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5 avril 2010 1 05 /04 /avril /2010 21:05
Entre trauma et protection
Quels devenir pour les enfants juifs

cachés en France (1940-1944) ? (4)


Les « enfants cachés » en « latence »

de reconnaissance


Marion Feldman pose son chapitre  avec un parallèle entre les premiers écrits sur les survivants de la Shoah (1970), sur les enfants survivants de la Shoah (1985-1990) c’est par ce parallèle qu’elle met en évidence un fait essentiel aux recherches de ce chapitre : la reconnaissance du traumatisme de la Shoah chez les enfants a été tardive parce que  l’enfant pensait t-on « n’avait pas conscience de ce qui se passait » et donc de ce fait oubliait…


C’est à partir d’Anna Freud ( 1954, 1976) et Spitz (1965) que commença le travail de reconnaissance du traumatisme vécu par l’enfant pendant la Shoah, qu’il soit caché ou déporté recherches continuées en 2007 par L.Bailly.


Marion Feldberg présente longuement les travaux de Winnicott à ce sujet (1965.)

Winnicott présente le traumatisme comme « un effondrement dans l’aire de la confiance dans l’environnement », ainsi toute l’organisation de la vie de l’enfant s’en ressent douloureusement avec peur de la mort, perte de sécurité et peur du vide.


(Un jour, je vous présenterai c’est promis le petit livre de Winnicott : Les Enfants et la guerre. Petite bibliothèque Payot 490.)


Les traumatismes liés à la guerre.


Travaux de Winnicott : L’enfant et la guerre

Marion Feldman rappelle que le premier auteur qui a parlé

de l’enfant et la guerre est Winnicott. Il a écrit de nombreux articles sur ce sujet entre 1940 et 1945.

Il élargit  le concept de séparation de la mère en y ajoutant une séparation d’odeur et d’espace, de lieux et bien sûr il ajoute la donnée essentielle de séparation temporelle. Le temps vécu des adultes par celui des enfants qui étire le temps face au pire jusqu’au point de l’extrême douleur où l’enfant ne sait même plus si la mère existe et c’est alors le terrible « black out »


Travaux de Tomkiewicz (1997) Sironi (2002) : L’atteinte de l’enfant au travers de l’atteinte de son groupe quand le black out  induit silence et humiliation tant des parents que des enfants.


Dans ce chapitre Marion Feldman étudie la complémentarité des littératures sur son sujet de recherche et la pathologie clinique de ces enfants. Elle mène de front ces deux chemins de pensée et de travail qui sont les siens et c’est bien sûr ce qui donne difficulté et richesse émouvante à ce chapitre. Personnellement je suis restée très émue de cette pensée dialogique de réflexion théorique et de réflexion sur la pathologie proprement dite même si nous ne sommes pas encore au récit des enfants.


Une littérature majoritairement israélienne et anglo- saxonne


Les recherches en langue française sont rares et presque absentes en France.


Reprise des termes Holocauste et Shoah.


Holocauste : sacrifice divin. Shoah : destruction particulière (depuis le film de Lanzmann.


Marion Feldman reprend le terme de Shoah.


Une reconnaissance tardive des enfants survivants de la Shoah :

 Quasi-absence d’écrits liée aux situations même où souvent les parents culpabilisaient ou étaient en proie à trop de douleurs. Après guerre tout cela était difficile à gérer y compris au niveau des indemnités à verser (pour les survivants des camps.). Ce n’est que très récemment que les enfants survivants ont eu le droit à des indemnités car on pensait qu’ils « avaient oublié ».

.En fait c’est cet oubli qui est interrogé dans ce chapitre, nous pourrions presque dire que le livre de Marion Feldman est la saga d’un oubli. De quel oubli ? Quand le traumatisme forge l’oubli.


Les premiers écrits


Ceux d’Anna Freud  sur les enfants de Terenzin  montrent une altération grave  du développement de l’enfant et d’un dysfonctionnement  évoquant la névrose sans tout autant décrire la délinquance ou la psychose.

Les travaux de Moskovitz  portant sur quatre personnes de 37 ans mettent en avant « vulnérabilité » et « résilience ».

Travaux également de Judith Hemmendinger, assistante sociale à l’OSE depuis 1945 qui met en évidence chez ces enfants de la guerre, enfants de Buchenwald, violence, agressivité et troubles de la relation avec les adultes. Ces enfants avaient vécu avant la guerre dans le milieu juif religieux sécurisé de leurs parents.

D’autres travaux encore : Winnik (1968), Wijsenbeek (1977), H. Klein (1978) Robin (1979). Ces travaux abordent pour la première fois la rupture identitaire des enfants cachés séparés brutalement de leur famille.


Les premières recherches sur les enfants survivants


Travaux de Keilson (1998)

Il note comment l’âge du traumatisme intervient. Il étudie, les trois périodes vécues par l’enfant : avant-guerre, au moment de la séparation et après au moment des retrouvailles.

Keilson montre que plus l’enfant était jeune au moment du traumatisme plus il a souffert.

Travaux de Vegh (1979) Il met en évidence « le conflit de loyauté » vécu par l’enfant (entre les vrais parents et ceux qui le cachent).

Ces travaux menés en Europe, nous dit Marion Feldman, font référence pour ce chapitre.

(Je trouve la description de ces travaux d’une terrible humanité et tristesse sans doute parce qu’ils sont relatifs à l’enfance.

Bientôt, j’étudierai  le livre de KORCZAC sous-titré Le droit de l’enfant au respect (Editions Fabert). Ce livre et le livre de Winnicott sur la guerre sont sur ma table de travail. (Patience !)


Psychopathologie des enfants survivants de la Shoah : méthodes qualitatives et quantitatives.


Revues psychologiques américaines éditent des N° spéciaux sur les enfants survivants :

Travaux de Kestenberg  quand les enfants grandissent, longtemps après le traumatisme, chaque changement d’environnement les renvoie à la souffrance des séparations vécues pendant leur enfance

Travaux de Gampel : analyse les difficultés d’accès au souvenir. Possibilité de la faire à partir de la mémoire sensori-motrice

Travaux de Haber : l’enfant même dans un environnement devenu bon maintient ses symptômes d’anxiété.


Articles sur les mécanismes de fonctionnement psychique


Travaux de Kestenberg et Gampel mettent en évidence la nécessité pour ces enfants de s’adapter aux blessures du passé et d’inventer de nouvelles stratégies pour vivre leur nouvelle vie familiale et sociale. La menace de persécution plane toujours.

Travaux de Krell (1993). Clivage du passé, du présent, de l’avenir. Le souvenir comme outil constructif.

Pardon de résumer.

J’invite mes lecteurs à lire le livre si riches de tant de travaux approfondis.


Le diagnostic du syndrome post-traumatique (ou PTSD) en question.


Controverse des chercheurs autour de la capacité de résilence. Un peu trop pointu pour moi. Je souligne toutefois :

Les travaux de Hogman (1983) qui recueille onze témoignages

Postulat de l’auteur : évènements traumatiques entraînent perte de sécurité affective, hostilité massive de l’environnement, honte, sentiment d’infériorité, méfiance, besoin de s’échapper, de cacher, de se cacher, de sauvé, d’être sauvé.

Les travaux de Moskovitz et Krell (1990) : ils insistent sur la difficulté de reconstruire

Les travaux de Tauber (1966) : insistent sur la nécessité de respecter les possibilités de chacun à reconstruire et les choix de mode d’adaptation

Les travaux de Dasberg (2001) insistent sur le clivage que font ces adultes pour s’adapter.

Les travaux de Koren-Karie, Sagi-Schwartz et Joels (2003) : notion de l’attachement ( référence à Bowlby) avec propagation à la génération suivante.

Les travaux de Kaplan (2006) qui travaille à partir d’enregistrements de témoignages d’enfants survivants à la Shoah. Le traumatisme se retrouve non sous forme de souvenir mais d’affect

Les travaux de Sossin (2007) parlent du double traumatisme : violence, pertes, séparations mais aussi ils sont récepteurs du stress des parents. Le traumatisme affecte la sphère cognitive et les souvenirs. Mise en échec de la symbolisation.


Des méthodologies quantitatives


Des travaux de Sigal et Weinfeld : mise en évidence des effets dépressifs et paranoïaques et capacité de résilience quand les enfants ont connu des rencontres bienveillantes.

Des travaux de Cohen, Brom et Dasberg (2001) : symptômes post-traumatiques chez les deux (camps et enfants cachés)

Des travaux de Lev-Wiesel et Amir (2001) : étude chez les conjoints d’enfants cachés : les épousent souffrent du stress de leur époux

Des travaux de Cohen, Dekel et Salomon : attachement sécure et anxieux

Des travaux de Lev-Wiesel et Amir (2003) : symptômes post-traumatiques des enfants survivants de la Shoah : les symptômes perdurent dans la vie d’adulte. Evaluation des ressources qui permettraient d’amoindrir ses symptômes.

Des travaux dans la revue  Américan Journal of psychiatrie, travaux traduits dans la revue Devenir : anxiété et stabilité professionnelle sont étudiées

Une dernière étude allemande de Reulbach et coll (2007) : interrogation sur diagnostic de schizophrénie consécutive au traumatisme..


Psychologie et psychopathologie des « enfants cachés »


Marion Feldman, présente les travaux distinctifs aux enfants cachés et aux enfants survivants ayant été dans les camps.


Film de Myriam Abramovitz sur le couple belge à qui elle doit la vie : Monsieur et Madame Ruyts. Le film est intitulé « Comme si c’était hier ».  A chaque projection de son film viennent des enfants cachés. Un jour sa mère décide de les inviter tous à dîner ; Ainsi naît la première association d’enfants cachés 1940-1944 en 1992 The Hiddend Child Fondation


Approche qualitative


Les travaux de Dwork (1991) : distinction entre les enfants cachés « visibles » et les enfants cachés « invisibles » ; cachettes ouvertes, cachettes fermées

Fogelman (1993) : spécificité du vécu de l’enfant caché notamment celle liée à la double identité et notion de deuil qui n’a pu se faire

Dans le même ouvrage Tec met en évidence que le fait d’être caché vient des adultes et nombre d’entre eux deviennent orphelins

Krell (1995) s’attachent à parler des enfants cachés dont les parents ne sont pas revenus

Breiner (1996) : étudie les séparations de l’enfant avec sa première mère puis avec la seconde.

Il étudie aussi l’âge et la durée de l’événement

Valent (1998) et Bluglass (2003) étudient la notion de résilience avec altruisme, humour, sublimation

Gordon (2002) montre les processus psychiques  de clivage et répression des émotions

Lev-Wiesel et Amir (2005) parlent des enfants sexuels abusés pendant l’occupation. Particulièrement traumatisant Espace et temps perdus dans leur cohérence, plus regard des survivants

Cohen (2005) aborde la question du silence qui sera rompu par le premier rassemblement d’enfants cachés en 1991

Swartz (2006) reprend ce thème du silence ainsi que Rechtman (2005) sur le mode philosophique.

De nombreux autres thérapeutes encore : Stein (1993), Moskovits (1987), Kestenberg et Brenner (1996°, Kestenberg et Kahn (1998)


Approche quantitative


Mais je m’épuise à tous les nommer ! A vous de travailler à vous de lire !  A vous de prendre des notes ! A vous d’inventer votre lecture ! Moi, je l’inventer rigoureuse, dans le nom à nom des chercheurs…


Un tour d’horizon encore avant de nous quitter, sur la littérature européenne, Anne Frank bien sûr et d’autres et d’autres qui disent la clandestinité, l’échec du deuil, la culpabilité, la peur, l’incompréhension, le silence obligé, le chagrin terrible d’être enfant caché au risque d’en mourir ou de faire arrêter sa famille…


Dans sa conclusion Marion Feldman dit que dans  tous ces travaux riches et passionnants, dans leurs multiples directions d’études dont j’ai essayé de vous rendre compte, pas un seul n’intègre dans sa complémentarité l’histoire du pays considéré.


Elle insiste sur son désir d’orienter  sa réflexion de l’histoire individuelle en approfondissant l’histoire et l’influence du collectif sur cet individuel en question.


Je terminerai ce chapitre par une question qui me taraude : s’agit-il de « complémentarité des savoirs « ou de « mise au travail du clinicien » sur les différents savoirs. Dans quel temps se ferait cette mise au travail ? Dans l’absence du patient ou en sa présence ? J’ai encore du mal à exprimer ma question mais il me semble tâtonner du côté « du temps » de la thérapie.


Je n’en dirai pas plus pour aujourd’hui car je n’en sais pas plus. Je cherche au fur et à mesure que je lis et que j’écris !!! Comme ça, en arrière-plan de mon pauvre savoir…


Merci infiniment à Marion Feldman pour ce merveilleux chapitre qui dit tant d’hommes et de femmes au travail d’une meilleure compréhension de tant de douleur : celle des enfants cachés.


Vraiment merci à Marion Feldman pour son travail  qui m’a « mise au travail »

de la complémentarité et du temps de la thérapie.


Vraiment à suivre, j’ai hâte de continuer ce livre dans le vrai « suspens »  que cette  chercheuse  et clinicienne qu’est Marion Feldman a su créer dans son livre étonnant de savoir et d’humanité.


Patience ! et à bientôt !!!! MJC

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1 avril 2010 4 01 /04 /avril /2010 23:42
Entre trauma et protection
Quels devenir pour les enfants juifs

cachés en France (1940-1944) ? (3)


Le sort des enfants juifs : 1940-1945


Comme précédemment, je vous invite à vous reporter à la page 30 de l’ouvrage qui donne sens à l’approche historique, dans une méthode complémentaire à la psychologie clinique interculturelle, telle que la prône Marion Feldman.


Marion Feldman


Rappelle en début de chapitre combien fut longue la reconnaissance des droits des statuts de l’enfant en Occident.

Rappelle que le 28 février 1924 fut signée « La Déclaration des droits de l’enfant par une ONG et qu’elle constitue par excellence le texte de référence.


Dans ce chapitre, nous découvrons


des lois et des dates

des chiffres et des assassinats

des réseaux juifs, chrétiens, laïques

des organisations d’aides aux enfants


I. Des lois :

Entre 1940 et 1944, les lois antisémites pour les adultes sont les mêmes pour les enfants.

- A partir  de 1942, enfants et adultes sont voués à la solution finale

Du 27 septembre 1940 au 20 octobre 1940, une ordonnance allemande exige le recensement de la population juive

- Selon Serge Klarsfeld, 90%  de la population juive obtempère

- 3 octobre 1940, une loi exclue les juifs de la fonction publique

- Loi 1940, va plus loin que la loi de Nuremberg concernant les ascendants juifs comme déclinaison de judéité.

- 24 mars 1941 avec Xavier Vallat, commissaire générale des questions juives exclue les juifs de toutes professions libérales, commerciales

de l’enseignement supérieur

- Juillet 1941 : interdit aux juifs de posséder bicyclette, téléphone, radio

- 7 février 1942 interdit aux juifs de quitter leur domicile entre 20H et 6 h du matin

- 7 juin 1942 : les enfants, à partir de 6 ans révolus doivent porter l’étoile jaune. ( soit 15.322 enfants sur une population juive de 100.455)


II. Des chiffres et des assassinats


- 14 mai 1941 : convocation avec billet vert pour se rendre au commissariat : soucieux de la légalité : 3800sont arrêtés parmi eux, 3430 sont des juifs polonais. Ils sont transférés dans des camps du Loiret de Pithiviers et de Beaune la Rolande ouverts en 1941.

-  Les juifs du 11ème arrondissement de Paris sont pris dans une rafle.

-  Les rafles à partir de 1942

- La rafle du Vel d’Hiv : les 16 et 17 juillet 1942 : 12.884 personnes sont arrêtées : 3031 hommes, 5802 femmes et 4051 enfants, 4992 juifs sans enfants sont directement conduits à Drancy ; les autres sont parqués au Vélodrome d’Hiver et de tels crimes, l’histoire le dit, les textes aussi ne répondent à aucune loi, à aucun décrit.

- En zone libre : La Rafle du 26 août 1942 : le nombre de juifs arrêtés s’élèvent à 6584 juifs arrêtés

- Le 10 février 1943, la police française arrête des enfants de plus de 12 ans, de parents russes ou polonais, dans les centres de la rue Lamarck, de la rue Guy Patin, à l’orphelinat de Rothschild et à l’école du travail. 42 enfants sont arrêtés et déportés.

Le 6 juillet, 2 semaines avant les rafles de 44, dans les centres de l’UGIF, 44 enfants  de la maison d’enfants d’Izieu sont raflés et déportés à Auschwitz


La déportation des enfants

Selon serge Klarsfeld  (1994)10.147 enfants de moins de 18 ans ont été déportés.

+ les enfants décédés dans les camps d’internement : total : 11.600 enfants

Selon Lazare (1978) parmi les enfants déportés dans le second semestre de l’année 1942, on dénombre 1032 enfants juifs de moins de 6ans, 2.557 enfants de 6 à 1éans, et 2.464 enfants de 13 à 17 ans


MAIS


Ces chiffres comparés à ceux de la Belgique, de l’Italie montre de nombreux sauvetages d’enfants.


III. Des réseaux, juifs, chrétiens, laïques : des réseaux de camouflage d’enfants


A Les réseaux juifs


L’UGIF :

Crée le 29 novembre 1941, l’UGIF, Union Générale des Israélites de France est placée sous la tutelle du Commissariat général aux questions juives. Il est interlocuteur officiel face à la population juive. Il est constitué des notables Israélites, c’est à dire tous de nationalités françaises depuis longtemps. Ils jouent un difficile rôle d’interface aussi bien au Nord, qu’en Zone libre mais des historiens de cette période, nous dit Marion Feldman, posent la question de la responsabilité de l’UGIF dans les arrestations des enfants dans les années 194261944.

Je demande à mes lecteurs de ne pas faire l’économie de la lecture de Marion Feldman, à la fois, précise,  nuancée  et ferme. Mes lignes sont une introduction à son texte, à sa pensée mais ne s’y substitue absolument pas.


L’OSE (Œuvre de secours aux enfants)

a sauvé 5000 enfants en France (Zeitoun, 1989 ; 1990)

a assuré la survie de plus de la moitié des enfants pris en charge par des organisations juives

3000 enfants ont été cachés dans le cadre du circuit Garel

1500 ont été placés à l’abri en Suisse

600 ont été cachés en Zone Nord

Lire de très près et de façon approfondie ce long sous-chapitre que je résume avec grande maladresse et je m’en excuse auprès de Marion Feldman.


Les EI (Eclaireurs israélites) ou « La sixième »

Il rassemble le seul mouvement en France à vocation de rencontres entre Israélites français et Juifs étrangers. Il s’engage dans la résistance juive en 42 puis dans la clandestinité.


Le mouvement de résistance la sixième  est née de L’EI lors du recueillement d’enfants juifs de la région parisienne, travaille avec l’OSE et en 42 bascule dans la clandestinité.


Là encore Marion Feldman décrit avec minutie le travail de l’EI et de La sixième. A lire crayon en main


                         d)  « La mère et l’enfant. » Le comité de la rue Amelot à Paris

Ce comité regroupe différents organismes tournés vers l’assistance aux populations juives.

Sa composition est politique et regroupe la mouvance de gauche non communiste.

Il possède 4 cantines et des dispensaires.

David Rappoport en assume la direction dès septembre 1940 et refuse d’obéir aux exigences de l’occupant et l’organisation ne se déclare pas à la préfecture pour son autonomie d’action.

En 1943, incorporation à l’UGIF suite de la découverte de certaines de ses actions par la Gestapo

De nombreux parents, en dernier recours de l’histoire, de leur histoire dramatique vinrent confier leurs enfants au Comité de la rue Amelot.

C’est la même année que suite à de nombreuses arrestations dans les centres de l’UGIF que le Comité de la rue d’Amelot décide de placer les enfants dans la Nièvre.


Le réseau Marcel : le sauvetage des enfants juifs dans la région de Nice

Réseau Abadi crée en 1942 

Les grands noms en sont : Odette Rosenstock et Moussa Abadi


         B. Les réseaux  chrétiens


L’Amitié chrétienne

Créee  fin 1941

Elle permet de nombreux enfants de survivre.

Elle est multiconfessionnelle

Se joint à l’Amitié chrétienne, La Cimade


Des réseaux se forment autour de personnalités fortes :


Le père Devaux

Après avoir eu une activité à Jérusalem en 1925, il revient à Paris à la Maison des pères de Sion. Il fonde la revue La question d’Israël qui se lance contre l’antisémitisme.

En 1940, il porte secours aux juifs et dirige son aide vers les enfants. Il est aidé par Georgette Schwarcz et Mademoiselle Hue

Il a permis de cacher plus de 443 enfants


Les sœurs de Notre-Dame-de-Sion

 Oeuvrent à Grenoble autour de Germaine Ribière et Denise Paulin


La résistance protestante


d1 Chambon-sur-Lignon.

     -    5000 protestants ont sauvé 5000 juifs.

Deux pasteurs : Trocmé et Théis

La Cimade œuvre dans une pension  « Le Coteau fleuri »

Oscar Rosowski ouvre une fabrique de faux papiers


d2 Dieulefit

3000 habitants dans ce village de la Drôme abritent 1300 hommes, femmes et enfants


C. Des organisations laïques


a) L’entraide temporaire travaille avec le service d’aide aux Emigrants reconnu d’utilité publique. Sauvetage de l’enfance.

Au total, elle a caché plus de 500 enfants


b) MNCR : Mouvement National Contre le Racisme

Œuvre en zone libre comme en zone occupée. Presse et tracts invitent à cacher des juifs et aux concierges écrit « Camouflez par tous les moyens vos locataires juifs. »

Je veux écrire qu’au moment où je saisis cette dernière phrase, je demeure émue. L’humanité peut être belle et ça vaut le coup de continuer nos luttes malgré… Et nous connaissons tous le contenu du point de suspension que je ne peux articuler.

1941, 1942, 1943, le MNCR agit patiemment…


Puis advint le temps de la libération et du bilan.

Marion Feldman reprend avec le sérieux qui est le sien les comptes de tous.

Lazare 1978, p.223 : 72.400 enfants juifs ont survécus

L’OSE estime entre 4500 et 5000  le nombre des enfants qui sont orphelins ou que les familles ne peuvent pas prendre en charge (Hazan, 2000 p.71).


Marion cite à perte de lignes, à perte de noms, à perte de chiffres pour une seule cause : les enfants cachés, les enfants sauvés. A lire et relire, dans le sérieux et dans la hâte, dans le chagrin et dans l’espoir. Un bilan qui dit la possible humanité de tous quand le cœur se met à l’ouvrage pour dire NON à l’horreur de déporter des enfants.


Merci Marion Feldman pour ce long et difficile chapitre d’une histoire si longue et si difficile. Merci pour ce travail d’archives et de recensement.

Merci sans doute, pour ce questionnement de l’histoire au détour de votre clinique qu’à la fin du livre j’interrogerai.


Et donc,  à bientôt pour les prochains chapitre de ce livre qui d’ores et déjà, me paraît incontournable quelle que soient nos orientations de cliniciens et cliniciennes.

Mais déjà, n’attendez pas mon travail laborieux parfois et mettez-vous sans plus attendre à l’invention de votre lecture de Marion Feldman. MJC










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26 mars 2010 5 26 /03 /mars /2010 18:25
Entre trauma et protection
Quels devenir pour les enfants juifs

cachés en France (1940-1944) ? (2)



La France et les Juifs : une histoire, du Moyen âge à la Seconde guerre mondiale

(P.33-44)


Ce chapitre est en cohérence interne avec celui que je vous ai présenté hier. Pour comprendre comment il advient dans la table des matières, il faut s’attarder à relire lentement la page 30 du livre dans laquelle on peut lire la méthodologie adoptée par Marion Feldman, méthodologie qu’elle intitule « le complémentarisme » et qui nécessité une coordination d’anthropologue. C’est ainsi que ce chapitre d’histoire occupe dans une nécessité théorique et méthodologique sa place dans ce livre.


Histoire donc des juifs dans le double mouvement dont il est déjà question dans l’introduction : expulsion et assimilation, rejet et protection, exclusion et résistance. Histoire qu’elle fait débuter à Clovis.


Je vais donc vous présenter ce chapitre selon trois lignes qui le brisent et s’enlacent comme dans une tragique rosace de l’histoire.


-     Quand les juifs sont expulsés

Quand les juifs sont assimilés

Quand les juifs dans un même temps noué sont expulsés et assimilés.


1) Quand les juifs sont expulsés :


Marion fait commencer son histoire à Clovis, celui qu’on appelait le roi des Francs ; c’est comme ça que je l’ai appris à l’école en m^me temps qu’un vase de Soisson qui s’est malencontreusement cassé. Il regroupe tous les Francs autour de la croix et malheur aux autres, en l’occurrence les juifs qui sont vite accusé de se judaïser en secret (Marranisme). Les juifs sont accusés après la deuxième croisade de prendre un enfant chrétien et de son sang faire du pain azyme


Des dates et des faits :

XIIIe siècle les Juifs sont exclus des confréries et des corporations

1295 : pillage systématique des biens juifs

On dit d’eux qu’ils sont des usuriers

- 1269 / port de la rouelle : une cousue sur la poitrine, l’autre dans le dos et en plus Jean II le BON, les oblige à payer une redevance pour les acquérir !

- 1394 :  Charles VI les expulse (non-renouvellement de l’autorisation de séjour ; ça me rappelle faits honteux de 2010-03

- 1498 : Charles VIII décrète leur bannissement

Et ça continue pendant la Révolution

Ça se complique avec l’arrivée des Juifs d’Europe Centrale.


Lire avec rigueur les recherches de Marion Feldman qui cite ses sources :  Béatrice Philipe (1989) et ouvrage collectif des historiens Jean-Jacques Becker et Annette Wieviorka. (1998)

2) Les Juifs dans leur mouvement d’assimilation :

Au milieu du XVe  un petit nombre de juifs est autorisé à s’établir à Metz, puis à s’installer en Alsace lors de son annexion en 1648.

Au Moyen Âge l’expulsion présente des exceptions telles qu’en Champagne et dans le Midi, pendant la Révolution de même (déclarations de l’abbé Grégoire et de Clermont Tonnerre dans son discours à « L’assimilation à la Française"

3) Expulsion / Assimilation

Affaire Dreyfus

Les flux migratoires de 1900 à 1939 nuancent aussi le rapport Expulsion/assimilation


Ce chapitre est très intéressant parce que très synthétique, il me donne envie d’aller fouiller à nouveau le Tome I des Origines du Totalitarisme de Hannah Arendt.

 

Il met en évidence le balancier tragique de l’histoire des juifs soit comme membre d’une nation, soit comme citoyens, histoire qui est le creuset de deux mouvements contraires du rejet ou de la résistance, qui est le creuset d’une histoire qui n’hésite pas à condamner des enfants à la déportation.


Ce que je vous raconterai demain avec le récit du chapitre intitulé : Le sort des enfants juifs : 1940-1945. Une autre page d’histoire dont la nécessité s’impose, comme celle d’aujourd’hui, pour la clinicienne Marion Feldman à l’écoute des enfants cachés.


J’ai trouvé le chapitre d’aujourd’hui très émouvant car il montre  l’obstination des hommes dans leur intolérance comme dans leur juste tolérance. Je trouve cela tragique cette répétition mortifère à toujours combattre.


Une fois encore, j’ai envie de lire et relire Malaise dans la civilisation de ce  Juif nommé Sigmund Freud, vous savez celui qui… Mais ce sera pour un autre jour ! MJC






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25 mars 2010 4 25 /03 /mars /2010 23:29
Entre trauma et protection
Quels devenir pour les enfants juifs

cachés en France (1940-1944) ? (1)


Préface de Marie Rose Moro

Volte face de Boris Cyrulnik


Collection La vie de l’enfant

Editions érès 2009


Dans les jours à venir, je vous présenterai ce livre dont le contenu traite des enfants cachés. Marion Feldman, ethno psychanalyste a interviewé avec empathie 35 enfants qui ont vécu « 13 parcours singuliers en devenir." Elle nous livre ainsi le fruit de ses réflexions qui recouvrent tant un espace psychologique, que psychanalytique, qu’historique, qu’anthropologique, qu’ethnologique. Lire la table des matières c’est déjà entré dans le vif du sujet : la complémentarité des savoirs.


Dans le commentaire de ce jour, je vous présenterai les 30 premières pages qui, me semble-t-, donnent le coup d’envoi de ce livre essentiel de l’enfance en chagrin et de la transmission de ce chagrin immense qu’est celui de « se cacher »

Un livre autour du trauma et de sa transmission.


Les 30 premières pages sont constituées de trois séquences :


1) Une préface écrite par  Marie Rose Moro  : Ce que nous apprennent les enfants juifs cachés pendant la seconde guerre mondiale : comment se reconstruire malgré la rupture du familier, malgré la menace et la peur

2) Une volte-face écrit par Boris Cyrulnik

3) Un préambule clinique écrit par Marion Feldman.


Marie Rose Moro situe la clinique de Marion Feldman dans une clinique qui a une histoire, une géographie, un contexte géopolitique c’est à dire une clinique qui se place dans un contexte international avec des apports transculturels. Elle cite les travaux de Cécile Rousseau (Canada), de Roberto Beneducce (Italie, d’ Arthur Kleinman, Carolyn Sergent (Etats-Unis) de l’ école de Devereux ou de Bobigny (en France.)


Elle mentionne aussi comment la psychologie et la psychopathologie des enfants juifs cachés en France pendant la Seconde guerre mondiale et restés en France depuis la Libération ont été bien insuffisamment abordées pour diverses raisons :


- la souffrance de ses enfants a été déniée, ignorée, non perçue, déniée par les enfants comme par leurs agresseurs.

- La légitimité de ceux qui pouvaient le faire était mal repérée

- Comment aborder ce sujet délicat sans le simplifier et le transformer en objet idéologique

- La méthode d’élaboration d’un tel travail s’avérait difficile

- Comment progresser sans oublier d’intégrer les immenses progrès du développement en pédopsychiatrie transculturelle ?


Marie-Rose Moro présente le travail de Marion Feldman comme lieu de réflexion de ces points énoncés ci-dessus.


La lecture de cette préface nous amène à réfléchir sur la complémentarité des savoirs « histoire, psychologie, psychiatrie, anthropologue, psychanalyse.. »

Les enfants ont vécu des traumatismes, des ruptures graves qui demandent pour être approchées des savoirs divers et complémentaires


Le travail de Marion Feldman quant à l’approche de la vulnérabilité mais aussi de la créativité associée à cette vulnérabilité continue la réflexion d’Anna Freud et de la clinique transculturelle. Mais surtout, l’essentiel de ce travail  tourne autour du trauma et non sur le trauma : la nuance est importante car elle situe le trauma non comme une identité immobile mais dans une dynamique possible de transmission.


Comment approcher le trauma dans son acte de transmission, comment saisir le blanc de l’histoire, le trou laissé par un nom sur une liste ? Je pense à ces milliers de noms des Murs de La Commémoration de la Shoah à Paris et à Marseille. Je pense au titre du livre de Yoram Mouchenik (2006) que nous cite Rome Marie Moro : « Ce n’est qu’un nom sur une liste mais c’est mon cimetière ».


Le trauma de l’enfant caché se redouble du cimetière de son histoire laissé souvent par la déportation de ses parents.


Enfin, Rose Marie Moro termine sa préface sur l’ambivalence de la France qui a caché et livré des enfants. A la fois mère protectrice et menaçante. L’enfant caché est celui qui a vécu entre menace protection. N’est-ce pas là énoncer la vraie nature du traumatisme : quand l’enfant ne sait pas à quel sein se vouer ?


Boris Cyrulnik dans une brève volte-face fait suite directement à ce tragique là : on cache l’enfant parce qu’il est condamné à mort…Et ce par des Nazis, par des Turcs, par des Hutus et d’autres encore. Quand les enfants sont victimes du fanatisme des adultes. Par associations, je pense aux enfants soldats. Ceux là, on le les cache pas on les enrôle.


Boris Cyrulnik reprend fort à propos la théorie du trauma qui assignerait le trauma à résidence de son fantasme et non de sa réalité et revient à ce qui est cher, à lui Boris : les êtres en devenir : les enfants cachés puis « décachés, » les enfants réduits au silence puis entendus dans la dimension de la réalité de leur trauma : « tu te tais ou tes parents meurent, tu te tais et tu changes de religion. Surtout tu ne fais pas de bruit. Le vrai trauma pour un enfant : le réduire à l’immobilité et au silence, lui faire porter la responsabilité inhumaine de la possible mort de ses parents. Et là, on sent bien comment l’enfant est en proie à la réalité et au fantasme. Les deux sont intimement liés.


Boris Cyrulnik emploie l’expression prégnante de « personnalité cryptique », défensive, structurante. L’enfant, être en devenir, s’adapte. Mais alors comment de cette adaptation faîte de sociabilité et d’angoisse va naître la transmission du trauma ?


C’est l’enjeu si humain du travail de Marion Feldman.

Dans son préambule clinique Marion Feldman présente la transmission d’un trauma par la présentation d’une famille ou la petite-fille exprime le trauma parental en « cachant » des objets, de la nourriture, des camarades.


Le coup d’envoi est donné, le livre peut commencer ! Je vous invite donc à lire ce livre avec moi dans les jours qui viennent.


Bon travail à nous ! Il s’agit de l’enfance qui a eu mal et des enfants de ces enfants. Il s’agit du verbe transmettre à lire, à intérioriser, à défricher, à humaniser. Il s’agit de nos grands parents, de nos parents, de nos enfants. Il s’agit une fois encore de la guerre qui détruit tant… Il s’agit encore d’un livre au travail du meilleur : réparer l’enfance. Il s’agit… A suivre ! MJC


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20 février 2010 6 20 /02 /février /2010 19:06

Le journal d’Hélène Berr .

1942-1944

Suivi de Hélène Berr : une vie confisquée par Mariette Job

Préface de Patrick Modiano

Edition Tallandier. 2008

Une compagne unique. Une amie.

 

Assassinat d’Hélène Berr à Bergen Belsen quelques jours avant la libération du camp.

 

Un journal qui creuse la mémoire.

Je pleure, habitée par sa douceur.

 Je pleure l’horreur de la Shoah.

 

Je me tais pour l’écouter, pour la lire. Je me tais. Je pleure encore. Sa douceur m’habite. Son intelligence si profonde. Comment est-ce possible tout cela ? Comment survivre à la Shoah ? Comment continuer d’y croire à l’humain ?

 

En 1943, Hélène écrit que sa vie est posthume. La mienne aussi.

 

Ce livre est magnifique d’humanité mais poignarde de douleur par l’inhumanité qu’il nous faut affronter, le regard sans appui sur rien. Elle disait encore et toujours combien elle était choquée par ceux qui arrêtaient les juifs comme des robots obéissant à une administration française impitoyable. Elle savait qu’elle-même serait un jour arrêtée. Elle savait l’horreur et son journal finit par ce mot mais elle savait la douceur, elle était musicienne, elle était amoureuse. Elle était belle. Elle était juive. Elle avait 21 ans.

 

La Shoah, c’est ça. Des assassinats par millions.

 

Certes, des livres, certes des chercheurs, certes des penseurs, certes des traceurs de mémoire mais nous tous les descendants de la Shoah, juifs ou non, la Shoah n’a pas assassiné que des juifs, nous tous, descendants de la Shoah pouvons -nous vivre autrement que « posthumes » ?

 

Je ne sais pas. Je ne saurai jamais.  MJC

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21 janvier 2010 4 21 /01 /janvier /2010 21:42
J’ai rencontré Xavier Schapira lors du colloque de Lacaune (voir sur mon blog, même catégorie, l’article « Eradication vaincue »).

 


Nous étions assis, au premier rang, l’un à côté de l’autre, au premier rang durant toute la durée du colloque. Nous prenions des notes avec ferveur, il m’arrivait souvent de jeter un regard sur les siennes pour parfaire les miennes. Nous avons dîné ensemble, dans la salle à manger de l’hôtel qui accueillait des participants. Nous parlions à bâtons rompus, accompagnant notre repas d’un petit vin de la région fort bon. Au détour de nos bâtons, nous avons échangé sur nos passés. Je lui ai raconté mes parents, puis ma grand-mère emportée vers Sobibor après un transit à Drancy. C’est alors que lui m’a raconté ses parents  puis sa grand-mère emportée vers Treblinka via Theresiensdat.


Je lui confiais que j’avais écrit un livre qui racontait ma mémoire de la Shoah que je n’avais pas vécue ; il m’a confié qu’il avait écrit un long texte qui racontait la mémoire de Theresiensdat qu’il n’avait pas vécu.


Nous nous sommes promis de nous envoyer l’un l’autre nos travaux, ce que nous avons fait dès notre retour dans la lumière de notre amitié si récente mais profonde.


Le texte de Xavier Schapira est de 327 pages et se nomme


De la Galicie

Aux rivages de la Méditerranée


Histoire de Joseph Schapira

Et de sa famille


Xavier Schapira est professeur d’histoire à la retraite. Son ouvrage respire son talent professionnel : une grande rigueur, des interrogations passionnantes sur l’histoire et la mémoire, une distinction rigoureuse entre archives qui écrivent les souvenirs et les cartes qui écrivent les pays. Je ne raconterai pas son récit, je ne raconterai pas sa famille, je ne raconterai pas les photos. Je ne raconterai pas mais j’ai vécu le poignant des vies qui se disent là en toute simplicité, écrivant l’humain de la paix, l’inhumain de la guerre.


J’irai au cœur de son travail : sa grand-mère.


Mais avant, je veux rendre compte des interrogations de Xavier sur son travail qui l’a engagé tout entier dans son identité d’homme. Ce sont ses confidences dans la postface.


Il s’interroge sur pourquoi il est engagé dans ce récit, pourquoi, il a arpenté la Galicie, ses archives, ses livres, sa mémoire.  Pourquoi s’est-il rendu à Koloméa et à Sloboda ? Pourquoi s’est-il levé à 5h du matin, le vendredi pour se rendre à Bratislava aux archives de Vienne ? Pourquoi a-t-il pris des risques pour visiter dans la Tchécoslovaquie « socialiste » une ancienne école militaire ? et d’autres pourquoi encore à partir desquels il décline son  projet. Il a une très belle expression : Le passé «n’ irriguait plus le présent ». J’aime le verbe « irriguer. Il dit aussi avoir répondu à une curiosité historique qui remonte à la première guerre. Mais il dit surtout que ce livre, il l’a porté en lui, pour lui. Il a répondu à l’injonction biblique Zakhor ! (Souviens-toi) : Je cite à ce point ces mots que je trouve si beaux et qui sans aucun doute nous ont fait rencontrer  et devenir amis à Lacaune :


« sauver les morts du néant, établir, comme le veut la tradition hébraïque, une alliance entre les morts et les vivants. Et aussi lutter contre les assassins de la mémoire. »

Son travail, il le définit avec clarté comme un pèlerinage familial et une étude universitaire et s’il a tenté dit-il de réconcilier histoire et mémoire, il a avant tout voulu être passeur. Il l’a été. Il « m’a passé » sa mémoire, son histoire, sa douleur, son engagement et à mon tour, je vous conte ma lecture. Merci Xavier.


Maintenant, place à Klara Schapira, la grand-mère de Xavier.


Il était une fois une jeune femme sur une photo ; Elle est près de son mari, resplendissant dans sa tenue d’officier avec tous ses boutons et ses galons, son képi, sa moustache, un regard heureux. Klara est à son côté, petite femme potelée, dans une longue robe noire. Un chapeau recouvre ses cheveux épais coiffés d’un chignon, elle esquisse un sourire satisfait de sa vie, ses yeux sont souriants. Aux  côtés des parents, se tiennent les deux fils, Klemens à gauche et Joseph à droite. Joseph est le père de Xavier. La photo est prise à Neuhaus en 1905. Voilà, une photo simple qui dit le bonheur d’une famille, une famille qui sera trouée par la

mort du père. David Schapira, meurt de maladie (maladie non identifiée) le 15 octobre 1915, soit dix ans après la jolie photo. Klara, arborera alors, fièrement le statut social de veuve d’officier de l’ancienne armée Austro-hongroise et touchera régulièrement sa pension qui avec les évènements s’amoindrira de plus en plus. Par ailleurs, du fait de ce statut, elle prendra avec ses deux fils la nationalité autrichienne. La mère et ses deux fils deviennent autrichiens ; la vie se déroule dans un contexte difficile. Xavier raconte, je lis, je tourne les pages, je regarde les cartes, je regarde les photos, je découvre, admirative devant tant de travail fourni par mon ami Xavier.


J’arrive au chapitre


La fin tragique de ma grand-mère

De Vienne à Theresienstadt et à Treblinka.


Je cite l’auteur :

«  Ce chapitre retrace l’histoire tragique des dernières années de la vie de ma grand-mère et je l’écris avec une émotion analogue à celle qui nous submerge,

Micheline (sa femme) et moi, ce jour de l’été 1986, où nous découvrîmes aux archives du camp de Theresienstadt le nom de klara Schapira sur le registre des déportés. »


Et donc …


Se déclarer juive, se déclarer non aryenne : ce que fit Klara le 1er février 1939

Nouvelle convocation, nouvelle déclaration : ce que fit Klara le 20 juin 1939.

De plus, il était obligatoire de rajouter Sara, comme deuxième prénom. La femme devient superflue. Rien que des Sara. C’est plus totalitaire.

Changements de domiciles obligatoires dans divers logements réservés aux juifs en laissant tout à chaque fois. Klara a 64 ans et vit le calvaire de 7 déménagements entre 1939 à 1942, sans compter les privations et humiliations qui sont associées à ces déménagements.

Déportation de Klara à Theresienstadt le 28 août 1942 où elle reste un mois

Déportée à Treblinka où elle sera assassinée.


Klara Schapira, épouse et mère, jeune femme heureuse dont le photographe a surpris le sourire en 1905 meurt exterminée à Treblinka en 1942.


C’est de ces événements que Xavier Schapira a voulu se faire le passeur : entre bonheur et extermination, une vie de femme, une vie de mère : sa grand-mère.


Mais l’auteur historien raconte aussi le scandale de Theresienstadt qu’on présentait aux juifs, d’une classe sociale élevée, comme un lieu de villégiature, avec de jolis appartements exposés plein sud, avec une vie culturelle riche et variée, bref comme un lieu de vacances idéales. Ils s’y rendaient et leur bien de ce fait étaient confisqués. Il raconte l’horreur planifiée, le confort pervertie, la culture trahie. Il raconte le scandale  de cette veuve d’officier sa grand-mère qu’on a déplacée puis déportée, puis assassinée, exterminée. Il raconte l’Histoire quand elle frappe l’histoire de sa grand-mère. Je retrouve la même démarche patiente de Léa Markscheid (voir mon blog même catégorie, même colloque de Lacaune), je découvre le même cri surgit de la mémoire quand soudain, elle irrigue enfin, après tant de patientes recherches dans des lieux de géographiques mais dans les contrées les plus secrètes de l’identité, le présent.


Par son long texte, par son long travail, par sa recherche, le passé de Xavier lui est restitué, son histoire nous est transmise, notre Histoire nous est contée.


Léa, Xavier, chercheurs de dates, chercheurs d’espaces, chercheurs d’événements mais surtout chercheur de leur être jusqu’au bout de leurs limites et de leur chagrin d’avoir connu une mémoire confisquée, un grimoire blanc sur lequel ils ont patiemment reconstitué un texte. Leur texte.


A eux deux, j’adresse toute ma gratitude.


Enfin, un mot encore : moi, la chercheuse de livres, j’ai admiré la longue bibliographie de Xavier Schapira à la fin de son texte. Les bibliographies disent toujours le long travail de savoir des auteurs d’un livre. Le savoir c’est la lampe bienfaisante sous laquelle nous travaillons l’être et son identité. Merci encore Xavier pour tes livres lus, tes espaces parcourus, tes cartes, tes photos et surtout  « tes souvenirs ». MJC

 




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16 janvier 2010 6 16 /01 /janvier /2010 15:07

A NE VRAIMENT PAS MANQUER

 

Du 20 au 30 janvier 2010, du mercredi au samedi,

au Théâtre en miettes, à Bègles,

la Compagnie Mata-Malam présente

"Que Ta volonté soit fête..."

d'après Une vie bouleversée d'Etty Hillesum

 

Un texte magnifique, servi par une interprétation remarquable, un hymne à  la transmission , à la tolérance et une pensée de toute vigueur quant aux possibilités de l'être humain au sein même du chaos !

Vivant dans une joie miraculeuse et charismatique l’une des pages les plus noires de l’Histoire, Etty Hillesum, une jeune juive hollandaise de vingt-neuf ans s’apprête à être déportée avec une liberté d’esprit surprenante face aux événements et face à elle-même. Jour après jour, dans un combat lumineux et singulier pour rencontrer la vérité et la réalité telle qu’elle est, elle confie à son journal son cheminement mystique et son inébranlable parti pris d’espérance : la vie est “belle et pleine de sens” à chaque instant.

TARIF SPECTACLE : 8 et 10 EUROS

Renseignements : 05 56 43 06 31

Réservations : 05 56 50 37 37

 

EXTRAIT VIDEO DU SPECTACLE : http://www.dailymotion.com/video/x9f2sh_que-ta-volonte-soit-fete-dapres-ett_creation

 

Spectacle soutenu par la Fondation du Judaïsme Français et le Théâtre en Miettes

 

Hellen Kaufmann
Présidente de l'AJPN
Anonymes, Justes et persécutés durant la période nazie
11, rue Victoire-Américaine - 33000 Bordeaux
Tél. 09 51 89 44 87
Fax 09 56 89 44 87
hkaufmann@ajpn.org
www.ajpn.org

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15 janvier 2010 5 15 /01 /janvier /2010 21:26
Le  Mémorial hors les murs

Ce jour, j’ai reçu le programme toujours aussi passionnant qu’émouvant  du Mémorial de la Shoah.

Pour nous, inventeurs de lectures, de nombreux projets de lectures que vous retrouverez en 2010 sur mon blog dans la catégorie Shoah

Benjamin Fondane

Hélène Berr

Primo Lévi

Marion Feldman

Paul Ghez

Et d’autres…

Lundi 1er février 2010

1) Rencontre 18H

Le camp de Noé, 1941-1947

Autour de l’ouvrage, Le camp de Noé, 194181947 d’Eric Malo, préfacé par Denis Peschanski

En présence de Denis Malo et d’Eric Peschanski, historiens

Entrée libre

Lieu : librairie Ombres Blanches

50 rue Gambetta Toulouse

Tél :05.34.45.53.33

 

2) Projection

 

La France des camps 1938-1946

De Denis Peschanski et Jorge Amat

(France, documentaire, 90 minutes)

En présence de Denis Peschanski, Historien

 

 

Lieu : Cinéma ABC

13 rue Saint Bernard –Toulouse

Renseignements. 05.61.21.20.46

 

Dimanche 14 mars 2010

Rencontre : 15h

Les archives familiales : leur conservation et leur transmission

A cette occasion, possibilité de remise de documents d’archives privés sur le sort des juifs en France, pendant la seconde guerre mondiale.

En présence de  Karen Taieb responsable des archives de la Shoah.

Lieu : espace du Judaïsme

2 place Riquet. Toulouse

Renseignements : O6.84.11.72

 

 

 

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7 décembre 2009 1 07 /12 /décembre /2009 21:56

 

 

 

 

Dans le souffle des petits enfants

 

 

 

 

Sur le chemin du retour nous n’avons rien entendu, aucune vision miraculeuse ne vint troubler le silence

au dessus du lac des cendres à Birkenau

 

Le monde était très calme et notre mémoire n’était plus à vif

Les noms des lieux de l’horreur avaient pu être épelés,

Auschwitz

Birkenau

Treblinka

Maïdanek

Chelmno

Sobibor

Belzec

 

 

Terreur de nos enfances quand nos lèvres étaient sales

Mais le soir nos esprits studieux se penchent sur ce passé que nous avons à transmettre,

à analyser, à produire, à écrire

 

 

Le monde était calme ce jour-là

                                                 Et la pliure de nos fronts

                                                 dans cette clarté,

                                                 Près du lac des cendres à Birkenau

 

 

Nous avons mangé le pain du récit. Dans les temps enfiévrés de notre apprentissage, nous avons écouté, nous avons lu. O combien de lectures dans l’infini. Chaque récit était différent. Unique. Nous avons engrangé l’immensité des témoignages

 

 

 

Mais le silence était plus grand au bord du lac des cendres à Birkenau

 

 

C’est vers le soir que nous avons voulu devenir savants

Comme un vœu qui nous engage au-delà de la solitude,

afin que l’immensité du ciel laisse se déployer une terre de connaissance

 

 

 

 

O mon Dieu, par ta justice et par ta miséricorde,

                                    jusqu’où ira notre science ?

 

Les âmes sont patientes et accueillent le silence

                                     Mais d’où viendra notre espérance ?

 

 

Comme Moïse le transmit aux oreilles de Josué,

                                    il nous faudra nous souvenir d’Amalec,

                                    pour effacer son nom de dessous les cieux

 

Nous effacerons les noms

                                                      des lieux

                                                      de l’horreur

                                                      de dessous les cieux

 

Nous écrirons, nous épèlerons les noms des victimes,

                                mes frères et mes sœurs,

                                fleuve de toute bonté

                                rameau de la miséricorde

                                endurance de votre âme

                                palpitation visible

 

Paradoxe de votre incarnation

 

Vous êtes un ciel

et ma main surprend le battement de votre sang dans la boue et les écorces

 

                                                   Vous me regardez

                                                   et un nom monte à mes lèvres

 

Votre regard est dans le nom

                                                    car l’air

                                                    était sans yeux

                                                    ce jour-là

 

Qui serons-nous pour vivre

alors,

quand le ciel très haut surplombe le lac des cendres à Birkenau ?

 

 

Nous nous appartenons mutuellement

                                             lorsque nous quittons ces terres désolées

                                             Qu’y aurait-il à faire de l’horreur ?

                                             Rien,

                                             sinon

                                             transmettre le souffle de l’enseignement

                                             le souffle de vie

 

Car le monde se tient dans le souffle des petits enfants qui vont à l’école

 

Adam, il s’appelle

le souffle qui parle

 

ruah memalela

ruah memalela

ruah memalela

 

Dans le retrait de Celui qui exhala en nous l’âme de vie,

                             nous le maintiendrons cet espace

 

Chivitti Adonaï lenegedi tamid

 

J’ai placé Adonaï

                                                             devant moi

                                                             toujours

 

                                                             Alors

                                                             perpétuellement

                                                             il vient,

                                                             dans l’infini,

                                                             le souffle des petits enfants.

 

 

Monique Lise Cohen

(octobre-décembre 2001)

 

 

 

Poème publié dans :
Les enfants de la Shoah. Colloque de Lacaune, 17-18 septembre 2005
Les Editions de Paris, 2006

P.281-283

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12 novembre 2009 4 12 /11 /novembre /2009 21:03



1) Ce que peut la littérature

Myriam Ruszniewski-Dahan

 Dans le livre :

Sous la direction de Jacques Fijalkow

Transmettre la Shoah

Dans la famille, à l’école, dans la cité

Les éditions de Paris, Max Chaleil (2009)


2) Refus de témoigner

Ruth Klüger

Editions Viviane Hamy (1992)


Dans son article Myriam Ruszniewski-Dahan  pose la question de l’esthétisme d’une littérature sur la Shoah. L’acte de littérature dit-elle est totalement distinct du témoignage.


Ruth Klüger dans son livre poignant, d’acier et d’enfance, Refus de témoigner, c’est ce poème là qui donne le titre au livre, témoigne en entrant « en littérature ; elle écrit de nombreux poèmes. Elle avait douze ans quand elle a connu successivement quatre camps. Par moment son écriture fait penser à celle d’Imre Kertesz. Comme lui, elle énonce calmement, presque froidement les camps et les compare avec une lucidité d’enfant qui fait frissonner.


Ainsi peut-on démarquer avec certitude ce qui séparerait témoignage et littérature ? Du témoignage, parfois on ne veut rien entendre ; j’aime beaucoup la distinction faîtes par Annette Wieviorka que cite Myriam Ruszniewski-Dahan : la distinction entre inaudible et indicible.


C’est de cet indicible là, d’une enfant de douze ans, déportée dans 4 camps dont il est question dans Refus de témoigner : son enfance, sa difficile relation avec sa mère, déportée elle aussi, son questionnement sur la fumée, les sélections, les tatouages, les transports dans des wagons puants et plombés. Et soudain pour elle, enfant de l’indicible advient la nécessité absolue d’écrire, une nécessité sans retour, une nécessité de témoigner, une nécessité de poèmes. Pour elle écrire, c’était témoigner pour inventer le futur qui donnerait sens à sa terrible expérience. Témoigner dit-elle c’était se grandir, imaginer qu’un jour tout ce qu’elle vivait d’indicible serait audible par d’autres. Pour elle, écrire des poèmes c’était ne plus être captive de l’impossible et du présent. Elle emploie le terme de « captive du présent », l’écriture lui donne sa liberté du futur. C’est vraiment très intense à lire parce qu’elle n’entend pas « Le taisez-vous » dont parle avec la lucidité de chercheuse Myriam Ruszniewski-Dahan. Ils écrivent tous sans vouloir entendre ce terrible « taisez-vous » dont parle si bien Primo Lévi. Leur nécessité est d’écrire l’inaudible parce qu’indicible. Il me semble que l’article de Myriam Ruszniewski-Dahan est là pour dire cela. La littérature peut le faire, pour le témoignage c’est plus dur. La littérature peut vaincre par sa distance à « la chose » racontée  le « taisez-vous » La littérature dit-elle naît d’une blessure identitaire qui jamais ne peut se cicatriser.


Lorsque je lis Ruth Klûger il me semble lire sa blessure identitaire. C’est un livre qui saigne, que j’ai lu tout doucement comme j’avais lu Imre Kertesz. Quand l’enfance traverse les camps, quand les camps font nécessité d’écriture, il y a là quelque chose de très douloureux.


Et c’est pour cela que je suis complètement d’accord avec Myriam Ruszniewski-Dahan, la littérature sur la Shoah peut exister, a le droit d’asile dans nos cœurs mais avec une exigence avec laquelle on ne peut transiger : elle doit être fidèle à l’histoire et surtout ne pas la travestir. Elle doit être vérité du cadre et des cœurs, elle doit être nécessité et rien d’autre.


Nécessité, voilà ce qui fait la tragique beauté du livre de Ruth Klüger ;  c’est le poids de cette nécessité qui ralentit notre lecture mais qui fait aussi qu’on ne peut  le lâcher. Le passé nous étreint et nous essayons d’être digne de la confiance qu’elle nous fait d’inventer son futur et peut-être son oubli mais celui qu’elle a choisi, pas celui des Nazis.


De l’oubli Myriam Ruszniewski-Dahan nous en parle aussi. Elle nous dit comment les nazis voulaient imposer oubli et néant de et pour tous les juifs, ils voulaient rompre les générations. Mais une petite fille Ruth raconte, ne se laisse pas oublier.  Elle recommence l’Histoire brisée, interrompue par la grande Hache de l’histoire dont parle Perec, se souvient Myriam Ruszniewski-Dahan. Elle nous dit aussi et c’est  à souligner que le rapport au langage des juifs est perverti par la dimension mortifère qu’il a rencontré dans les camps et c’est peut-être, le sens de la littérature de lutter à coup de beautés contre la perversion imposée du langage.


C’est pour lutter contre la perversion des mots des camps que la petite Ruth obstinément écrit des poèmes et notamment celui de Refus de témoigner qui date de 1960, qui dit ce qui s’enroule chez elle d’être reconnue et de n’en vouloir rien dire des morts car le premier revenant peut à tout moment la déposséder de ses mots (justement pervertis par la mort). Elle s’en débrouille mal et finalement avec cet étonnant langage qui est le sien et ses poèmes des camps, elle  témoigne. Elle témoigne de son refus de témoigner, elle témoigne du néant déchiré par ses poèmes d’enfants. Elle témoigne de son identité qui saigne. Elle témoigne par la négation : Refus de témoigner.

Et n’est-ce pas ce que nous dit là Myriam Ruszniewski-Dahan ? « L’expérience du camp signifie avant toute chose la négation du nom » et peut être aurai-je envie d’ajouter, la négation du verbe « Témoigner » ? qui par les croche-pieds des revenants engouffrent écrivain et lecteurs dans le néant du chagrin que l’écrivain a eu à écrire et nous à le lire mais là encore s’écrivent les négations, du Refus de témoigner, Refus d’oublier l’oubli.


C’est alors que la transmission peut advenir du lieu de l’Histoire mais aussi du lieu de la littérature quand elles se font, par l’exigence de vérité et de nécessité qu’elles emportent, l’une comme l’autre,  Refus d’oublier.


Ainsi peut advenir la transmission soit par l’histoire soit par la littérature.

 

Ainsi peuvent advenir ces deux écritures que je vous invite à découvrir : celles de Myriam Ruszniewski-Dahan  et de Ruth Klüger. MJC  






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