Mon épaule, peut être
Prélude
Nuit blanche
Je retrouve l’écriture
Je retrouve ma signature
Après ma terrible fracture.
J’ai retrouvé l’espoir
L’espoir des autres
De leur donner mes mots
Dans l’ombre et dans ma lumière.
Nimbée de musique
A la clinique du Castelet
Je mène mes rééducations
Je vous remercie tous
Mes amis, mes proches, mes soignants
Vous tous…
L’écriture retrouvée, je peux commencer d’écrire pour vous, en sonnets « Mon épaule peut-être »… Ecrire c’est aimer, c’est vous aimer, c’est vous dire ma gratitude pour votre bonté à tous du Castelet, au jour le jour, nuit et jour.
Le Castelet, le 24.09.2023 saisi le 6 nov. 23 avec mon bras-support en 15 mn sans une seule douleur ! Magique !!!
Maman, c’est pas ma faute !
Maman, c’est pas ma faute !
L’enfant a six ans
Elle dit ça à chaque fois
Qu’elle fait une bêtise.
La lumière
A reconnaissance visuelle
S’est éteinte brutalement
L’enfant s’est retrouvée dans le noir.
La maman sans tendresse
Est très fâchée
La rabroue avec rudesse.
Toi et ta sœur
Vous êtes spécialistes
Des mauvaises chutes.
Le temps a passé. La petite fille est devenue centenaire. Elle raconte à tous, toute ridée, comment elle a appris la lenteur et la douceur, avec cette chute qui l’a sauvée d’une monde qui tournait trop vite. La petite fille, comme toujours, a fait de son mieux.
Montpellier 9 12. 2023
Ecrire le silence
Le répandre sur la terre
Comme un manteau de neige
Blanc et beige.
Chercher l’ombre
Loin du soleil
Me taire et m’enfuir
De ce monde sans ombre.
Tisser l’impossible
Les yeux baissés brasser les nuages
Embrasser la pluie.
Epeler mes sonnets de Noël
Les envelopper de papier doré
Les offrir tout doux à mes amis.
Beethoven, Appassionata
Accepter ma douleur
Accepter ma lenteur
Accepter la perte de ma vigueur.
Cesser de dénier
Celle que je suis devenue
Sans retour
Pour toujours.
Refus dans mon corps
De la vitesse de ce monde
Presque sans cœur.
Un monde qui ne prend pas
Le temps de prononcer les mots
Ainsi ai-entendu « le marché des apps »
De Proust à Tolstoï
Lire lentement
De Proust à Tolstoï
Deux écrivains qui
Toute ma vie ont été là.
Lenteur des salons
Douceur de la mémoire
Au travail des jours
Qui se laissent étreindre.
Plumes d’auteurs
Qui taisent mes douleurs
Et résistent par la lenteur.
J’en suis à Tolstoï
Qui me répare de mon épaule
Créant l’amour dans la guerre et dans la paix.
Au fil de la main
« L’écho est un verdict qui se refuse à la lumière. » Stéphane Page. Equilibre vivant
A bobo, a très bobo
Ne peuvent plus s’écrire
Ni sonnet, ni prose
La vie n’est pas rose.
A bobo, a très bobo
On pleure des heures
De cette douleur sans douceur
De peur, on en meurt.
A bobo, a très bobo
Se dit doucement
Le chagrin d’une chute
A bobo, a très bobo
S’ étire doucement
Le souvenir du pire
Douce sortie du tunnel
«Voici les nuances : un nom déplacé au-delà, toujours au-delà, formulant chacune des strates qui l’effectue. » Stéphane Page. Equilibre vivant (2017) Tiré en 150 exemplaires.
Arrachement
Solitude de métal
Qui grince et glisse
Dans le roulement des sons.
Puits sans fond
Hoquets insistants
Echappée dans le bruit incessant
Roulement des notes qui m’emportent
Intempérie métallique
Victoire du silence
Glissement vers le dehors.
Douce sortie du tunnel
Au bout du regard, la lumière
De l’avenir retrouvé.
MJA Le 7.12.2023
La lumière peut-être
C’est la lumière peut-être
Celle qui n’entend pas ma douleur
Celle qui dans le Léthé
Me tait, hiver comme été.
C’est une branche
Large, longue, étanche
J’ai failli me poser dessus
Mais nul ne se pose sur la lumière.
Nul ne caresse la lumière
Ni du Léthé ni du jour
Même si le silence s’arrache d’elle.
C’est la lumière peut-être…
Nul ne le sait, nul ne peut le dire
Malgré la fenêtre qui s’ouvre sur mon être.
Poème pour la paix
Ecrire et dire la joie de me rétablir
De la souffrance de mon épaule qui, brisée
A brisé tous mes rôles dans la mauvaise rime
D’une fracture de l’usure de mon désir
Epaule fracassée
Epaule pulvérisée
Epaule émiettée
Epaule balayée
Ereintée de solitude
Eperdue devant les guerres
Je n’épaulais plus personne
Mais, le désir a repris son souffle
Eteint depuis l’été
J’ai vaincu le Léthé.
Ecrire et dire ma joie d’en être sortie, de ce fleuve mortifère où faire, parler étaient devenus impossibles. Seuls régnaient la peur, la douleur, mes pleurs. Je recommence à lire, à écrire, à sourire, à mettre un large bandeau dans mes cheveux, à dire je veux la Colombe.
Merci à vous tous du Castelet et à mes enfants et petits-enfants ! Heureuses fêtes !
Madame Annenkov, Marie-José, maman, grand-mère, Montpellier le 5.12.2023