cachés en France (1940-1944) ? (4)
Les « enfants cachés » en « latence »
de reconnaissance
Marion Feldman pose son chapitre avec un parallèle entre les premiers écrits sur les survivants de la Shoah (1970), sur les enfants survivants de la Shoah (1985-1990) c’est par ce parallèle qu’elle met en évidence un fait essentiel aux recherches de ce chapitre : la reconnaissance du traumatisme de la Shoah chez les enfants a été tardive parce que l’enfant pensait t-on « n’avait pas conscience de ce qui se passait » et donc de ce fait oubliait…
C’est à partir d’Anna Freud ( 1954, 1976) et Spitz (1965) que commença le travail de reconnaissance du traumatisme vécu par l’enfant pendant la Shoah, qu’il soit caché ou déporté recherches continuées en 2007 par L.Bailly.
Marion Feldberg présente longuement les travaux de Winnicott à ce sujet (1965.)
Winnicott présente le traumatisme comme « un effondrement dans l’aire de la confiance dans l’environnement », ainsi toute l’organisation de la vie de l’enfant s’en ressent douloureusement avec peur de la mort, perte de sécurité et peur du vide.
(Un jour, je vous présenterai c’est promis le petit livre de Winnicott : Les Enfants et la guerre. Petite bibliothèque Payot 490.)
Les traumatismes liés à la guerre.
Travaux de Winnicott : L’enfant et la guerre
Marion Feldman rappelle que le premier auteur qui a parlé
de l’enfant et la guerre est Winnicott. Il a écrit de nombreux articles sur ce sujet entre 1940 et 1945.
Travaux de Tomkiewicz (1997) Sironi (2002) : L’atteinte de l’enfant au travers de l’atteinte de son groupe quand le black out induit silence et humiliation tant des parents que des enfants.
Les recherches en langue française sont rares et presque absentes en France.
Reprise des termes Holocauste et Shoah.
Holocauste : sacrifice divin. Shoah : destruction particulière (depuis le film de Lanzmann.
Marion Feldman reprend le terme de Shoah.
Quasi-absence d’écrits liée aux situations même où souvent les parents culpabilisaient ou étaient en proie à trop de douleurs. Après guerre tout cela était difficile à gérer y compris au niveau des indemnités à verser (pour les survivants des camps.). Ce n’est que très récemment que les enfants survivants ont eu le droit à des indemnités car on pensait qu’ils « avaient oublié ».
.En fait c’est cet oubli qui est interrogé dans ce chapitre, nous pourrions presque dire que le livre de Marion Feldman est la saga d’un oubli. De quel oubli ? Quand le traumatisme forge l’oubli.
Ceux d’Anna Freud sur les enfants de Terenzin montrent une altération grave du développement de l’enfant et d’un dysfonctionnement évoquant la névrose sans tout autant décrire la délinquance ou la psychose.
Les travaux de Moskovitz portant sur quatre personnes de 37 ans mettent en avant « vulnérabilité » et « résilience ».
Travaux également de Judith Hemmendinger, assistante sociale à l’OSE depuis 1945 qui met en évidence chez ces enfants de la guerre, enfants de Buchenwald, violence, agressivité et troubles de la relation avec les adultes. Ces enfants avaient vécu avant la guerre dans le milieu juif religieux sécurisé de leurs parents.
D’autres travaux encore : Winnik (1968), Wijsenbeek (1977), H. Klein (1978) Robin (1979). Ces travaux abordent pour la première fois la rupture identitaire des enfants cachés séparés brutalement de leur famille.
Travaux de Keilson (1998)
Il note comment l’âge du traumatisme intervient. Il étudie, les trois périodes vécues par l’enfant : avant-guerre, au moment de la séparation et après au moment des retrouvailles.
Keilson montre que plus l’enfant était jeune au moment du traumatisme plus il a souffert.
Travaux de Vegh (1979) Il met en évidence « le conflit de loyauté » vécu par l’enfant (entre les vrais parents et ceux qui le cachent).
Ces travaux menés en Europe, nous dit Marion Feldman, font référence pour ce chapitre.
(Je trouve la description de ces travaux d’une terrible humanité et tristesse sans doute parce qu’ils sont relatifs à l’enfance.
Bientôt, j’étudierai le livre de KORCZAC sous-titré Le droit de l’enfant au respect (Editions Fabert). Ce livre et le livre de Winnicott sur la guerre sont sur ma table de travail. (Patience !)
Psychopathologie des enfants survivants de la Shoah : méthodes qualitatives et quantitatives.
Revues psychologiques américaines éditent des N° spéciaux sur les enfants survivants :
Travaux de Kestenberg quand les enfants grandissent, longtemps après le traumatisme, chaque changement d’environnement les renvoie à la souffrance des séparations vécues pendant leur enfance
Travaux de Gampel : analyse les difficultés d’accès au souvenir. Possibilité de la faire à partir de la mémoire sensori-motrice
Travaux de Haber : l’enfant même dans un environnement devenu bon maintient ses symptômes d’anxiété.
Travaux de Kestenberg et Gampel mettent en évidence la nécessité pour ces enfants de s’adapter aux blessures du passé et d’inventer de nouvelles stratégies pour vivre leur nouvelle vie familiale et sociale. La menace de persécution plane toujours.
Travaux de Krell (1993). Clivage du passé, du présent, de l’avenir. Le souvenir comme outil constructif.
Pardon de résumer.
J’invite mes lecteurs à lire le livre si riches de tant de travaux approfondis.
Le diagnostic du syndrome post-traumatique (ou PTSD) en question.
Controverse des chercheurs autour de la capacité de résilence. Un peu trop pointu pour moi. Je souligne toutefois :
Les travaux de Hogman (1983) qui recueille onze témoignages
Postulat de l’auteur : évènements traumatiques entraînent perte de sécurité affective, hostilité massive de l’environnement, honte, sentiment d’infériorité, méfiance, besoin de s’échapper, de cacher, de se cacher, de sauvé, d’être sauvé.
Les travaux de Moskovitz et Krell (1990) : ils insistent sur la difficulté de reconstruire
Les travaux de Tauber (1966) : insistent sur la nécessité de respecter les possibilités de chacun à reconstruire et les choix de mode d’adaptation
Les travaux de Dasberg (2001) insistent sur le clivage que font ces adultes pour s’adapter.
Les travaux de Koren-Karie, Sagi-Schwartz et Joels (2003) : notion de l’attachement ( référence à Bowlby) avec propagation à la génération suivante.
Les travaux de Kaplan (2006) qui travaille à partir d’enregistrements de témoignages d’enfants survivants à la Shoah. Le traumatisme se retrouve non sous forme de souvenir mais d’affect
Les travaux de Sossin (2007) parlent du double traumatisme : violence, pertes, séparations mais aussi ils sont récepteurs du stress des parents. Le traumatisme affecte la sphère cognitive et les souvenirs. Mise en échec de la symbolisation.
Des méthodologies quantitatives
Des travaux de Sigal et Weinfeld : mise en évidence des effets dépressifs et paranoïaques et capacité de résilience quand les enfants ont connu des rencontres bienveillantes.
Des travaux de Cohen, Brom et Dasberg (2001) : symptômes post-traumatiques chez les deux (camps et enfants cachés)
Des travaux de Lev-Wiesel et Amir (2001) : étude chez les conjoints d’enfants cachés : les épousent souffrent du stress de leur époux
Des travaux de Cohen, Dekel et Salomon : attachement sécure et anxieux
Des travaux de Lev-Wiesel et Amir (2003) : symptômes post-traumatiques des enfants survivants de la Shoah : les symptômes perdurent dans la vie d’adulte. Evaluation des ressources qui permettraient d’amoindrir ses symptômes.
Des travaux dans la revue Américan Journal of psychiatrie, travaux traduits dans la revue Devenir : anxiété et stabilité professionnelle sont étudiées
Une dernière étude allemande de Reulbach et coll (2007) : interrogation sur diagnostic de schizophrénie consécutive au traumatisme..
Psychologie et psychopathologie des « enfants cachés »
Marion Feldman, présente les travaux distinctifs aux enfants cachés et aux enfants survivants ayant été dans les camps.
Film de Myriam Abramovitz sur le couple belge à qui elle doit la vie : Monsieur et Madame Ruyts. Le film est intitulé « Comme si c’était hier ». A chaque projection de son film viennent des enfants cachés. Un jour sa mère décide de les inviter tous à dîner ; Ainsi naît la première association d’enfants cachés 1940-1944 en 1992 The Hiddend Child Fondation
Approche qualitative
Les travaux de Dwork (1991) : distinction entre les enfants cachés « visibles » et les enfants cachés « invisibles » ; cachettes ouvertes, cachettes fermées
Fogelman (1993) : spécificité du vécu de l’enfant caché notamment celle liée à la double identité et notion de deuil qui n’a pu se faire
Dans le même ouvrage Tec met en évidence que le fait d’être caché vient des adultes et nombre d’entre eux deviennent orphelins
Krell (1995) s’attachent à parler des enfants cachés dont les parents ne sont pas revenus
Breiner (1996) : étudie les séparations de l’enfant avec sa première mère puis avec la seconde.
Il étudie aussi l’âge et la durée de l’événement
Valent (1998) et Bluglass (2003) étudient la notion de résilience avec altruisme, humour, sublimation
Gordon (2002) montre les processus psychiques de clivage et répression des émotions
Lev-Wiesel et Amir (2005) parlent des enfants sexuels abusés pendant l’occupation. Particulièrement traumatisant Espace et temps perdus dans leur cohérence, plus regard des survivants
Cohen (2005) aborde la question du silence qui sera rompu par le premier rassemblement d’enfants cachés en 1991
Swartz (2006) reprend ce thème du silence ainsi que Rechtman (2005) sur le mode philosophique.
De nombreux autres thérapeutes encore : Stein (1993), Moskovits (1987), Kestenberg et Brenner (1996°, Kestenberg et Kahn (1998)
Approche quantitative
Mais je m’épuise à tous les nommer ! A vous de travailler à vous de lire ! A vous de prendre des notes ! A vous d’inventer votre lecture ! Moi, je l’inventer rigoureuse, dans le nom à nom des chercheurs…
Un tour d’horizon encore avant de nous quitter, sur la littérature européenne, Anne Frank bien sûr et d’autres et d’autres qui disent la clandestinité, l’échec du deuil, la culpabilité, la peur, l’incompréhension, le silence obligé, le chagrin terrible d’être enfant caché au risque d’en mourir ou de faire arrêter sa famille…
Dans sa conclusion Marion Feldman dit que dans tous ces travaux riches et passionnants, dans leurs multiples directions d’études dont j’ai essayé de vous rendre compte, pas un seul n’intègre dans sa complémentarité l’histoire du pays considéré.
Elle insiste sur son désir d’orienter sa réflexion de l’histoire individuelle en approfondissant l’histoire et l’influence du collectif sur cet individuel en question.
Je terminerai ce chapitre par une question qui me taraude : s’agit-il de « complémentarité des savoirs « ou de « mise au travail du clinicien » sur les différents savoirs. Dans quel temps se ferait cette mise au travail ? Dans l’absence du patient ou en sa présence ? J’ai encore du mal à exprimer ma question mais il me semble tâtonner du côté « du temps » de la thérapie.
Je n’en dirai pas plus pour aujourd’hui car je n’en sais pas plus. Je cherche au fur et à mesure que je lis et que j’écris !!! Comme ça, en arrière-plan de mon pauvre savoir…
Merci infiniment à Marion Feldman pour ce merveilleux chapitre qui dit tant d’hommes et de femmes au travail d’une meilleure compréhension de tant de douleur : celle des enfants cachés.
Vraiment merci à Marion Feldman pour son travail qui m’a « mise au travail »
de la complémentarité et du temps de la thérapie.
Vraiment à suivre, j’ai hâte de continuer ce livre dans le vrai « suspens » que cette chercheuse et clinicienne qu’est Marion Feldman a su créer dans son livre étonnant de savoir et d’humanité.
Patience ! et à bientôt !!!! MJC