Spirale n° 103
Coordonné par Chantal Zaouche Gaudron et Philippe Bouteloup
Un enfant est né, différent
érès 2023
Comment le handicap interroge-t-il la subjectivité de chacun des parents ?
Comment accueillir un enfant différent ?
Simone Korff Sausse
Psychologue-psychanalyste, membre
de la Société psychanalytique de Paris,
Maîtresse de conférence émérite
à l’UFR Etudes psychanalytiques,
université Denis Diderot-Paris VII
Au début de l’histoire douloureuse de l’arrivée d’un enfant différent dans une famille : le traumatisme pour les deux parents du temps de l’annonce aux parents. C’est à ce traumatisme que s’attelle l’auteure.
Un traumatisme initial qui emporte la question du « Pourquoi ? ». Les parents se posent la déchirante question « Sont-ils ou non » pour quelque chose dans la différence annoncée ? La culpabilité est là dans cette interrogation. Voici les parents engagés dans la difficile saga de l’altérité. Cette saga peut-elle être interrogée par un processus d’empathie ? questionne Simone Korff Sausse ; elle définit l’empathie ainsi p.73 :
« Être en empathie signifie partager de façon partielle et sectorielle, mais vécue l’expérience, l’expérience intérieure d’autrui en la ressentant et en parvenant à se la représenter, quelle qu’elle soit. L’empathie est une modalité de prise de connaissance de ce qui se passe chez l’autre. De reconnaître, en ce patient que l’aurait tendance à considérer comme monstrueux, un semblable ». Définition qui me fait chavirer.
Simone Korff Sausse, ayant posé la question de l’empathie pose le primordial de la filiation et de la fratrie aux prises avec culpabilités et rivalités et responsabilité (pour l’aîné).
Poser la question de la filiation c’est poser la question de la transmission, c’est poser la question des grands parents et des parents, la question de la transmission ascendante et descendante, la question de la vie en mouvement, la question de la disponibilité de tous, grands-parents, parents, fratrie. C’est au prix de cette disponibilité, lestée de culpabilité que peut s’écrire, se dire, se lire, se vivre l’enfant différent entouré des siens dans une tragique et indicible hérédité -ou non - qu’il faut aménager entre tendresse et efficacité.
Est posé alors, écrit l’auteure, « l’impact du handicap sur la parentalité. ».
- Impact sur le mouvement régrédient qui avec la naissance du bébé va provoquer chez les parents des expériences infantiles précoces : Winnicott parle alors de l’hypersensibilité maternelle sous le nom de « préoccupation maternelle primaire. »
- Impact sur le mouvement progrédient d’identification à l’adulte parent.
Comment être parents d’un enfant handicapé ?
Intense sentiment de culpabilité, de filiation fautive. L’enfant devient trop tôt « un étranger » au risque de rompre le lien de filiation ou au contraire d’intensifier le lien fusionnel avec mouvement d’incorporation.
« Être parent d’un enfant différent constitue une épreuve qui désorganise tous les repères sur lesquels on s’appuie habituellement dans le processus de la parentalité ». P.77
Alors le devenir-parents passe par obstacles et étapes.
- Annonce ou le traumatisme annoncé
- S’y reconnaître et reconnaître son enfant comme « singulier » : Il est « particulier »
- Et enfin passer « d’être parent d’un enfant handicapé » à « être parent ».
Très bel article, difficile sur le plan théorique, il faut pour découvrir Winnicott, Mélanie Klein, le lire crayon en main, mais très beau, tissant, tressant handicap et normalité. Le différent s’enroule dans le semblable à tous, faisant céder les clivages des préjugés.
J’aime beaucoup les derniers mots : « être parents » déclinant ainsi le véritable enjeu du devenir parent avec la différence de l’enfant.
Remercions Simone Korff pour sa sensibilité et son savoir psychanalytique, pour son savoir des enfants et des parents : tous les enfants et tous les parents… et de tant de livres sur l’enfance et sur la parentalité.
Un chemin précieux.
Marie-José