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30 avril 2009 4 30 /04 /avril /2009 07:20

  QUATRE LETTRES D'AMOUR.

 Niall Williams

 

Editions Flammarion.1998

 

J'aime les romans d'amour qui prennent, étreignent, quand on ne peut plus respirer du premier mot au dernier, quand on oublie tout de sa vie, tout de soi, tout de sa propre réalité quand on plonge dans les mots de beauté. Ainsi ai-je aimé avec force et violence le roman de Niall Williams : " Quatre lettres d'amour "..

 

Nous sommes en Irlande. Ils sont tous là, dans l'écume et le vent, dans la tempête et dans les vagues, dans les ciels et sur la côte. Il pleut sans cesse, il faut se couvrir si l'on veut les découvrir eux tous qui s'aiment et se déchirent, vivent sous nos yeux, dans les lignes, dans les pages que l'on tourne au rythme de leurs passions. Qui sont-il ? Le peintre  chez qui Dieu a emménagé, sa femme Bette, son fils Nicholas, pas loin, sur une petite île vivent Muiris instituteur et poète,  sa femme Margaret Gore, leur fils malade, Sean et leur fille Isabelle. Et puis, il y a les autres comme des gouttes de pluie dans la brume. Ils s'aiment, se croisent, se perdent, s'attendent, se retrouvent dans le mouvement des vagues, dans l'ombre de la lune. En Irlande. Notre coeur bat avec les leurs. Nous sommes suspendus à l'incertitude de leur route, le regard plongé dans l'extraordinaire magie des lignes  qui disent que les humains, en prise avec les hasards de la destinée ne sont que passions : passion de l'art, passion de l'autre dans la caresse et l'amour, dans la simplicité de l'attente, dans la force de l'étreinte. Passion de la vie.

 

Quatre lettres d'amour qui ponctuent les rencontres entre des êtres attirés l'un par l'autre, des êtres faits l'un pour l'autre. Quatre lettres d'amour qui racontent des couples comme nous. On s'y retrouve dans ces tempêtes, dans ces embruns, dans cette Irlande de vent et de pluie. Ces ciels on les connaît, notre regard un jour, dans leur tourmente s'est attardé.

 

Ces mots, on les lit, on les relit tellement ils sont beaux ! Vous savez, quand vous nagez un jour de grand vent, quand la vague vous emporte sur le rivage, vous voulez avancer mais la vague est la plus forte. Il en va ainsi de votre lecture. Vous souhaitez aller plus avant mais la magie du style, sa violence poétique vous retient, vous rive à la phrase précédente.

 

Extraordinaire ce roman !

 

Niall Williams a écrit aussi " COMME AU CIEL ".(Editions Flammarion) Tout aussi génial ! De l'amour, rien que de l'amour, de la passion rien que de la passion. Et là encore, la magie du style qui révèle ces hasards qui écrivent les destins.

 

C'est beau ! Quelle chance !

Je vous souhaite une très, très bonne lecture.

 

 

 

 

 

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29 avril 2009 3 29 /04 /avril /2009 07:37

Rosetta Loy

Madame Della Seta aussi est juive

Rivage poche/ Bibliothèque étrangère

 

 

Dans ce livre il est question d’un petite fille qui un jour deviendra écrivain, des juifs pendant la guerre, des italiens pendant la guerre, des papes Pie XI et Pie XII et de leurs obscures positions auprès des juifs et d’Hitler. De la deuxième guerre mondiale. C’est un livre très triste. Je l’ai vraiment beaucoup aimé. MJC

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28 avril 2009 2 28 /04 /avril /2009 07:27

Je veux lire pour réécrire mon passé, et enfin, tourner la page.

Mon passé est un puzzle, mon enfance est un silence 

Je suis la belle endormie et chaque auteur comme un prince me réveille d'un baiser, d'une phrase et me dit : j' existe dans l'interligne. Lire, c'est pour moi exister. Dans un livre, j'existe enfant, dans un autre, j'existe adolescente, dans un autre encore c'est la femme qui s'étire, mère de famille ou épouse, amie ou soeur. Je me perds et me retrouve auprès de chaque auteur.

Chaque livre m'enfante et me révèle. Chaque livre m'arrache à la solitude. Viens me dit-il, tu es là. Je tourne les pages et de points en virgules, j'avance, je me reconnais. Parfois, douloureusement mais si intensément. Lire n'est pas un acte passif... Chaque lecture me constitue, me  reconstitue, m' invente.

Lire me révèle vivante. Merveilleusement vivante.
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27 avril 2009 1 27 /04 /avril /2009 07:35

L'ENFANT DE SABLE

Editions du Seuil 1985

 

          J'ai ouvert la porte des sables. Sables de l'écriture, sables du temps. Ma lecture fut une longue errance dans le désert. Mirage des images, mirage des métaphores. Poussière du sens, poudre de la raison. J'ai lu et relu ce livre, sans autre clef que celle du désir, clef invisible et pesante, clef silencieuse et brillante, clef d'acier, clef de sable. J'ai parcouru ce livre labyrinthe, à petit pas, minutieusement. Je me suis arrêtée, halte immobile et patiente, dans ce manuscrit de pierres, et de grains de terre, de grains de temps. Temps de l'ailleurs, temps du désir. J'ai respiré l'air embaumé des sept jardins de l'âme, j'ai cherché cet enfant du masculin et du féminin, cet enfant d'une différence impossible, cet enfant raconté avec des verbes accordés tantôt au masculin, tantôt au féminin. Un je, deux accords. Prodige du désir. Transgression de la loi, transgression de la grammaire. Prodige du sujet. Prodige de l'écrivain. Prestigieux.

 

Qui est le narrateur ? Ahmed ? Zahra ? Le conteur ? Le troubadour ? Le frère de Fatima  ou Fatima elle-même ? Les lecteurs ? Amar ? Salem ? Ensemble, ils tissent cette blessure qui coule, écrites dans des mots dictés par le temps, effacés par la lune, des mots ensevelie par le sable d'où ils surgissent ; le sable du désir, le sable de la mort, le sable de l'invisible chanté par l'aveugle. Le sable de l'incertitude. Livre qui interroge sur l'identité de chacun. Chacun, chacune perdu(e) dans le sable d'un autre, un Autre d'Amour ou de Langage. J'ai creusé le tunnel et sa question". J'ai lu, ensevelissant du même mouvement, cet enfant que je découvrais. Il n'était jamais là où je lisais où je creusais. Je le croyais Ahmed et ou Zahra, je la croyais en voyage, il était dans sa chambre. Je le croyais vivant , elle était morte, je la croyais morte, il régnait sur sa mère et sur ses soeurs. Et le sable s'amoncelait devant les sept portes des sept jardins de l'âme. Le premier mot du manuscrit "homme", le dernier "morts". Entre "homme" et " morts", entre ce singulier et ce pluriel s'étendent les déserts de la vie. Celui de la Religion, celui de l'Amour, celui de la Blessure. Les déserts du désir.

 

Un enfant qui essaie d'échapper à un accord impossible. Ahmed ou Zahra ? Fuite impossible. Avec ou sans E. Pouvoir, folie, morcellement. Il voyage, elle interroge. Il ou elle se mêle à un cirque. La sciure remplace le sable, l'espace se ferme, s'arrondit. Etendue de musique et de lumière, étendue peuplée. Chacun sa place, chacun son corps. Une clef et deux accords. S'en débrouiller. Désir brouillé, désir brisé. Désir en miettes. Le sable à nouveau. Vivre, prouesse impossible, prouesse invisible, mensongère et cruelle. Prouesse d'amour, prouesse de mots. Prouesse secrète. Prouesse aveuglante, prouesse épuisante, toujours singulière, toujours unique, toujours inutile.  Prouesse merveilleuse.  

 

         J'ai lu ce texte comme un texte entier. J'ai ouvert la première porte et je n'ai rien compris, j'ai ouvert la deuxième porte et je n'ai rien compris. J'ai poussé les sept portes et je fus illuminée par ces mots chantés d'ailleurs, ceux de l'enfant blessé, de cet enfant erreur. Journal d'une blessure. Brisures du temps effacées par la pleine lune. Les mots de l'enfant de mots. Une phrase qui se referme sur elle-même. Un non-sens. Celui d'une vie. Son désert ou mes jardins. Sa vie, ma nuit.


Un pli Djellaba, qui  recouvres-tu ? Un homme ? Une femme ? Secret du corps, secret de l'âme et de sept jardins

 

Le jardin de la naissance, de l'espérance.

Le jardin de l'enfance, jardin oasis, jardin quiétude.

Le jardin de  l'adolescence. La rue se rétrécit.

Le jardin de l'apparence. Il pleut des larmes secrètes.

Le jardin de la folie et du délire.

Le jardin de la douleur. Deux moitiés

d'un même  miroir.

Le jardin de la mort.

 

         J'ai écouté l'homme au turban bleu, non sur une natte  mais sur l'espace goudronné de ma ville, au hasard d'une banquette d'autobus ou de métro. Comme au dessus d'un puits, je me suis penchée,comme dans un labyrinthe, je me suis perdue. Femme, nièce d'un oncle, Ahmed qui fut ma tante Zahra, j'ai quêté l'oubli auprès du troubadour aveugle. Je me suis retrouvée ensevelie et dévoilée par le sable de la lecture. Alors, j'ai attendu la nuit, j'ai contemplé la lune et comme à l'enfant de sable, elle m'a fait don de l'oubli et du repos. Don du pardon. MJC

                                                                                                                                                                                                                                 

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26 avril 2009 7 26 /04 /avril /2009 08:13
Lecteur prend soin de ce texte

J'ai mis cent douze ans pour l'écrire.

LA NOUVELLE SANS TITRE.

Maupassant, lecture, fracture, cassure.

Maupassant, coeur écorché par l'absence du père.

Maupassant, oeuvres complètes. Le père n'en finit plus de s'écrire, la femme de se perdre, l'enfant de souffrir, le foetus de mourir.

Maupassant, une identité trouée par le chagrin des hommes.

Maupassant, un corps douloureux, une souffrance existentielle qui épelle les jours et les nuits, qui rature vainement leur folie.

Maupassant, une solitude absolue, une âme perdue dans un fiacre ou dans un cimetière, dans une ferme ou dans un château, dans le quotidien éclaboussé de soleil ou dans une nuit sans lune.

Maupassant, ils sont tous là. Héros transis de terreur, hallucinés ou désespérés, ils grelottent, respirent, respirent l'odeur des morts autrefois vivants et chéris. Ils vivent, ils pleurent meurent.

Maupassant, quand malheur rime avec coeur.

Maupassant, quand passion rime avec intuition.

Maupassant, quand détresse rime avec caresse.

Alors ta lecture s'éclaire et tu espères. Tu songes à la nouvelle intitulée "L'enfant". Aujourd'hui, tu la relis et comme hier tu es émue par cette jeune femme qui accueille, la nuit même de ses noces, l'enfant illégitime de son époux alors que la mère de l'enfant, la maîtresse du mari est morte en donnant le jour à l'enfant. L'épouse dit avec simplicité et amour : "Eh bien, nous l'élèverons ce petit."

Une phrase dans ton coeur n'en finit pas de faire écho. Oui, tu le sais, Maupassant c'est enfer et folie qu'il décrit le plus souvent mais pour toi Maupassant se résume à ces mots de l'évidence, porteurs de tout l'amour d monde. "Eh bien, nous l'élèverons ce petit". Un enfant est né, sa mère est morte. Une autre femme lui donne vie. "Eh bien, nous l'élèverons ce petit.

Maupassant, lecture, fracture, cassure.

Maupassant, amour, tendresse, douceur

Maupassant, générosité.

"Eh bien, nous l'élèverons ce petit"

Tu fermes le livre. Malgré l'harmonie des pages lues, tu t'interroges. Pourquoi Maupassant a-t-il  écrit des nouvelles si différentes de contenu ?

"Le père" 1883 et 1887

"L'enfant"  1882 et 1883

Destins curieusement contraires pour une même pulsion de procréation.

Dans la première nouvelle de 1882, le destin de l'enfant sera d'être aimé, choyé, entouré

Dans la seconde nouvelle, le foetus ne deviendra pas enfant. Il sera sauvagement poignardé et la malheureuse mère mourra de sa haine, de sa détresse, de son désespoir, de sa solitude. Elle mourra noyée dans son sang. " Alors exaspérée de haine contre cet embryon inconnu et redoutable..."

Tous ces contraires t'effraient, te paralysent.

"Eh bien, nous l'élèverons ce petit".

"Alors exaspérée de haine contre cette embryon inconnu et redoutable".

Ta lecture te pèse, les mots épais t'oppressent. Ton coeur est gris. Ton âme s'égare. Tu as mal. Tu fermes le livre, tu rêves, tu vagabondes. Tu ouvres un autre livre. Ton regard s'arrête sur des mots de Roland Barthes que tu as soulignés :

"Rien n'existe en dehors du texte sinon un autre texte qu'il incite à imaginer".

Tu restes immobile et songeuse. On te croirait endormie.

Avant même que la seconde phrase ne devienne pensée, tu te lèves et d'un pas décidé tu te diriges vers ta bibliothèque d'où tu extrais sans hésiter trois petites feuilles de musique. Tu tiens entre les mains une nouvelle sans titre que tu as écrite en 1982.(cent ans exactement après Maupassant.)

********

Cela se passait en 1945. Claire avait 24 ans. La guerre était finie mais pour ceux qui avaient traversé la tourmente de ces dernières années, pour ceux qui avaient connu la lourde épaisseur des larmes et des deuils, rien n'était fini parce qu'il fallait continuer. Un nouveau combat commençait pour eux : survivre dignement. Claire était juive. Elle s'était cachée des mois durant pour échapper aux persécutions allemandes. Elle avait en vain supplié sa mère et sa jeune soeur, Judith de la suivre. Sa mère avait refusé de l'écouter, trop certaine de son innocence. Pourquoi les allemands l'arrêteraient-elle ? Pourquoi emmèneraient-ils Judith si jeune encore ? Claire avait insisté. Si seulement, le père avait été vivant, il aurait sans doute pu la convaincre, mais il était mort quelques années auparavant, emporté par une crise d'urémie. Rien ne put avoir raison de l'entêtement de sa mère. Claire partit. Elle ne devait jamais se le pardonner mais elle-même ignorait tout de l'ampleur des déportations. Ce n'est qu'après la guerre que les horreurs s'étalèrent à la une des journaux. Claire n'en parlait jamais. Elle avait trouvé un emploi dans le journal local. Chaque jour, elle venait à son travail, ponctuelle, présente,  toujours efficace, souriante. Elle était

bien au-delà de sa présence, dans une planète où toujours, il faisait nuit. La lune,  elle-même, était endeuillée. Les étoiles n'existaient plus, bannies à tout jamais du ciel par les étoiles jaunes. La guerre était finie mais Claire sentait encore la brûlure de l'insigne pâle qui l'épinglait juive infâme et proscrite. Août 1945. Elle était seule dans un cimetière sans sépulture. Sa mère était morte, son frère aîné avait été fusillé, son fiancé emporté par une pneumonie. Claire était vivante toute entière habitée par la  mort. Elle continuait à travailler, relatant l'amour des autres, dans la rubrique des faits divers. Elle partageait avec une amie, une chambre mansardée. Cette amitié lui était précieuse mais ne la sauvait pas du désespoir. Pourquoi survivrait-elle à tous ceux qu'elle avait si tendrement chéris Que pouvait-elle vivre dans ce monde d'après-guerre alors que seul comptait pour elle l'avant-guerre ?

 Claire s'enlisait lentement dans l'indifférence. Elle n'était même pas chavirée. Elle avait trop souffert pour être terre d'émotions. Les bottes ennemies avaient piétiné sa jeunesse heureuse, son coeur, son avenir, ses illusions. Il ne lui restait plus rien que son corps qu'elle prenait en horreur d'être vivant. Elle voulait le faire mourir mais ne songeait même pas à se suicider ; cela aurait été déjà un choix, une émotion. Elle souhaitait la mort sans la provoquer, elle attendait.

Un jour, en se rendant au travail, Claire, toute à ses rêveries intérieures, bouscula dans une rue, un enfant qui tomba, puis se releva et la regarda. Quelque chose, dans le coeur de Claire, vacilla, quelque chose qui ressemblait à un bourgeon : le désir d'avoir un enfant  qui ne connaîtrait rien de cette souffrance, un enfant à elle, un enfant à aimer qui éclairerait sa nuit. Un enfant à partir duquel tout pourrait recommencer. Un enfant. Le désir imprégna son corps, rendit Claire encore plus belle. Claire resplendissait d'une beauté sombre, profonde comme sa peine. Claire travaillait dans un milieu d'hommes ; pour son enfant, elle voulait un père qui fut aussi beau qu'intelligent, aussi sensible que hardi, aussi tendre que brillant. Claire, patiemment se mit à côtoyer les hommes  comme autant de pères possibles. Le soir, elle en parlait avec son  amie, qui bien que déroutée par la lucide détermination de Claire, pressentait combien un enfant la rattacherait à la vie.

Quelques temps après, Claire aima l'homme qu'elle trouva assez parfait pour être le père de son enfant. Il était marié mais avait su entendre la douleur de Claire. Comme la meilleure amie de Claire, il avait deviné qu'un enfant sauverait d'une mort certaine, cette femme qui s'offrait à lui sans se donner. Un lundi de novembre, peut-être au lendemain de la Toussaint, ils conçurent cet enfant qui naquit au coeur de l'été suivant. Ce fut une fille. Au plus fort de leur passion, ils firent le serment de ne plus jamais se revoir. Leur amour était une péripétie de la guerre. Les années passèrent. Deux exactement. Claire rencontra un homme plus âgé qu'elle. Elle retrouva le bonheur. Sa fille eût un nom, eût un père.

Le temps s'écoula. L'enfant de Claire devint une belle adolescente puis une femme. Parfois Claire la regardait. La fille ressemblait au père, même pli sensuel sous les yeux, même regard grand ouvert sur le monde, même bouche volontaire. Le blé avait repoussé. L'homme et l'enfant avait triomphé du joug mortifère des nazis.

Claire vivait.

********

Tu lis cette nouvelle. Ta lecture erre de Claire à Maupassant. Dans la clarté du jour présent, tu entends soudain : " Eh bien, nous l'élèverons cette  petite".

Tu demeures douloureusement éblouie par l'étonnante vérité de l'écriture de Maupassant et par l'écho de ta lecture. L'un et l'autre, dans le mouvement de l'émotion, dans l'éternelle humanité vécue, racontée, transmise, révélée ont tressé un lien entre 1882,1945,1982,1994

.

Tu le sais maintenant, de l'autre côté du temps, la nouvelle sans titre se nomme :

"L'enfant"

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25 avril 2009 6 25 /04 /avril /2009 06:02

 

Molloy

Les éditions de Minuit (poche N°7)

Je suis une intermittente. Spectacle barré à moi-même, je suis le metteur en scène, il est mon auteur, j’ai perdu le spectateur. Il est seul en quête de lui-même. Molloy défie la loi. Le commissaire ne comprend rien à cette histoire de chien écrasé. Moi, je trébuche, douleur fulgurante au genou gauche. Non droit. Qu’importe ! L’autre aussi, il a mal, au même genou. Ce n’est pas important cette histoire de genoux. Ce qui est  à retenir, c’est qu’il est seul, l’autre. Molloy. A la dérive sur ses béquilles. Moi, je suis borgne comme Molloy sur ses béquilles.  De mon oeil borgne,  je contemple sa région à lui, toute petite, celles qui n’a pas de limites et se fond dans les autres, les voisines, les toutes seules, les pas pareilles. Je ne les franchis pas. Je reste dans la région où il y a ma mère, sa mère. On a une histoire à régler avec elles. Il y a aussi Moran, celui qui enquête sur Molloy. Moran, il a mal au genou, il va découvrir les béquilles, il a un fils. Avec son fils il a une histoire à régler. Histoire filiale qui fait histoire dans Molloy. Je lis les conflits qui font mon histoire et qui défont l’histoire. De Molloy. Des histoires en miroir qui s’emmêlent. Je pense à Paul Auster. Une histoire de Quinn qui enquête dans une Trilogie New-Yorkaise. Je suis seule à la dérive, j’ai mal au genoux et je lis les histoires en miroir. Ma solitude, la leur, je dis, je lis, j’invente. Il dit, je le lis , à chaque fois c’est inventer. Il a perdu son nom. Molloy, ça lui revient. J’ai perdu celui de ma ville. Identité incertaine. La sienne, la mienne. Monologues des silences intérieurs. Et puis merde ! Quelle absurde malchance que sa vie, que ses béquilles, que son oeil borgne, que sa solitude innommable ! Et la mienne donc ! J’entends un bruit de pierre qu’on suce et dans un éclat de rire je tourne les pages. Une histoire de cailloux dans des poches et de pierres à sucer, quatre par quatre ou un à une ! Et ça dure et on rit ! Quelque chose à rééquilibrer dans le rire comme si on pouvait rééquilibrer  la solitude, comme si on pouvait sucer des mots ou bourrer ses poches de lettres ! Il traverse sa vie à vélo, Molloy. Il est enquêté par l’autre Moran. Il y a Yodi aussi. Tous trois traversent le spectacle. Jusqu’à l’écriture de Beckett,  génial prix Nobel de Littérature en 1969.

 

De Molloy, de son vélo, de ses béquilles aucun éditeur n’en voulait ! Aïe ! Aïe ! Molloy, un chef d’oeuvre.

Je suis à la fin du livre. Je rentre dans ma ville dont j’ai perdu le nom. J’avance à l’intérieur, je suis borgne. Je suis seule. Mais je ris d’être moi. Molloy rit au détour de chaque mot. Il rit du spectacle qu’il invente. Il invente sa vie avec humour et presque tendresse. Il invente son histoire, et l’humour du spectacle nous fait trembler de rire, vaciller d’émotion... Des béquilles pour lire, entre larmes et rires. Nous sommes seul (e)s et après ? Pas de quoi fouetter un chat encore moins écraser un chien. En perdre son nom à la rigueur. Sur son vélo, sur mes béquilles, je ne sais plus sur quel pied me poser ni quelle pierre sucer, sur quelle pensée m’arrêter. J’enfourche alors le vélo de Perec, celui qui a un guidon chromé et qui est au fond de la cour et je pédale, je pédale et voilà mon nom me revient, je suis une intermittente du spectacle et je m’appelle oui c’est ça, je m’en rappelle, je m’appelle, Marie-José Colet

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24 avril 2009 5 24 /04 /avril /2009 08:36

Un livre d’Assia Djebar

Femmes d’Alger dans leur appartement

Albin Michel 1980 et 2002

 

En couverture : Femmes d’Alger dans leur appartement 1834 Eugène Delacroix

 

Je dirais une version Des Causeuses de Camille Claudel. Version peinture.

 

Un roman qui dit la dialectique entre conversations, jamais figées me semble-t-il et mouvement de libération des femmes tel est l’enjeu littéraire de ces nouvelles. Je vais essayer de restituer ce mouvement de « ce qui parle dans ce livre », de « celles qui parlent », de « celles qui causent ». Les Causeuses.

 

Elles parlent du lieu de leur enfermement, le voile, les voiles qui les cachent au regard, du lieu de leurs barreaux, autrefois la prison de Barberousse, elles parlent du lieu des générations passées, quand le récit s’enroule dans « la nuit du récit de Fatima, elles parlent du lieu de leurs morts dans « Les morts parlent », elles parlent du lieu de leurs larmes dans « La femme qui pleure », (et j’ai pensé à Marguerite Duras), elles parlent du lieu de leur exil si douloureux dans « il n’y a pas d’exil », elles parlent du lieu de leurs délires, de leur rêves et du lieu du Hamman  dans « Femmes d’Alger dans leur appartement. » Elles parlent, elles vivent, elles pleurent jamais ne rient. Elles attendent ou se révoltent. Parfois soumises à la loi des hommes parfois non. Organigramme des paroles des femmes qui se disent de nouvelles en nouvelles. Des nouvelles qui forment un tout. Le tout de la cause des femmes, là-bas en Algérie, ailleurs en exil.

 

Des nouvelles qui s’écrivent dans le temps d’une nuit, dans le temps présent des conversations, dans le temps d’hier et d’ une post-face érudite qui analyse ce qui fait regard, ce qui fait parole, ce qui fait murmure des générations, ce qui fait libération. Des femmes.

 

J’ai beaucoup aimé « La nuit du récit de Fatima ». Cette nuit s’enroule dans les propos, de trois vies de femmes, de trois générations de femmes : Arbia, sa fille Fatima, la bru de Fatima, Anissa. Ce sera la déchirure de la quatrième génération qui s’épellera dans le prénom de la petite Meriem. Un rapt. Un fait divers comme on entend à la radio et qui s’éclaire de l’intérieur des mots de femmes, des faits de femmes. « Des mots torches », des faits dans la lumière des coeurs et des traditions. Dialectique des mots aux actes. De Delacroix à Picasso. Ce qu’il fallait écrire. Mais fallait-il que cela se vive ainsi ? Le drame d’une enfant enjeu entre tradition et modernité, entre femme soumise et femme libérée ? L’enfance déchirée. Insoluble des vies passées au tamis des générations. Irréductibilité des désirs. Deslarmes au fond des yeux j’ai tourné la page.

 

J’ai aimé le prodigieux style de la longue nouvelle Femmes d’Alger dans leur appartement. Du présent, presque que du présent. Un peu de passé dans une cicatrice bleue, dans le récit de Sarah la musicienne, la mort de sa mère. Elle était emprisonnée. Les larmes ne pouvaient couler. Maintenant dans le présent de l’histoire elles coulent, libérées. Du figé à la libération des larmes. De Delacroix à Picasso. Sarah et son amie Anna qui n’est revenue que pour mourir mais elles ne mourra pas. Un jour Sarah et Anna partiront et verront la ville quand elle  tremble de lumière . Il faudrait parler aussi de  Fatma, la masseuse. Son poignet déchiré après une mauvaise chute elle délire et c’est beau mais beau ! Elle, l’exclue, elle à qui on a lancé l’interdit, elle, l’humiliée qui ne cause que dans le délire de la douleur de sa main blessée... A lire absolument. Un texte  parfait qui coule comme sur le marbre du malheur. Un texte comme une psalmodie. La description des baigneuses au hammam est parfaite. Comme sont émouvants ces mots pétris dans des corps flétris. Et cette eau chaude qui coule, qui coule. Des femmes secrètes en pleine lumière qui parlent. Oui, j’ai beaucoup aimé cette nouvelle. Les autres aussi mais la place me manque. J’aimerais parler de toutes, citer les phrases onctueuses, littéraires, mouvantes d’Assia. Du mouvement dans les mots, du mouvement des femmes, des femmes en mouvement dans l’ombre des secrets de toutes Du mystère aussi. Des confidences dans le temps qui passe. Des voiles qui se dévoilent...

 

J’ai aimé ce livre, j’ai aimé ces nouvelles. Mais je m’arrête. Je vous laisse les découvrir entre Delacroix et Picasso. Je vous laisse lire, entendre. Les Causeuses et je disparais.MJC

 


 

 

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22 avril 2009 3 22 /04 /avril /2009 07:06

Comment parler des livres que l’on  n’a pas lus ?

Les éditions de Minuit

2007

 

 

Comment vais-je vous parler de ce livre que je n’ai pas lu ?

 

Comment vais-je vous montrer une fois encore qu’un livre se réinvente à chaque lecture ? 

 

Un livre peut se commencer par la fin  quand on s’empare avec avidité du joyau, de la perle de l’ huître, tant il est vrai qu’un livre est un écrin. Souvent, j’aime commencer ma lecture par la fin, j’aime en bousculer la chronologie tant il est vrai que la lecture est un temps, j’aime foudroyer le livre tant il est vrai que la lecture est un espace, j’aime l’arracher de son auteur avec violence tant il est vrai que la lecture est une rencontre. Et donc comment finit se livre ? Il finit ainsi :

 

Maintenant, je commence le livre et le lis dans sa chronologie respectée.

 

Pierre Bayard est enseignant de littérature à l’université et de ce fait est souvent amené à parler de livres qu’il n’a pas lus, ceux qui appartiennent à la bibliothèque commune dans laquelle les gens cultivés peuvent se repérer. Cette bibliothèque collective est pour chacun constituée, de livres lus- on non lus, parcourus ou évoqués voire même oubliés. Selon moi les plus importants. Pierre Bayard, écrit à propos des livres oubliés qu’ils définissent l’espace de la perte. Et cela m’intéresse beaucoup. En effet, que de livres ai-je oubliés, que de livres dont il ne me reste qu’une simple trame ou une simple phrase, que le titre même ou son auteur... Mais à partir de ce fragment qui chez moi a fait mémoire, je peux, un jour blanc ou gris, rose ou doré, sombre ou bleu, le sortir « entier » de ma bibliothèque. Chaque livre peut me panser d’une émotion trop vive. Mes livres, sont des pansements, non dans leur entier, non dans leur réalité concrète, mais dans leur souvenir, même infime et c’est cet infime qui, survivant à la perte du livre  fait pansement.

 

Cet espace obscur est ma lumière, mon repaire, ces fantômes sont mes compagnons, mes guides, ceux grâce à qui je tiens debout quand la vie n’en finit pas de me cogner.

 

Pierre Bayard est un érudit et j’aimerai le suivre. Mais il marche vite. Il parle de Musil que je n’ai jamais lu, de Marcel Proust que j’ai tant lu, de Montaigne, de Valéry, de Joyce. Grâce à Pierre Bayard, je pourrais évoquer ces compagnons là, les parcourir et finalement un jour les lire. Car il éveille en moi le désir. Son désir féconde le mien et c’est selon moi la marque d’un « bon livre ». Son cheminement dans « la bibliothèque collective » est cultivée, érudite, passionnée. Je pense en le lisant à la bibliothèque idéale d’Italo Calvino, à celle de Perec si difficile à classer, à la mienne et à ses différents espaces, parfois classée par ordre alphabétique pour les nouveaux livres, parfois classée par thème : les femmes, l’interculturel, la shoah, l’histoire, les livres d’art.

 

Avec Pierre Bayard, je lis, j’associe, je me souviens, j’interroge mon ignorance. Mes lectures, leurs absences, leurs présences et leurs pertes deviennent  mouvement dans ma mémoire qui se fait océan parcouru par des vagues qui m’enroulent moi et mes livres, ceux que je connais et ceux que je ne connais pas. Avec Pierre Bayard je passe de Hamlet à Musil, de Balzac à Céline, De Montaigne à Descartes, de Marcel Proust à bien d’autres encore.

 

 J’interroge aussi. Quel est le rapport de l’auteur à son oeuvre ? Je découvre :  ce que veut dire ne pas lire. Et je m’arrête pour glaner des brins de blé pour mes ateliers de lecture. Et si ne pas lire était une façon de se protéger de l’immensité de la lecture et si mes stagiaires, lecteurs vacants se protégeaient de l’infiniment grand qui pourraient les engloutir eux et leur manque à être. Si entre manque à lire et manque à être il n’y avait que l’espace si vite franchi du « je ne veux pas lire ». Maintenant, dans mes ateliers, je serai à l’écoute de cela et peut-être ne proposer à ceux-là, « qui n’aime pas lire »,  qu’un livre à la fois, ne pas les noyer dans un choix douloureux.  Merci Pierre Bayard d’avoir souligné avec talent  combien était foisonnante l’aire de la lecture. Une vraie forêt vierge ; pour ne pas être enserrés par ses lianes, reste à inventer nos livres au jour le jour de leur lumière.

 

Pierre Bayard, je n’ai pas encore lu votre livre mais vraiment j’ai envie de le lire avant de l’oublier !

 

Marie-José Colet

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19 avril 2009 7 19 /04 /avril /2009 09:04

J’ai découvert Henri Michaux l’année du bac en 1967, j’avais 19 ans puis j’ai oublié. J’étais passionnément occupée par ma découverte de Marcel Proust.

 

Puis dans les années 199O, (mes notes ne sont pas datées)j’ai assisté au Musée Ingres à une conférence de Geneviève  Acquier. ;  ça m’a passionnée. Je retranscris les rapides notes que j’avais prises cette après-midi là

.

Notes prises pêle-mêle :

 

Paysage saharien : paysage intérieur. H M est tiraillé entre le passé et le futur. Il est exilé toujours du présent. Peintre réaliste : non

 

D’abord, il peint pour dénoncer combien nous sommes éloignés de l’harmonie mais avec délicatesse. L’harmonie est acquise par le dépassement d’une certaine violence.

 

1920-21 : Il a vingt ans. Il commence à écrire, embarqué dans la marine puis ramené à terre. Rien en perspective, dur conflit avec ses parents, rancune ancrée dans l’enfance. Il ne leur pardonne pas la difficulté qu’il a à communiquer. Il quitte la Belgique et arrive à Paris en 1923. Il découvre que sa détresse est la même que celle des autres intellectuels. Son malaise n’est pas extérieur mais au dedans. Il n’a aucune confiance dans la psychanalyse. C’est alors qu’il répond à l’appel du voyage, à l’appel de l’ailleurs.

 

Mes Propriétés, Plume : le visage de cet homme idéal qu’il recherche est loin de se préciser

 

Plume est un personnage toujours décalé dans la situation. Faut-il s’en prendre au spectacle qui manque de réalité ou à l’oeil qui ne sait pas voir ?

 

L’oeuvre de Michaux est une recherche. La progression seule compte et elle n’est possible que dans le pas accompli. La rencontre de Michaux avec l’Asie a modifié son rapport avec sa conscience.

 

De 1930 à 1984 que de chemin parcouru...

 

Proche de lui Artaud. Michaud demande à le voir.

 

Ma vie, Les Méfaits, Les Illuminations  déterminent Michaux à partir en Asie pour la satisfaction de se rendre compte sur place. La foule indienne, le monde est grand, large, plein de possibles. Soulagement.  Michaux observe partout cette présence du multiple. Population qui puise « large » pour comprendre le cosmos de nos savoirs.

 

Le Panthéon de l’Inde  est rempli de millions de Dieux et surtout de démons. L’asiatique paraît lui avoir fait le don de se relier à tout. Religion veut dire « relier »

 

Ce traité du jardin grand comme un grain de moutarde

 

Tout fait partie du tout. Ne rien transformer, ne rien domestiquer mais plutôt y participer.

 

Le chameau ou cheval d’Asie. Le cheval signe de l’énergie vitale.

 

Dans tous ses récits de voyage, le terme du regard est extrêmement important ; il se sent regardé, piégé et parfois aussi compris.

Le barbare en Asie : « il me regarde moi et ma destinée ». Regarder au fond de lui-même et à l’intérieur de lui-même.

 

Il préfère la peinture pour s’exprimer. Il peint beaucoup.

Son expression picturale est accumulation, comme une libération.

Peindre ou écrire devient un acte qui requiert le corps.

Respect pour l’écriture qui exprime à la fois celui qui voit et celui qui est vu.

 

Le multiple et l’un apparaisse et les possibilités de lectures sont multiples. Le papier est miroir de ses multiples

 

Lire Michaux c’est aussi apprendre librement.

 

Le rapport à la peinture chez Michaud est très important.

Peindre c’est être dans l’agir et en même temps se regarder peindre, change son rapport à la création, à la vie. La peinture a été pour Henri Michaux le moyen d’accepter que nous sommes transitoires : absent/présent comme tout ce qui nous entoure, comme une page d’écriture.  La peinture a été une matière étonnement réelle pour le poète.

 

Tout son travail le rapproche de l’Orient mais c’est à l’Occident que s’adresse son enseignement :

 

Le secret de Michaux : images et poèmes. Pictogrammes

 

Le secret de ces formes qui s’agitent entre elles et qui combinent quelque chose : je ne vous  dirai pas quoi !

Ainsi s’achève la conférence de Geneviève Acquier

 

Cet exposé m’a passionnée puis j’ai oublié, prise par mes années de chômage suivies par mes années d’une nouvelle activité professionnelle...

 

 Mai 2005 :  Une amie m’envoie par courrier un poème de « Premières impressions » et c’est le déferlement de la passion.

 

Relecture de Henri Michaux par René Bertelé. Poète d’aujourd’hui Seghers 1975

Lecture de Henri Michaux La poésie comme destin. Biographie de Robert Bréchon .

Editions Aden 2005

Magazine littéraire : Michaux, écrire et peindre. N°364 AVRIL 1998

 

Et aujourd’hui 9juillet 2005 : La vie dans les plis. Je lis tout au fond de mon lit et puis je me lève et je sais que je vais lire, travailler, étudier, approfondir, découvrir Henri Michaux, comme « j’ai cherché » Proust, Perec, Calvino, Durrell, Novarina... J’ai un nouveau père : Henri Michaux. (qui d’ailleurs par certaines lettres ressemble à Novarina, un je ne sais quoi...) C’est l’été. Henri Michaux va me porter,  cet été je vais l’emporter, il va me transporter... Quel bonheur que de lire !!! Sur ma terrasse et sur l’écran de mon ordinateur je pose un nouveau raccourci qui dira mon répertoire : « Henri Michaux ». L’icône : une toile de peinture parcourue par un crayon . Quel bonheur que d’écrire !!!

Et maintenant Marie-José au travail !

C’est ainsi que j’ai découvert, redécouvert Henri Michaux. Merci Geneviève.

Dimanche 9 juillet 2005

sur ma terrasse ombragée

 

 

 

 

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18 avril 2009 6 18 /04 /avril /2009 13:45
Un livre de Gisèle Halimi
Fritna
Plon 1999

                 J’aime Gisèle Halimi. J’aime quand cette femme parle à la télèvision, les causes qu’elle défend, les livres qu’elle écrit, son courage, son intégrité. J’aime sa large élocution. J’aime ses rides, ses cheveux bouclés, j’aime l’image qu’elle donne de la femme qu’elle est et parce que femme je me construis à partir d’autres femmes, elle est pour moi un modèle sûr. J’ai aimé son livre Fritna.

                     Le livre finit presque là finit, le récit commence, avec la mort de la mère

Avec la mort de la mère commence la fin de l’enfance et le début de la quête d’une femme prénommée Gisèle. De sa blessure de femme va s’écouler dans un filet d’encre le non-amour de la mère, le manque qui fait question tout le récit, celle de savoir si oui on non sa mère l’a aimée, aimée mais surtout respectée. Tout est là, d’un mot à l’autre. Plus encore que l’amour ce dont il est question dans ce récit poignant c’est du respect de l’enfant. Ce respect de l’enfant deviendra dans l’antériorité de l’écriture de ces autres ouvrages, le respect des femmes.

                 Ce livre est d’une narration douloureuse et pudique. Gisèle Halimi raconte son enfance à Tunis, sa naissance si  décevante pour son père (il voulait une fille) parenthèse qui fera destin chez Gisèle, elle raconte la mort accidentelle de son petit frère André (c’est de sa faute  dira la légende maternelle) deuxième parenthèse qui fait une fois encore destin chez Gisèle, elle raconte sa soeur, sa tante. Je lis, mon regard s’attarde sur ces mots destin de femme et je pense à Françoise Dolto. La première est avocate, la seconde est psychanalyste mais l’une et l’autre disent l’enfance violée, l’enfance qui vient mourir pour cause de viol. Je pense aussi à Jules Renard quand il est Poil de Carotte. Je m’évade de ma lecture pour mieux m’y nicher : «  Maman m’as tu aimée ? » Poil de Carotte, Gisèle Halimi dans le corps à corps d’une même page, partageant les mêmes mots douloureux que Poil de carotte, de chapitre en chapitre. Une enfance de désamour. Une tendresse ravagée qui suspend sa vie et sa blessure, qui creuse son manque. Enfant elle est devenue femme, dans un devenir si cher à Françoise Dolto, un devenir qui  clame la vie, la création de chaque être. La création triomphante de la blessure. Gisèle Halimi écrit et les mots terribles succèdent aux gestes terribles –ordalies de la mère-. Là où sa mère aurait pu la détruire Gisèle écrit .Elle écrit dans la blessure et dans la nécessité, son manque, l’encre coule dans nos coeurs. Son livre est émouvant. Nous la lisons, nous la respectons, nous la découvrons femme mûre, enfant fragile. C’est très beau...

                

                 Ce livre me tourmente comme une vérité enfouie à faire surgir dans le contradictoire de l’amour de Gisèle pour Fritna, dans, une vérité que Gisèle Halimi devait à sa mère, dans une vérité qui à moi, m’a fait écrire La Femme en retard. A la recherche de la mère perdue.

                 Une vérité. La sienne. La mienne. Comme une clarté de femme. Oui, c’est cela.

Une clarté de femme.

Marie-José Colet

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