Handicap Le temps des engagements (7)
Handicap Le temps des engagements Sous la direction de Julia Kristeva- Charles Gardou PUF 2006 (355 pages.15 euros)
Forum vie Scolaire
Responsables du forum :
Charles Gardou, professeur à l’Université Lumière Lyon 2, Président national du Conseil national « Handicap : sensibiliser, informer, former »
Eric Plaisance, professeur des universités, Université de Paris V –René –Descartes UNE FORMATION COMMUNE POUR UNE CULTURE COMMUNE
Intervenants :
Lucia de Anna, professeur de pédagogie spéciale Université de Rome 4,
Istituto Universitario di Scienze Motorie (IUSM)
Claire Magimel, docteur en sciences sociales
Charles Gardou Eric plaisance
Charles Gardou introduit le travail de ce forum qui se présente sous forme d’une conversation passionnante et très vivante. Je ne sais si cette note pourra rendre la dimension vivante des échanges. Mais essayons !
Charles Gardou : la question de la scolarisation des enfants et adolescents en situation de handicap est :
- Décisive car il faut faire face très vite et dans l’urgence à de réelles carences.
- Exigeante car notre réflexion, notre travail, nos engagements modifieront de façon durable notre pensée et notre agir. Charles Gardou dit : « Notre, nos, vos engagements » exprimant aimant ainsi le pluriel que doivent être ces engagements qui reposent sur :
1° Un constat des difficultés liées à des défauts de continuité et de cohérence :
- Mauvais fonctionnement des Commissions Départementales d’Education Spécialisée (CDES)
- Un manque de lisibilité d’inscription des critères d’inscription en Classe d’Intégration Scolaire (CLIS)
- Des difficultés d’articulation entre Classe d’Intégration Scolaire et Unité Pédagogique d’Intégration (mauvais fonctionnement entre CLIS et UPI)
- Coopération insuffisante entre Education Nationale et Médico Social
- Un manque de continuité dans les parcours scolaires, des encadrements inappropriés,
- Un accueil insuffisant des enfants autistes
- Une inertie des institutions à connotations souvent dévalorisantes et discriminatoires.
2° Un constat de possibles et de réussites :
- Des témoignages de réussites
- Des expériences innovantes dans la petite enfance au sein de haltes-garderies
- Des classes ordinaires, préparées à l’accueil des élèves.
- Des classes passerelles
- Etc.…
3° Une attente d’étayage pour continuer, pour commencer, pour rompre la solitude.
Suit une longue liste de propositions qu’il faut lire et intérioriser pour se les approprier mais je signale la fin de cette liste qui met l’accent sur la nécessité de formations :
- formation commune à tous enseignants, psychologues, médecins y compris pour ceux qui sont en situation de handicap et valider pour tous ces savoirs
- formation et professionnalisation des Avs
- formation dans les IUFM
Charles Gardou conclue son intervention en signifiant l’extrême nécessité de ces formations et rappelant que leur objet est aussi un des objets principaux de ces états généraux et ce faisant il introduit l’intervention de Lucia de Anna qui rebondit sur ses dires.
Lucia de Anna :
Par l’expérience italienne nous éclaire sur les limites et les paradoxes de la loi adoptée récemment par la France :
« Tout enfant, tout adolescent présentant un handicap ou un trouble invalidant de la santé, est inscrit dans l’école la plus proche de son domicile, qui constitue son établissement de référence. »
Grande leçon à retenir selon Lucia de Anna :
L’intégration n’est jamais acquise, jamais assise et chaque jour il faut l’inventer.
Elle nous présente les principes de bases de l’expérience italienne
1) engagement des familles à garder les enfants dans les quartiers où ils vivent.
2) collaboration avec services sociaux et de santé pour aider le processus d’intégration à être viable et à se générer
Rôle fondamental de l’école et des enseignants qui doivent mettre en œuvre un enseignement individualisé et non adapté car le terme «adapté » a selon elle une connotation discriminatoire et de restriction de liberté. Cette distinction me paraît essentielle.
- Charles Gardou reprend la parole pour dire l’urgence qu’il y a à construire un projet de formation cohérent, un projet qui réponde à la nouvelle loi de l’égalité des chances, un projet qui rend à chacun sa citoyenneté, un projet qui lutte contre la discrimination. Cette formation doit faire un immense effort de coordination entre les différents corps de métier, entre les différentes institutions, entre les différentes logiques de pensée et de réflexion. Il est urgent également d’aider les enseignants souvent trop seuls pour faire face à la différence au sein de leur classe et des exigences de programme. Il faut effectuer dit Charles Gardou un véritable changement culturel et cela se fera au prix d’un immense travail de tous. Eric Plaisance rebondit sur cette dernière idée.
- Eric de Plaisance
estime que la question de la formation est essentielle et qu’il faut avant tout souligner les lacunes, les contradictions, les paradoxes en matière de formation. Il donne de nombreux exemples de terrain que je ne peux relater ici vu leur précision et leur minutie mais j’invite tous à les lire, livre en main.
Il pointe aussi l’insuffisance universitaire ; les universitaires se penchent bien trop rarement selon lui sur la question du handicap.
- Lucia de Anna reprend la parole
Elle souligne comment la formation doit construire la complexité à l’image du tissu social complexe et tous doivent s’interroger sur cette complexité là.
Elle dit aussi combien il est nécessaire de construire de bonnes relations entre tous les élèves quelque soit leur différence ; ces bonnes relations permettront un meilleur acquis des apprentissages. Je suis d’accord à 100% avec elle !
Enfin, elle rappelle la nécessité de faire vivre les centres de ressources au service des enseignants et la nécessité de « construire des cellules d’appui ». Ce qui essentiel c’est sortir chacun de sa différence.
Une inclusion avant la lettre
Témoignage d’un parcours scolaire et universitaire
- Claire Magimel
Claire Magimel qualifie ses parcours scolaire et universitaire « d’inclusifs ».
Elle raconte l’école, l’organisation de la classe pour faire place à sa machine à écrire ; Elle raconte comment elle est devenue « Le chronomètre. » Si elle avait fini sa tâche tous devaient avoir fini, elle raconte l’épreuve de son baccalauréat et sa mère « secrétaire », elle raconte ses relations privilégiées avec ses enseignants et la presque méfiance de ses camarades, elle raconte comment elle n’a jamais été élue déléguée de classe malgré sa candidature, elle raconte l’exclusion d’un de ses camarades qui s’était moqué d’elle, elle raconte son exclusion des fêtes, elle raconte son sacrifice pour étudier, le temps si long pour elle qu’elle mettait à effectuer les tâches scolaires mais aussi sa liberté à l’université, un long cycle mais elle obtint son doctorat, qu’importe le temps, elle avait vécu au rythme conjugué de sa vie intime et de son savoir, elle raconte la découverte de son possible jeu dans un groupe de théâtre même à un rythme différent des autres et soudain « comment on l’oubliait ».
Elle raconte sobrement le terrible paradoxe de sa vie : plus sa vie sociale se développait plus son handicap devenait lourd. Ainsi, elle se vie ni totalement handicapée ni totalement valide
Elle souhaite que son parcours ne soit pas exceptionnel et que d’autres similaires existent de plus en plus.
Savoir l’écouter pour progresser.
1erè table ronde
- Claire Brisset, défenseur des enfants ;
- Roger Belot, président-directeur général de la MAIF ;
- Jean-Louis Garcia, secrétaire adjoint de la MGEN ;
- Marcel Rufo, pédopsychiatre
- Marie-Joëlle Manteau, conseillère technique auprès du ministre de L’Education nationale, changée du handicap et de l’intégration scolaire.
Claire Brisset rappelle l’essentiel : « Apprendre avec les autres, c’est un droit des enfants handicapés » mais elle interroge : « Dans la réalité que constate-t-on ? Elles alignent des chiffres qui invalident le texte de loi précité ou du moins qui dénoncent une certaine inefficacité. Comparaison avec la Belgique, en faveur de la Belgique.
- Roger Belot :
Il affirme d’être vigilant à la loi de février 2005 qui ne résout pas tous les problèmes du fait de sa divulgation. Il faut, dit-il, passer à la réalité quotidienne des jeunes en situation de handicap et cette tâche demande de véritables compétences professionnelles : il faut être capable d’entendre les souffrances et les interrogations de chacun, parents et enfants. Entendre la différence s’apprend. C’est un travail de savoir et un travail existentiel, un travail de connaissances et un travail de savoir être. Chercher et se former. On en revient toujours là. Il est important de créer une communauté éducative qui sait intégrer la différence. Cela engage notre responsabilité militante et citoyenne. Il est nécessaire de savoir vivre au jour le jour nos engagements pour créer la solidarité et la citoyenneté et pour créer un avenir sans exclusion et sans intolérance.
- Claire Brisset
Elle situe le rôle des CDES, copilotées par la santé de l’Education nationale et déplore que rarement l’enfant soit sollicité et que l’examen du dossier ne dure qu’à peine un quart d’heure.
Elle déplore également le manque de cohérence des deux logiques de formation entre éducation Nationale et Education Spécialisée et trouverait souhaitable une fusion des deux où chacun trouverait son compte des apports mutuels de l’autre. Référence une fois encore à la Belgique.
- Roger Belot
Il souhaiterait qu’il y ait un suivi entre l’accueil en maternel et en Université. Plus on avance plus sont mises en cause les difficultés liées au handicap et non la capacité d’apprendre.
En conséquence il souhaite, l’adaptation des structures, l’accessibilité, des aides humaines et matérielles aux élèves, une aide et un soutien au personnel de l’Education nationale.
- Marcel Rufo.
Il calme un peu le jeu trouvant qu’on demande trop de choses à l’Education nationale.
Il est plus optimiste que les intervenants précédents et trouve que le monde progresse, qu’il y a un changement radical de l’attitude des soignants et du regard sur le handicap.
- Un participant
Dit l’inquiétude des professeurs à accueillir des élèves en situation de handicap là où les conditions matérielles d’accueil de tous sont déjà difficiles. (SEGPA dans un collège de banlieue). Il souligne le rôle essentiel
Des formateurs des enseignants. C’est d’eux, dit-il que dépend la viabilité du système d’intégration.
- Marie-Joëlle Manteau
Elle rappelle l’objectif du forum : « Une formation commune pour une culture commune. »
Elle rappelle également que le contexte législatif est essentiel et permet de soutenir les missions de tous concernant l’intégration des élèves en situation de handicap.
Il faut affirme-t-elle
1° Réinterroger les missions de l’école.
2° Réexaminer les conditions d’accès à la scolarité
3° Rendre l’établissement scolaire et universitaire plus accessible
4° Consolider le parcours de formation de l’élève en situation de handicap
5° Rendre complémentaire l’école et les établissements du secteur médico-social
6° Former les personnels et mettre en cohérence les voies de formation
2e table ronde
- Patrick Gonthier, secrétaire général de l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA Education) ;
- Gérard Aschieri, secrétaire général de la fédération des syndicats unitaires (FSU)
- Yolande Chrétien, responsable du secteur « Intégration scolaire », Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE)
- Jacky Simon, médiateur de l’Education nationale.
Patrick Gonthier
présente le « Manifeste pour le droit à l’école des enfants et adolescents en situation de handicap » qui s’inscrit à la suite d’une « Charte pour l’intégration des personnes handicapées : une exigence pour la société » élaboré il y a une douzaine d’années : affirmer l’égalité d’accès aux mêmes droits pour tous et le refus de toute discrimination à l’école, comme dans tous les domaines de la société : Faciliter l’insertion professionnelle et permettre à chaque personne de réellement choisir son projet de vie.
Gérard Aschieri
Précise ce que à quoi sert un syndicat selon lui : s’exprimer, affirmer la volonté du droit de tous à la scolarisation. Et là, Publication d’un manifeste : « Manifeste pour le droit à l’école des enfants et des jeunes en situation de handicap »
Il insiste également comme tous les participants et intervenant à ces Etats généraux : la nécessité de la formation
Yolande Chrétien
Elle pose avec intelligence l’intégration des enfants handicapés : ce ne doit pas être un acte charitable, ce doit être un acte citoyen c’est qui commence par le respect de la différence.
C’est à dire : poser le problème des besoins spécifiques, le plus tôt possible, adopter l’environnement, accompagner les enseignants permettant ainsi à l’élève en situation de handicap d’être un élève comme tous les autres et enfin et toujours : la formation.
Jacky Simon
La formation encore et toujours : protège et lutte contre l’ignorance, la peur.
Rendre effective la loi par des mesures concrètes : principe fondamental de la non-discrimination.
Cesser de bricoler avec les bons sentiments.
Une formation directe et obligatoire est primordiale
Formation continue et formation indirecte.
Patrick Gonthier fait des propositions de formation en quatre points :
- Tous les personnels sont concernés
- La formation doit être personnalisée
- Des formations communes pour un travail partenarial : décloisonner
- Des personnels spécialisés mieux formés
Yolande Chrétien fait un appel à l’action.
Conclusion D’Eric Plaisance et Charles Gardou :
Une loi aussi bonne soit-elle ne peut s’appliquer qu’en s’appuyant sur des leviers.
Levier essentiel : la formation qui pour le moment est par trop embryonnaire.
Un engagement se formule pour la mise en application de la loi en question : « Tout enfant ou adolescent présentant un handicap doit être inscrit dans l’école la plus proche de son domicile, qui constitue son établissement de référence. »
L’engagement soutient une formation qui sera soutenue et portée par syndicats et associations (groupes citoyens) et qui se traduira par des orientations et actions politiques dans la perspective d’une formation commune pour une culture commune
Bibliographie.
B.Belmont, A.Vérillon, Diversité et handicap à l’école ; Quelles pratiques éducatives pour tous ?, Paris,CTNERHI-INRP, 2003
C.Herrou, S.Korff-Sausse, Intégration collective des enfants handicapés. Semblables et différents, Toulouse, Erès, 1999.
Ch.Gardou et al., Connaître le handicap et la vulnérabilité. Pour une révolution de la pensée et de l’action, Toulouse, Erès, 2005.
E.Plaisance, en coll.avec C.Bouve, m_F Grospiron, C.Schneider, « petite enfance et Handicap. La prise en charge des enfants handicapés dans les équipements collectifs de la petite enfance », Caisse nationale des allocations familiales, Dossiers d’études, N)66, mars 2OO5
E.Plaisance, Ch.Gardou, présentation et coordiantion du dossier spécial « Situations de Handicap et institution scolaire », Revue française de pédagogie, n° 134, 2001
F.Armstrong, D.Armstrong, L.Barton et al., Inclusive Education.Policy, Contexts and Comparative Perspective, London, David Fulton 2000.
G.Chatelanat, G.Pelgrim (édu.) Education et enseignements spécialisés : ruptures et intégrations, Bruxelles, De Boeck, coll. « Raisons éducatives », 2003.
J-M Leqain-Delabarre, L’adaptation et l’intégration scolaires. Innovations et résistances institutionnelles, Paris ESF, 2000
L de Anna, Pedagogia spéciale. I bidogni educativi speciali, Milano, Angelo Guerini, 1998
M.Chauvière, E.Plaisance et al., L’école face aux handicaps. Education spéciale ou éducation intégrative ? Paris, PUF, 2000
M.C.Mège-Courteix, Les aides spécialisées au bénéfice des élèves. Une mission de service public, Paris, ESF, 1999.