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17 mai 2020 7 17 /05 /mai /2020 08:45

Histoire d’une ombre

Vie, mort et mémoire de Fortunée Abignoli

(Le Caire 1890-Sobibor 1943)

Cercle de Généalogie juive 2019

(Livre en vente sur le site du Cercle de généalogie juive.)

 

 

« Il y a là une ombre angoissante où l’on devine un fantôme, témoin d’un crime certainement, à ne pas découvrir, à ne pas questionner, à ne pas penser. » Boris Cyrulnik.

 

«  Les statistiques ne parlent jamais «  Georges Perec

 

Ainsi débute Histoire d’une ombre, l’histoire d’un traumatisme familial.

 

Fortunée était l’arrière-grand-mère de Julien Colet.

Un récit  où s’entremêle à l’histoire de Marseille celle de la destruction des juifs en Europe. Des chapitres aux titres poétiques pour dénouer les fils de sa mémoire. Des chapitres denses pour découvrir une ombre. Des chapitres qui font alterner une histoire de vie et l’Histoire.

A l’origine, Un petit album brodé de fils d’or qui montre Fortunée, heureuse, entourée de sa famille dont Roger son fils, Laure sa fille, grand-mère de l’auteur. Trois êtres couleur de paix sur un balcon ensoleillé. Plus loin la cousine Nina, si proche de tous.

Des photos qui surprennent, écrit Julien Colet, une dernière respiration d’insouciance.

 

Une trace du temps.

L’auteur cherche le temps.

 L’auteur, comme une dette, cherche son arrière-grand-mère.

 L’auteur, comme une dette,  cherche le déroulé de la grande Histoire, celle que Perec décrit comme une grande H. Une hache qui a tranché la vie de Fortunée à Sobibor.

 

 Une respiration. Le souffle créateur de l’auteur.

Inspire : la grande histoire des années 40, celle qu’on appelle la seconde guerre mondiale.

Expire : Fortunée, une femme qui aimait écrire, qui s’appliquait quand elle le faisait, qui avait peur d’écrire des « sautises », qui tricotait des écharpes à Roger, son fils, qui parlait tendrement à Laure, sa fille. Une femme qui aimait ses deux enfants, Laure, née en 1920, Roger, né en 1923. Il était une fois l’Egypte. Il était une fois Moïse. Le père, le grand-père, l’arrière-grand-père.

 Il était une fois Compiègne, Drancy, Sobibor. Avec ou sans statistiques. Des chiffres monstrueux  et des êtres merveilleux.

 

Il était une fois l’Histoire d’une ombre.

Julien Colet, professeur d’histoire-géographie dans un collège a donné un nom à cette mort, à cette ombre. Je vous laisse découvrir ce nom.

 

Julien Colet, mon fils.

Fortunée, ma grand-mère.

Fortunée son arrière-grand-mère.

 

Une femme juive, Hanem, morte d’être juive.

 

Lire Julien Colet, tourner les pages de l’Histoire d’une ombre et se taire, les yeux embués de larmes.

 

Un très beau livre.

Merci Julien.

Bonne route !

 

MJA

 

 

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8 mai 2020 5 08 /05 /mai /2020 08:09

Arendt, H (1966, 2002). Eichmann à Jérusalem. Paris : Gallimard. Folio histoire. N°32.

Coquio, C et Kalisky, A. (2007). L’Enfant et le génocide. Paris : Robert Laffont. Bouquins. 316-326

Deligny Fernand (1998). Œuvres. Paris : Dunod.Houssaye, J. (2000). Janusz

Korczak, l’amour des droits de l’enfant. Paris : Hachette. Collection Portraits d’éducateurs.

Korczak, J. (1929, 1979). Comment aimer un enfant suivi de Le droit de l’enfant au respect. .Paris : R.Laffont.

Korczak, J. (1922, 1982). Seul à seul avec Dieu. Paris : Cana. Collection Sagesse.

Korczak, J. (1922,2012). Le roi Matthias 1er. Paris : Editions Fabert. Collection J.Korczak.

Korczak, J. (1925, 2012). Le roi Matthias sur une île déserte. Paris : Editions Fabert. Collection Janusz Korczak.

Korczak, J. (1930 ?,2010). Kaytek le Magicien. Conte. Paris : Editions Fabert. Collection Janusz Korczak.

Korczak, J. (1930-1939, 2012) De la pédagogie avec humour suivi de Les feuilletons radiophoniques du vieux docteur. Paris : Editions Fabert. Collection Janusz Korczak.

Korczak, J (1940, 2012). Journal du ghetto. Paris : Robert Laffont. Pavillons poche.

Korczak, J (1913,2013). La Gloire. Paris : éditions Fabert. Collection Janucz Korczak.

Korczak, J. (1928,2009). Le droit de l’enfant au respect. Paris : Editions Fabert.

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24 novembre 2013 7 24 /11 /novembre /2013 16:53

Charles Gardou, Sylvie Guillaume, député européenne, adjointe au maire de Lyon et Jean Marc Maillet-Contoz, lui-même-en situation de handicap, créateur lyonnais d’un magazine sur le handicap ont lancé un appel national qui pose ces questions cruciales.

Je cite Charles Gardou :

« Pourquoi avons-nous laissé éteindre le souvenir d’enfants, femmes et hommes, fragilisés par la maladie et le handicap, exterminés par le régime nazi mais aussi condamnés à mourir par celui de Vichy ? Pour quel motif avons-nous refoulé dans une amnésie collective l'histoire de ces humbles victimes de la folie des hommes ?

  Ce projet propose un acte-symbole d’égalité, de fraternité et de solidarité avec les plus fragiles. Un acte pour rétablir l’équité et réparer un déni de reconnaissance, une forme de discrédit des personnes en situation de handicap, qui s’ajoutent à bien d’autres. 

Ce projet  répond à un devoir tant de témoignage et d'humanité que de vérité et de justice »

 

 

Oui, un pourquoi que nous ne pouvons ignorer

  Ne l’ignorons pas ! Lisons, cherchons, interrogeons sans relâche. Le massacre des personnes handicapées par les nazis, on préfère le taire ou en parler peu. Taire la honte d’un tel massacre est inacceptable. Les livres sont aussi là pour parler. Relisons le splendide roman de Charles Juliet  Lambeaux.  Il nous conte l’histoire de sa mère morte dans un hôpital psychiatrique pendant la seconde guerre mondiale. Elle ne fut pas assassinée par les nazis, les français, là encore, ont  su prendre le relai. Charles Juliet écrit :

« Une guerre éclair et la France ne tarde pas à sentir peser sur elle la botte de l’occupant. Très vite celui-ci met en place la politique qui va viser à éliminer ceux qui, selon lui, appartiennent à une sous-humanité.

Dans cet hôpital où tu te trouves, la mortalité augmente.

Chaque matin, en ouvrant les portes les surveillantes ont un mouvement de recul. Les salles sentent le cadavre. Un de ces matins-là, un jour de juillet –tu viens d’avoir trente- huit ans- on constate ton décès. Tu es morte de faim. » (Lambeaux. Charles Juliet (Folio poche. p.88)

 

La littérature, c’est cela aussi, dire l’inacceptable.

 

Lire la littérature, c’est aussi, apprendre, à symboliser ce qui fut le mal absolu, en ne permettant pas de l’oublier.

 

Lire la  littérature, c’est aussi chercher, questionner, dénoncer… pleurer…puis lire encore pour mieux travailler encore. Pour mieux s’engager encore.

 

Lire et travailler sans relâche, chacun du lieu de sa place, de sa vie, de ses engagements, de son âge, de ses choix, de ses balbutiements et de ses certitudes.

 

Lire, écrire, travailler, choisir mais surtout ne pas renoncer. Dire, chaque jour.

 

Mon choix d’aujourd’hui, chers Inventeurs, est celui de penser aux personnes handicapées assassinées par les nazis. Penser est sans doute l’acte le plus noble de l’homme. Celui, si nécessaire, nous a transmis Hannah Arendt pour dire NON au totalitarisme !  Ce totalitarisme qui a assassiné des personnes handicapées.

 

Relisons aussi, les écrits de Bonnafé et d’Oury, l’équipe de Saint Alban. J’avais 20 ans, j’étais étudiante en psychologie clinique. J’étudiais pour un DESS. Je faisais un stage en psychiatrie. Le médecin-chef, le professeur Ribstein me les enseignait.

 

Oui lisons sans relâche, dans le présent du souvenir, dans le souvenir du passé.

 

N’oublions pas et apprenons à commémorer ceux qui ont tant souffert et qui ont été assassinés. MJA

 

.................

 

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11 novembre 2012 7 11 /11 /novembre /2012 19:04

SIDIC Aujourd’hui, j’ai découvert le site du SIDIC (Service Information Documentation Juif et Chrétien). J’ai lu, et j’ai souhaité poser sur mon blog, ceci :


Pourquoi aller à Auschwitz ? 

Cette question, nous nous la sommes posée lorsque, la première fois, nous a été donnée la possibilité de participer au Train de la Mémoire. La seule chose claire que nous ressentions avant d'avoir découvert les camps d'Auschwitz, c'était que le drame de la Shoa lui-même nous interpellait par son immensité. Aujourd'hui, nous pouvons porter témoignage : la Shoah nous atteint au plus profond de notre humanité, à titre individuel comme à titre collectif.
Participer au Train de la Mémoire permet de s'informer, d'échanger, de réfléchir sur cette question sans fin de la Shoa.

Du 11 au 15 novembre 2012, environ 450 élèves de Première et Terminale de 17 établissements scolaires se rendront à Auschwitz pour « raviver la mémoire ». Un groupe d'adultes les accompagneront.

J’ai lu aussi cette très belle lettre


Train de la mémoire

Lettre d’invitation du père Jean Dujardin 

Pour la sixième fois, nous proposons aux élèves de 1ères et de terminales de

participer au Train de la mémoire. Des professeurs ou des anciens élèves qui ont pris part à

ceux que nous organisons depuis 1995 ont pu ou pourront raconter ce qu’ils ont vécu,

éprouvé, en quoi cette démarche les a marqués. Cela est d’autant plus important qu’à travers

l’événement de la Shoah l’humanité est interpellée d’une manière unique. Comment des

hommes ont-ils pu nier l’humanité de l’homme en la personne des Juifs et des Tziganes ?

L’horreur de la Shoah n’est hélas pas unique au XXe siècle, même si elle atteint des degrés

d’horreur inouïs. Mais à travers la volonté nazi « d’éradiquer », selon leur terme, le peuple

juif de l’histoire, nous sommes en présence d’un « paradigme» qui nous appelle aujourd’hui

encore à méditer sur la profondeur de tous les génocides.

Il est essentiel que les jeunes n’envisagent pas ce voyage comme un voyage scolaire

parmi d’autres mais comme une démarche personnelle qu’ils préciseront dans la lettre de

motivation que nous leur demandons.

Nous avons choisi de le faire par le train, non pas comme une imitation de ce qui a été

vécu par les déportés, ce qui serait intolérable, mais parce qu’il nous a semblé, qu’au-delà

de la préparation engagée par les établissements d’un point de vue historique et à l’écoute

des survivants, il est nécessaire pour eux qu’il y ait un cheminement progressif. Temps

nécessaire pour passer de la vie ordinaire à cette rencontre unique entre toutes. De même

au retour il est non moins indispensable que les jeunes « écrasés » en quelque sorte par

l’expérience, puissent parler librement entre eux, et partager avec les adultes qui les ont

accompagnés leur questionnement.

Que dire de plus ? Les témoignages recueillis depuis plus de dix ans parlent d’euxmêmes

sur la profondeur du bouleversement vécu. Une jeune femme venue en 1995 écrit

en 2004 :

« Il y a neuf ans déjà. Vous avez dit neuf ans ? J’ai de la peine à le croire. C’est étrange, je

me souviens du voyage comme si c’était hier, et à la fois ce souvenir est comme hors du

temps, au-delà du temps… Aller à Auschwitz, c’est aller à la rencontre de l’humain, dans sa

fragilité, dans sa totalité, dans tout ce dont il est capable… Je ne suis ni Juive, ni

Allemande. Je ne m’identifie ni à la victime, ni au bourreau… je m’identifie à l’homme que

j’ai rencontré en ces lieux et je prends pleine conscience de ma dimension humaine,

capable de bien et de mal… Je me sens encore aujourd’hui chargée d’un devoir de partage,

de mémoire…envers le peuple juif, envers tout peuple qui souffre, envers tout être humain,

car c’est en se souvenant de l’horreur de l’homme que l’on peut voir sa beauté et travailler à

la faire grandir ».

C’est à un voyage intérieur que nous convions les jeunes en les conduisant à découvrir

ce qui s’est passé en ces lieux. Nous les conduisons sur un lieu de mort, non pas seulement

sur un lieu où des êtres sont morts, mais sur un lieu où l’on a voulu détruire l’humanité de

l’homme avant de le faire mourir. Le peuple juif en fut la victime principale. Considéré

comme l’anti-homme, il fallait qu’il disparaisse de notre histoire, de notre culture parce

qu’il portait les sources morales et religieuses de notre vision de l’homme. Au-delà de la

stupéfaction, de l’émotion, c’est un questionnement qui saisit les jeunes. Qu’est-ce que

l’homme ? Quelle est cette liberté et quelle est cette responsabilité dont nous jouissons ?

Qu’en faisons-nous ? Comment des hommes ont-ils pu commettre un tel crime ?

Ce voyage extérieur et intérieur, le témoignage des jeunes en atteste la profondeur, les

marque à tout jamais. Je dois ajouter que je suis toujours stupéfait de la capacité de

réflexion dont ils se révèlent capables. J’en suis toujours bouleversé.

 

Père Jean Dujardin, Mai 2008

 

C’est aussi aujourd’hui, le 11 novembre. Oui, l’histoire, c’est cela : penser à ce qui fut le meilleur et le pire de l’humain.

 

Penser permet de continuer.

 

Oublier, c’est la fin.

 

Je commémore, tu commémores, il ou elle commémore, nous commémorons, vous commémorez, ils ou elles commémorent.

 

Mais aussi,

 

Je prends, tu prends, il ou elle prend, nous prenons, vous prenez, ils ou elles prennent le train de la mémoire, avec des jeunes.

 

Devoir de transmission.

 

Et puis, lisons, relisons Charlotte Delbo et quelques autres… Avec eux, inventons un monde presque meilleur, sans fascisme. Oui, chers Inventeurs, inventons ! Mais surtout, continuons !

 

Je continue, tu continues, il ou elle continue, nous continuons, vous continuez, ils ou elles continuent.

 

En train, à pied, à cheval ou en voiture mais toujours nos bouquins en poche !

 

Je lis, tu lis, il ou elle lit, nous lisons, vous lisez, ils ou elles lisent.

 

MJA

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16 octobre 2012 2 16 /10 /octobre /2012 19:36

Mon ami Elie.

Toute sa vie, toute son énergie, jusqu’au bout, il les a mises au service de la transmission de la Shoah. Je me souviens de cet été  2009, sur la terrasse de mon jardin ensoleillé, Emmanuela, Elie, moi. Quelques feuilles de papier, un vieux stylo, du thé  et votre voix,  Elie,  vibrante de vérité et de souvenirs. Vous m’avez fait l’honneur de me les transmettre. Le temps a passé comme un jour. Cet après-midi, le ciel gris se reflétait dans mes larmes. Je vous savais parti pour toujours. Une poignée de terre sur votre cercueil, comme un dernier adieu à votre regard bleu que j’aimais tant, à votre sourire si grave, au timbre de votre voix obstinée à dire la Shoah, les rafles, la police française, les nazis. Votre grand saut.

La tradition juive le veut ainsi : tout recommence toujours. La lecture de la Torah terminée, on la recommence, cette lecture, jusqu’au bout, pour la recommencer encore et encore. La vie ne s’éteint pas. Alors sur mon blog, obstiné comme votre voix, je pose à nouveau vos souvenirs.

Chers Inventeurs, prenez en soin. Ce sont les souvenirs d’un homme exceptionnel, d’un homme intègre, d’un homme courageux, d’un homme engagé dans un combat auquel il n’a pas renoncé une seule seconde : la transmission de la Shoah.

Elie, un jour, votre regard planté dans le mien vous m’avez dit : « vous continuerez ? ».

Oui Elie, je continuerai, avec d'autres, vos proches, vos amis, les miens.

A toute sa famille, ses filles, son fils, ses petits-enfants et surtout à mon amie Emmanuela, sa femme,  j’adresse mes douces condoléances. MJA

 

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16 octobre 2012 2 16 /10 /octobre /2012 19:17

J'ai écrit cet article il y a plusieurs années, depuis lors, j'ai changé de nom et me nomme Marie-José Annenkov.

Mon ami Elie Arditti, ce jour là, chez moi, avec sa femme mon amie me confiait ses souvenirs. Nous étions au coeur de l'été 2009.

ILIYA  ARDITI (nom sous lequel j’ai été arrêté)

ELIE ARDITTI (en français)

Né le 15 mai 1924 à Smyrne en Turquie.

 Ma première école a été l’école libre catholique Saint Joseph de l’apparition, dans la banlieue de Smyrne, tenue par les religieuses où j’ai appris le français.

22 août 1934, arrivé à Marseille avec ma mère et ma sœur Victoria, puis départ pour Paris vers 1935 (?). Retour à Marseille où nous avons habité au 23 de la rue Glandèves chez monsieur et madame Jechaya et Rachel Reskenazi. J’allais à l’école communale en haut de la rue Sainte dans le quartier de la Corderie. Puis, de retour à Paris, je suis allé à l’école rue Keller dans le 11ème arrondissement, auparavant en 1934, j’étais allé à l’école rue Erckman Chatrian dans le 18ème arrondissement. J’ai obtenu le certificat d’études en 1937, puis j’ai commencé à travailler.

 13 juin 1940 à 14 heures, je quitte Paris à pieds (il n’y avait plus de train) avec ma mère et ma sœur en exode (les Allemands rentrent dans Paris le 14 juin)  par la porte d’Orléans jusqu’à Nemours où nous trouvons un train avec des soldats français, nous montons dans un wagon de charbon vide et découvert. C’est le  15 juin vers 15 heures, nous sommes attaqués par des avions qui bombardent le train puis en raz motte nous mitraillent. Nous abandonnons le train avec nos affaires et nous nous enfuyons en sautant du wagon vers la lisière de la forêt toute proche. Au retour, il n’y a plus de train, nous allons toujours à pied jusqu’à Montargis où le lendemain nous trouvons un autre train avec des soldats français, nous montons avec eux. Ils nous donnent à boire et à manger, le 17 juin nous arrivons à Saint Germain des fossés (Allier), à 12 kilomètres au Nord de Vichy où on fait descendre tous les civils. Nous sommes très bien accueillis par le maire et par la population. Nous allons chercher de la paille et nous passons la nuit à l’école, par terre. Le lendemain matin 18 juin 1940 vers 6 heures, ma mère me réveille et nous dit en espagnol : « levez-vous mes enfants, venez voir ! » Et nous avons vu passer sur la route devant nous des tanks avec drapeaux à la croix gammée. Donc, il n’était plus nécessaire de fuir vers le Sud, ils nous avaient rattrapés.

 Puis, par l’intermédiaire de la Croix rouge, nous avons appris que mon frère Albert qui était engagé volontaire était au camp de Septfonds, dans le Tarn et  Garonne, où après avoir trouvé du travail à Montauban, il s’était fait démobiliser. Notre mère et ma sœur Victoria, nous sommes allés retrouver Albert en septembre 1940. C’est pour cela que fin novembre 1940, nous sommes partis pour Marseille suite aux lois de Vichy et le 1er décembre 1940 je trouvais un emploi dans une confiserie foraine derrière la bourse. L’Enseigne était « Confiserie orientale ».

Mais en tant que réfugiés, étrangers on était devenus « indésirables . »  La loi du 2 juin 1941 appelait tous les juifs à se déclarer à l’hôtel de ville (service de la Police Administrative. )

A Marseille, je reçois une feuille du petit commissariat de quartier près du cours Lieutaud, disant de me présenter au 804 à Saint Jérôme. Ne comprenant rien, je me présentais à ce commissariat où l’on me dit : « prenez le tramway et allez à Saint-Jérôme, » ce que je fis :  à Saint Jérôme je vois des petites plaques en bois indiquant le chemin du 804, je continue  et tout en avançant je vois des GMR (Groupe Mobile de Réserve) de chaque côté puis au fond une entrée 804. Je suis loin de me douter que c’est un camp. Une fois dedans on ne sort plus. On prend mon nom Arditti Iliya et je vois plein de monde, que des hommes, tous juifs. (En fait ils avaient écrit « ARDITI, avec un t).

Un homme s’approche de moi et me parle en allemand, un autre juif traduit et me dit « c’est un juif allemand », il est médecin, il est interné comme nous tous ici, voyant que je me grattais, il regarde mes mains et me dit toujours (par l’intermédiaire de l’interprète) : « Tu as la gale, c’est bon signe ! » Demain, ou après demain le docteur va venir, tu te fais porter malade et pendant le transfert à l’hôpital tu t’évades, si tu as la chance entre temps de ne pas être appelé. Car dans la journée des camions venaient, ils appelaient des noms et ils montaient dans le camion. Les GMR fermaient la bâche à l’arrière, et ils s’en allaient, ni vu ni connu, en traversant Saint Jérôme.

Pendant mon transfert, je ne me suis pas évadé car il était facile de s’en prendre à ma mère et à ma sœur.

Je fus conduit dans un pavillon de la prison des Baumettes, Le Dantec où cinq jours après, je réussissais en rampant à passer par la porte, à m’évader, alors qu’un camion bâché venait de rentrer. Il tombait quelques flocons de neige.

Par la pinède je courrais jusqu’à l’avenue du Prado où je montais dans le 1er tramway  en direction Place Castellane. Comme à l’arrivée au Dantec, au bureau on m’avait pris le peu d’argent que j’avais, sur le tramway, il y avait un jeune homme, sans lui raconter d’où je venais, je lui dis que je n’avais pas de sous et lui demandais s’il voulait payer mon ticket, il m’a dit que oui.

Le vendredi 22 janvier 1943, je travaillais à la confiserie comme d’habitude, depuis le 1er décembre 1940. A partir de 10heures du matin je commençais à remarquer l’arrivée par la porte d’Aix et le cours Belzunce un défilé ininterrompu de camions bâchés et de side-cars avec plein de GMR jusqu’au soir. J’étais loin de me douter de ce qui nous attendait, nous les juifs, la nuit prochaine. Après mon travail, je rentre tranquillement chez moi (veille de Shabbat) au 13 rue d’Aubagne.

Dans la nuit à deux heures du matin, alors que nous dormions, on frappe à la porte : POLICE, OUVREZ !

Ma sœur Victoria ouvre, un civil demande « Contrôle d’identité ! » Elle montre les papiers avec le tampon JUIF en rouge, le policier civil dit : « Suivez nous ! » Ma mère cardiaque (elle était soignée par le Docteur CHAOUAT, juif aussi) est prête à se lever. Je dormais sur trois chaises derrière la porte (je n’avais pas de lit) et le policier ne m’avait pas vu. J’entends le policier qui dit à ma mère : « Prenez une couverture ! » A ce mot de couverture qui me réveille je compris ce qui nous attendait ; Je dis en espagnol à ma mère « Ne bougez pas mère, on ne reviendra pas ! »

Le policier dit : « Qui c’est ? » Ma sœur répond : « C’est mon jeune frère.. » Ma sœur propose d’aller demain pour le contrôle d’identité. Ma mère est prête debout, je lui serre fort le bras et lui répète en espagnol : « Ne bougez pas ( je la vouvoyais) on ne reviendra pas ! » Le policier dit qu’il y en a pour deux minutes. Ma sœur qui a commencé à comprendre insiste : « Contrôlez ici les papiers, nous sommes turcs, notre pays est neutre. » Réponse du policier : « Je ne vous demande pas si votre pays est neutre, SUIVEZ-NOUS ! » Alors derrière le civil, un jeune GMR lui dit : « Laissez là la pauvre, elle est malade. » Perplexe, il prend les cartes d’identité et les cartes d’alimentation de nous trois et marque sur un papier : Madame Arditti étant malade, sa fille reste pour la garder et à moi, il me dit « VOUS ! VENEZ » et il me remet tous les papiers et me dit « Vous donnerez tous les papiers au commissaire en bas qui décidera. »

J’avais deux gabardines, en partant ma sœur veut me donner la neuve, je lui dis « donne-moi la vieille car je ne reviendrai pas »

En descendant les escaliers, j’ai compté : ils étaient 6GMR avec des mitraillettes et trois civils qui continuaient la rafle en faisant du porte à porte.

Arrivés au premier étage, je demandai au GMR « Je peux aller pisser un coup ? » (Je n’en avais pas envie.) Il me dit « Oui. » Je suis allé au bout du couloir où il y avait un cabinet, je pris les papiers de ma mère et de ma sœur et les cachaient dans mon slip. Arrivés en bas, devant l’immeuble, il avait un camion et des policiers civils. J’ai été fouillé, on a noté mon identité. Celui qui avait l’air d’être le commissaire me dit  : « Vous êtes seul ? » Je répondis « Oui »  et il ajoute : « Vous n’avez pas de famille ? » Je réponds « Non ! » Alors il dit au GMR « Allez ! Embarquez le ! » et je fus emmené sur la petite place où il y avait la halle aux poissons où un autre camion nous attendait. A ce  moment là, j’ai tendu la main à une dame d’environ 60 ans pour l’aider à monter dans le camion,  là,  elle s’est tournée vers les policiers et dignement elle a dit : « On nous embarque comme des moutons à l’abattoir » et elle s’est assise à côté de moi. Un monsieur, son fils est monté ensuite et m’a raconté qu’il était chanteur d’Opéra à l’Opéra de Marseille dans le rôle du Ténor : Mario Cavarodossi dans la Tosca et qu’il venait de chanter « c’est mon dernier jour, je meurs désespéré » et « maintenant c’est pour de vrai ».  a-t-il ajouté. Il m’a dit que sa mère était veuve à la  suite de la guerre de 14 et que lui était pupille de la nation. Le camion plein, il est parti par la rue Saint Ferréol. En route, par la bâche un peu ouverte, j’ai pu voir le trajet : Préfecture, Castellane, Prado. Le camion était conduit par  un GMR et à l’intérieur du camion, à l’extrémité, face à face, il y avait 2 GMR. Ils étaient donc trois pour nous emmener.

Arrivés au Baumettes, les camions, avant de nous décharger, tournaient prêts à repartir, l’arrière du camion donnant sur l’entrée de la prison. J’ai vu à côté de moi d’où on avait déchargé, tourné prêt à repartir, l’arrière du camion donnant sur l’entrée de la prison. J’ai vu à côté de moi d’où on avait déchargé les passagers d’un autre camion une femme qui réclamait ses béquilles restées dans le camion. « Mes béquilles, je ne peux pas marcher sans elles » dit-elle et j’ai vu et entendu un jeune GMR lui dire: « Oh bientôt vous n’en aurez plus besoin ! »

En entrant en prison, on nous a rassemblés dans le hall sur la gauche, où j’ai rencontré Madame Elisa VALARIOLA et Madame Rachel CAPELLUTO, deux voisines qui m’ont dit en espagnol : «  Qu’est-ce qu’on va nous faire Elie ? :   Je répondis  « Oh ! rien », puis elles ajoutèrent : « ils vont nous libérer.»  Je répondis : « Bien sûr ! «  (je mentais.) « Que Dieu t’entende ! mon fils » m’ont-elles répondu en espagnol. Je ne devais plus les revoir.

A côté de moi, à ma gauche, il y avait une jeune femme avec un « GROS VENTRE », elle tenait de sa main gauche une fillette qui ne devait pas avoir encore 3 ans. A ma droite, une autre jeune femme, avec un bébé dans ses bras. Plus loin, une autre femme qui m’a montré un tout petit chien caché dans son manteau contre sa poitrine, elle m’a dit : « Je suis seule, je n’allais pas le laisser à la maison mourir de faim. »

Des enfants en bas âge, tenaient leur père par leur main. A un moment, à environ 20 mètres de moi, j’ai vu un civil (Gestapo peut-être ?) faire un signe de la tête, et des civils qui étaient mélangés avec nous, en moins d’une minute, ont arraché brutalement les enfants des mains de leur père, et les femmes et les enfants furent séparés des hommes. Les civils n’ont pas dit un mot, ils avaient l’air d’avoir de l’expérience, ce qui m’a fait penser que ça devait être la Gestapo (? ) car je n’osais pas penser que des français fussent capables de tout cela !

Puis nous avons été dirigés dans une salle à côté par petits groupes, où un civil nous a dit : « LES JUIFS, deux pas en avant ! » Automatiquement, je me retournai, nous avions tous avancé, nous étions tous juifs. Devant, il y avait des tables et derrière ces tables, des fonctionnaires français assis qui notaient notre identité. Il m’a fallu vider mes poches, j’avais un petit canif en nacre (cadeau de mon frère Albert), tout est resté sur la table.

Le fonctionnaire m’a demandé si j’avais des armes, je répondis « Oui, j’ai une mitrailleuse ! » Je voulais me payer le luxe de me foutre de sa gueule, parce que je sentais que c’était fini.

 Puis nous avons été conduits au 2ème étage de la prison dans les cellules ouvertes. Nous étions 6 hommes par cellule, il n’y avait ni lit , ni eau, ni cabinet. Le cabinet se trouvait au bout du couloir.

Le samedi 23 janvier vers 18 heures, on nous a appelés au rez-de-chaussée  pour nous donner une assiette creuse, une cuillère à soupe et un quart, le tout en métal. On nous a rempli « DE SOUPE » la moitié de l’assiette, avant de revenir à la cellule car en 3 ou 4 cuillérées j’avais tout bu. Il y avait des hommes âgés qui donnaient leur part à des jeunes, car ils n’avaient pas faim. Avec le quart en métal j’allais puiser de l’eau dans la chasse, en haut des cabinets. Je buvais, puis j’apportais à boire à nos voisins âgés.

 En revenant des cabinets, à côté des escaliers, j’ai vu une porte ouverte qui menait sur les toits, je suis monté et à plat ventre, j’ai regardé s’il était possible de s’évader par le toit. J’ai vu que c’était impossible.

 Le dimanche 24 janvier à 5 heures du matin, on nous annonce qu’on va être libérés. Du 2ème étage où j’étais, je cours pour me trouver le premier à sortir. Alors à ma droite, un jeune civil dit : « Ne poussez pas, vous Y passerez tous »

Intrigué par le Y, j’arrête de pousser. A 5h30 les portes de la prison s’ouvrent, et ce que je vois me fait comprendre ce que voulait dire le Y.

J’aperçois des soldats allemands, je vois « des paniers à salade » vitrés avec des barreaux, on nous fait monter dedans. Le chauffeur est un gendarme, et à l’intérieur, près des portes arrières, face à face, deux gendarmes français, ( oui, il faut le dire).

Le convoi se met doucement en route, de chaque côté, tous les 10/15 mètres environ, jusqu’à la gare d’Arenc où nous arrivons à 6h 45, il y a des soldats de la

WERMACHT, baïonnettes à canon pointé sur nous, et en plus de temps en temps des officiers SS avec les chiens bergers « allemands. »

Les officiers SS se tenaient tellement raidis que devant les gendarmes j’ai dit : « Ils sont fiers, ils se tiennent tellement droits qu’on dirait  qu’on leur a planté un manche à balai dans le c… (pardonnez-moi mon insolence j’avais 18 ans et demi !)

Nous sommes passés par le Prado, Castellane, la rue de Rome, le cours Belzunce,  la porte d’Aix.

 En franchissant dans le « panier à salade », l’entrée de la gare d’Arenc, j’ai pu voir sur la gauche, un groupe de SOL (Miliciens de Joseph Darnand. SOL : Service d’Ordre Légionnaire) au garde à vous devant les SS, puis des civils souriants –l’air satisfait et fiers de la besogne qu’ils étaient en train d’accomplir. Des GMR, des officiers SS avec toujours les chiens.

Le « panier à salade » s’est dirigé en tête du train parmi les premiers wagons. Sur la photo prise par les allemands (Histoire de Marseille en 13 évènements sous la direction de Philippe Joutard) on peut voir,  sur la gauche du wagon, le plomb qui va servir à fermer le wagon. Je suis parmi, les premiers à monter et je donne la main pour aider les autres. A un moment donné (l’homme à casquette qui donne la main, celui qui est près de la porte) me dit : « Passes la main, tu es crevé ! »  Plus tard, cet homme me dira qu’il a soixante ans et qu’il est de MIRAMAS. Il venait voir ses petits enfants à Marseille et il a été arrêté à la gare. Après que cette photo fut prise, on voit que le wagon est plein, un civil nous a dit : « Levez les bras pour faire de la place ! » et ils continuent à embarquer des hommes (60).

 Avant le départ, ils ont jeté dans le wagon 7 boules de pain et 3 ou 4 boîtes de conserve, qui d’ailleurs sont restées dans le wagon.

A 7 heures le wagon fut plombé de grosses pinces par un ouvrier que l’on aperçoit courbé à gauche de la porte.

 Le train a démarré à 10 heures. Juste à ce moment, tous les passagers ont récité le KADDISH (la prière des morts). Pour pouvoir respirer et gagner de la place, nous nous sommes encastrés l’un dans l’autre, c’est à dire : celui qui était devant mettait son dos contre la poitrine de l’autre et ainsi de suite, nous avons pu rester assis. Après le départ, nous avons essayé avec les mains d’arracher le plancher, puis en se faisant soulever, donner des coups de poings au plafond, sans résultat.

Dans l’après-midi, lors d’un arrêt en rase campagne, j’ai entendu des aboiements puis des gifles et gueuler en allemand. J’ai vu un peu par la fente ; on venait de lancer les chiens après un fugitif d’un wagon devant le nôtre.

Après cela, lorsque le train s’est remis à rouler, des hommes ont ouvert la lucarne et voulurent sauter. Le grand-père de Miramas les a empêchés en leur disant : « Attendons la nuit » et c’est lui qui m’a dit : « Lorsque tu va sauter, ne saute pas droit, tu serais happé par le train. Tu fais comme lorsque tu descends d’un tramway, à part que ça roule un peu plus vite, mais saute dans le sens de la marche. » (Son conseil m’a servi.)

  Dans la soirée, je me suis assoupi, nous n’avions pas une goutte d’eau pour personne ; tout d’un coup j’ai senti l’air frais. Des prisonniers avaient ouvert la lucarne et le premier à sauter  fut le grand-père de Miramas. Nous faisions la queue, j’étais le 4ème , mais un homme m’a dit : « Laisse-moi » ton tour, je suis père de famille, j’ai des enfants. Je laisse mon tour puis un autre m’a dit : « Laisse moi passer avant toi j’ai une famille et des enfants », je le laissai passer aussi. Je me préparai à sauter quand un autre voulut mon tour avant que les gardes ne se rendent compte et nous tirent dessus. Je refusai en disant : « Moi, j’ai ma mère ! » et c’est ainsi que je sautai le 6ème, de la lucarne j’ai atteint le marchepied et de là c’était moins haut et plus facile, ce qui fait que je m’en suis sorti sans mal, juste les genoux et les mains un peu éraflés. Je fis le mort jusqu’à ce que tout le train fut passé, je me suis relevé lorsque j’ai vu le dernier wagon disparaître.

Avant de sauter, un homme s’est mis à crier : « Alerte les gardes, ils s’évadent ! » Je lui sautai au cou et lui ordonnait de se taire enfin disant « Tais-toi où je t’étrangle ! » J’ai honte d’avoir tutoyé et agis ainsi envers un homme qui devait avoir plus de 50 ans que moi. Il me dit que s’il manquait un seul à l’arrivée ils nous tueraient tous. Je le raisonnai et je réussis à le calmer en lui disant qu’à l’arrivée, n’importe comment nous allions tous être tués (j’ignorai comment) et que si quelques uns échappaient, ils pourraient nous venger et raconter, alors il s’est calmé  et j’ai pu sauter. Dans notre wagon, le plus jeune avait 16 ans et les plus âgés 75 ans environ.

Dans la journée, il y a des hommes qui ont écrit sur des bouts de papier des messages avec adresses de leur famille et les ont jetés par la fente pendant la marche. Pour ma part, j’ai refusé d’écrire  afin de ne pas mettre l’adresse de ma mère.

 Depuis mon arrestation au 13 rue d’Aubagne, jusqu’à mon évasion du train, 42 heures s’étaient écoulées : 42 heures qui m’ont marqué pour toujours malgré que je n’ai pas souffert. Je pense sans cesse à tous ceux qui étaient dans mon train.

 Lorsque j’ai retrouvé ma mère et ma sœur voici ce que m’a raconté ma sœur Victoria.

Le samedi 23.01.43, ma mère et ma sœur ne me voyant pas revenir, ma sœur est allée au petit commissariat qui donne sur le cours LIEUTAUD, elle a dit au policier  qu’elle venait aux nouvelles de son frère parti dans la nuit avec les policiers pour quelques minutes. Alors le policier a demandé à ma sœur : « Faîtes voir vos papiers ! » ma sœur a répondu « Justement, je n’ai plus de papiers ! » Puis il lui a dit « Attendez ! je vais voir le commissaire dans son bureau. » Lorsqu’il est revenu ma sœur avait disparu, elle commençait à comprendre et elle s’est enfuie du commissariat. »

  Elie Arditti,

Montauban le 18 juillet 1992

 Elie Arditti a relu soigneusement ce témoignage avant son insertion sur mon blog et en reconnaît la validité. Bien sûr, il porte en son cœur, d’homme de 85 ans la pleine responsabilité de ses propos et de ses souvenirs ; je le remercie vivement de sa confiance et de me les avoir confiés. La vie a autorisé notre rencontre qui devint amitié. J’en suis pleinement heureuse.

 Enfin, je tiens à donner les références du film de Jacob Haggaï :

 « Un saut pour la vie. Marseille … Rafle du 22 janvier 1943 »

Un témoignage de Elie Arditti

Film documentaire :

Réalisation / Cadre : Jacob Haggaï

Montage : Matthieu Soudais

Enquête : Nancy Moyen

  Ce documentaire relate la totalité de l’évasion de Elie Arditti, de ce train qui roulait sur Compiègne et qui de Compiègne devaient prendre une nouvelle destination : celle des camps de la mort.

  A tous dans le silence de mon travail si intériorisé, vont mes pensées  de femme du jour présent, dans l’été naissant de 2009.

 Et mon regard, lentement sombre dans le passé si immédiat.

 Merci Elie d’avoir sauté du train, merci d’avoir survécu à l’enfer, merci d’avoir fait du but de toute votre vie, le désir de raconter les rafles du 22 janvier 1943 à Marseille. Votre vie durant vous avez été au service de la transmission de ces 42 heures là qui ont marqué votre vie. Rien ne vous irrite plus que lorsque des journalistes en mal de sensationnel font de vous un héros. Vous n’avez de cesse de dire que vous n’avez pas souffert. Sans doute, mais vous avez vécu chaque jour de votre vie avec ces innocents là de ce train qui furent le vôtre. Ce sont les heures terribles qui ont précédé les tours de roues de ce train sans survivants autres que ceux qui avaient fait le saut pour la vie (6), dont vous, que vous avez racontées, racontées, racontées encore et encore pour que tous sachent et que la mémoire soit dite. Cette mémoire là vous l’avez portée avec une obstination inouïe et permettez moi humblement de prendre votre relais dans le temps de ces pages de mon blog Les inventeurs de lectures. La lecture est avant tout mémoire.

Aujourd’hui mémoire d’une date et d’un lieu : Vendredi 22 janvier 1943 à Marseille. Mais aussi, mémoire de votre nom Elie Arditti, vous qui avez sauté pour la vie, pour votre vie et pour raconter leurs vies. Vous aviez à peine 19 ans, vous en avez à peine 85… Tourne le temps, tournent nos vies mais restons vigilants à la bête immonde.

 Marie-José Annenkov

Lundi 6 juillet 2009

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22 juillet 2012 7 22 /07 /juillet /2012 12:16

         Ce dimanche paisible de juillet,  me surprend  à relire une  archive de ma vie

  En haut et à gauche :                                                                  République française

  Ministère                                                                                 date effacée

Des  anciens combattants

Et victimes de guerre

          _________

Direction des statuts

     De combattants

Et de victimes de guerre

         ____________

      1er bureau                                                               ATTESTATION DE DISPARITION

Etat-civil et recherches

__________________

139, rue Bercy –Paris XII

 Le ministère des anciens combattants

               Et victimes de guerre

 Après examen des pièces portant le n° 85.091-90.137

                                              Atteste que :

Madame Abignoli née Dayan Fortunée

Née le 3 janvier 1890            à                Le Caire (Egypte)

A disparue dans les conditions indiquées ci-après :

Arrêtée, internée à Marseille, transférée le 12 mars 1943

à Drancy, puis déportée vers LUBLIN MAIDENECK (Pologne), par

Le convoi parti de Drancy le 23 mars 1943.

Aucune nouvelle de l’intéressée n’est parvenue à l’administration

Qui n’a pas été informée de son retour à domicile.

                                    Tampon officiel et signature portant la  mention P.O


Fortunée était la mère de ma mère Flore.

       Ce dimanche de juillet me surprend de retour d’une commémoration où émue, la gorge nouée, j’ai écouté des mots et la musique d’un couplet  de La Marseillaise. Les gerbes étaient belles. C’est la première fois que j’assistais à une commémoration du Vel d’hiv. Comme si,  maintenant, j’avais enfin symbolisé, dans un chemin de solitude,  mon histoire, comme si enfin, cela m’était possible, de vivre debout, avec d’autres, partageant le même chagrin de l’humanité anéantie par les Nazis.

        Ce dimanche paisible de juillet me surprend au travail de ma thèse

Sous la direction de Chantal Zaouche-Gaudron

A L’Université Toulouse Le Mirail

Ecole Doctorale CLESCO

Laboratoire PDPS

Thèse dont la question est la suivante :

 «En situation de lecture conjointe et d’interactions mère/enfant, (18mois-24mois),  l’implication de la mère dans l’acte de lire une histoire à son enfant détermine-t-elle l’appropriation du livre par lui ? »

 C’est bien ainsi. Le savoir doit construire et reconstruire, sagement, à perte de pages et de livres, de notes et de bibliographies. C’est très dur à constituer une bibliographie. J’ai beaucoup de difficultés à le faire. C’est bien ainsi. Dans le labeur de mes heures, j’invente du presque meilleur. C’est cela se souvenir du pire. C’est continuer de construire envers et contre tout, avec tous.

 Je symbolise, tu symbolises, il ou elle symbolise, nous symbolisons, vous symbolisez, ils ou elles symbolisent

 La Shoah

 Ce verbe symboliser, est à  conjuguer, ensemble, obstinément debout, le regard perdu dans nos mémoires, le regard retrouvé dans nos grimoires, dans ce dimanche paisible de juillet mais aussi toute l’année, jour après jour, sans relâche, avec nos livres. Et surtout vivre.

Je vis, tu vis, il ou elle vit, nous vivons, vous vivez, ils ou elles vivent. MJA.

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22 janvier 2012 7 22 /01 /janvier /2012 17:02

Charlotte Delbo
Auschwitz et après
            III
Mesure des jours
Les éditions de Minuit
    1971

J’ai en permanence sur mon bureau, avec deux autres livres, ce petit livre de Charlotte Delbo.

Il donne sens à mon étude
Il donne sens à mon blog
Il donne sens à ma vie

De femme juive et de femme engagée contre le fascisme, les totalitarismes

Pour des raisons de droits d’auteur, je ne peux reproduire, ces pages 80-82,  qui sont si belles. Je vous invite à les lire, mais comme ça à la manière de Levinas, à la manière de Ouaknin, je vais pour vous, les caresser.

Ces pages disent combien rentrer du camp est chose difficile. Rentrer dans le rang, rentrer dans la vie. Revenir de la mort et continuer. Reprendre le ciel là où on l’avait laissé. Avant la vie était belle, tout était transparent. Puis ce fut le temps du camp. Celui qui concentre et qui tue le corps et l’identité. Après, il faut rentrer et retrouver son identité. Mais revenir, écrire Charlotte, c’est se remettre à vivre, à acheter du savon, à se laver, à retourner au bureau, à respecter les horaires, c’est recommencer à manger à sa faim, à dormir quand on a sommeil, à aimer et à faire l’amour.

 

Revenir, c'est inventer de nouveaux Toujours, pour continuer l'humain.(Cette pensée exprimée en italique est mienne et non de Charoltte Delbo, cette pensée constitue une "liberté" que j'ai prise avec le si beau texte de Charlotte Delbo.


Revenir, c’est quitter l’histoire d’Auschwitz, pour entrer dans la vie. C’est très dur tout cela nous confie Charlotte dans un long poème de deux pages.

A lire. MJA

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24 juillet 2011 7 24 /07 /juillet /2011 08:57

Marguerite Duras

Yann Andréa Steiner

P.O.L éditeur 1992

Folio 3503

 

Ce livre, je ne vous le raconterai pas. Vous la lirez, elle, Marguerite. Elle crache ses silences, elle crache l’absence.

 

Théodora Kats

L’enfant

La monitrice

Yann André Steiner.

 

Le cœur s’étreint

Une lecture coup de poing

D’une traite

Sans point.

 

Suspension

du silence

des juifs

des femmes

 

Mais surtout de l’enfance.

 

Silence, on pleure !

Silence, on meurt !

Silence, un cri

Marguerite, écrit.

 

Tournons les pages, le regard perdu dans le loin de l’histoire, l’âme conquise par les silences de Marguerite.


Une fois encore

Une fois toujours.

Une fois ses jours

Une fois nos jours

 

Chut  ! MJA

 

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18 juillet 2011 1 18 /07 /juillet /2011 17:23

Bach

The Goldberg

Variations Glenn Goud

 

MJA

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