. Il venait voir ses petits enfants à Marseille et il a été arrêté à la gare. Après que cette photo fut prise, on voit que le wagon est plein, un civil nous a dit : « Levez les bras pour faire de la place ! » et ils continuent à embarquer des hommes (60).


Avant le départ, ils ont jeté dans le wagon 7 boules de pain et 3 ou 4 boîtes de conserve, qui d’ailleurs sont restées dans le wagon.

A 7 heures le wagon fut plombé de grosses pinces par un ouvrier que l’on aperçoit courbé à gauche de la porte.


Le train a démarré à 10 heures. Juste à ce moment, tous les passagers ont récité le KADDISH (la prière des morts). Pour pouvoir respirer et gagner de la place, nous nous sommes encastrés l’un dans l’autre, c’est à dire : celui qui était devant mettait son dos contre la poitrine de l’autre et ainsi de suite, nous avons pu rester assis. Après le départ, nous avons essayé avec les mains d’arracher le plancher, puis en se faisant soulever, donner des coups de poings au plafond, sans résultat.

Dans l’après-midi, lors d’un arrêt en rase campagne, j’ai entendu des aboiements puis des gifles et gueuler en allemand. J’ai vu un peu par la fente ; on venait de lancer les chiens après un fugitif d’un wagon devant le nôtre.

Après cela, lorsque le train s’est remis à rouler, des hommes ont ouvert la lucarne et voulurent sauter. Le grand-père de Miramas les a empêchés en leur disant : « Attendons la nuit » et c’est lui qui m’a dit : « Lorsque tu va sauter, ne saute pas droit, tu serais happé par le train. Tu fais comme lorsque tu descends d’un tramway, à part que ça roule un peu plus vite, mais saute dans le sens de la marche. » (Son conseil m’a servi.)


Dans la soirée, je me suis assoupie, nous n’avions pas une goutte d’eau pour personne ; tout d’un coup j’ai senti l’air frais. Des prisonniers avaient ouvert la lucarne et le premier à sauter  fut le grand-père de Miramas. Nous faisions la queue, j’étais le 4ème , mais un homme m’a dit : « Laisse-moi » ton tour, je suis père de famille, j’ai des enfants. Je laisse mon tour puis un autre m’a dit : « Laisse moi passer avant toi j’ai une famille et des enfants », je le laissai passer aussi. Je me préparai à sauter quand un autre voulut mon tour avant que les gardes ne se rendent compte et nous tirent dessus. Je refusai en disant : « Moi, j’ai ma mère ! » et c’est ainsi que je sautai le 6ème, de la lucarne j’ai atteint le marchepied et de là c’était moins haut et plus facile, ce qui fait que je m’en suis sorti sans mal, juste les genoux et les mains un peu éraflés. Je fis le mort jusqu’à ce que tout le train fut passé, je me suis relevé lorsque j’ai vu le dernier wagon disparaître.

Avant de sauter, un homme s’est mis à crier : « Alerte les gardes, ils s’évadent ! » Je lui sautai au cou et lui ordonnait de se taire enfin disant « Tais-toi où je t’étrangle ! » J’ai honte d’avoir tutoyé et agis ainsi envers un homme qui devait avoir plus de 50 ans que moi. Il me dit que s’il manquait un seul à l’arrivée ils nous tueraient tous. Je le raisonnai et je réussis à le calmer en lui disant qu’à l’arrivée, n’importe comment nous allions tous être tués (j’ignorai comment) et que si quelques uns échappaient, ils pourraient nous venger et raconter, alors il s’est calmé  et j’ai pu sauter. Dans notre wagon, le plus jeune avait 16 ans et les plus âgés 75 ans environ.

Dans la journée, il y a des hommes qui ont écrit sur des bouts de papier des messages avec adresses de leur famille et les ont jetés par la fente pendant la marche. Pour ma part, j’ai refusé d’écrire  afin de ne pas mettre l’adresse de ma mère.


Depuis mon arrestation au 13 rue d’Aubagne, jusqu’à mon évasion du train, 42 heures s’étaient écoulées : 42 heures qui m’ont marqué pour toujours malgré que je n’ai pas souffert. Je pense sans cesse à tous ceux qui étaient dans mon train.


Lorsque j’ai retrouvé ma mère et ma sœur voici ce que m’a raconté ma sœur Victoria.

Le samedi 23.01.43, ma mère et ma sœur ne me voyant pas revenir, ma sœur est allée au petit commissariat qui donne sur le cours LIEUTAUD, elle a dit au policier  qu’elle venait aux nouvelles de son frère parti dans la nuit avec les policiers pour quelques minutes. Alors le policier a demandé à ma sœur : « Faîtes voir vos papiers ! » ma sœur a répondu « Justement, je n’ai plus de papiers ! » Puis il lui a dit « Attendez ! je vais voir le commissaire dans son bureau. » Lorsqu’il est revenu ma sœur avait disparu, elle commençait à comprendre et elle s’est enfuie du commissariat. »


Elie Arditti,

Montauban le 18 juillet 1992


Elie Arditti a relu soigneusement ce témoignage avant son insertion sur mon blog et dans ce livre et en reconnaît la validité. Bien sûr, il porte en son cœur, d’homme de 85 ans la pleine responsabilité de ses propos et de ses souvenirs ; je le remercie vivement de sa confiance et de me les avoir confiés. La vie a autorisé notre rencontre qui devint amitié. J’en suis pleinement heureuse.


Enfin, je tiens à donner les références du film de Jacob Haggaï :

 

« Un saut pour la vie. Marseille … Rafle du 22 janvier 1943 »

Un témoignage de Elie Arditti

Film documentaire :

Réalisation / Cadre : Jacob Haggaï

Montage : Matthieu Soudais

Enquête : Nancy Moyen


Ce documentaire relate la totalité de l’évasion de Elie Arditti, de ce train qui roulait sur Compiègne et qui de Compiègne devaient prendre une nouvelle destination : celle des camps de la mort.


A tous dans le silence de mon travail si intériorisé, vont mes pensées  de femme du jour présent, dans l’été naissant de 2009.


Et mon regard, lentement sombre dans le passé si immédiat.


Merci Elie d’avoir sauté du train, merci d’avoir survécu à l’enfer, merci d’avoir fait du but de toute votre vie, le désir de raconter les rafles du 22 janvier 1943 à Marseille. Votre vie durant vous avez été au service de la transmission de ces 42 heures là qui ont marqué votre vie. Rien ne vous irrite plus que lorsque des journalistes en mal de sensationnel font de vous un héros. Vous n’avez de cesse de dire que vous n’avez pas souffert. Sans doute, mais vous avez vécu chaque jour de votre vie avec ces innocents là de ce train qui furent le vôtre. Ce sont les heures terribles qui ont précédé les tours de roues de ce train sans survivants autres que ceux qui avaient fait le saut pour la vie (6), dont vous, que vous avez racontées, racontées, racontées encore et encore pour que tous sachent et que la mémoire soit dite. Cette mémoire là vous l’avez portée avec une obstination inouïe et permettez moi humblement de prendre votre relais dans le temps de ces pages de mon blog Les inventeurs de lectures. La lecture est avant tout mémoire.

Aujourd’hui mémoire d’une date et d’un lieu : Vendredi 22 janvier 1943 à Marseille. Mais aussi, mémoire de votre nom Elie Arditti, vous qui avez sauté pour la vie, pour votre vie et pour raconter leurs vies. Vous aviez à peine 19 ans, vous en avez à peine 85… Tourne le temps, tournent nos vies mais restons vigilants à la bête immonde.


J’ai pris en note ce témoignage le 6 juillet 2009



Je n’ai jamais pu pleurer ma grand-mère parce que je ne l’ai pas connue, j’ai traversé un paysage identitaire, des terres brûlées  que personne n’a jamais vues, j’ai pleuré ma mère, j’ai découvert le nom de mes ancêtres à 50 ans, j’ai lu, j’ai écrit mon auto-fiction, j’ai rencontré Elie Arditti.


Mais pour moi, la Shoah, c’est toujours une immense plaine de solitude, un silence  de violence et de néant que j’ai échoué à transmettre à mes enfants pour cause de trou génocidaire.


Mais grâce à Serge Klarsfeld, je peux vous écrire, à vous mes lecteurs, cette confidence et avec vous continuer de vivre.


Confidence


Ce dimanche 6 février 2005, j’étais à Paris avec ma famille, 17, rue Geoffroy-Lasnier dans le 4ème arrondissement. Métro Saint-Paul. Vous sortez du métro, vous marchez en direction de Notre-Dame. La première rue main droite vous y êtes.

Nous y étions. Recueillis. Nos yeux fixés sur le mur des noms. 1943. Dans les lignes du haut, j’ai lu : Fortunée Abignoli. 1890 Quelques jours auparavant, par internet, nous avions pris connaissance du convoi –convoi 52 – qui l’avait emportée, elle ma grand-mère, au diminutif chéri d’Hanem, vers Sobibor.

C’était simple. Ce dimanche 6 février 2005, je me recueillais enfin en paix devant ces lettres Fortunée Abignoli, devant cette année 1890, son année de naissance, devant 1943, l’année de sa déportation. Ma grand-mère est maintenant logée pour l’éternité avec 76000 autres noms. Eternité, je le sais, c’est de cela qu’il est question. Elle qui avait sombré dans la nuit, dans le brouillard d’un génocide, dans le meurtre et dans l’effacement. Ils l’avaient tuée, puis ils avaient effacé toute trace de leur meurtre, toute trace d’elle, Hanem. Ils l’avaient engloutie dans le néant. Ce néant là avait englouti moi et ma famille dans nos larmes confisquées, dans mort et culpabilité d’un impossible deuil. Souffrance immense pour chacun d’entre nous, surtout pour toi ma mère. Mon histoire. Je passe.

Maman, les hommes n’ont pas renoncé. Ils ont cherché, fouillé le néant, sculpté la pierre. Par ces noms, par nos regards recueillis sur ces noms, nous avons hissé dans notre temps présent et dans leur histoire enfin réintégrée ma grand-mère, ta mère et eux tous, porteurs de ces noms retrouvés. Le néant n’est plus de mise. Mémoire et trace sont là. La transmission brisée a retrouvée son ordre, mère, fille, petite fille, arrière petite-fille. Maintenant je peux te dire et m’en souvenir. A toutes mes bagues, je donne un nom. Celle-là, toute belle, qui à mon doigt étincelle, je la nomme Fortunée, je la chuchote Hanem. Le temps m’a passé la bague au doigt, le souvenir m’a dit ton nom et me caresse de ton prénom, ma grand-mère ici présente pour toujours, jusqu’au bout de l’avenir pour moi et les miens. Je continue mon cheminement avec elle, Fortunée Abignoli, avec vous tous mes amis de lutte, bâtisseurs de noms retrouvés.

 

Comme je suis bien avec vous, mes amis,  bâtisseurs de noms retrouvés ! Et donc...

 

A suivre  !

 

MJC

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11 juillet 2010 7 11 /07 /juillet /2010 16:05

L'identité au risque de l'être (4)

 

L’identité au risque de l’enfance


La soie de l’enfant


Le métier d’enfant

Est le métier le plus difficile qui soit

Il engage la soie du moi

Cette soie si fine de l’enfant


Elle peut se presque déchirer de douleur

Quand la mère dépressive a peur

De disparaître

D’être anéantie


Quand la mère est ailleurs

Dans son monde difficile

Quand elles se presse et s’empresse

D’oublier l’enfant


Le métier d’enfant

Est le métier le plus difficile qui soit

Il engage la soie du moi

Cette soie si fine de l’enfant


Quand la mère tresse

des heures de détresse

 obscurcissant son sein

Dans l’avidité d’un chagrin


Mais toujours

La soie si fine

Luisante de larmes

Espère le retour de la mère


Le métier de l’enfant

Est passion patiente

La mère s’impatiente

Mais l’enfant patiente


Le métier d’enfant

Est le métier le plus difficile qui soit

Il engage la soie du moi

Cette soie si fine de l’enfant


Et dans les larmes de l’enfant et de sa maman

Dans leur maladresse commune à se trouver

Le monde s’invente dans la brise du temps

Et l’enfant endormi caresse la soie de la maman


Mais aussi


La soie de la maman


Le métier de mère

Est le métier le plus difficile qui soit

Il engage la soie du moi

Cette soie si fine de la maman


Elle peut se déchirer de douleur

Quand l’enfant ardent a peur

De disparaître

D’être anéanti


Quand l’enfant agresse

Dans son monde

Se presse et s’empresse

De mordre le sein


Le métier de mère

Est le plus difficile qui soit

Il engage la soie du moi

Cette soie si fine de la maman


Quand l’enfant tresse

Ses heures de détresse

Et laboure le sein

Dans l’avidité d’un chagrin


Mais toujours

La soie si fine

Luisante de larmes

Résiste à la morsure


Le métier de mère

Est passion patiente

L’enfant s’impatiente

Mais la mère patiente

L’aime et l’attend


Le métier de mère

Est le plus difficile qui soit

Il engage la soie du moi

Cette soie si fine de la maman


Dans les larmes de l’enfant et de sa maman

Dans leur maladresse commune à se trouver

Le monde s’invente dans la brise du temps

Et l’enfant endormi caresse la soie de la maman



Mes valeurs de vie passent par la psychanalyse, par Freud, par ses adeptes. La psychanalyse m’a révélé mes lacunes, mes manques, mes béances, mes failles, mes chagrins, mes tourments, mes mensonges, mes compromis, mes éclats de rires, mais surtout mon silence. La psychanalyse m’a alors rendu la parole confisquée par l’Histoire comme par mon histoire et je suis devenue une femme bavarde : une écrivaine. Si fière de l’être, si fière d’avoir tant de choses à dire du monde et de mon monde, si fière d’être rentrée dans la ronde de tous, dans la ronde du monde comme il tourne « A la mode, à la mode, à la mode de chez nous ! . La psychanalyse m’a inventé mon histoire, sans laquelle je m’ennuyais. La psychanalyse m’a fait don de l’étrange et étrangeté d’être, m’a fait don de mes colères et m’a fait naître à mes pulsions et à mes créations. La psychanalyse, grâce à mes ratures m’a fait découvrir l’écriture, l’écriture, elle m’a déraciné de mon enfance et enfin j’ai grandi sur ma terre ronde come la terre et féconde comme mon ventre, comme ma fente, comme ma pente. J’ai roulé, j’ai roulé ma bosse, j’ai heurté des cailloux, je me suis fait des entorses et des hématomes, des plaies de partout et des cicatrices à qui veux-tu en voilà. Mais j’ai eu la merveilleuse chance de grandir, de partager, d’aimer, d’être là, présente au monde. J’ai vaincu mon absence et ma mort. La psychanalyse est une des plus belles aventures qui soient. Certains font le tour de la terre et voyagent de pays en pays ; moi, j’ai fait le tour de moi-même et j’ai voyagé dans des contrées obscures inconnues de tous, j’ai avancé à dos d’âne car je suis têtue et à dos de mots car je les aime, nichés dans le langage, mon bagage solitaire, mon bagage préféré, mon bagage d’écrivaine.


Ce que je veux dire, c’est que je ne pouvais envisager un blog sans une terre de psychanalyse. Je ne suis pas érudite mais j’aime lire. J’ai lu Freud et Lacan, Winnicott et Mélanie Klein, un peu Jung, Reich, il y a bien longtemps, en mai 68 je crois, je n’ai pas eu le temps de lire Anna Freud, j’ai lu passionnément Françoise Dolto et Alice Miller. J’ai une multitude de cahiers qui parlent de psychanalyse, j’ai usé des milliers de crayons noirs à souligner mes livres de psychanalyse, j’ai participé à des groupes de travail et à de mystérieux cartels. Bref j’ai fait fructifier à pertes de livres et de rencontres mon désir de la psychanalyse.


Et pour mon blog, j’ai choisi Winnicott. Pourquoi ? Je ne sais pas. Vous voilà déçus par ma réponse alors je vais en dire un peu plus.


J’aime Winnicott, parce qu’il est un homme de paradoxe et d’humour, de savoir et de devoir. Le devoir de mémoire de l’enfance. Ce qui le passionne Winnicott c’est le nourrisson qu’il y a en chacun de nous, le nourrisson qui n’a jamais lâché prise, le nourrisson dans ses éternelles aventures avec sa mère. C’est toujours là et ça me plaît tant que ce soit toujours là cette histoire du nourrisson que nous avons été et de notre mère que nous avons tétée (ou non) ; ça donne une autre couleur au monde, à son savoir, à ses guerres, à ses instants précieux de lumière nommés paix, à ses champs de coquelicots qu’ inventent la création.


Alors, pour vous, j’ai lu et écrit sur Winnicott et je vous invite à vous rendre sur mon blog pour le découvrir et l’approfondir mais pour vous aider, je vous invite à emprunter quatre chemins et sur ces chemins, je vous ai mis comme des bornes, certains articles que j’ai choisis pour vous introduire à Winnicott ou pour le mieux connaître si vous le connaissez déjà. Bien sûr, il y a mille façons de lire un auteur, je vous propose mes lunettes en espérant qu’elles vus conviennent en attendant que vous trouviez les vôtres.


Premier chemin : le plus long sans doute : le chemin du savoir

Deuxième chemin : une approche possible de l’illettrisme grâce à Winnicott

Troisième chemin : une approche possible de la paix grâce à Winnicott

Quatrième chemin : le champ de coquelicots : la création, le nectar de l’humanité.


En route ! Suivre le panneau Winnicott. GR passionnant que traverse un environnement généreux et sécurisant, il faudra souvent ralentir car notre enfance nous surprendra au détour du sentier, notre enfance et nos parents ; Il faut se chausser de bonnes chaussures ; le terrain est accidenté parfois, mais c’est un joli chemin qu’on peut faire en famille et avec des collègues de travail. C’est même recommandé car le nourrisson, il est aussi là au travail, entre vrai et faux self. Allez, j’en ai assez dit . Je commence. Voici les articles que je vous propose. On dit que ce sont des photos de la randonnée.


Le chemin du savoir :


Je vous propose deux articles de mon blog :


a)  F. Robert Rodman

Winnicott, sa vie, son oeuvre

Erès 2008

538 Pages



J’ai trouvé ce livre très difficile à lire.


Je prie les grands spécialistes de Winnicott de m’excuser pour mes contre sens éventuels. J’avance dans le savoir en autodidacte appliquée mais non universitaire (ou cela remonte à si loin que je n’ose m’en réclamer).


Je veux dire aussi que ce livre s’est présenté à moi avec des grandes plages d’obscurité mais aussi avec des grandes plages de lumière qui ont fait sens sur mon intelligence de fourmi laborieuse.


Il me faut signifier une fois encore que c’est du lieu de cette intelligence mais aussi de mon histoire affective que j’ai lu ce livre.


Il me faut mentionner que la lecture de ce livre s’est effectuée consciencieusement, crayon en main, chapitre par chapitre et que chaque tranche de lecture était ponctuée par un court et profond sommeil régressif, j’en suis certaine parce qu’elle me renvoyait au bébé que je fus. C’est le propre de Winnicott d’interpeller la plus petite poupée russe que nous sommes, logée dans l’adulte poupée gigogne dont j’ai parlé tant de fois.


Quelles sont dont les aventures de cette minuscule poupée qu’interpelle Winnicott via Rodman ? Les aventures de cette poupée nous sont contées dans le fil même de la vie de Winnicott. C’est une poupée de chair et de sons née de son auteur psychanalyste. L’homme qui écoutait les bébés est né en 1890 à Plymouth, est mort à Londres 1971. Il fut poète, scientifique, pédiatre, psychanalyste. Il fut passionné toute sa vie par sa recherche et mourut au travail. Son apport fut immense, critiqué ou non, il laissa une oeuvre achevée dont nous pouvons nous emparer, à condition de le faire avec respect. Ce  que j’ai tenté.


Je ne raconterai pas ce livre si difficile par l’enchevêtrement exigeant de l’inventeur que Winnicott fut et de sa vie, du psychanalyste toujours sur la brèche en relation avec toutes celles là tout autant passionnées que lui, Anna Freud,  Mélanie Klein, Joan Rivière, Hannah Segal et d’autres encore. C’est de leurs rencontres avec elles, de leurs correspondances, de leurs travaux, de leurs quêtes enfin qu’est née la passionnante élaboration, si spécifique, ne ressemblant à aucune  autre de Winnicott. Une élaboration à partir de celle Freud et de celles toutes, précédemment citées, mais une élaboration pleinement singulière, s’originant dans sa vie, dans son histoire, dans son histoire d’enfance et d’adulte. Comme pour tout chercheur d’ailleurs ; ce qu’a su montrer Rodman avec érudition et un talent d’archiviste qu’on ne peut lui dénier même si parfois me semble-t- il toutes ses archives sans concessions nous perdent un peu, voire même nous embrouillent... C’est la règle du jeu de toute biographie et une fois encore tentons là malgré les imperfections du genre.


Notre petite poupée donc, le bébé que nous fûmes. Un bébé, ses parents. La maman, surtout. La place du père oui. Mais il faut être patient, c’est l’objet des recherches bien avancées dans la vie de Winnicott. Le père reste longtemps exclu du travail de Winnicott.


Notons aussi l’importance des dessins, des squiggles de Winnicott venant là pour dire l’incomplétude de ses mots si vifs, si intenses, débordant de sens. En dire toujours plus avec les dessins enfantins, les siens.


Le bébé, la maman ne font qu’un au début de la vie. Winnicott va s’interroger toute sa vie sur la question suivante : L’enfant existe-t-il et comment avant sa première relation d’objet ? Quelle va être  la place des premières pulsions agressives, destructrices ? Quels vont être le rôle de ces dernières  dans la constitution de la réalité ? Est-ce la réalité limitant l’appropriation de l’objet  (le sein de la mère, la mère) et de la toute puissance de l’enfant qui va engendrer sa destructivité ou au contraire est-ce par sa destructivité pulsionnelle qu’il va mettre à l’épreuve la réalité qui, si elle résiste, se constituera alors. Bien évidemment poser cette question c’est poser la question du transfert et de la place de l’analyste dans la cure analytique qui, autorisant la destruction mais y résistant permet au sujet de re-trouver la réalité et de se reconstruire. C’est cette pulsion que j’appellerai pulsion « Janus », pulsion à deux têtes que Winnicott nomme « « Amour /dissension » qui constitue le possible « être » du bébé et son possible « faire ». J’ai beaucoup aimé le chapitre où Rodman nous explique les théories de Winnicott sur les modes existentiels de l’humain, du bébé, de la petite poupée : mode féminin de « l’être » et mode masculin «  du faire » et cela m’a paru un approfondissement au concept de la bisexualité développé par Freud avec bien sûr de nombreuses conséquences passionnantes dans l’élaboration du transfert mais aussi du contre-transfert. Il ne s’agit pas de parler d’homosexualité là où il y a partie constitutive de l’homme. L’analyste doit entendre et répondre à cette partie constitutive qu’il entend et ainsi permettre à l’analysant de retrouver son unité perdue par le clivage non reconnu par l’autre. Lorsqu’il sera reconnu par l’autre, alors seulement il pourra l’abandonner.


Janus à deux têtes encore avec  les études approfondies du self, (différent de la notion du MOI) quand il se fait, vrai self (cette partie de compromis pulsionnel qui s’autorise à ne pas communiquer avec l’environnement, faux self  (cette partie qui toujours communique, abandonnant la charge pulsionnelle). Un chapitre passionnant, complexe indispensable à la connaissance des théories de  Winnicott.


Indispensables aussi les notions d’aires intermédiaires  quand le bébé construit, re-trouve l’objet qui échappe à sa toute-puissance. Là s’engouffrent les notions de doudou, de culture et je pense intensément aux expériences de la mise en place de la lecture et de l’écriture.


Je m’interroge, je fais une lecture personnelle de ce chapitre sur l’aire intermédiaire qui n’engage que moi :


- Si la lecture était une possible scène pour re-trouver le livre (on perd le livre quand on se l’approprie et on re-trouve le livre quand on accepte le sens que l’auteur a voulu lui donner dans la loi symbolique du langage de tous ) ?


- Si le livre était lui même aire intermédiaire où peut se jouer la pulsion Amour/dissension ?


- Si lire était une autorisation d’une possible agressivité sublimée  et si ne pas pouvoir lire représentait des difficultés d’intégrer cette pulsion ?


- Si trop lire représentait un surplus d’agressivité ? un surplus (intégré par la sublimation) de démêlés avec la peur de ses pulsions destructrices ? Si les grands lecteurs étaient des délinquants en puissance ?


- Si on faisait une approche de l’illettrisme par une approche de textes traitant de l’agressivité ou permettant de la verbaliser ?


- Si occuper sa vacance de lecteur c’était savoir tendrement cohabiter avec sa pulsion Amour/dissension


Un peu subversif tout ça mais pourquoi pas ? Voilà qui viendrait remettre en question, le dépistage précoce de l’agressivité des bébés, car alors une prévention pourrait faire disparaître un avenir de grand chercheur ou précipiter dans la psychose des êtres fragilisés par une vie sans pitié pour eux.


A réfléchir à plusieurs... D’ailleurs en retenant ces hypothèses on retomberait sur nos pattes de la lecture de Malaise de la civilisation de Freud : lutter contre la pulsion de mort par la culture.


Je pense aussi à tous ceux là qui ont échoué à reconstruire après une enfance terrible, ne s’en sortant pas de leurs pulsions destructrices, à ceux qui s’en sortent par une surproduction de lecture, de culture, de savoir universitaire. Mais dans les deux cas (échec ou non de la sublimation) la pulsion amour/dissension est là, terriblement puissante pour ces enfants du chagrin et peut-être à tout prendre, faut-il mieux simplement en parler dans la médiation des livres et du groupe.


 Reste la question qui taraude :


Pourquoi certains s’en démêlent, pourquoi certains subliment et pourquoi d’autres non ? La réponse est sans doute à chercher du côté des travaux terminaux de Winnicott sur le père qui autorise ou non dès les premiers instants de la vie du bébé la mise en scène des pulsions destructrices de l’enfant et à l’environnement qui résiste ou non. Du côté du père suffisamment bon au côté de la mère suffisamment bonne.


A ce point il faudrait encore parler des concepts essentiels de management et d’environnement, de régression non à un stade mais à une dépendance autorisée dans l’enfance et dans la cure. Mais je ne peux tout vous raconter. A vous de lire et de découvrir.


Je veux juste vous dire que ce livre est une cathédrale structurelle de l’oeuvre de Winnicott. Difficile à appréhender mais si passionnante quand on avance de petits sommeils en petits sommeils, quand on interroge avec lucidité et courage sa propre petite poupée russe aux prises avec l’étonnante pulsion Amour/dissension, quand on cesse de dichotomiser, quand on accepter d’articuler les contraires et non de les opposer, quand on repère nos clivages essentiels parfois si protecteurs mais aussi parfois réducteurs et freins à mieux se connaître dans nos symptômes et dans nos sublimations. Bref quand on invente la paix en soi, dans le fil des jours et des livres.


Je veux dire encore que ma quête Winicottienne rejoint largement ma quête d’ateliers de lectures. Où commence la culture  commence aussi la question du traitement de la destructivité, traitement social citoyen qui vient s’appuyer en collaboration intelligente avec le traitement identitaire psychanalytique quand il pose le question de la mère suffisamment bonne mais aussi ne l’oublions surtout pas la question du père suffisamment bon dans un itinéraire commun et différentiel des parents suffisamment bons.


A suivre donc... dans nos lectures, dans nos travaux, dans nos engagements professionnels et personnels. A suivre dans notre éthique de vie et dans l’écoute de nos bébés, enfants et petits-enfants et...arrières petits enfants !



b). Adam Phillips Winnicott ou le choix de la solitude

Edition de l’Olivier penser/rêver 267 pages


Winnicott ou le choix de la solitude (1)


Je ne présente dans ce chapitre qu’un seul article concernant ce livre passionnant, mais j’invite les lecteurs à se rendre dans mon blog pour lire un ensemble d’articles concernant chaque chapitre du livre dont j’ai fait une lecture approfondie.


Ce que j’ai lu d’essentiel dans l’introduction :


Le livre commence avec en exergue une citation de Winnicott dans laquelle il dit qu’une de ses découvertes importantes fut que toute çonnaissance et compréhension du savoir présentaient des lacunes dont il n’avait pas besoin d’avoir peur.


J’aime cet exergue qui dit le manque dans le savoir qui libère l’énergie d’apprendre. Peut-être qu’enseigner c’est inscrire l’élève dans ce manque.


J’aime aussi cette notion de lacune qui revient souvent sous la plume de Winnicott. La lacune comme manque mais aussi comme espace « entre » qui laisse le champ libre à l’imagination. Le plein ne permet pas d’imaginer. C’est dans l’interstice du savoir qu’on peut créer, inventer, chercher, imaginer, sentir, effleurer, interroger, balbutier, caresser, trouver, retrouver. Dans le savoir, comme dans le soin Winnicott aime le suffisamment bon, le suffisamment plein et nous retrouvons cet adage dont je vous ai déjà parlé : « le mieux est l’ennemi du bien. », le trop est l’ennemi de la lacune et du désir potentiel.


Les lacunes de Winnicott qui fut à l’origine de sa création furent :


sa mère dépressive

la peur de son désaccord avec le père

cette façon qu’il avait d’être trop gentil

comment il fut élevé par plusieurs mères (ses sœurs)

le deuil de nombre de ses amis pendant la guerre.


C’est par nos lacunes que nous advenons homme ou femme de désir à condition que nous ne les subissions plus, que nous les reconnaissons comme telles soit à travers à la cure analytiques soit à travers l’autre qui les reconnaît.


La « Cure » et le « Care » : guérir et prendre soin. L’analyste est un hôte pour son patient. Et il prend son temps. Il donne au temps le temps, il donne au temps le temps de soigner. J’aime ce rapprochement des mots winnicottiens. Soigner c’est prendre soin, c’est reconstituer les conditions d’un bon holding dans un bon environnement, c’est créer ce qui autrefois avait fait lacune d’où la régression nécessaire à cet état de dépendance à l’aprivation lacunaire. Pour Winnicott ce qui caractérise l’homme c’est d’être un être de dépendance et ce qu’il soit homme femme et donc savoir régresser pour reconnaître cette dépendance et aménager un nouvel espace.


La recherche freudienne s’était principalement occupé de la relation à trois : père/mère/enfant mais nous dit Adam Phillipps il semblerait que Freud n’ait pas étudié le lien existant entre la pulsion et son objet. (A approfondir dans Les Essais à la sexualité) ce qui sera étudié pour la première fois par Mélanie Klein : importance du monde interne et fantasmatique de l’enfant


La recherche winnicottienne porte sur « le couple de la tétée. » Quelle belle expression est la sienne ! L’enfant selon Winnicott ne recherche pas exclusivement la satisfaction pulsionnelle interne  de l’objet mais aussi la réalité du contact avec sa mère.


Le livre approfondira largement les rapports existants dans la similitude et les différences entre Winnicott et Mélanie Klein


De ce couple de la tétée, il va étudier les phénomènes transitionnels, la créativité de l’enfant puis de l’adulte, la nature « impitoyable » de l’humain, la tendance antisociale, le vrai et le faux self. Tous ces points ne sont jamais décrits  partir de la différence des sexes. Et cela est essentiel, contrairement à Freud, la place centrale de toutes ses recherches est la relation d’objet avant la génitalité, la relation d’objet dès les premiers mois de la vie qui met en relation deux humains. Ce qu’il d’ailleurs reprend dans l’approche de la situation analytique qui est caractérisée essentiellement comme la mise en relation de deux humains.


Adam Phillips fait de Winnicott un homme en mouvement, tellement en mouvement qu’il se situe presque en situation d’effacement.


C’est un homme qui lit, qui cherche, qui pille, qui invente et c’est une fois l’invention inventée dans le temps de cette spontanéité qu’il a tant analysé avec le vrai self qu’il retrouve le lieu du pillage. C’est dans le mouvement de la vie, de la marche, de l’élaboration qu’il reconnaît  la dette, ses dettes


C’est cet homme en mouvement, homme de solitude, qui se cache et se dévoile dans ses paradoxes divers dont le plus important est le lien existant entre vrai et faux self. C’est parce qu’il est un homme de paradoxes qu’il aboutit à cet étonnant concept « d’utilisation », « d’outilisation » de l’objet dans la relation d’objet, « outilisation » qui débouchera sur les identifications possibles du nourrisson et l’accès au monde.


Ce n’est que parce qu’il est autorisé et par sa mère et par son père (voir Rodman) à haïr et à détruire l’objet qui résistera malgré tout à sa haine que le nourrisson accèdera à sa  permanence, à celle de sa mère, à celle du monde et qu’il vaincra sa peur de l’anéantissement.


Voilà ce que j’ai retenu de cette introduction à la saga winnicottienne telle que va nous la raconter Adam Phillips.


c). Donald W.Winnicott

La mère suffisamment bonne

Petite bibliothèque Payot


La mère suffisamment bonne (2)


La préoccupation maternelle  primaire (1956)


Dans cet essai Winnicott étudie :


la préoccupation maternelle primaire pour le bébé

la dépendance du petit bébé à sa maman


Par préoccupation maternelle primaire Winnicott signifie cet état de la grossesse et post grossesse dans lequel la maman se montre exclusivement tourné vers son bébé à la limite dit-il d’un état dissociatif et presque maladif. Il emploie le terme de maladie parce que la maman sort de la santé pour la recouvrer totalement ensuite. Elle est entre deux états et si l’enfant meurt, elle peut tomber dans la pathologie.


Il dit aussi que cet état de préoccupation maternelle primaire pour le bébé est nécessaire pour que l’enfant puisse vivre pleinement sa dépendance et son sentiment de continuité d’exister. S’il y a carence ce sentiment est remis en question avec sentiment d’annihilation mais non de frustration. C’est une relation silencieuse qui s’instaure alors entre le bébé et la maman. L’enfant à ce stade ne vit pas la frustration comme le pense Anna Freud et s’il résiste à ce sentiment d’annihilation, s’il retrouve la plénitude de la relation avec la maman il vit une nouvelle confiance dans l’environnement. Les menaces d’engloutissement ne se sont pas réalisées et il se remet. On ne peut donc parler de frustration dit Winnicott. Au début de la vie la mère déficiente n’est pas reconnue comme frustrante. Ce qui est premier c’est le sentiment de dépendance à la mère, ce sentiment que, homme ou femme on oublie tous, en se souvenant toujours dans la mémoire inconsciente faisant naître la peur.


C’est la préoccupation maternelle primaire qui permettra au bébé de se constituer dans un vrai self progressivement autonome intégrant motricité, vie pulsionnelle, intériorisation d’un environnement passager mais bienfaisant, avec des périodes de repos malgré les défaillances maternelles


Parfois la mère ne peut vivre pleinement la préoccupation maternelle primaire et ainsi à la naissance du bébé elle va tenter de « rattraper » en gâtant trop le bébé, en ayant dit Winnicott une attitude de thérapeute ; le bébé se construit un faux self pour faire face « au manque » et aux décharges pulsionnelles qu’il ne peut intégrer. Le faux self va l’aider à se débarrasser de ses expériences instinctuelles non satisfaisantes mais nous dit Winnicott il ne fait que gagner du temps sans rien résoudre réellement rendant plus difficile la ligne de partage entre l’instauration de la maturité du moi acceptant les expériences instinctuelles pour le renforcer et l’immaturité du moi quand les menaces d’annihilation trop fortes démembrent le moi.


Winnicott conclue son article en écrivant combien la préoccupation maternelle primaire est nécessaire pour bien démarrer dans la vie. MJC


Avant de quitter ce chemin, si brièvement emprunté, je veux signifier combien Winnicott présente plusieurs registres de lecture : simple, il parle parfois en homme du monde et complexe car c’est un homme de grande érudition. Le lire toujours crayon en main, son enfance là, dans le cœur et dans le regard. C’est à ce prix que l’on pourra admirer le splendide paysage du savoir Winnicottien.


Je ne quitterai pas ce chemin sans avoir indiqué Les N° 39 et 43 des revues Spirales coordonnées par Patrick Ben Soussan (Erès)


       2 Une approche possible de l’illettrisme grâce à Winnicott


Avidité


Ceux qui lisent mon blog régulièrement ont sans doute remarqué que je suis aux prises avec le temps de la vieillesse et de la mémoire qui s’efface. C’est dans ce temps là de la déstructuration de l’être  que j’ai choisi de lire Winnicott, lire et approfondir. Je demeure convaincue que nous ne lisons pas n’importe quel auteur en n’importe quel moment. Nous sommes confrontés à une rigueur temporelle qui relève de la nécessité. Lire est un acte nécessaire.


Je lis Winnicott avec avidité. Avidité concept clé winnicottien. L’enfant est avide du sein maternel dans un processus primaire vital, aux confins  de l’agressivité. Winnicott décrit l’enfant comme impitoyable. Lorsque je lis Winnicott avec avidité, je laisse cours à une possible agressivité qui m’est nécessaire pour affronter la situation périlleuse qui est la mienne en ce moment et qui me renvoie à ma propre vieillesse.


Il y a un concept que j’aime beaucoup chez Winnicott c’est son concept de processus qui introduit la notion d’une dynamique du temps. Donner au temps le temps ; c’est cela lire et créer sa lecture. Feuilleter le livre avec avidité, soutenir l’agressivité mais aussi la lenteur pour assimiler le livre. Paradoxe. Autre concept clé winnicottien. Avancer de paradoxe en paradoxe ; Winnicott ne démontre jamais. Une démonstration introduit du temps figé. Il avance pas à pas sur les galets de ses paradoxes. Winnicott est un homme en mouvement entre nouveauté et conformisme. Il enfile les perles du déjà là de l’inconscient  pour le révéler (Métaphore d’ Adam Phillips / Winnicott ou le choix de la solitude). J’utiliserai la même métaphore pour la lecture. Le lecteur enfile les perles du sens déjà là du livre pour le révéler.


«  le révéler » lui,  le livre et lui,  le sujet lisant. Pour reprendre la notion si riche de processus, je dirai que lire est un processus. Nous sommes bien plus « lisant » que « lire ». Apprendre à lire à l’autre c’est l’introduire dans ce processus de « lisant le livre » qui parfois peut faire peur nous ramenant à une peur archaïque du mouvement.


« Je sais » un autre concept clé de Winnicott c’est le concept de capacité. Capacité d’être seul, capacité de lire qui introduit le sujet de l’action ainsi être capable de lire ce n’est pas seulement s’approprier un code c’est s’approprier un processus qui nous situe sujet de l’acte de lire.


Lire, être avide mais sans trop. Bousculer le sens du livre mais sans le détruire. Dans les moments de grande anxiété je me sais bousculant l’auteur et le prix de cela est l’amnésie du sens de ce que je lis. Si je veux réellement travailler un auteur, je dois me soumettre à la lenteur de ma lecture, lenteur que je m’oblige en écrivant.


Vous savez, vous avez tous vu un bébé téter. Dans les premières cinq minutes,  il se jette goulûment sur le sein puis peu à peu ralentit et s’autorise à jouer avec le sein, à le palper, à le lâcher, à le retrouver. Lorsque je lis, je fais un peu cela : je suis impitoyable avec l’auteur, je me jette goulûment dessus, puis je ralentis ma lecture, je joue avec (j’écris). Si le livre a résisté à ma fébrilité, je vais pouvoir approfondir et découvrir l’auteur ; j’en serai récompensée par ce qu’il me révèlera de moi-même.


Ce que je voulais vous dire aujourd’hui c’est que lire c’est téter. En ce moment, je tête Winnicott parce que j’ai très peur de la vieillesse et de perdre la mémoire. Alors, ma lecture de Winnicott me révèle le bébé que j’ai été, que je suis encore et cela m’apaise au point comme je vous l’ai dit dans un autre article de faire des petits sommes. Ce matin, ce qui m’a fait dormir c’est quand j’ai lu que l’avidité était essentielle aux activités humaines parce qu’elle introduisait la notion d’amour dans tout ce nous faisons. Je trouve cela si simple et si splendide que je m’assoupis de plaisir.


Lire c’est téter, lire c’est aimer, lire c’est se reconnaître être de plaisir.


Assez joué, je me remets à la passionnante lecture de Winnicott ou le choix de la solitude, écrit par Adam Phillips (Editions de l’Olivier. Penser rêver).


C’est cela penser c’est rêver. Penser c’est téter.


Dis moi le téteur que tu étais,  je te dirais le lecteur que tu es !


Je tète, tu tètes, il ou elle tète, nous tétons, vous tétez, ils ou elles tètent Winnicott.


Je lis, tu lis, il ou elle lit, nous lisons, vous lisez, ils ou elles lisent Winicott


Avec avidité !


Une approche possible de la paix grâce à Winnicott


a) Quelques mots vers la paix

Un essai de Philippe Sollers

Eloge de l’Infini

Le pessimisme de Freud

P.490-493

nrf Gallimard 2001

 

Le sujet de cet essai très intéressant est le travail de Freud intitulé Malaise dans la civilisation.

Je situe ma lecture dans la catégorie Winnicott parce que Malaise dans la civilisation interpelle créativité, culture et pulsion de mort, thèmes d’élaboration chers à Winnicott et d’une certaine façon à Philippe Sollers comme en témoigne son essai.

  Il rappelle de façon judicieuse l’année et le lieu où fut écrit Malaise dans la civilisation : 1929 tout près de Berchtesgaden, le futur repaire d’Hitler. Un an plus tard, les nazis font leur entrée en force au Reichstag. En 1936, les livres de Freud sont brûlés, En 1939 Freud quitte Vienne et s’exile à Londres où il mourra.

Freud, la psychanalyse seront toujours et encore maintenant l’objet de résistances et d’attaques virulentes et désespérantes. Pourquoi :

 

Freud interpelle le bien-fondé des religions.

Freud se saisit de l’enfant angelot pour en faire un lieu de pulsions sexuelles et de tragédies oedipiennes

Freud en finit une fois pour toute avec le manichéisme bienfaisant du bien et du mal : l’homme est siège de pulsions de mort et de vie qui s’affrontent dans des conflits douloureux mais qui signifie son humanité

Freud introduit à la dénonciation de tous les racismes confondus et des totalitarismes, voire même révolutionnaires violents par sa sagesse et son éthique naît de l’approche du monde par pulsions de vie et de morts, par pulsions sexuelles et possible sublimation de l’agressivité.

 Mais rappelle Sollers, Malaise dans la civilisation se termine, et Sollers aime la dernière phrase de ce texte, par l’interrogation sur l’issue humaine de ce combat sans merci entre Eros et Thanatos. L’agressivité serait-elle une maladie incurable de l’humanité ? L’humanité emporterait-elle une névrose incurable qui toucherait autant les hommes les plus sauvages que les hommes les plus fervents dans la paix ?

 Dans cette interrogation, presque Arendentienne, s’articulerait le pessimisme de Freud et de l’humanité toute entière.

  Ma timide lecture de Winnicott me ferait répondre à cette question si essentielle pour tout pacifiste potentiel que le sujet qui emporte l’humanité n’est pas celui de l’issue du combat mais du combat toujours possible à mener et de quelle manière le mener sans baisser les bras. Je crois que Freud comme Winnicott n’ont jamais baissé les bras ; Le premier a analysé jusqu’à plus soif le concept  difficile de sublimation, le second a analysé avec autant de persévérance le concept "aire intermédiaire" et "aire culturelle." L’un a posé des topiques toujours en mouvement et en refondation, l’autre a posé le jeu comme aidant à vivre la séparation douloureuse jusqu’à en être agressive mais dans une agressivité constituante de l’être. L’un propose de sublimer l’agressivité, l’autre propose de l’intégrer dans un processus créatif. Mais les deux sont d’accord sur un point : ne pas dénier sa propre agressivité qui, si elle est déniée se projette dramatiquement sur l’autre qui devient ennemi et la guerre commence. L’étude de ses propres pulsions agressives est le premier pas vers un monde en paix, qu’on les sublime ou qu’on les intègre. Être pacifique c’est être pacifique dans l’espace de ses engagements politiques mais aussi dans l’espace de son quotidien de sa famille, de ses amis. Le pacifisme est une histoire politique et économique mais aussi intra psychique. Il ne s’agit pas d’être optimiste ou pessimiste. Là n’est pas la question. Il s’agit d’être, au jour le jour, en s’en « dépatouillant » de son agressivité  et de son ambivalence  en les reconnaissant siennes mais constructives.

  L’histoire de l’invention de la paix est interminable, d’une issue incertaine certes mais c’est justement l’incertitude de cette issue qui doit soutenir sans relâche notre analyse de nous-même et du monde comme il tourne…

  Voilà, ce que je voulais dire du côté de Freud et de Winnicott. Du côté de la paix.

b) Agressivité, culpabilité et réparation

Donald W.Winnicott (1)

Petite Bibliothèque Payot N°491

1984, 1994, 2004.  144 pages


Ce livre est traduit de l’anglais par Madeleine Michelin et Lynn Rosaz

Cette traduction est dédiée à Jeannine Kalmanovitch.

J’en fais là une lecture du premier

Ecrit à l’intention des enseignants (1939). Article traduit par Annette Stronck-Robert in L’enfant et le monde extérieur. Le développement des relations. Paris Payot 1972


L’agressivité :


L’amour et la haine fondent la vie de l’homme et l’agressivité relève des deux. C’est ce rapport entre la vie, l’amour, la haine et l’agressivité que Winnicott étudie dans ce chapitre essentiel à la compréhension de l’enfant comme de l’adulte, qu’il soit en psychanalyse ou non sachant que chez le nourrisson on déjà, selon Winnicott, on trouve l’expression de l’amour comme de la haine, comme de l’agressivité. Agressivité primaire, agressivité secondaire  (cachée, déguisée, convertie, retravaillée)sont l’objet de ce chapitre.


Il est bon de laisser s’exprimer l’agressivité primaire dans un environnement qui l’autorise  par exemple quand l’enfant fait ses tours avec ses cubes pour le seul plaisir de la détruire. Autoriser l’enfant, être sensible à ce processus de construction alliée à une destruction immédiate.


Des exemples d’agressivité primaire :

Un enfant injurie son entourage

Une enfant mord exclusivement ceux qu’il aime

Un enfant pousse à bout ses parents

Un nourrisson mord le sein jusqu’à blesser sa mère (généralement par excitation et non par frustration.)  Mais déjà, dit Winnicott ce même nourrisson est capable de protéger l’être aimé par inhibition des pulsions agressives.


Winnicott décrit trois étapes dans le cheminement des pulsions agressives du nouveau-né :


1° Avidité : amour primaire ou amour appétit primaire.

2° Le nourrisson se rend compte que cet appétit primaire met en danger celui qu’il aime (découverte de l’absence. Il se met à haïr une partie de lui-même ou quelqu’un du monde extérieur qui peut porter cette haine.

3° Le nourrisson isole les éléments agressifs constitutifs de l’avidité. Il les réserve pour le monde extérieur, notamment pour ses colères.


Ce qui est essentiel à retenir c’est la distinction que fait Winnicott entre réalité interne et réalité externe. (taking in et taking out).


C’est dans la réalité intérieure de l’enfant que se jouent les pulsions agressives et il est essentiel de retrouver le lien entre interne et externe ( travail de l’analyse du sujet devenu adulte) et la façon dont le sujet se défend contre les difficultés pulsionnelles de son monde interne.


Comment font-ils, ces enfants là, en proie à des pulsions agressives  (couple  haine frustration ) trop importantes pour être gérées ?


Masturbation qui tente de maîtriser la trop grande excitation

Masochisme : souffre, exprime son agressivité, se fait punir apaisant ainsi sa culpabilité ; installation de la peur et appel à l’autorité de l’adulte qui trouver une attitude équilibrée entre autorité et  sentiment de sécurité avec retrait progressif et nuancé de l’autorité.

Renforcer, autoriser tout ce qui peut faire réparation parle jeu,  le travail, la création, le sport c’est à dire permettre la sublimation et sur ce point Winnicott dit quelque chose de très important :


Toute sublimation, toute création n’a de valeur que si elle ne permet pas de nier les pulsions agressives, que si au contraire on retrouve le lien avec ses pulsions agressives et la sublimation.


Il s’agit d’exploiter au mieux ses pulsions, sans les dénier, mais en les transformant.


Les racines de l’agressivité


Winnicott pose la double signification de l’agressivité :

Réaction directe ou indirecte à la frustration et renvoie à la motricité du nourrisson.

Une des sources de l’énergie de l’individu (avec l’amour)

L’agressivité apparaît dans le temps obligé ou le nourrisson distingue ce qui appartient au self et au non self (voir articles précédents du blog, catégorie Winnicott).


L’agressivité peut se manifester directement ou s’inverser, se renverser.


Distinction entre l’enfant téméraire et le craintif, entre l’enfant qui extériorise son agressivité et celui qui l’intériorise.


Distinction entre le rêve, la rêverie et le jeu.


Le jeu utilise les fantasmes, les réserves intérieures de l’agressivité pour les représenter, les symboliser, les sublimer. Le jeu est une activité essentielle pour l’enfant dans la gestion de ses pulsions agressives. Le symbolisme apparaît tôt et libérer l’enfant de trop de ses représentations agressives. Si l’environnement est favorable, l’enfant construit sa propre responsabilité de ses pulsions agressives. Il peut les intégrer dans un processus essentiel à son développement. Il peut aimer et haïr dans un même temps et construire sa vie d’enfant parce qu’il peut assumer pleinement et sans culpabilité ses contradictions. Adulte, il pourra assumer une pensée libre et paradoxale.


Une question reste essentielle : pourquoi l’enfant au début de sa vie détruit-il le monde ? Question essentielle car ces résidus de l’agressivité affective peuvent un jour autorise l’enfant devenu adulte à détruire le monde dans des guerres mortifères. Prendre en compte à temps la pensée magique de l’enfant qui veut détruire en proie à un processus naturel amour/haine constitue un acte réparateur pour l’enfant et un acte de paix pour l’adulte. L’agressivité bien « reconnue » peut être un acte d’accomplissement de l’enfant comme de l’homme mais si cette agressivité est déniée  par l’entourage, bloquant l’intégration de l’enfant, adulte, elle autorisera et engendrera  l’adulte soldat.


La psychanalyse des enfants comme des adultes est un acte de paix. Persévérer.


Enfin pour conclure, je vous invite à lire dans mon blog mes notes de lecture sur le travail passionnant de Winnicott sur la délinquance. Passionnant et original.


Oui, lire Winnicott est essentiel, j’en suis convaincue, dans cette époque où le verbe être s’efface si souvent devant le verbe avoir et où l’immédiateté l’emporte sur la mémoire provoquant alors le désastre d’une délinquance qui s’inscrit trop souvent dans un système répressif et non dans une recherche du sens de la violence de l’histoire mais aussi de l’Histoire.  J’introduis déjà mon chapitre suivant..


Et donc  :


A suivre, dans le temps de l'urgence d'humanismes MJC

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11 juillet 2010 7 11 /07 /juillet /2010 14:48

L'identité au risque de l'être


CHERCHER ET TROUVER

 


Je veux écrire le duvet de l’espoir. Tous, nous travaillons tant, si souvent dans le noir de nos valeurs piétinées par ceux qui s’obstinent à ne rien comprendre à la dignité humaine et ceci dans tous les domaines.

J’ai mal à nos luttes qui depuis des années durent dans le fil des jours, écrivant nos toujours sans cesse remis à demain. Prenons-nous par la main et dans le temps de nos rimes brisées inventons un ciel irisé.

Chaque jour, je meurs un peu plus de ne pas y arriver à trouver l’espoir malgré le soleil de l’été, malgré les chemins de randonnées, malgré les montagnes quand elles font cascades, malgré le sable quand il cesse d’être sablier pour dire simplement les corps bronzés.

Chaque jour un peu plus je m’enfonce dans mes incertitudes sur le bonheur. Comment être heureuse cernée par tant de guerres et d’injustices ? On me dit, ne porte pas la misère du monde. Conneries ! Elle me porte, elle, la misère chaque jour un peu plus dans la tombe.


J’ai vu un cercueil pivoter lentement et s’avancer encore plus lentement vers sa crémation.


Se taire et pleurer.


Je veux de mon vivant être au monde.

Je veux de mon vivant vivre une grande ronde

Je veux de mon vivant vivre des engagements

Je veux de mon vivant ouvrir des milliers de livres

Je veux de mon vivant qu’ensemble

 nous marchions sur la route de nos lectures.

Je veux de mon vivant

Comme les amis de Gandhi

 marchant sur la route du sel

Marcher sur la route des livres


Eux c’était  le sel

Nous, ce sera les livres

Nous ne marcherons pas nu-pieds

Nous aurons de beaux atours

Et contre les rides nous lutterons

Hommes et femmes de livres nous serons

Sur la route  nous avancerons



Le savoir est notre seul espoir. Il ne faut pas croire ceux qui disent le contraire, ceux qui veulent faire mourir le monde de misère et de bêtise. Moi, de toutes mes forces je crois au savoir, à l’espoir, à la connaissance. Je crois à la diversité des théories, au pluriel des recherches, à nos regards enchantés, à nos âmes passionnées. Je crois à notre bruit et à notre fureur, je crois à nos colères contre la connerie, je crois à nos manifestations dans les rues et sur nos pages de toujours, je crois à nos actions pensées. Cherchons ! cherchons ! Qu’un sang pur abreuve nos sillons et surtout qu’il ne coule pas. Nulle part. Moi, les guerres, jour après jour ça ronge mes toujours, ça brûle mes songes, ça m’empêche de penser. Je suis là, stupide à n’y rien comprendre. On fait la guerre et après on fait la paix. Quelle connerie la guerre ! il a dit Prévert. Moi, je veux être Barbara, non pas celle qui pleure mais celle qui lit ses livres, vos livres, celle qui raconte dans un temps des mille et une nuit les milles un livres qui font que la vie vaut la peine d’être vécue.

J’écrirai, chaque jour je vous parlerai de quelqu’un de bien, de quelqu’un que vous aimerez, de quelqu’un que peut-être vous connaissez, de quelqu’un qui vous donnera le désir de prendre la route avec moi. La route des livres. Nous irons, notre sac à dos plein, nous ferons des haltes dans les bibliothèques de nos villes, nous irons en librairies et même, pourquoi pas au salon des livres, nous écrirons aux éditeurs, nous organiserons des rassemblements et des forums, des colloques et des rencontres, nous inventerons notre savoir, sans cesse nous mettrons en question nos questions mais nous trouverons des réponses ; les réponses c’est le plus important. Sur notre route nous nous arrêterons et nous dirons heureux : « ça y est j’ai trouvé ! »


J’ai trouvé : je sais que l’autre existe, je sais qu’il a besoin de mes livres pour être reconnu, pour exister dans sa dignité que sans cesse parfois on lui confisque,

J’ai trouvé, je sais que l’histoire existe, qu’elle a un sens et qu’il faut la transmettre pour que le monde continue sa ronde !

J’ai trouvé, je sais qu’il existe avec mes milles et un livres milles et une associations  qui les défendent !

J’ai trouvé, je sais qu’il faut des sous beaucoup de sous pour nos changements, nos inventions, nos constructions, nos formations !

J’ai trouvé, la vie a de la valeur !

J’ai trouvé,  la question n’est pas d’avoir raison ou non mais d’être !

J’ai trouvé, la question n’est pas d’avoir mais d’être !

J’ai trouvé, à partir de l’être on inventera ensemble  nos actions !

J’ai trouvé nos actions naîtrons de nos passions !

J’ai trouvé, nos livres portent nos sentiments bien plus que nos idées !


J’ai trouvé ! J’ai trouvé ! Je continue sur la route des livres dans le temps des saisons et de l’amitié, dans le temps de l’espoir. Et nous éclaterons de rire grâce à nos dires, grâce à nos livres.


Moi, j’y crois à tout ça.

Moi, j’y crois au jour le jour,

Moi, j’y crois aux livres feuilletés, aux livres soulignés, aux livres recopiés, aux livres partagés, aux livres intériorisés, aux livres racontés, aux livres lus.

Moi, j’y crois aux bibliothèques, aux médiathèques

Moi, j’y crois, j’y crois à tout ce monde du livre, à ses acteurs et à ses lecteurs !


Moi, j’y crois à la route des livres. Par exemple dans mon blog, il y a une catégorie « Les inventeurs partagent leurs lectures ». Chaque jour, avec vos mots, avec votre style, avec votre cœur, racontez vos livres et comme ça sur notre route on parlera, vous savez comme en balade, deux à deux ou par trois, ou en file indienne. Parfois même on chantera nos hymnes et nos espérances.

Moi, la sage Marie-José sur mon ordinateur je saisirai, je vous saisirai.  Dans le fil de mon clavier et de mes pensées je ferai notre carte du tendre. Quelle balade de par le monde, mes amis je vous propose là !


Nous tenons la paix et le changement dans nos livres ouverts, dans nos recherches persévérantes, dans notre espoir dans le possible, dans notre humanisme quotidien, dans nos valeurs affirmées, dans nos différences acceptées.


Nous tenons la paix et le changement dans nos yeux grand ouverts sur la misère, sur les injustices, sur les guerres. Savoir les regarder à partir de nos livres, savoir regarder droit dans les yeux le chaos du monde, ne faisons pas l’autruche ; les livres sont « l’anti-autruche ». C’est de ce regard grand ouvert sur le monde

que naîtrons,  non pas un défaitisme passif, des pensées amères et si inutiles mais nos engagements. A être sur terre vivons ! Chacun son espace, chacun son engagement, chacun ses livres, il y a tant à faire ! Chaque voix compte !


Sur la route des livres, engagés dans nos quêtes nous serons, et de  la puissance de nos engagements naîtront la force du changement. Notre engagement écrira notre être au monde et notre être au monde sera notre engagement dans une dialectique splendidement humaine.


Allez, en route !


Cherchons et trouvons ensemble, sur nos lieux de travail, dans nos livres et par nos livres.  Cherchons c’est à dire inventons chaque jour nos pratiques sociales ou autres, inventons dans une résistance au conformisme qui brise l’âme de notre travail quotidien,  inventons dans une refus de tout financement qui primerait sur l’éthique première de nos tâches à accomplir, inventons en cherchant de nouveaux financements cette fois-ci adaptés à ce que nous faisons et comment nous pensons le faire. Inventons, cherchons, trouvons, pensons. Ne renonçons jamais  à la pensée, ne pensons jamais dans notre tour d’ivoire, pensons sur le terrain, avec tous.  . Travaillons à chercher, travaillons à trouver, travaillons à communiquer ce que nous avons trouvé. Chercher sans trouver est stérile, trouver sans transmettre est stérile.


En cherchant, j’ai trouvé dans le temps de mon blog, des inventeurs qui nous donnent l’espoir d’un monde au travail du possible. Alors, j’ai choisi de vous confier trois articles. Je demande pardon, à ceux que je ne cite pas mais que tous sachent qu’ils sont sur mon blog et dans mon cœur . Allez les découvrir, ils vous donneront du cœur à l’ouvrage. Je le sais.


J’ai choisi des articles qui  témoignent de trois tragédies de l’exclusion parmi hélas de nombreuses autres  : les étrangers, les femmes subissant des violences conjugales, les personnes en situation d’illettrisme :





1. Viviane Gross, Présidente régionale du Sud-Ouest, accompagnée du Délégué régional, Pierre Grenier, a eu  la gentillesse de me confier le texte de sa conférence qu’elle a faîte à l’Ancien collège de Montauban. Je la remercie vivement

La Cimade, ce soir là était l’invité du SMERP : Société Montalbanaise d’Etudes et de Recherches sur le Protestantisme.

C’est donc à partir de notes prises le 24 juin dans le fil de ses mots passionnants et à partir du texte écrit de sa conférence, dont je cite de larges passages, que cet article est rédigé

Viviane Gross donne un aperçu détaillé de l'histoire de La Cimade Elle le fait non d’une place d’historienne mais de sa place d’équipière bénévole. J’aime ce dernier terme qui dit la notion d’équipe et de bénévolat à la Cimade, d’amitié et d’engagement.

Une histoire de la Cimade fondée sur des statuts dont Viviane rappelle quelques uns d’essentiels. Je la cite :

« La Cimade a pour but de manifester une solidarité active avec ceux qui souffrent, qui sont opprimés et exploités et d'assurer leur défense, quelles que soient leur nationalité, leur position politique ou religieuse. En particulier, elle a pour objet de combattre le racisme.

La Cimade est une forme du service que les Eglises veulent rendre aux hommes au nom de l'Evangile libérateur. Elle travaille en liaison avec le Conseil Œcuménique des Eglises, la Fédération Protestante de France, l'Eglise Orthodoxe en France, et collabore avec divers organismes catholiques et laïques, notamment au service des réfugiés, des travailleurs migrants, des détenus et des peuples des pays en voie de développement.

La Cimade rassemble des personnes d'horizons nationaux, confessionnels, philosophiques et politiques divers, engagées dans ce service.

La Cimade entre ainsi dans un vaste réseau d'actions œcuméniques, nationales et internationales, humanitaires et politiques, pour un monde plus juste. »

Des points forts de l’histoire de la Cimade :  Je cite Viviane :

« Dans les années 30, la pensée protestante, en France comme en Allemagne, n'est pas sans réaction devant la montée du nazisme. Quelques noms qui font référence : Martin Niemöller, Dietrich Bonhoeffer, Karl Barth et son célèbre : « La journée doit commencer avec une bible dans une main et le journal dans l'autre ». Roland de Pury, Marc Boegner, Pierre Maury et Suzanne de Dietrich. Celle ci fut avec Madeleine Barot l'une des premières chevilles ouvrières de la Cimade.

En effet, en 1939, au moment du déclenchement des hostilités, le gouvernement français déplace les populations civiles habitant autour de la ligne Maginot, et les regroupe dans le sud de la France. En Haute-Vienne plus ou moins 60 000 personnes, en Dordogne 70 000, dans le Gers 6 000, les Landes 28 à 30 000 et le Lot et Garonne 12 000, Béarn (Mulhouse), Htes Pyrénées (Colmar).

Suzanne de Dietrich, alors secrétaire générale de la Fédération Universelle des Associations Chrétiennes d'Etudiants (La Fédé), s'adresse au CIM = Comité Inter-Mouvements de jeunesse, qui réunit Eclaireurs et Eclaireuses unionistes, Union Chrétienne de Jeunes Gens et Union Chrétienne de  Jeunes Filles et la Fédé. Elle leur demande de « témoigner de l'amour du Christ » en faveur de ces déplacés, population accueillie souvent de façon précaire. Elle fait au Comité un rapport détaillé sur la situation des évacués. Les dirigeants du CIM décident alors la création du Comité Inter-Mouvement Auprès Des Evacués. La Cimade est née. Madeleine Barot en devient la première secrétaire générale et Marc Boegner le président.

Dans la même période, Madeleine Barot est appelée à visiter le camp de Gurs par le pasteur Jacques Rennes de Sauveterre de Béarn qui se rend régulièrement au camp où il organise des cultes. Ce camp ouvert en avril 1939 accueille tout d'abord les républicains espagnols, et des combattants des brigades internationales dont le retour dans leur pays d'origine était impossible. Ce qui représente environ 20 000 personnes originaires de 52 nations. Les conditions d'accueil sont déplorables. En 1940 la population du camp est largement modifiée par les départs des premiers internés (il reste quand même 1 500  espagnols), et l'arrivée des indésirables du gouvernement de la France, soit  plus de 9 000 femmes, 300 enfants dont 39 nouveaux-nés, 1 300 communistes ou pacifistes français.

Très vite à l'intérieur du camp, l'installation d'une baraque, intitulée « secours protestant », est autorisée. Cette baraque qui a un coin logement pour les équipières et une salle de réunion, devient un lieu privilégié. La Cimade s'occupent autant des questions matérielles (distribution de vêtements, de produits d'hygiène etc.) que des besoins psychologiques, culturels (expositons, concerts, causeries) que spirituels. Ces actions s'adressent à celles et ceux qui le désirent sans distinction. Jeanne Merle d'Aubigné, équipière, disait : « l'activité culturelle et cultuelle surgissait comme une protestation de vie. 

D'autres camps ont vu le jour : Agde, Argelès, Riveslates, Brens, Noé, Nexon. »

Les premiers équipiers bénévoles s’engagent et commencent à travailler à l’accueil. Ils aident à traverser les Frontières et à constituer des papiers. Mise en place d’un réseau de Partenaires et la réflexion continue avec divers théologiens venus d’Europe. En 1942, des textes sont rédigés sur les rapports de l’église et de l’état, sur le respect des libertés individuelles, sur l’antisémitisme.

Puis c’est le temps de la libération. La Cimade aide les personnes déportées, les réfugiés venant des pays satellites de L’URSS et commence les visites dans les prisons. S’active aussi dans les villes reconstruites telles que Caen, Dunkerque et quelques autres sinistrées (notamment, villes de l’Est)

Puis, je cite Viviane encore

La  Cimade  œuvre aussi à la réconciliation. A la demande des Eglises allemandes, dans un souci de réconciliation et une perspective œcuménique, la Cimade accepte d'aller en Allemagne dans la zone française. Elle organise, parallèlement à cette présence, l'accueil des étudiants allemands en France.

« Toujours en 1945 des réfugiés Polonais arrivent en France. Un centre d'accueil est alors créé à Sèvres, puis à Massy par l'Eglise orthodoxe. »

En 1955 la Cimade commence son action au Sénégal avec un envoi de soins ophtalmologiques et crée à Dakar le centre BOPP, centre qui deviendra sénégalais en 1975.

« En 1957, à la demande du Conseil œcuménique des Eglises (Organisation Internationale des Réfugiés – changement en 1950) la Cimade installe une équipe féminine à Alger puis une autre à Médéa. Jusqu'en 1962 elle agira toujours en réseau (Eglise réformée en Algérie, associations locales, le Comité Chrétien de Service en Algérie, le Service d'Entraide protestante de Suisse, la Croix Rouge, le Secours Catholique, etc.). La Cimade organise un soutien, surtout parmi les femmes et les enfants. Elle est autorisée à entrer dans les Centres d'Assignation à Résidence en 1958. 

La Cimade lance différents appels dénonçant la situation catastrophique en Algérie. Elle appelle à la reconstruction, au vivre ensemble.
La Cimade sera aussi présente en 1962 à Marseille à l'arrivée des rapatriés, mais aussi dans les camps d'anciens Harkis dans les Cévennes.

En 1961 diverses actions de solidarité démarrent avec des résistants d'Angola, du Mozambique. La Cimade aidera à la sortie clandestine et mouvementée de tout un convoi d'étudiants angolais du Portugal vers la France. »

 La Cimade agit toujours sur les causes des situations d'exil et d'exclusion, « afin de tenter d'infléchir les politiques, que ce soit ici, en France et en Europe, ou là-bas, dans les pays d'émigration. »

Quelques exemples donnés par Viviane Gross :

- Critique de la loi Bonnet-Stoleru de 1979 sur les conditions de séjour et de travail des étrangers.

- Autorisation pour la Cimade d'être présente, par décret, dans les centres de rétention (1984)

- Campagne pour la défense du droit d'Asile (1990-1991)

- Soutien au mouvement des sans papiers (1995-1996)

- Campagne double peine (2001-2002)

- Critique de la loi Sarkozy. (2006)

Puis publication des « 75 propositions «  qui reprennent 6 principes fondamentaux :

1. Rétablir la libre circulation

2.  Redonner sa force au droit international et aux Droits de l'Homme


 

3. Instaurer un droit stable pour les étrangers

 


4. Réaffirmer que « tous les citoyens naissent libres et égaux en droits »

5. Permettre à chaque personne d'être citoyen du pays dans lequel elle réside,

6. Sortir de la logique d'enfermement et de renvoi forcé des étrangers.


Viviane Gross conclue

« La Cimade c'est d'abord une action de témoignage ancrée dans une réflexion spirituelle préalable à l'engagement.

C'est un témoignage de solidarité envers les plus souffrants.

La Cimade est toujours engagée dans la défense de la personne humaine.

La Cimade est restée un mouvement et pas seulement une structure caritative. Vouloir ainsi combiner l'action et les convictions n'est pas toujours facile à comprendre.

Agir réellement c'est travailler avec les forces politiques, administratives et financières, sans se perdre.

Agir, c'est risquer d'oublier les raisons fondamentales de l'engagement.


Agir pourrait conduire à la satisfaction de la mission accomplie, alors que les inégalités ne cessent de croître, le nombre des exclus de s'agrandir. »

La Cimade est au cœur de la souffrance des exclus, des exilés, des émigrés à qui on a confisqué la parole, créant ainsi une double peine. La Cimade travaille à restaurer leur dignité en les aidant à retrouver leurs droits et leurs papiers

Tout au long de cette conférence, dans le temps appliqué de ma prise de notes, j’ai réfléchi sur mon engagement dans la Cimade.

Je sais que c’est la triple dimension : solidarité pour ceux qui souffrent, œcuménisme, et interculturel qui m’a fait rejoindre la Cimade.

A Montauban, nous avons accueilli cette année, un public composé de 59 nationalités différentes

Trois phrases capitales qui disent la Cimade :

« Solidaires ici et là-bas »

« parce qu’il n’y a pas d’étrangers sur cette terre »

«  parce que l’humanité passe par l’autre. »

 Enfin, je veux préciser que cette conférence passionnante était  accompagnée d’une bibliographie précieuse que je vous invite à consulter.  Il n’y a pas de lutte contre l’injustice sans savoir, il n’y a pas de savoir des hommes sans savoir des livres. C’est mon intime conviction, celle pour laquelle j’ai crée ce blog : les inventeurs de lectures.

Je remercie Viviane Gross pour cette conférence d’une grande richesse et pour sa bibliographie. « La sienne ». L’une comme l’autre ont beaucoup apporté à l’équipière bénévole que je suis.

Viviane, Merci ! Merci ! Merci !

 

Documents consultés

-Madeleine Barot parAndré Jacques. Chez Labor et Fides.1989

-Aux origines de la Cimade. Alain Guillemoles et Arlette Domon. 1990

-Cahiers d'histoire Cimade. N° 1.2. 3 et 4. 1996 et 1997

-Réforme N° 765. Édition spéciale. Novembre 1959.

-Revue  Cimade   septembre   1991. Algérie, résurgence de la mémoire.

-Revue Cimade Causes Communes. Les cèdres de l'espoir, décembre 2004.

-Encyclopédie   du   Protestantisme. Cerf/Labor et Fides.

-Notes de Violette Mouchon dans les archives de la Cimade

-Les thèses de Pomeyrol.

-ÉTHIQUE de Dietrich Bonhoeffer. Labor et Fides.

-Le camp de GURS 1939-1945, un aspect méconnu  de l'histoire du Béarn. De Claude LAHARIE (Infocompo à Pau- 1985)

-Les clandestins de Dieu, Cimade 1939-1945Jeanne Merled'Aubigné. Fayard Paris 1968

-Souvenirs (1921-1950) Jacques Rennes – Archives Cimade

-Doc Alain Brigodiot Texte 2007 – Archives Cimade

-Suzanne de Dietrich (1891-1981) par Antoinette Spindler-Theis – Archives Cimade ou chez l'auteur.

-Cahier Devenir bénévole.



2. Prends garde à toi 

(vidéo)

Un document pédagogique réalisé par Maïté Debats et Carol Prestat

APIAF Décembre 2005

31 rue de l’étoile 31000 Toulouse

mail : apiaf@wanadoo;fr

tél : 33 (0)562737262


Cette vidéo est un document pédagogique crée dans le cadre du COVEF ayant pour but le développement de la formation des acteurs sociaux travaillant auprès des femmes victimes de violences domestiques a auprès d’auteurs de violences.



Un film d’images et de mots.

Images de visages. M..., femme harcelée qui a traversé le cercle de feu et qui nous montre maintenant son visage apaisé, son regard clair, sa voix posée : « ça va les enfants ? » dit-elle au cours de son récit de douleurs. Elle est bien coiffée, bien maquillée. Elle est femme. Femme gagnante. Elle a gagné sur le harcèlement qu’elle a vécu tant d’années ; elle a gagné sur l’horreur. « Elle ne veut plus sentir sa bouche mourir de silence » dirait  Denis Langlois.

Un visage caché aussi, mais une voix décidée, celle d’une autre femme qui se confie.


Visages de professionnels attentifs et chercheurs, visages émouvants de spécialistes au travail d’une lourde tâche : Luis Bonino, psychiatre  et directeur de recherche de Madrid qui a la gorge nouée tant il est remué, Dorothea Hecht de  Berlin, Marya Gencheva et Jivka Marinova de Gert (Sofia), Françoise Cherbit de SOS Femmes (Marseille) et surtout les visages splendides, lumineux d’intelligence de Marike Gueurts et Françoise Debats de l’APIAF. Cela pour les visages admirablement filmés, cela pour les images. Cela pour le solide travail des cinéastes  accomplies que sont Maïté Debats et Carol Prestat qui dirigent avec fermeté leur caméra dans un étonnant chemin de mots, balisé par un plan rigoureux qu’il me paraît nécessaire de reprendre pour ne pas trahir ce travail de réflexion approfondie sur le harcèlement moral, véritable tragédie humaine. Un scénario à la Hitchkok mais cette fois-ci il ne s’agit pas de fiction mais de réalité.


Tout d’abord : le titre : Prends garde à toi . Un titre qui dit la menace qui pèse sur la femme pensive de la couverture de la vidéo. A quoi pense cette femme ? Elle pense au scénario de sa vie qui se fait doutes et   Et c’est déjà le premier mérite de ce film : arracher les femmes harcelées à leur solitude en mettant des mots et un ordre rigoureux sur leur tragédie. Certes, il existe des hommes harcelés, il faut le dire mais c’est principalement des situations vécues par des femmes, c’est pour cela que cette vidéo traite du calvaire des femmes mais par la profonde réflexion engagée on peut, bien sûr, réfléchir aussi sur celui des hommes harcelés. La vidéo parle donc des femmes dont la douleur du harcèlement est spécifique mais dans un coin de l’image, je pense que les hommes harcelés ne sont pas oubliés et peuvent se reconnaître. Mais il est important de noter que si hommes harcelés il y a, c’est sous une forme différente que cela se produit. douleurs. Elle pense à sa solitude. Un titre qui dit aussi l’impératif attentif adressé à une femme : Prend garde à toi.


Le film présenté  fait le choix de donner la parole à des femmes qui ont été victimes de violences conjugales et ont franchi le pas de la séparation.


Cet outil pédagogique se présente comme un livre dont on tourne les pages dans la lenteur de chapitres denses et synthétiques qui donne toute la cohérence de la pensée des auteures. Je me suis appliquée à respecter cette cohérence et à suivre cette pensée dans la chronologie que nous révèle le film même si pour rendre plus aisée la lecture de cette note, je n’ai pas nommé les chapitres.

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Le film s’ouvre sur un gros plan de M…


 « Je ne sais pas comment j’ai fait pour tenir. « Des preuves, je n’en avais pas, » alors je ne pouvais porter plainte. » M… parle, M… dit « le sourire méchant, les pneus crevés », elle dit l’insaisissable de la relation, de la violence psychique. Elle dit l’intangible qui fait que personne ne la croit, que la justice ne la soutient pas. « C’est traumatisant le harcèlement ». Mot essentiel me semble - t- il : « traumatisant ». Le harcèlement est un traumatisme physique ou psychique, ou les deux. Un coup violent sur le corps ou sur l’âme. Ainsi est souligné avec justesse le déni de l’homme qui harcèle : déni du divorce, déni de la rupture. Ces hommes n’acceptent pas de lâcher. « j’ai essayé tous les moyens possibles pour la retenir, mais ça n’a rien donné donc je vais lui faire peur. » Ainsi s’articule la terrifiante logique du harcèlement. Terrifiante car elle pousse parfois la femme au suicide. Mais ce n’est pas un suicide c’est un meurtre. Les femmes harcelées vivent un véritable film d’horreur parce qu’elles sont enfermées dans un « on ne me croit pas. » parce qu’il existe un mythe très fort autour de l’amour fou, de l’homme « abandonné » dans son mal-être. Marike Gueurts souligne alors la nécessité d’une enquête et la nécessité d’écouter la femme. Pourquoi la femme inventerait- elle une souffrance si intime ? Ecouter et croire la femme.. Entendre, écouter la plainte, la resituer dans le contexte de vie de la femme qui parle est essentiel car il est prouvé que les violences physiques ont toujours été précédées de violences psychologiques ou sexuelles. Les travailleurs sociaux doivent laisser cette idée de preuve à la police et à la justice et doivent bien plus être dans une dynamique d’écoute et de dialogue avec la femme qui vient se plaindre intimement à eux.


Puis nous suivons les auteures dans un chapitre essentiel qui dit combien « il faut en finir avec la désastreuse confusion entre conflit conjugal et violences conjugales »


Une distinction fondamentale est articulée comme repère pour l’accompagnement de ses femmes : la séparation est-elle acceptée ou déniée par le partenaire ? La femme a fait un immense chemin pour arriver à cette rupture, son partenaire lui laissera-t-il passer son chemin ? La femme n’a plus de colère, elle veut simplement passer son chemin et c’est un travail très difficile pour elle, car socialement, elle a le mauvais rôle en laissant cet homme sur le bord de la route. Mais la femme est certaine qu’elle souhaite la séparation et c’est là la différence avec le conflit conjugal . La femme veut « passer son chemin » voilà ce que refuse et dénie l’homme violent. Ainsi la violence sur la femme et sur les enfants s’installe dans l’irrespect de la décision de la femme :


Cet homme, l’auteur des violences  dit « tu n’as pas le droit de me quitter » ou il dit « Tu peux me quitter mais je garde les enfants. » C’est ça le scandale, l’inacceptable. « On n’a pas le droit de dire cela. »C’est instaurer un véritable climat de guerre à partir des enfants. C’est ça la violence


Les femmes savent toutes le chemin qu’elles ont eu à parcourir pour s’extraire de l’inacceptable et on leur a souvent signifié qu’elles ont accepté longtemps l’inacceptable.  « En réduisant le harcèlement à un conflit conjugal, on les empêche de s’extraire de cet inacceptable là, on calme le jeu et on les rend prisonnières de la violence subie. » Le rôle des travailleurs sociaux dans ce contexte là est extrêmement important soulignent les auteures. On en revient toujours là : écouter la femme, l’entendre en ne l’enlisant pas dans ce qui serait un conflit conjugal. Bien repérer quand la femme veut passer son chemin, qu’elle a trop souffert et que c’est maintenant fini, la négociation n’est plus possible : elle veut la paix. Mais la paix ne doit pas être à n’importe quel prix. La nuance est importante. « la femme veut la paix mais ne veut pas faire la paix. » Il ne faut surtout pas les mettre dans la position de faire la paix : ce serait les mettre dans le même déni que leur partenaire qui dénie la séparation. C’est la femme qui paierait le prix fort de cette paix car elle continuerait d’être harcelée. « Le juge serait en paix mais la femme non. » Donc éviter le piège de l’amiable.


C’est alors que le film interroge la question des enfants « exposés » aux violences conjugales

Le piège de l’amiable fonctionne « pour les enfants ». Il faudrait toujours s’en tenir au cadre de la séparation car souvent les enfants sont malheureusement utilisés comme prétexte pour

s’approcher de la mère et la harceler.  L’amiable fonctionne comme une machine infernale pour les femmes qui veulent « passer leur chemin », «  qui veulent la paix. »


C’est à ce point du film qu’il est présenté une excellente différenciation du tiers et du médiateur en regard de cette distinction essentielle entre conflit conjugal et  violences conjugales.


Il faut des tiers mais non pas des médiateurs.

« Médiateurs cela voudrait dire qu’on essaierait de faire négocier deux personnes qui seraient à égalité co-responsables. » Il est impossible de fait ce travail lors de la dénonciation des violences. Il est impossible que deux personnes parlent quand l’une a peur de l’autre. « Par contre les tiers vont aider les deux partenaires à se positionner séparément. » A chaque fois, le travailleur social doit se souvenir de ce que la femme a raconté de sa terrible souffrance. Il n’y a pas commune mesure entre une dispute et « le fait d’annuler l’autre. »


C’est parce que cette distinction entre  conflit conjugal  et harcèlement moral est essentielle qu’il faut mettre en place des grilles d’analyses très fines pour savoir quel type de relation se joue entre mère, enfant, père, mère et ainsi en finir avec « une parentalité chimérique. » Il faut définitivement faire le deuil d’une bonne relation entre le père et la mère puisqu’ils sont divorcés mais il faut aider le père à se repositionner et accepter que ce n’est plus possible de vivre ensemble. « C’est le droit de la mère de se séparer du père » et c’est pour cela donc qu’il faut cesser « l’intolérable droit de surveillance » ; cela est filmé dans le temps d’une confidence d’une femme dont on ne voit pas le visage qui raconte comment, avec l’autorisation de l’éducatrice, le père avait accès à sa propre intimité par le biais des enfants (voir chapitre « Risque de l’amiable »). Ainsi les insultes et le harcèlement continuaient. Sorte de chantage via l’éducatrice. Les travailleurs sociaux doivent être vigilants au cadre et le  faire respecter car s’il y a violence, l’égalité parentale est rompue et le couple parental ne peut plus être pensé de la même façon. Et apparaît à nouveau la notion de tiers qui prend acte de la séparation de part et d’autre et permet de construire un couple parental alternatif. Le tiers c’est celui qui va aider le parent délaissé à cheminer dans le fait qu’il doit accepter cette séparation, accepter un cadre qui imposera les droits et devoirs de chacun dans le respect mutuel des deux partenaires. «  Le socle d’une vraie parentalité  est  le respect de l’autre parent. : responsabilité parentale et alternative. »


Puis est interpellée avec intelligence la notion de présence du père en regard des compétences de la mère. Socialement le père est vécu comme devant être présent et la mère comme devant être compétente et protectrice de ses enfants. Le film avance un étonnant paradoxe à approfondir  dans le fil des mots de Françoise Debats quand elle s’adresse aux mères  : Ne laissez pas croire à vos enfants que vous pouvez les protéger .Ce passage est difficilement soutenable car non évident socialement et il déconstruit un cliché.


Enfin est abordé la notion essentielle « des parents suffisamment bons »Est alors développée  la question pour la mère et pour le père des limites pour que l’enfant puisse se construire dans un cadre où le oui n’existe pas toujours et cela même dans un cadre de parents alternatifs. Se pose là une nouvelle parentalité à interroger et à faire exister quand la mère a décidé de passer le chemin. Décidément j’aime cette expression.


On trouvera aussi dans ce film « un livret noir », livret terrible qui dit la position terrible de la mère qui part et qui est harcelée. Quoiqu’elle fasse, elle a tort. Du côté de Kafka. Témoignage douloureux consécutif à un placement suite au départ de la mère n’en pouvant plus d’être harcelée. Quel est le sens de ce placement ? Comment signifier aux enfants que le père n’accepte pas la séparation. ?


Puis succèdent pour finir des vignettes cliniques très émouvantes, sobrement écrites en noir et blanc. Couleurs deuil et sur un fond de silence et de lenteur. Poignant.


Les auteures insistent sur la nécessité « de donner du sens » aux situations les plus douloureuses et de retrouver avec ces femmes en danger quelle fut leur chemin et les obstacles rencontrés pour dire « j’existe. » afin de sauvegarder par la loi cette existence si chèrement acquise..


Dans  un dans un deuxième film à ne pas manquer, qui suit le générique, on trouvera un bonus intitulé : « La loi en question », où on trouvera une présentation approfondie des lois de quelques pays européens sur les violences domestiques à l’encontre des femmes. Les difficultés de les actualiser et les noeuds sociaux  qui font résistance à ces lois sont traités de façon détaillés et qui ne peuvent que passionner et enrichir les professionnels. A la fois complexe et évident tant le consensus social a tendance à rendre en partie responsable la femme victime de violences.  Quand les préjugés sont là pour dire : « Et si dans les violences conjugales, la femme y était pour quelque chose ? » Dramatique consensus qui rappelle celui des femmes violées qui « l’auraient bien cherché » leur dit-on.. L’horreur !  Le chemin de la libération des femmes est long, bien long, semé d’embûches et de préjugés, de stéréotypes et de constructions fantasmatiques et réelles à toujours déconstruire, de lieux communs honteux qui emprisonnent les femmes dans des scénarios de cauchemars et de traumatismes. Mais une telle vidéo s’engage pleinement, intelligemment, avec émotion aussi dans la lutte contre les violences conjugales. Excellent document pédagogique que chaque travailleur social doit avoir dans sa boîte à outils.


 Une caméra pour des femmes. Une caméra pour des mots de femmes. Une caméra pour les hommes et pour les femmes quand ils se font ensemble chercheurs d’humanité.



PS Tout aussi passionnant, de Carol Prestat et Maïté Débats :

Des Dames comme tout le monde et Cinq femmes et des mariages (Films du Sud)




3. « Milles lectures pour l’alphabétisation »


Résumé d’un article de La Marseillaise : L’Hérault du jour du lundi 20 avril 2009. Rubrique fait de société. Page 2.


J’ai souhaité résumer cet article passionnant écrit par Agnès Massei qui dit des chiffres et des lettres terriblement absentes jusqu’à la perte de la citoyenneté mais qui raconte aussi le travail splendide d’une association montpelliéraine :


 TI HINAN

114 GRAND MAIL

34 080 MONTPELLIER

04.67.72.96.23

COURRIEL : tihinan@club-internet.fr


J’ai aimé cet article qui raconte une pratique dynamique et intelligente, pleine d’humanité, si indispensable à l’approche de la question de l’illettrisme et de son public, qui raconte aussi les difficultés de financement et l’exigence de qualité du travail dans la cité, dans le quartier de La Paillade.


J’ai contacté cette association le temps d’une conversation téléphonique amicale et j’ai été touchée par la qualité de l’accueil. La vie associative digne de ce nom c’est cela : du travail, de la chaleur humaine, de l’enthousiasme. Je suis donc heureuse d’accueillir Ti Hinam et La Marseillaise sur mon blog.


Avant de résumer cet article, je veux dire encore combien la presse locale, engagée dans un monde plus juste, comme l’est La Marseillaise est nécessaire au maintien de la démocratie et combien il est triste de savoir cette presse toujours en péril et en précarité. Soyons vigilant et faisons reculer le risque de la pensée unique (et pauvre)d’une presse plus médiatisée représentée par Le Quotidien de la région celui qu’on achète pour sa nécrologie, ses programmes de télé et sa page sportive !


Bien ! Maintenant voilà l’article.


Rappel du contexte : Du 20 au 26 avril une campagne mondiale pour l’éducation est lancée ; Elle a pour nom « Mille lectures pour l’alphabétisation » et vise à mobiliser l’opinion public et les pouvoirs publics.


C’est dit : L’illettrisme implique la politique des pouvoirs publics. Elle n’est pas histoire de « mauvais élèves », de » jeunes qui ne veulent rien faire » et d’instituteurs incapables !


Titre de l’article, en lettres énormes et en gras : Trois millions d’illettrés en France.


A énorme problème, titre énorme.


Des Chiffres...


Dans le monde : 776 millions d’adultes ne savent ni lire, ni écrire et 75 millions d’enfants ne sont pas scolarisés


En France :  3.100.000 personnes soit 9% de la population âgé de 18 à 65 ans résidant en France métropolitaine sont en situation d’illettrisme , dont 53% ont plus de 45 ans  et 59% sont des hommes. Par groupe d’âge, sur ces 3,1 millions, 4,5% ont entre 18 à 25 ans, 9% ont entre 36 et 45 ans.

L’Hérault du jour mentionne également les statistiques de la région Paca et l’importante détresse dans ce domaine des allocataires RMI. D’ailleurs à ce sujet, je veux souligner la première page de la Marseillaise de ce même jour dont le gros titre est : L’illettrisme mis au ban dans le Sud soulignant le problème aigu dans la région. Quand le régionalisme se fait tragique.  C’est le moment où jamais de sortir sa calculette pour prendre conscience de la réalité de l’illettrisme dans le sud de la France et ailleurs.


Et des luttes ...


Etat des lieux des acteurs et des actions  :


Des acteurs cités par l’article :


- ATD Quart monde repris en France pour distinguer ceux qui ont scolariser (Illettrisme) et ceux qui ne l’ont jamais été (Alphabétisation)


- INSEE et ANLCI mènent une enquête « Information et vie quotidienne » qui révèle la gravité de la situation


- Nombreuses institutions dans les ministères de l’Education nationale, du Travail, de la Culture


- Le Centre des recherches en économie et statistiques,


- L’Observatoire de la pauvreté et de l’exclusion sociale


- L’Institut national des études démographiques


- Les collectivités territoriales avec leur Plan régional de luttes contre l’Illettrisme, intégré dans le volet Formation


-  Représentants du Préfet et ministériels soutiennent les missions régionales.


- Les acteurs de la campagne mondiale contre l’Illettrisme


Des acteurs qui disent NON ! à la profonde inégalité du savoir qui s’installe en France, qui est le miroir d’une société profondément inégalitaire.



Des chiffres et des luttes, des luttes et des actions...


Des actions si nombreuses, si généreuses, si innovantes. Des actions de partout, courageuses, avec des salariés et des bénévoles, des actions difficiles aux prise avec la précarité du terrain, des publics, des finances. Des actions qui disent l’humanitude des professionnel et de tous. Des actions. Mais aujourd’hui, nous reprendrons simplement le travail de l’association rencontrée ce jour, par la Marseillaise.


Une association nommée Tin Hinan


Le reportage est signé de Marine Desseigne


Martine saisit l’association en plein vol de son action dans la Médiathèque/Ludothèque Jean-Jacques Rousseau de Montpellier. C’est bien, c’est de là qu’il fallait partir. Bravo ! Ils sont là, mamans et enfants, ils apprennent la France dans ce qu’elle a de plus noble : sa culture. Ils sont là avec leur guide, leur formatrice Denise Escolano.


Quand ils ne sont pas là, ils sont à La Paillade, quartier si bien connu des montpelliérains, construit dans les années 60 pour accueillir les rapatriés d’Algérie avant d’héberger des familles immigrées.


L’association Tin Hinan a crée une véritable plateforme dans la société française nous dit Martine Deseigne. Les femmes parlent toute arabe ou berbère mais cela ne facilite pas l’acquisition du français et ralentit l’intégration sociale qui est aussi l’objectif de l’association.


Les activités de l’association relèvent d’activités citoyennes (informations juridiques, formations Planning familial, cours d’informatiques) mais aussi de loisirs et de cultures ; toutes les activités s’inscrivent dans un rapport au quotidien des adhérents. Elles sont aussi organisées en fonction des horaires de tous.


Cette association a été crée en 1999 et a résulté de la demande des femmes et des mamans qui voulaient comprendre la société dans laquelle elles vivaient. Elles voulaient accompagner leurs enfants qui grandissaient en France. Ainsi se confie Denise Escolano. Elles voulaient aussi rencontrer d’autres femmes.


C’est cela la lutte contre l’illettrisme. C’est créer du lien social dans lequel les lettres peuvent s’inscrire et prendre sens. Lire R-O-T-I c’est peut-être aussi cuisiner et manger du rôti ensemble. J’aime cet exemple de l’article !


Est abordé aussi le rapport à l’écrit et le travail d’Héléna Baumel qui initie à l’informatique, traitement de texte et Internet dans la visée de l’obtention d’un emploi. Mais il est bien préciser que l’action de l’association est bien plus large que cela. Trouver un emploi c’est surtout se situer dans un processus d’intégration.


Orientation plus récente : après les mamans et les enfants viennent les pères et les frères...


J’ai aimé ce long article qui redonne du tonus indispensable pour mener nos actions, pour inventer et trouver des solutions à l’urgence cruciale du problème.. Merci à La Marseillaise : L’Hérault du jour et à ses journalistes de talent


Merci à l’association Tin Hinan et à ses formatrices engagées dans une pratique difficile mais si porteuse de citoyenneté et de démocratie.

 

A suivre ! Toujours passionnément MJC

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11 juillet 2010 7 11 /07 /juillet /2010 14:25

L'identité au risque de l'être (2) 

 

Mon noyau de nuit et de lumière


Je suis chaque page tournée de chacun de mes livres. Je suis née du risque que constitue ma bibliothèque. Lire un livre c’est le prendre risque d’être l’auteur, de s’y retrouver, de s’y perdre, de gagne sur sa solitude ou au contraire de l’accroître. Lire est un splendide risque identitaire que toute ma vie, j’ai aimé prendre. Grâce à mes livres dont je vous livre tant de titres dans mon blog, j’ai, un jour de bonheur, un jour d’été et d’ivresse écrit mon hymne de vie –sans risque-. Ce jour là, j’étais splendidement fervente. Je suis une femme fervente parce que j’aime le ciel et la plage, j’aime ceux que je côtoie chaque jour, j’aime regarder mon prochain droit dans les yeux, j’aime recueillir les sourires, accueillir et les caresses. Bref, sauf les jours de désespoir noir, j’aime la vie. et ce jour donc, j’écris :

J'appartiens au monde, un monde de bruit et de fureur, qui à toute heure vit et gronde mais connaît aussi la douceur et les couleurs, j'appartiens au monde des hommes et des femmes qui luttent pour la paix partout, à ceux qui disent non au racisme, à l'injustice, qui aident les immigrés à obtenir des papiers légaux, j'appartiens au monde de ceux qui disent non aux religions quand elles engendrent des guerres meurtrières, et des préjugés archaïques, j'appartiens au monde des femmes qui disent non aux hommes quand ils font d'elles des opprimées ou des êtres intensément peu  reconnus, j'appartiens au monde des idées quand elles se font valeurs, humanité, j'appartiens à la peinture, à la musique, à la sculpture, à la danse, au chant, à l'opéra, j'appartiens au monde des arts, de tous les arts, au monde des fleurs, des jardins, des beaux paysages, des frais bocages, des volcans, des lacs, des déserts, j'appartiens au monde éclairé par la lune, pleine ou en croissant, parfois rousse, j'appartiens au monde ensoleillé par nos regards à tous, endeuillé par nos ténèbres, j'appartiens au monde de ceux qui travaillent parfois le jour, parfois la nuit pour que ça continue de tourner, de rouler, de rire, de pleurer, de lutter le poing levé, j'appartiens aux forêts, aux montagnes, aux chemins, aux plaines, aux coquelicots dans les vagues d'été, à l'espoir, à l'amour quand il dit toujours, à la fraternité dans les contours de l'égalité et de la liberté, j'appartiens aux corps et aux décors, à mes proches si proches, à mes amis, à mes choix de vie, j'appartiens aux tambours et au tam-tam, aux violons ceux des sanglots longs, j'appartiens au ciel bleu ou plein de nuages, j'appartiens à l'orage qui dit ma rage, ma cage, ma plage, ma page, mon âge trop sage,  j'appartiens au monde du sucre, du jasmin, de la menthe et du miel, au monde des arômes, des épices, des saveurs, des parfums, des odeurs, des empreintes, j'embaume, je suis une fleur, mais surtout j'appartiens à mes livres, à ma bibliothèque qui abrite Tahar Ben Jelloun, Paul Eluard, Jacques Prévert, Arthur Rimbaud, Laurence Durrell, Guy de Maupassant, Albert Cohen Solal, Georges Perec, Malcom Lowry, Charles Bukowski, Allan Sillitoe, Georges Simenon, John Fante, Tenessee Williams, Jean-François Josselin, Freud, Bohumil Hrabal, Dennis Mac Fairland, George Walter , Michaël Dorris, Denis Vasse, Maud Mannoni, Françoise Dolto, Jeanne Champion, Jeanne Warnod, Antoine Blondin, Jean-Louis Foulquier,Léo Ferré, John Healy, Kerouac, JMW Turner, Alfred Leroy, Michaël Buckmul, Marie Laberge, Véronique  Thépot, Eric Hispard, Louis Brunet, Jean Colombo, Odile Daget, L.David, CGirard, M.Holzwart, D.Lestevent, A Guillem, la Compagnie du Hallebardier, les amis de l'Acerma,, les amis de Scribanne, Borges, Platon, Marcel Proust, Italo Calvino, Elie Wiesel, Winnicott, Mélanie Klein, Rémy Puyuelo, Simone de Beauvoir, Jane Austen, Daniel Sallenave,  Peter Bishel, Ajar, Lacan, Gentis, Tosquelles, Racamier, Hochmann, Serge Leclaire, François Villon, Michel Del  Castillo, JMG LeClézio, Gunter Grass, Garcia Marquez, F. Jacob, Claude Francolin,  Antoine Sylvère, Paul Auster, Marguerite Yourcenar, Hélène Piralian, Edgar Morin, Handke, Münch, Mishima, Blanchot, Jorge Semprun, Pascale Froment,  Muriel Benezeraf, Louise Cassagne, Shakespeare, Starobinskky, RFédida, Marc-Alain Ouaknin, Michel Foucault, Tardieu, Pierres Glaudes, Rétif de la Bretonne, C Sylvestre de Sacy, Borel-Masonny, Amadou Hampâté Ba, Philon, Kafka, Joyce, Derrida, Heidegger, Roger Chartier, Michel Picard, Lili Savary, Paul Desjardins, les amis de Pontigny, les amis de Cerisy, Socrate, Montaigne,  Queneau, Roland Barthes, Claude Simon, Michel Butor, Ponge, Ionesco, Maurice de Gandillac,Michhel Tournier; Arlette Boulomié,  Raymond Jean, Jean-Paul Sartre, Nathalie Kuperman, Paul Guichard, Dominique de Gasquet, Maria-Luiza Spaziani, Michel Tournier, Jacques Brun, Marcel Brun, Karl Marx, Kerloc, Bruno Pilorget, Brigitte Kern,  Annie Dupeyrey, Catherine Lion Méric, Jacques London, S.Weil, Rainer Maria Rilke, Boris Vian, André Gide, Marcel Camus, Louis Aragon, Hemingway, Gisèle Halimi,,, Jacques Lanzmann,, Véronique Fleurquin, Benoit Jacques, Charles Juliet, Henry Miller, Colette, George Sand, Anne Delbee, Jean-Paul Damaggio,  les a mis de Point Gauche ! J. Michéa,  Jean Cauvin, Georges Brassens, Françoise Renard, Michel Cassé, Joyce Ayne, Claire Etcherelli, Claude Nougaro, Valère Novarina,Zweig,Clarissa Pinkola Estès, Alice Miller, Colette Berthès, Michèle Perrot Alberto Manguel, Gérard Pommier, Gisèle Halimi, H.Malot, Steinbeck, Gogol, Assimov,Simenon,R.D Laing et Coopper, Zoé Oldenbourg, M.Duras, Tolstoï, Cholokhov, Tchékhov, Burgess, Anthelme,  Primo Lévi François Villon, Hampaté Bâ, Bober, Pessoa, Perros, L.Carroll, Saint Exupéry, A.Chédid, Issac Bashevis Singer et son frère Israël Joshua, Chabrol, G.Sand, Pirandello, Michel Piquemal, E.Morin, P.Muzard, Beckett, Cervantès, Etty Hillesum et Fatiah, William Camus, P.Auster, J. Mamou, R.Depardon, J.Maisondieu, Leila Sebbar, E.Glissant, Hannah Arendt, Zola, Balzac, Garcia Marquez, Melville, E.Morante, Marek Halter, les soeurs Brontë, Gunter Grass, Gide, Gandhi, Roger Martin du Gard toutes les femmes du XXème siècle réunies dans une encyclopédie préfacée par Elisabeth Badinter , et d'autres encore, plein d'autres, mes autres, mes hôtes, à perte de mots, de pages, de lignes, jusqu'au bout de l'espoir,  jusqu'au bout de mon temps retrouvé, de mon désir révélé, de mon âme envolée, j'appartiens à mes lectures, mon bien si précieux, mon être carillonne dans les secondes éclatantes, fracassantes de leur silence à tous,  dans un tonnerre de lumière qui jaillit, illumine, éclaire, c'est la fête, j'appartiens tout entière, corps et lettres à cette fête, j'explose et je me reconstitue, je continue, je progresse, je recommence sans cesse, j'invente, j'inventorie, je recopie, j'écris, je vis et dans le temps d'un clin d'oeil, d'un sourire, dans le temps de la fraternité, de la communion créative, dans l'enthousiasme assumé, dans les valeurs partagées j'appartiens à Empan, à Point Gauche ! , aux Cahiers du Détour, à Aujourd'hui l'Alcoologie, à Synapse, à Scribanne et aujourd'hui à Serre Feuilles, j'appartiens à tous ceux là et toutes celles là qui m’ont accueillie dans leur revue et qui ainsi ont signé mon appartenance à l'écriture, un jour immobile, je fermerai les yeux et je partirai, je n'appartiendrai à plus rien d'autre qu'à la terre, je serai sans sève et sans rêve mais appartenir au monde aura été ma chance, mon privilège, mon espérance , transmettre, promettre, habiter mon hymne d'un trait, l'écrire pour ne pas mourir, pas encore, parce que me souffle Perros dans ses Papiers Collés de talent "Le génie, c'est d'écrire  quand on n'a pas envie d'écrire. Mais de vivre".


A la lumière des jours présents, et dans le mouvement de mon blog, j’écrirai aussi, le génie, c’est de lire on n’a pas envie de lire, mais de vivre. Je veux dire là, dans les pas de Perros que lire comme écrire est une nécessité. L’alphabet est une nécessité et c’est pour cela que ma quête de vie est le travail dans le domaine de l’illettrisme. Il me semble essentiel que nous soyons tous égaux devant l’alphabet et ses possibilités multiples d’être au monde, d’être reconnu par tous dans l’écrit et dans l’oral. Quelqu’un privé d’alphabet est plongée dans sa nuit sans possibilité de sublimer par les livres, sans possibilité de parole dans la cité et donc sans possibilité de liberté. Je trouve cela terriblement injuste et grave


Pourquoi, cette appellation que j’aime tant, au plus près de ce que je veux dire « Mon noyau de nuit et de lumière »


Parce que mes livres prennent racines dans ma solitude souvent noire mais viennent l’éclairer. Les livres sont des lampes de poche pour l’âme. On est dans la nuit de Thanatos, dans le noir de la mort et soudain un livre vient nous en sortir en articulant pour nous ce qui faisait nuit, faille, béance mais aussi joie et rire. La nuit du désir c’est quand on ne peut plus dire, c’est alors que  le livre vient dire l’indicible de notre âme si souvent rendue mutique par le temps des autres. Lire c’est vivre à son temps, à son rythme. Lire, comme écrire, comme peindre ou composer, lire,  comme sublimer sous toutes les formes de l’arc-en-ciel humain est un don merveilleux du ciel, qu’il nous faut cultiver, c’est notre jardin qu’il nous faut fleurir quelque soit les livres que nous aimons.


Mon blog, c’est mon jardin dans lequel, je vous invite à être avec risque mais dans la plénitude de ma promesse d’inventer avec vous un humanisme qui nous portera  à lutter contre ce monde qui n’en finit pas de ne pas renoncer à la barbarie.


Mon blog, je le souhaite être un acte d’humanisme et continuera celui du Professeur Henri Sztulman, mon ami : Manifeste pour un nouvel humanisme psychanalytique.( Editions Ombres blanches.2008.) J’en cite des mots  pour en articuler mon introduction.


« Enfin l’humanisme : mot vague, relativement ancien, il n’en demeure pas moins la mémoire d’une conception du monde qui maintenait l’humain comme totalité, voire totalité infinie et non comme une multiplicité d’états détachables et soumis à des manipulations de circonstance. L’humanisme est une tâche infinie (le fameux tonneau), un labeur éternel (Sisyphe) : il faut résister à la division du sujet, à l’aliénation, maintenir en chacun, avec détermination, cette force de résistance évoquée au début. L’humanisme conduit son combat pour un homme et unique et total et indivis, la psychanalyse défend en chacun ses mystères, son opacité, sa familière étrangeté, son « infracassable noyau de nuit »[7] 

[7] André Breton, Point du Jour, Gallimard, 1934, p. 188. [N.d.e. – Souvent utilisée avec pour seule référence le nom de Breton, cette métaphore est presque toujours appelée dans un contexte étranger à celui dans lequel l’auteur l’a produite. Point du Jourrassemble des textes épars d’André Breton, dont des préfaces, parus antérieurement à 1934 ; le texte dans lequel figure ce passage est intitulé « Introduction aux Contes bizarres d’Achim d’Arnim » ; il a été écrit en 1933 : « De nos jours, le monde sexuel, en dépit des sondages entre tous mémorables que, dans l’époque moderne, y auront opérés Sade et Freud, n’a pas, que je sache, cessé d’opposer à notre volonté de pénétration de l’univers son infracassable noyau de nuit. » Le mot nuit est en italiques dans le texte de l’édition originale. D.A.] »


Le livre du Professeur Henri Sztulman se termine ainsi presque sur « l’infracassable noyau de nuit ». . J’ai récemment offert à mes amis, avec la Femme en Retard, un livre immensément triste. Alors, j’aimerai tant que mon blog invente un humanisme heureux : le mien, le nôtre : construit sur mes livres de toujours dans le temps de ma nuit et de ma lumière, dans le temps de mon noyau sans fracas, dans la douceur des jours et du temps de ma vie. Dans le temps de tous. Dans le temps de l’ambre. J’ai toujours lu dans le temps de tous parce que je suis une femme non érudite, tout au plus une autodidacte ; toujours des courses, du ménage, la mouvance d’un amour, des enfants oh ! les enfants comme ça prend la vie d’une femme du premier battement foetal, aux premiers engagements d’adultes, à leurs amours aussi et à leurs confidences à entendre sans jamais y répondre ou en répondant dans la douceur de l’incertitude. Et maintenant grand-mère de mon petit bourgeon. Être là. Toujours et savoir s’absenter pour laisser fleurir la famille sans l’étouffer. Les lectures ont été mon absence nécessaire pour eux et pour moi. J’ai connu des grands chagrins, des immenses chagrins et les livres m’ont réparée, les livres ont inventé dans ma nuit, ma lumière. Mes livres sont ma nuit et ma lumière. Mes livres sont ma nécessité de femme. Mes livres sont mon amitié et ma conversation avec vous, mes robes de vie, mes parures, ma protection contre le désespoir, mon introduction à l’espoir toujours là. Je suis une femme d’espérance et c’est pour cela que certains m’aiment tant..


Mon espoir, je le creuse dans mon amitié pour vous, dans mon amour pour eux, les miens et dans l’humanisme des livres. Mes parents m’ont transmis l’amour des livres et pour cela ma dette envers eux est immense, infinie. Grâce à mes parents et à mes livres, j’épelle le mot « Merci."» Dire merci est un don car il s’inscrit dans l’échange et dans l’amour. J’ai ce don là et ma chance est infinie. C’est à partir de ce merci que j’entre dans la communauté des hommes. A partir de ce merci et de mes livres.



Ma bibliothèque. Mes bibliothèques. Ce sera l’objet de « Mon noyau de nuit et de lumière », ce sera l’objet de mon humanisme, celui de toute ma vie. Je transmettrais puis je mourrai. Mais je vous rassure ma bibliothèque est immense et la raconter me portera à 100 ans au moins ! Vous vieillirez avec moi à l’ombre de mes jours, à l’ombre de mes livres, à l’ombre de nos vies, à l’ombre de nos engagements.


Mes livres je les ai classés, répertoriés manuellement puis je les saisirai en ordinateur. Je cite cet auteur que j’aime tant Georges Perec : Penser /Classer. Ma citation est extraite d’un petit texte plein d’humour Penser Classer (Texte du XXe siècle Hachette) page 34 :


« Ainsi, le problème des bibliothèques se révèle-t-il un problème double : un problème d’espace d’abord, et ensuite un problème d’ordre. »


J’appelle ma maison, la maison des milles et un livres en connotation aux Mille et une nuits. Pour moi les livres sont une lutte contre la mort qui chaque jour m’attend au coin de ma pulsion de mort. Celle de tous. Pour moi lire c’est de la pure pulsion de vie qui paradoxalement se joue dans l’immobilité. Lire c’est me poser, c’est cesser de tourner à en mourir. Pour moi, lire c’est inventer l’écriture grâce aux mots de tous. Pour moi, lire c’est engranger la paix grâce à l’humanisme de chacun. Pour moi, lire c’est créer de l’utile et du  plaisir. Pour moi, lire c’est exister dans la transcendance de tous. Pour moi lire, c’est filer le temps de mon désir et retenir le ciel au bout de mon regard, ce ciel dont j’ai si peur qu’il me tombe sur la tête à cause de la folie des hommes et de ma propre folie.


Pour moi, lire, c’est mettre de l’ordre dans ma vie et être heureuse, c’est ne plus être seule dans ma solitude, c’est tourner les pages de ma vie et celles de mes amis. Vous.


Pour moi, lire c’est créer et partager.


C’est dans le partage que se joue l’humanisme si précieux. C’est dans le partage que se joue la différence. C’est dans le partage que se joue l’adelphité. C’est dans le partage que se joue la démocratie. C’est dans le partage que se joue l’Histoire des hommes.


Et donc, je commence mon livre par la description des espaces de ma bibliothèque plurielle.


Au rez-de-chaussée, à gauche , dans la grande salle à manger, comme une immense tâche de lumière,  la bibliothèque littérature (les livres sont classés par ordre alphabétique jusqu’à N) avec les grands livres d’art. Les livres de littérature se continuent sur des planches dans le couloir de N à Z. Dans le couloir toujours, mes livres d’études, de psychanalyse, de sociologie, de psychologie. Mon temps d’étudiante. Les livres sont des temps nous confie Jean Louis Baudry dans L’âge de la lecture. Des temps qu’on oublie, des temps dont on se souvient toute sa vie. Oubli et mémoire écrivent le paradoxe de la lecture traversé par l’interdit et la sexualité. Ma recherche. Mais de cela je vous parlerai plus tard lorsque je vous raconterai ma bibliothèque de travail.


Je n’ai pas encore répertorié l’espace littérature et études. Je le ferai le temps venu, le temps voulu.


Ce week-end, j’ai répertorié manuellement sur mon cahier d’écrivaine mes espaces suivants :


- Ma bibliothèque de Travail : mes livres sur la lecture avec lesquels j’ai écrit Madame, je veux apprendre à lire.


- Ma bibliothèque Shoah : mes livres avec lesquels j’ai écrit ma propre Shoah et ma nuit


- Ma bibliothèque Poésie : mes livres avec lesquels j’ai écrit la beauté de la vie


- Ma bibliothèque Femmes : mes livres avec lesquels je me suis principalement écrite


- Ma Bibliothèque Interculturelle : avec laquelle j’écris mes engagements de citoyenne du monde.


Toutes ces bibliothèques  sont à l’étage dans diverses chambres de ma maison. Contrairement aux livres littératures, ils sont classés par thèmes ou par auteurs, par familles d’amis. La bibliothèque Femmes est classée par ordre alphabétique.


C’est donc, ces bibliothèques là et ces espaces là de mon coeur que je vous confie et vous confierai encore, des années durant,  dans la lumière des jours présents  comme autant de confidence, mes livres.

Proust, dans sa Recherche du temps perdu rêvait d’une Cathédrale, moi, par mon écriture je souhaite créer notre humanisme comme « une cathédrale » pour reprendre la métaphore proustienne


J’écrirai lentement, dans le fil de mes engagements: et mes recherches avec mes chères, très chères collaboratrices de Madame je veux apprendre à lire, Anne Dubaele-Le Gac et Nicole Rouja et avec mes amis d’Empan..  J’écris  et j’ ’écrirai dans la mouvance de mes jours et de mes Toujours ; Pour vous, pour moi, j’écrirai mes livres, je les arracherai à mon oubli et à ma mémoire et dans la fulgurance de l’écriture, je leur donnerai vie. Telle est ma promesse.


Les livres sont des colombes sur les ailes desquelles s’invente et- se construit l’humanisme de vous, de moi, des uns, des autres, un humanisme de toutes les couleurs qui dit combien les hommes et les femmes ne sont pas superflus, qui dit la valeur de chaque naissance qui emporte toujours la  promesse du recommencement.


Quant à moi, j’espère tenir haut, très haut  la promesse de mes livres. Ma dette d’être ensemble au risque de ma nuit et de ma lumière.


Il y a un auteur que j’aime beaucoup Pessoa et le 5 mars 20009, j’ai écrit dans mon blog ce texte  dont l’actualité me paraîtra être toujours la même des années durant parce qu’elle dit ce que sont les livres pour moi. Je recopie donc cet article pour ne pas me trahir, pour signer ma fidélité à ce jour de presque printemps.


J’écrivais donc dans cet article intitulé  Pessoa


« Mes livres  disent  ce à quoi,  ceux à qui « je tiens » ; je tiens par eux, je tiens à eux. Je n’aime pas les prêter parce que j’ai toujours peur de leur perte, de leur disparition, peur du non-retour qui m’arracherait à mes toujours, comme à leur toujours inscrivant le manque dans ma bibliothèque.


Mes livres sont un baume sur la déchirure de mon enfance qui  creuse le lit de mes souvenirs. Mon enfance est la pénombre de ma vie d’adulte ; mes livres m’enveloppent de clair-obscur. Chaque livre aimé est un rayon de soleil qui éclaire ma pénombre. Être lectrice me fait âme éclairée. Je voulais écrire « femme éclairée. » Etrange lapsus qui me fait découvrir le son « âme » niché dans le mot « femme » …


Mes souvenirs d’enfance enfermés sous la poussière de mes premières années me confisquent ma paix d’adulte ; mes livres me la restituent.


Si vous me demandez, si je suis heureuse, je vous répondrai « je ne sais pas » ou « qui sait ? » Ou « peut-être. » Pour moi, être heureuse est une cause qui toujours s’interroge dans la mouvance du temps en fuite. Être heureuse ou non dans le fil de ma vie me fait femme en mouvement. Mes livres me relient au mouvement de mon temps celui qui inscrit mes jours et mes toujours, mes silences et ma nuit, ma présence et mon chant, mon calme et mon être, mon absence et mon temps, celui que je sais avoir retrouvé,  là,  près de mon Alhambra, réceptacle de ma mémoire oubliée.


Il existe des jours d’immense fatigue où je me sens « enfermée dehors », où j’ai perdu le sens du non-être et de l’être, où je ne peux même plus nommer ma solitude. Ces jours de silence, ces jours de néant, ces jours où Satan me confisque le langage commun qui me fait humaine, ces jours d’angoisse et de folie, ces jours où le temps devient toupie et tempête, ces jours où je suis hors de portée de tous, ces jours de psychose, ces jours sans cause ni raison, ces jours sans cause ni maison, ces jours trop bruyants dans ma tête où je sombre dans l’ombre profonde des mots distordus,  des mots douloureux, sans repères et sans père, sans mère, sans toi ni moi, ces jours d’hiver, sans loi, ces jours sans amarres, ces jours  noirs du suicide, ces jours là,  j’ouvre Le livre de l’Intranquillité de Fernando Pessoa.; il me dit tout entière dans ma contradiction d’être, il me dit point d’interrogation., point de départ et point d’arrivée. Je me sais impossible parcours.


Lecture : vanité du moi, qui à peine lu déjà n’est plus, mémoire, qui à peine effleurée coule à pic dans le Léthé


Avec mes livres, je glisse et je m’invente des aubes noires et des bleus crépuscules, je me retrouve femme floue, femme d’ombre, femme d’ambre, femme mouvante, femme-fleur, femme-enfant, femme mère, femme engagée, femme silencieuse, femme fonceuse, femme mauve, femme fleuve, femme de feuilles, femme en deuil, femme sans seuil, femme écueil, femme de toujours, femme de sable, femme à l’heure, femme au travail, femme lisante, femme brillante, femme hésitante, femme triomphante, femme mélancolique, femme éclatante, femme partante, femme lisante, femme libre !


Les auteurs de mes livres sont mes hétéronymes

Lire est une déclinaison de l’autre dans l’espace transitionnel que sont les pages. Lire est un espace/temps de l’âme. Lire est un corridor en or pour l’âme qui dort. Soudain étirant ses lettres suspendues à de minuscules points s’élancent dans le ciel de nos vies pour se mêler points et virgules confondues au grand tintamarre du monde, qui de colère parfois gronde mais qui, parfois de tendresse sourit. »


Le sourire des livres certes, la lumière des livres, la lampe de poche qui éclaire la solitude  certes mais surtout, surtout ne pas oublier les livres et la démocratie, la démocratie qui fait lumière sur la cité.  La démocratie dont a si bien parlé Jean-Pierre Vernant. dans La Démocratie. La volonté de comprendre (L’Aube.2007. 96 pages) et aussi Un Hannah Arendt. Dans La condition de l’homme moderne (Calmann- Lévy 1983 406 pages) et encore de nombreux livres d’elle quand elle nous raconte Aristote et quelques autres de nos ancêtres les Grecs.. Cherchez !


Cherchez encore la démocratie dans Empan N° 68 : Travail social en quête de sens et Empan N°.71 : travailleurs sociaux et cultures métisses

De façon générale, dans tous ses numéros, Empan inscrit la pratique des travailleurs sociaux dans leur aspiration à la  démocratie.


Ce matin, lors d’une rencontre associative, une  amie, un peu en chagrin,  m’a demandé


«  Au fond, qu’est-ce que c’est la démocratie ? On la met à toutes les sauces »


Et comme ça, pour elle, pour vous,  j’ai décidé de plancher, de mémoire, vous confier ma sauce. On ne va tout de même pas se laisser voler le mot « Démocratie » !


Pour moi, la démocratie c’est avant tout une représentativité de tous au pouvoir. Le pouvoir ne domine plus, il devient l’expression de tous les citoyens. Mais pour que les citoyens s’expriment il faut qu’ils aient les outils de pensées et de paroles. Actes et paroles sont indissociables nous dit Hannah Arendt dans La condition de l’Homme moderne. Ëtre citoyen, c’est pouvoir parler, reconnu par d’autres, dans une dialectique de  la différence du débat. Parler nos actes et par nos paroles agir. Histoire de la polis des grecs quand la parole est relayée par d’autres, ces autres là  créent ma citoyenneté mais aussi ma responsabilité dans la vie de mon pays, de ma cité, de mon lieu de travail ou dans mon association.. La démocratie pour moi implique la responsabilité. Mais cela s’acquiert dans la confrontation au jour le jour de nos actes et de nos mots, de nos mots et de nos actes. Sans répit, sans relâche.


Pour moi, la démocratie c’est une dialectique permanente entre actes paroles avec les autres qui, comme moi inventent mon pays mais je demeure convaincue que cela passe par la culture, les livres, les journaux divers à condition qu’on en parle ensemble.. La démocratie c’est quelque chose qui s’acquiert par un travail acharné de la pensée et de la parole.. La démocratie, ce n’est pas de l’inné. C’est une force qui gronde et qui vit dans les entrailles de nos villes, et de nos campagnes, dans les débats de tous avec tous, une force à dompter, à structurer par l’intelligence. Mais ces débats pour porter l’adjectif « démocratiques » doivent emporter de la pensée travaillée, fouillée, approfondie.  Jeune, j’ai toujours été émerveillée par la culture populaire de certains partis politiques ou associations. Ainsi des amis qui n’avaient jamais été à l’université me paraissaient plus cultivés que mes amis universitaires, boudant parfois les livres. Le savoir de la démocratie, c’est bien sûr le savoir des écoles, petites ou grandes, évitons l’écueil de la démagogie,  mais c’est aussi le savoir de tous et de chacun quand ils ont  travaillé dans les livres ce qui fait notre Histoire.


Pour moi, la démocratie c’est de l’étonnement toujours possible devant les évidences du pouvoir. C’est l’étonnement qui permet de parler. J’aimerais que les ateliers de lectures soient des lieux démocratiques, d’étonnement, de creusement, d’investigations, de remise en question  de son savoir par celui des autres, j’aimerais que les ateliers de la lecture par leur recherche permanente sur les mots des livres inventent des actes citoyens


La démocratie c’est un lieu qui articule les contradictions, les commente, jamais ne les oublie ou ne les dénie et par cette recherche incessante invente la liberté de choisir  et de définir le pouvoir.


La démocratie c’est instaurer un vrai espace de pensées pour et par nous tous, citoyens égaux ; Chacun doit avoir les moyens de juger, de débattre les initiatives et les décisions du pouvoir. Et cela passe par les livres ; aucun être humain seul ne peut produire de la démocratie ni de l’intelligence. C’est à ce prix qu’on peut parler de représentativité, aux prix des pensées de tous respectées, travaillées, élaborées au coeur des livres et de leurs pages tournées, soulignées, assimilées, discutées, interrogées, appropriées.


La démocratie est une saga de l’intelligence et de l’action et tout le monde a le droit à cette saga, à l’écrire, à la lire, à s’y reconnaître.


La démocratie ne peut être une pensée d’une élite, d’une caste fermée. Les ateliers de lectures sont des espaces temps  appartenant à tous ceux qui élaborent de la pensée, c’est à dire tous.

Les ateliers de lecture exigent de chacun d’être à l’écoute de la pensée des autres dans la médiation des livres, c’est à dire dans la médiation des pensées déjà là, constituant du symbolique vivant à interroger. C’est ainsi que le groupe crée le pouvoir et non le contraire. Cela demande des livres, du temps, de l’argent. Et déjà réfléchir à l’espace, au temps, au financement, par qui ? Comment ? Créer ensemble, inventer ensemble, travailler ensemble. C’est ça la démocratie dans la patience des différences, dans le dur labeur des rencontres.


J’imagine, une institution démocratique, le Conseil Général ou la DDASS qui chaque semaine vivrait l’expérience d’un atelier de lectures, j’imagine chaque lieu de travail qui chaque semaine vivrait l’expérience d’un atelier de lectures,  j’imagine sur la place de ma ville, chaque semaine un atelier de lectures, j’imagine tout cela, pris sur le temps de travail, j’imagine le possible de penser sur son temps professionnel, alors je souris heureuse et triomphante de mon utopie, celle du souffle de ma vie. Les livres partagés dans une démocratie inventée par tous.


 Je la tiens ma définition de la démocratie ! La domination, ?  Nenni ! Ensemble être et par nos livres retrouvés inventer le pouvoir de tous.  On se coltinerait à notre mort et à notre finitude, à nos blessures et à nos mythes, à nos imperfections et à nos inventions. à nos fragilités, à nos blessures, à nos cicatrices, à notre romantisme, à notre enfance, à nos illusions et désillusions, à notre Histoire et à nos histoires, à nos pulsions, à nos malaises, à notre civilisation, à nos sublimations,  à nos pauvres destins de chaque matin, On inventerait nos liens, on inventerait la solidarité (on l’invente déjà dans la vie associative mais on la répandrait de partout), on inventerait nos valeurs politiques, on inventerait ce qui donne sens à nos actions. Nos vies ne seraient que d’immenses et fracassantes inventions toujours en interrogations qui soudain dans le geste de l’amour deviendrait certitude. Toute la planète tremblerait d’intelligence et la misère reculerait livres à livres dans nos pas intelligents.. Le sens,  jamais on ne l’oublierait. Le Fascisme n’est-il pas pur insensé ?


.  La démocratie c’est le sens donné par  tous à nos paroles quand elles se font actes. On ferait jaillir de l’éthique encore et encore dans nos actions politiques et professionnelles, dans nos vies individuelles, nous donnerions du sens et de la durabilité à nos engagements quotidiens et sur un grand calendrier couleur du temps de tous, nous daterions nos manifestations. Il paraît qu’il y en a une demain !. Vous le saviez ? En tout cas, tous à nos agendas !


Mais alors, dans le temps d’une démocratie réussie que ferions nous des médias ?

Nous les ferions lire !


La démocratie, c’est de la liberté, de l’égalité, de la fraternité, du sourire, de l’espoir, du travail acharné, de la pensée, des mots, des ateliers de lectures de toutes les couleurs, le plus cher possible,  un zest de citron et de cannelle couleur soleil, des points d’interrogations, quelques-uns de suspension, des virgules et beaucoup de guillemets, jamais de point final ou de parenthèses, mais surtout de l’adelphité pour et par les livres.


Enfin pour conclure cette partie du risque que prend l’être dans la nuit et dans la lumière  dans la solitude et la sublimation de son désastre, dans la  liberté et dans la  démocratie, j’ai écrit un texte Le temps de l’ambre, qui peut-être dira, si vous le voulez, le temps de notre cheminement patient sur la route des livres.


Le temps de l’ambre est le temps du mimosa, celui que je vois fleurir de ma fenêtre dans le printemps qui presque s’avance.


Le temps de l’ambre est le temps de mes lilas blancs et mauves dans le devenir du printemps qui ne saurait tarder. Celui que j’attends.


Le temps de l’ambre est le temps de dire NON à ceux qui ont de l’argent et qui de temps en temps, trop souvent volent notre âme.


Le temps de l’ambre est le temps de ma vie de grand-mère qui dans un éclat de rire prend par la main mon petit-fils pour l’emmener sur le chemin de mes valeurs de vie. Mes soleils.


Le temps de l’ambre est le temps de mes livres qui me disent que le monde est possible

si je m’obstine à les ouvrir, à vous les raconter.


Le temps de l’ambre est celui de mon noyau de nuit et de lumière quand il me dit que mon errance est finie puisque vous êtes là, dans mes pas, puisque je suis là dans les vôtres, puisque nos livres s’échangent , se prêtent, se transmettent.


Par la main, je vous prends, par le regard vous me suivez et dans le temps de l’ambre vous me lisez.


Le temps de l’ambre est celui de nos mains tendues éblouies tenant nos livres, ceux qui nous font vivre, continuer, espérer. Nous avons besoin d’espoir et d’utopie.


Le temps de l’ambre est celui de nos caresses émues par nos livres si singuliers  mais toujours si pluriels dans le temps de nos titres partagés..


Le temps de l’ambre est notre liberté choisie, notre carcan refusé, nos valeurs gagnées dans l’utopie, cette utopie qui dérange tellement le consensus.


Le temps de l’ambre est celui de nos livres chuchotés dans  nos âmes déployées. Ecoutez les sur les étagères, j’entends le bruissement de leurs feuilles. Les entendez-vous ?


Le temps de l’ambre est le temps de l’espoir qui nous sort du sombre noir quand dans notre coin de vie nous en broyons.


Le temps de l’ambre est celui de nos esprits qui ensemble résistent à tant d’injustices. Il ne s’agit pas de dire « Il y a pire que moi » alors, je ne demande plus rien.


Le temps de l’ambre est celui qui ne se mesure pas à l’aune de la détresse des autres mais,  qui cette détresse refuse et lutte contre elle, au jour le jour.


Le temps de l’ambre est le temps de nos vies associatives, de nos engagements professionnels et quotidiens qui disent notre combat dans le pied à pied des chagrins de ce monde.


Le temps de l’ambre est celui grâce auquel nous occupons le terrain, nous répondons chacun à notre façon à ce qui ne tourne pas rond dans ce monde où trop souvent l’ambre s’absente.


L’ambre est une pierre qui a un pouvoir apaisant.. Ma pensée n’est pas encore construite, mais je le sais, comme ça , parce que je vis dans le temps de l’ambre, je sais  que les livres, que mes livres m’apaisent, surtout dans un jour comme aujourd’hui, quand ils sont à portée de main du mimosa qui fleurit dans mon jardin, dans l’espoir du printemps naissant qui s’avance.


Mais, chut... encore un peu de patience ! En attendant l’éclosion des bourgeons, dans le temps de l’ambre, lisons au chaud.


Lisons par exemple le petit livre de Marcel Proust « Sur la lecture » ou le livre d’Alberto Manguel Histoire de la lecture ou Marguerite Duras Modérato cantabile, ou Le journal d’Anaïs Nin, ou Les Thibault de Roger Martin du Gard, ou  Jeanne Benameur Laver les Ombres ou Le Journal de Charles Juliet, ou les oeuvres complètes de Schnitzler  ou celles de Zweig, ou des poèmes de Pessoa, ou Comment lisent les enfants du Chaperon rouge ? de Dominique Piveteaud ou Héros de l’enfance, figures de la survie de Rémy Puyuelo ou Les livres c’est bon pour les bébés de Marie Bonnafé ou Paroles clandestines de Virginie Lydie, ou J’ai eu quinze ans  en Tarn-et-Garonne : 2008-1808  de Jean-Paul Damaggio (La Brochure) ou Mon voisin est sans papier (La Cimade) ou Sales gosses ! Jef Curval-Dominique Delpiroux-Jihoux La création à fleur de peau, (Art, culture, handicap) de Charles Gardou et d’Emmanuelle Saucourt ou Psychanalyse et humanisme d’Henri Sztulman ou Jean-Louis Baudry L’âge de la lecture ou Pourquoi la guerre ? de Freud et Einstein ou Un long chemin vers la liberté de Nelson Mandela ou Les femmes palestiniennes de Noria Boukhobza ou Les femmes dans le combat politique en France ou Le baron perché d’Italo Calvino ou ses Villes invisibles ou En finir avec la guerre contre les pauvres de Paul Muzard, ou Le vocabulaire d’Hannah Arendt d’Anne Amiel ou  Organiser la résistance sociale de Fred Poché ou un N° d’Empan, (Erès) celui que vous voulez, ils sont tous bien,  Le Journal de Katherine Mansfield, ou Fritna de Gisèle Halimi ou  Comme un violon brûlé de Françoise Renard, (ACERMA) ou L’enfant de la lune de Jean-Claude Arevalo ou Conversations ordinaires de Winnicott, ou La cause des enfants de Françoise Dolto, ou Les milles et une nuits, ou L’étoile d’Erika de Ruth Vander Zee et Roberto Innocenti ou Là où les tigres sont chez eux de Jean-Marie Blas de Roblès ou Les femmes qui lisent sont dangereuses et Celles qui écrivent vivent dangereusement de Laure Adler ou  ... Vous avez une idée vous ?


Par vos idées mêlées aux miennes marchons dans la douceur de notre nuit vaincue et de notre lumière advenue. Avançons lentement sûrement dans l’humanisme de tous les temps qui toujours a résisté aux tempêtes inhumaines de la barbarie. Des livres, il y en a toujours eus et il y en aura toujours quel que soit le support. Peu importe le support, ce qui compte ce sont les hommes qui écrivent et qui lisent, ce qui compte ce sont les hommes qui transmettent patiemment le dur labeur d’être humain sous le ciel étoilé de tous les temps.

 

Passionnément à suivre ! MJC

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11 juillet 2010 7 11 /07 /juillet /2010 13:37


 La route des livres

(1)

L’identité au risque de l’être (1)

 

A ceux, qui de l’aube au crépuscule  s’appliquent à être.


  Présentation


Un jour de printemps 2009, j’ai crée mon blog « Les inventeurs de lectures » dans lequel j’ai écrit de nombreux articles sur mes livres préférés.

J’introduisais ainsi mon blog "Les inventeurs de lectures"

 « Je suis inscrite dans la vie associative de la ville de ma cité ; l'écriture et la lecture ne prennent leur sens pour moi que dans la générosité d'une riche vie citoyenne.

Je souhaite que ce blog soit consacré à la lecture, à ses recherches, à ses expériences.
Je souhaite qu'il invente des ateliers de lectures selon une éthique de liberté, de démocratie, d'humanisme.
Je souhaite que ce soit un blog toujours en quête d'Humain.

J’ai décidé de créer mon blog. « Les inventeurs de lectures » pour créer, écrire, parler avec vous de mes travaux, des vôtres, pour partager nos lectures. Pour inventer nos lectures. Inventer nos lectures cela veut dire créer leur mouvement, leur donner à chaque fois un sens, notre sens existentiel ou citoyen. Un  livre n'existe que de la lecture de ceux qui le recréent, l'inventent, le partagent  tout en respectant profondément le sens qu'a souhaité lui donner l'auteur. Inventer ses lectures c'est un travail de haute voltige. »

J’ai décidé de continuer avec vous, le travail commencé avec mon livre Madame, je veux apprendre à lire ! (Editions Erès, printemps 2008) écrit avec la collaboration de Anne Dubaele-Le Gac et Nicole Rouja, actuellement chargées de mission de formation et d’accompagnements de projets à Ressources et Territoires.

Le thème général de mon blog « Les inventeurs de lectures » est :

Recherches sur la lecture, sur les ateliers de lecture et partage de lectures.

 Le blog Les inventeurs de lectures est ma maison symbolique. Cette maison de livres, mes livres, avec un espace pour les vôtres,  je vous invite à la découvrir, à  la visiter quand le désir vous en prendra. »

Puis, un jour d’été 2009, j’ai eu le désir de prendre la route avec mes livres, de vous inviter à marcher avec moi, vers un monde presque meilleur, où le verbe être serait notre boussole et notre lumière, notre guide pour découvrir un humanisme transversal, où chacun ne serait pas compartimenté dans un savoir saucissonné. Il me semble si essentiel de se connaître les uns les autres, de s’intéresser à nos recherches mutuelles puis de repartir approfondir notre savoir. Chacun chez soi, mais  chacun avec tous. Cela me paraît une bonne démarche intellectuelle. Alors, j’ai écrit une synthèse de mon blog  présent  puis je l’ai nommée « L’identité au risque d’être. »

Si le cœur vous en dit, prenez la route avec moi, par ce présent livre.  Je serai si heureuse de marcher, de lire, de parler, de créer  avec vous sous le soleil du verbe être !
 

Le Risque


Se lancer dans l’écriture comme dans l’océan  puis nager, comme au début de la vie quand on sort du ventre de la mère. Nous sommes jetés dans la vie un jour de lumière ou une nuit obscure avec ou sans lune. Nous ne comprenons  rien à ce qui nous arrive mais il faut faire vite. Respirer, crier et continuer. Prendre le risque d’être. Puis vient notre prénom, notre nom. La reconnaissance grâce à laquelle nous  faisons partie de l’humanité Nous avons  pris le risque d’être alors nous voici doté d’une identité. Pour la vie. Ce qui fait identité, c’est notre prénom ; notre nom peut changer, enfin du moins pour les femmes qui avec l’incertitude de leur nom signe déjà l’incertitude de leur statut. Rémy Puyuelo a écrit beau texte sur le pronom quand il fait identité  : « Un prénom pour la vie », un texte poétique et vigoureux comme un bébé.


Qu’est donc, ce risque d’être de l’écriture en regard du risque premier risque néo-natal ? Et donc, je me lance, j’y vais, l’eau semble bonne, l’océan de mes mots est là à portée de mon identité de femme libre. SPLAH !


La lecture, mon engagement, ma boussole, mon guide, mon cheminement, ma route, ma direction, mon ciel, mon miel, mes jours, mes toujours, ma nuit, mon firmament, ma terrasse,  mon toit, mes lunes, mes dunes, mes doutes, ma faille, mon manque, ma marque, mon départ, ma solitude, mon temps, mon abandon, mon espoir, mes bleus, mon gris,  ma foi, mon « comme moi » « mon comme toi », ma colère, ta révolte, je tonne, je donne, je continue,  ma grange, mes langes, mon ange, mes réponses, mes rencontres, ma gentillesse, ma marge,  ma couverture, ma protection, ma construction, mon identification, mon identité, ma citoyenneté, ma fortification, mon invention, ma création, ma récréation, mon carnet, mon cahier, mon clavier,  ma confidente, mon miroir, mon or, jamais ma mort,  ma page trop sage, mon âge, mon rivage, ma spirale, ma feuille, mon deuil, mon gouffre, ma plaine si pleine, mon silence, mon regard ma conversation, ma répétition, ma dormition, ma séparation, ma souffrance, mon articulation, ma mémorisation, ma réparation, ma ville, mon île, ma catastrophe, mon apostrophe, mon ordinaire, mon imaginaire, mon extraordinaire, ma terre, mon commentaire, ma mère, mon ère, mes pères,  ma mémoire, l’Histoire, mon histoire, mon je, mon suspens, ma pause, mon absence, mon navire, mon repos, mon dodo, mon doudou, mes ateliers, ma recherche, mon théâtre, mes tragédies, mon dit, mon lit, ma scène, l’autre, mon autre, mes autres, mon lien, mes biens, ma victoire, mon espoir, mon application, ma duplication, mon risque, mes coussins, mes efforts, mon attente, mon enfance, ma latence, mon évanescence, ma permanence, mon errance, ma phosphorescence, ma persévérance, mon insistance, mon oubli, mon éblouissement, ma force, mon enthousiasme, ma ferveur,  ma fenêtre, mon chant, mon blanc, mon dedans, ma musique, ma majuscule, mes minuscules, mon souffle, ma rature, mon écriture, mon écran,  ma culture, mes larmes, mon rire, mes dires, mon arme, mon air, ma splendeur, mon heure, mon arbre, ma parole, mon balbutiement, ma verve, mon rêve, mon Eve, ma sève, mon verbe, ma rime, mon lien, mon partage, mon écoute,  mon coquelicot, mon intérieur, mon antérieur, mon oblique, ma demeure, mon abri, ma maison, mon seuil, mes deuils, mes écueils, mon recueil, mon rocher, mon désert, mon vertige, mes vestiges, mon alphabet, mon relatif, mon absolu, mon mieux, mon soir, mon tilleul, ma fierté, ma priorité, ma date, ma naissance, mon immense, ma renaissance,  ma profondeur, ma couleur, ma chaleur, ma santé, mon paysage, mon âge, mon  voyage, mon ventre, mon antre, mon attente, ma chambre, mon creuset, mon érosion, mon évasion, ma balade, mon souffle, mon choix, mon plaisir, mon enchantement, mes lettres, mon être, ma dette, ma culpabilité, mon mensonge, mon secret. Mon secret, dans le temps du lire jamais dit, mon nom quand il dit non, dans l’inépuisable.


J’inventerai la fiction de toutes mes fictions qui me créent loin des secrets.


J’existe à partir des livres, je suis née pour les connaître et les nommer « Liberté »


Liberté de lire, liberté d’écrire dans le fil de mon temps de femme, dans mes nuits, dans mes jours, dans mes Toujours, dans mes amours, avec amis, avec mes compagnons de clavier. Mais surtout pour mes enfants et petits enfants. Leur dire ce à quoi je crois, leur dire mes combats, leur dire mon cœur qui bat. leur dire tant de mon âme incertaine,  écrire au passé, au présent, au futur de nos vies emmêlées.


Je suis née pour  connaître et  nommer mes livres dans le mouvement d’une éthique de l’être. Vivre sans éthique, c’est mourir de ne rien comprendre à sa vie, au monde comme il tourne, au temps comme il s’arrête, c’est ne rien comprendre à nos rencontres avec les autres, à nos engagements personnels et professionnels. Chacun, son fil d’Ariane pour se retrouver dans son labyrinthe identitaire, chacun,  son trapèze pour s’élancer dans l’air du temps de son désir d’humain, celui d’hier et de demain.. Mon trapèze c’est ma bibliothèque. Je lis pour donner du sens à ma vie ; donner du sens à  ma vie, c’est vivre deux fois.


J’existe à partir des livres que j’aime et mon identité passe par mes livres. J’ai crée un blog « Les inventeurs de lectures » pour les raconter à ceux que j’aime, pour partager les peines et les joies, mes engagements quotidiens qu’ils portent dans le fil des pages que chaque jour depuis toujours, seule, dans le silence de ma vie, je tourne.


Je prends le risque d’être dans le partage. C’est à partir de ce partage que mon identité se constitue. J’aime tant les mots d’Hannah Arendt dans son journal et dans ses livres quand elle dit que pour être Un il faut être Deux. C’est cela, exactement que je veux dire, je veux prendre le risque du Deux et même du Mille pour exister UNE.


Je veux être UNE reconnue pour mes mots, pour mon écriture, pour mes actes, pour mes engagements, dans le temps de l’action et de la parole écrirait Hannah Arendt. Pour mon blog, pour la relation de mes livres, pour mes relations avec vous, je veux lutter contre l’immédiateté de notre époque, contre ce règne de l’avoir qui nous ronge et nous détruit. Je veux être femme, je ne veux pas être femme qui possède ni être femme possédée.

 

Mon identité, je la parie chaque jour. Un pari contre Thanatos, un pari contre tout ce qui fait destructivité, un pari contre la guerre et la maladie, un pari contre la haine et l’envie, un pari contre la culpabilité, un pari contre la solitude, un pari contre mon égoïsme et mon agressivité toujours à l’œuvre, un pari contre la tyrannie de certains, un pari contre la méchanceté de certains autres, un pari contre la bêtise.

 

Mon identité, je la parie chaque jour, avec panache, au risque d’être.

Être est un risque et je suis une femme téméraire, casse-cou. Je suis une cascadeuse de l’être, une trapéziste hors-pair, une chatte sur un toit brûlant, je ne suis que mouvement, qu’envolée, je suis l’insaisissable, la pardonnable, la timide, l’enjouée, l’affectueuse, la sérieuse, la chercheuse, la nageuse, l’immobile, la secrète, la savante, l’ignorante, la trépidante, la caressante, l’aimante, la lutteuse, l’ironique, jamais la sarcastique, la riante, la souriante, l’attentive, la mélancolique, la chaleureuse, l’absente, l’enchantée, la désenchantée, la colorée, la douce, si douce. Je suis la flouée. Je suis des Toujours de tous la lectrice.


Oui, c’est cela sans doute dont il va être question : de mon identité au risque d’être lectrice  dans la solitude et dans le partage, dans ma vie personnelle comme professionnelle, dans ma vie de femme, dans ma vie de tous les jours. J’ai élevé mes trois enfants, toujours un livre à la main, dans le mouvement de leurs câlins et des pages tournées. Oui, si on me demandait, à la manière de Hannah Arendt : « qui êtes-vous ? » je répondrai à sa manière : « je suis lectrice » (Hannah Arendt répondait : « je suis juive »

 A la manière de Novarina, auteur que j’ai tant lu, j’ai écris :

« Je suis l'enfant Chair du Temps et Charnière du nom advenu. Ici tomba Roger et naquit Jeanne, enfant entelrinée. J'ai vécu quarante ans de suite sans me ressembler un seul jour, sans me rassembler jamais. Injustice ! J'ai dévécu les solstices en silence. Sans retour, j'ai détalé, j'ai détroué, j'ai dévalé les rapides, j'ai ratelé du crépuscule à  l'opuscule, j'ai sonné les matines. Ding! Ding ! Dong ! Je suis Jeanne la Brève, je suis Jeanne-du-Temps des autres, de ceux d'avant moi, qui tous vécurent dans plein de trous, qui tous moururent. A portée de ma main, les tombes absentes. Réalité qui n'en finit pas de s'évider jusqu'à l'évidence.

Je suis née à charnier; du côté d'incommensurable, on y accède par une bretelle de l'Infini, mais on peut aussi l'atteindre par le versant Néant. Ils sont tous morts à Drancy ou à la guerre, déportés ou fusillés. Même à vingt ans. C'était à la Toussaint, peut-être, ou à la nuit de la Saint-Jean, je ne sais plus, je ne l'ai jamais su. Je suis Jeanne-Sans-Date, je suis Jeanne-sans Repère -et -sans Reproche. Mes pancartes on me les a volées, on me les a cachées. Je suis Jeanne-la-Falsifiée. Tous m'ont dévolue et expulsée hors de leur trou. Je suis Jeanne-de-la-Tombe partie lors de la quatorzième heure d'un jour d'été en l'an septante treize trois cent virgule quarante huit, ça reste flou, mais c'est comme ça que ma bouche l'a dit à mes oreilles qui l'ont répété à ma tête. Eux mes ancêtres, ils sont morts en zéro ou en deux, peut-être en trois du nombre quarante neuf après dix neuf. De toute façon personne ne le sait et tous l'ignorent. Les chiffres n'ont laissé d'autres traces que moi, Jeanne-la-Trouée.

J'ai grandi dans une rouge banlieue où tous n'en finissaient pas de brandir des pancartes qui disaient des choses toutes rondes. C'était facile à comprendre, il suffisait de lire les mots. Moi, j'étais assise sur le trottoir d'en face et je pleurais sans le savoir sur mes inconnues pancartes. J'aurai pu être "Jeanne l'écriture" mais ça m'était interdit par les morts. J'étais par eux, condamnée à dévivre malgré moi, j'étais de là-bas du côté des trous, mais je devais rester ici du côté du bitume.

Je suis Jeanne-la-Bannie-Ici-Vit, je suis Jeanne-l'Exilée-Ici-Git. A l'âge de six ans on m'apprit à lire des mots qui disait tout faux et à compter les chiffres de mes trous., ceux là dans lesquels j'habite. J'étais la fille du comptable expert, Jeanne-fille du-père. J'étais. Je suis. Jeanne sans Nom et sans Dieu, sans objet et sans sujet. Je signe, je persiste, j'écris, je dévie. Je suis Jeanne la Déviante. Soixante et huit. La révolte gronde, la colère monte. Le bitume saute en éclats. Place aux nouvelles pancartes ! Il est interdit d'interdire ! La vie ressemble à la vie et moi je ne ressemble toujours à Rien.

Au début de ma vie, là tout au bout du temps, il y a une tombe et ça fait tâche de néant, tâche de lune. Je suis Jeanne-la Dune-Sable-du-Temps-au-Jour-de-l'An-Neuf. Je suis Jeanne la divisée en segment et en trous. Je les ai tous entendus disparaître mes ancêtres. Je voulais compter les larmes mais on m'a dit soit heureuse et tais-toi, tout ça ne compte pas, il faut croire au bonheur et oublier l'horreur, il faut faire des enfants qui pour toi compteront le décompte de l'expert. On m'a dit compte sur eux, ils compteront sur toi. Alors, tous nous avons compté. Mais, avant, j'ai tout daté en secondes, ma nuit, ma vie, mes phrases, j'ai rangé, j'ai trié, j'ai plié, j'ai empilé, j'ai étiqueté, j'ai classé. C'était bien net. Je me suis comptabilisée au nombre des vivants déjà nés, j'ai chiffré le montant de mes cassures, j'ai évalué les réparations, j'ai fait le bilan blanc de mon enfance.. J'ai totalisé les morceaux de mon moi le plus présentable. Je peux affirmer, la tête penchée, qu'au jour dit d'aujourd'hui : je suis sept millions sept mille sept cent soixante dix sept mots. Tout frais déduits et ce en nouveaux francs. Chacun des mots est un moi. Parfois, j'en fais une année, il m'arrive aussi d'en prendre cent et d'en faire une guerre, mais ce que je préfère est d'errer de mot en mot, de moi en moi, sans loi. Je suis Jeanne des Milles et Un mots, la Shéréazade-du-Temps-Troué; je suis celle qui toujours se cherche en avant mais s'attarde à l'arrière, celle que la vie appelle mais que les morts retiennent J'ai grandi et quitté l'école du tout faux. On m'a décerné le titre de "supérieure en incapacité".  J'ai même eu une mention "pense sans les choses" j'en suis fière, très fière même encore à ce jour. Puis, j'ai fermé le cahier de mon silence dans lequel je n'avais jamais pu inscrire ma vie. Je suis entrée à l'Ecole cassures. J'ai eu mal, j'ai pleuré, j'ai hurlé. J'ai refusé le Dé. Je ne voulais plus être vivante malgré moi, je ne voulais pas ressembler à ceux qui raturaient mes trous, qui jamais ne rataient mes vides. J'avais perdu mes noms et le goût des choses.. J'étais Jeanne la Déprimante dont le seul rêve était d'être Jeanne l'imprimante.. La nuit le ciel était noir, le jour l'herbe était vivante, le printemps les arbres bourgeonnaient, en hiver, il y avait de la neige qui toujours étaient blanche. On appelait un chat un chat et en règle générale il y avait une place pour chaque chose. Ceux qui voulaient aller loin ménageaient leur monture et ils étaient tous unanimes à dire qu'un tien vaut mieux que deux tu l'auras. Peu dormaient, tous dînaient et s'occupaient à voir la paille dans l'oeil du voisin. La vie avait perdu ses reflets, ses ombres, ses lumières. Tout avait été dit. Les trous étaient fermés, les valises étaient bouclées, les fenêtres étaient closes et personne n'en parlait à personne.. J'étais Jeanne-la Détrouée-sur-le-Vide-en-Plein. Et cela dura cent ans, montre en main.

Enfin, je quittais 'Ecole cassures avec de nouvelles mentions : folle incurable, caractère intraitable, folle entêtée, folle qui s'obstine à ne pas voir la réalité en face, qui la préfère de profil et qui, en cachette,  la regarde de dos, les pieds au mur et la tête en bas. Folle atteinte de strabisme de l'âme. Folle faillible. Inopérable.

Je suis Jeanne-la-Femme-de-Fond-en-Comble, du sol au plafond, de A à Z, de pied en cap, séparée du temps par le mouvement des mots. Je noue le vide, je tresse l'or, j'émiette l'azur, j'épelle le blanc, je cueille les brisures, je noie le feu, j'apprivoise les fêlures, je ramasse la sciure. Je compte. Je suis Jeanne la Splendide.

J'ai lutté pour donner un nom à chaque trou, pour trouver le milieu de chaque orifice, à gauche, à droite, en avant, en arrière. A chaque trou sa cause. j'ose. Je suis Jeanne de l'ordre du Vide-en-Plein, Jeanne des Oiseaux et Jeanne des Taupes. J'ai appris comment on n'avait jamais rien sans rien, c'est comme cela que j'ai grandi à en mourir. Pour m'apaiser, j'en parla à tous mais tous ne m'écouta pas et nul ne m'entendit. Ni de cette oreille-ci ni de cet oeil là. Caïn me l'avait dit mais je ne l'avais pas cru. Vint alors le temps des insomnies et je devins Jeanne la "Sonique" qui rêvait sa vie éveillée au lieu de la vivre endormie. Jeanne- des- Songes qui longe les nuits, ronge les jours. Le temps passait. J'allais de blanc néons en bleus néons, de boulimie en abandon, mes parallèles se mêlèrent à mes verticales.

Je devins Jeanne des chemins, Jeanne des chiffres et vice versa. J'allai d'ailleurs en ailleurs, ma bouche épelant mes lieux, mes mains découpant mes trous dedans moi, ma tête se retournant sans cesse sans jamais m'apercevoir et pire encore sans jamais me reconnaître. Je suis Jeanne-l'Inconnue -à- Moi, à tu et à toi avec l'Innommable, Jeanne l'Indomptable. Je suis la Disparue, l'Engloutie qui vainement tente sa sortie.

Je suis la jacteuse de sorts, la jeteuse de morts. Encore et encore. Je porte la parole, importe le silence, reporte l'échéance, déporte les mots. Encore et encore.. J'emporte les chiffres et mes trous je déchiffre. Qu'importe ! Je suis Jeanne qui passe, Jeanne qui lace ses souliers, Jeanne qui enlace et qui s'Elance. J’ai le temps à commettre, les comètes à mettre, les bouts à démettre, les trous à compter, le vide à dompter. Je suis Jeanne-l'Occupée-des Nazis à dénoncer. Ma vie, ils me l'ont prise, ils m'ont volé mes pancartes et à la place ils ont mis la mort et m'ont dit que  c'était du lait. Ils ont tout embrouillé. Chair, charnier, cadavre, fusillé, bébé.  Je suis sept millions sept cent soixante dix sept mots, mais il me manque les mots grand-mère, oncle, le mot père est double et le second cache le premier. Le mot mère est irrémédiablement brisé par la douleur. Je suis Jeanne-Fille-des-Pleurs, je suis Jeanne-Mots difficiles- à -Compter, je suis Jeanne des Morts-en-Vie. Quand les morts ne meurent pas, les mots ne respirent plus. Les morts doivent mourir et les vivants courir. Moi, je voulais courir mais on m'a dit qu'il valait mieux lire.

Ainsi, suis-je devenue Jeanne l'Avaleuse-de-livres. Les livres délivrent du plein du dedans, ils écrivent le vrai comme le faux, l'or comme l'argent, ils écrivent les couleurs, le grondement des jours, ils écrivent le savoir de chacun, l'ignorance de tous. Avec un peu de chance, parfois, ils disent l'amour, racontent les étreintes, les clairs de lune, les luttes et les silences, les baisers et la différence. Ils racontent le temps qui passe.

Plus je lisais, plus j'avais de trous et plus je guérissais du plein qui me ravageait le Vide du Milieu. Je devins alors Jeanne-des Trous-en Vide-tous -Vides. Ma solitude cessa d'errer et trouva sa voie lactée. On la repéra, on la nomma, on la chiffra. On l'inonda de lumière, on la voila, puis on la dévoila. Je lus en vrai dans le néant, j'entendis pour de bon et ma tête jusqu'alors surchargée de  mots s'allégea du TROP ou du RIEN. Bien sûr une cicatrice me resta un peu partout précisément  de temps en temps mais une poussière d'aurore l'effaça. Maintenant, je peux chanter à tue-tête, le silence qui me divise. Je suis Jeanne-du-Chant-Retrouvé :

 Au clair de la lune

              mon ami Pierrot

             prête-moi ta plume

              pour écrire les dunes

              Prête-moi ta plume

              pour écrire les mots

              J'ai toujours du feu

              Ma chandelle vit

              la ! la ! la !

              Ma chandelle vit et danse ma vie !

A tue-tête, atout coeur, la dame de pique perd la bataille. Le temps passant, j'ai semé mes cailloux, je reconnais mes trous. Reste à chanter l'éternelle ritournelle d'une femme cannelle et sur mes deux ailes j'écris : je suis Jeanne.. ."

Je suis Jeanne, je suis Marie-José. Un prénom pour la vie, dirait Rémy.

Mon identité s’écrit au risque d’être lectrice. Voilà, le sens de mon blog. Mon blog est mon miroir d’encre dans lequel je vous invite à vous mirer. Mon blog est mon antre dans lequel je vous invite à entrer. Il mêle prose et poèmes., il est mon coffre fort dans lequel je vous invite à puiser,  il est mon Je, et celle-ci qui est  Une, qui le  devient grâce à votre lecture si plurielle. Parfois, dans le mouvement de l’amitié et du partage, je tutoie, j’écris en vers parce que la poésie est un chemin de mon écriture.

MIROIR D’ENCRE


Un je d’encre

Miroir noir

Ivoire bleu

Miroir de feu

Miroir de je

Miroir de peu

Miroir d’encre

Entre

Dans le je et l’encre

J’existe

Dans l’antre de mon encre

Entre


Je te montrerai un coffre fort plein d’or. L’or de mes lectures. Les livres enrichissent l’âme.


Pour toi, pour moi, j’écrirai mon autobiographie à partir des pages lues, tournées, feuilletées, soulignées, souvenues, oubliées et j’inventerai ma fiction si plurielle.


Et si tu le veux, en me lisant tu pourras t’inventer !


Prends ton élan, ça va durer vingt ans à l’aune du temps de l’ambre et deux milles pages !


C’est ça le temps de l’ambre, du temps généreux, à profusion, du temps qui n’en finit pas de glisser et de déglisser, de voiler et de dévoiler, de ralentir pour s’envoler plus haut encore, du temps comme une robe qui se dérobe, qui te couvre et te découvre. Tu auras froid, tu auras chaud, tu riras, tu pleureras, tu te briseras, tu te révolteras,


Tu écouteras la confidence et le secret, tu sauras qui tu es pour aussitôt de perdre, tu découvriras les saisons et tu vivras avec elles, tu seras consternation devant la simplicité des lunes et des soleils, devant l’amour de certains et la cruauté d’autres. Tu t’engageras politiquement dans le présent et par les mythes, tu découvriras mon histoire prise dans la grande Histoire, tu liras le mal absolu et son néant mais tu verras comment j’ai vaincu le néant et comme moi, tu le vaincras. Peut-être tu liras mon désespoir mais avec, tu verras comment il emporte à sa semelle l’immense espoir que d’être en vie et d’aimer dans le respect tout ce qui palpite, tu sais les feuilles d’arbres qui tremblent, qui tournoient, ce nuage qui s’avance creusant tes rides dans le temps qui file mais au creusant ton savoir de la vie et des autres. Tu découvriras mes larmes et mes deuils et les immenses efforts qui furent les miens pour ne pas en mourir. Tu découvriras mes nouveaux soleils et  mes nouveaux midis


Tu découvriras mon écriture et ma mouvance intérieure.


Tu découvriras mon hymne dont je te livre déjà  dans un souffle et d’un seul trait l’essentiel


Alors, tu l’auras compris, mon blog c’est quelque chose de la vie qui n’en finit pas de bouger  et de s’inventer.


Les inventeurs de lectures c’est du pur mouvement de femme. Celle que j’ai la chance d’être.


Mon blog c’est du pur être qui traverse le désert du désêtre mais qui toujours en voit le bout. Le bout du désert, le bout du tunnel.


Mon blog c’est de la pure lumière qui parfois va jusqu’à l’ombre mais jamais jusqu’à la nuit.


La nuit sera pour plus tard, la mort pour encore plus tard.

   

Mon blog je te le confie, c’est le toujours de mes jours dans le toujours de mes pages.


Un jour encore, je lis, je copie, je découpe. J’intériorise. La lecture est mon chemin. Mes livres sont comme des bornes dans ma vie. Mes livres préférés sont: les livres sur les livres, les livres qui disent l’acte de lire, qui disent des livres le don. Le Don paisible d’aimer, de chercher, d’inventer. Créer et recopier à perte de lettres pour ne plus me perdre dans ma solitude. A perte de passé. Ma solitude est immense mais infiniment plus petite que celle de celui qui ne lit pas. Ma solitude est peuplée de toutes les pensées partagées  que j’ai fait miennes, que j’ai assimilées dans le fil du temps. Je ne suis que ces autres qu’un jour j’ai lus.  Ces autres, mes amis qui me disent que vivre est possible parce que pour eux cela l’a été dans le temps de l’écriture et ce qu’ils ont pu écrire, moi, je peux le lire. Histoire d’une dette contractée, d’un testament légué par mes ancêtres les auteurs. Ma patrie, les livres. Comme Amos Oz, je suis patriote du langage. Mon étendard est le savoir de tous, mon hymne, le bruissement des ailes de La Colombe de Picasso, mon ciel, les pages de ceux qui un jour ont écrit ma vie.


Je suis une femme qui lit. Je suis une femme libre

Je suis dans le donjon de ma lecture, je suis hors du temps, au coeur de mes lectures. Ce soir, j’avance dans des pages de Proust .Je suis triste de mon temps perdu, de ce silence furieux qui fut le mien tant d’années. Incapable de créer mes lectures comme une cathédrale si pleine de la lumière du Temps, je vais à la ligne,  je lis humblement les dernières lignes du Temps retrouvé, les derniers mots de la Recherche. Comme une géante, plongée dans les années, je m’éloigne sur mes échasses non sans une nouvelle idée, qui me tient à cœur. Je suis sur le point de la réaliser. Je vais écrire un livre immense sur mes lectures retrouvées, recrées qui diront mon identité. J’ai accumulé tant de  verres grossissants dont parle Proust à propos de ses livres lus ; je commence à savoir lire. En ces temps troublés de misère de guerres et d’injustices, il me paraît important de savoir lire et de savoir se lire pour « y être » au jour le jour, avec ses mots  dans sa lumière et dans sa nuit, dans sa presque solitude. Dans une cathédrale, avec tous. Dans une cathédrale ou dans un temple, dans une mosquée ou dans une synagogue ou dans une immense Maison de la culture. Laïque. L’idée, c’est d’être ensemble avec des livres, avec ses livres. L’important, c’est d’être.

J’étais à l’heure, j’ai appris à lire sur les genoux de mon père à cinq ans ; il tenait un grand abécédaire. Peut-être que le A disait Amour, le C disait Continuer, le L disait Lutter  le P sans doute disait Paix et Persévérer. Un jour, je commenterai Marcel Proust, comme à vingt ans, le jour de mon baccalauréat. Le temps est venu pour moi d’écrire ma "Cathédrale." , puisque j'aime tant cette métaphore proustienne. Une jolie cathédrale de papier et d’encre sur un joli blog qui roule jusqu'au bout du monde...

Continuer sans relâche dans le L de Lire et dans le E d’Ecrire. Persévérer dans cette éthique et m’inventer singulier/pluriel

Je lis, tu lis, il ou elle lit, nous lisons, vous lisez, ils ou elles lisent.

J’écris, tu écris, il ou elle écrit, nous écrivons, vous écrivez, ils ou elles écrivent

         Au monde, inventons de jolies lunettes dans nos éclats de lire  !

Inventons à gorges déployées nos rires et nos espoirs

Par nos livres et dans nos livres.

Quant à moi, ce que je désire c’est

Ecrire dans un éclat de dire

notre amitié et la joie de se connaître

dans nos présences ailées

dans nos regards croisés

sur les mêmes livres

de nos savoirs emmêlés

toujours à démêler

nous nous aimons mêlés

 

Ecrire dans l’éclat de rire

de nos victoires passionnées

sur un monde contorsionné

tu sais ce terrible cri de Munch

ensemble nous nous en moquons

ensemble nous inventons le savoir

ensemble nous inventons

nos livres et nous écrits pour vivre


Ecrire dans un éclat de dire

nos questions sans réponses

Nous dansons, nous nous envolons

sur l’air de nos passions

ensemble nous rions

ensemble nous partageons

ensemble nous nageons

dans l’eau claire de nos vies

 

Ecrire dans l’éclat de rire

De nos larges sourires

Ensemble  nous tuons le pire

et le noir néant

Ensemble nous inventons nos dires

Et par nos lettres retrouvées

nous inventons le verbe lire

 

Ecrire dans un éclat de dire

nos souvenirs

Nous apprenons à pétrir

le pain de nos années

Pain rompu

Main tendue

Bouches jamais cousues

 

Ecrire dans l’éclat de rire

de nos baisers envolés

de nos pas déroulés

dans nos phrases enroulées

sur nos corps cajolés

Olé ! Olé ! Olé !

C’est le tango de nos mots.

 

Ecrire dans l’éclat de vivre

du bon lait

sans jamais filer

le découragement qui ment

sur l’espoir de combats

pour un monde meilleur

dans un monde  de fleurs


Ecrire à  l’encre noire

tout ce qui obstrue

comme un rocher

mon silence brisé


Ecrire  à l’encre bleue

l’immense feu

de mon corps

qui jamais ne dort


Ecrire à l’encre verte

cette perte qui me perd

dans la grande mer

si loin de toute terre


Ecrire  sans jamais

 me taire et m’envoler

comme un ballon

dans l’air brûlé


Je me souviens

toujours et toujours

de tant de nos jours

noirs, bleus, verts


Nos jours je les raconte

en encre de toutes les couleurs

qui sans cesse disent nos heures

pour taire nos peurs


Un poème  qui pourrait dire

je t’aime je t’aime je t’aime

dans les nuages brisés

de nos cieux irisés


Un poème qui pourrait clamer

un monde presque meilleur

un monde aux couleurs

De notre planète en paix


Je ne sais ce que j’écris

J’écris en couleur

nos mots noirs bleus verts

dans le creux de ma terre


Ma feuille éteinte

laisse des traces

dans des couleurs

de silences et de peurs


Mais dans le temps

Qui jamais ne ment

Je sème un champ de fleurs

Un champ de coquelicots


Dans la fragilité

des pétales carmins

s’emmêlent nos mains

qui étalent nos demains


dans l’espoir définitivement retrouvé.


Mon identité est au risque d’être

C’est cela ma fierté et mon espoir

ma  lumière de femme

entre  solitude et partage


Je n’ai pas d’âge

Je ne suis pas sage

J’écris j’écris, j’écris

Je lis, je lis, je lis


A perte de pages 

je prends le risque d’être

jamais dans le vent

mais à tous les temps !

 

Parce que la vie est humanismes à inventer ensemble, dans le temps de nos lectures communes, je vous dis passionnément :

 

  A suivre !  MJC



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