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23 juin 2010 3 23 /06 /juin /2010 12:06

J’invite le lecteur à lire dans la catégorie Force et vulnérabilité, Fragments 1, 2, 3 (10,11,12 mai 2010 ) et 4 et 5 (samedi 19 juin) et Césure (dimanche 20 juin 2010), Fragments 6 (le 22 juin 2019), Fragment 7 (22 juin 2010)


Un livre de Charles Gardou

Fragments sur le handicap et la vulnérabilité

Pour une révolution de la pensée et de l’action

érès 2005 261 pages

Collection  «Connaissances de la diversité.»


Le chapitre étudié  se nomme :

Provoquer des ruptures

Diversifier sans fragmenter

Entrelacer les compétences

Promouvoir les ressources

Former pour réformer


Ce chapitre articule les différents chemins de la question d’une école inclusive pour les enfants en souffrance de handicap et approfondit le chapitre précédent qui en posait les prémices. Maintenant, nous élaborons les conditions de cette question que Charles Gardou qualifie  de deux adjectifs : exigeante et décisive.


Pour satisfaire ses dimensions, exigeante et décisive, de la pensée sur le handicap, Charles Gardou, dans ce chapitre essentiel nous propose 8 chemins, mais ce qui est intéressant et qui donne profondeur à son travail, c’est que, dans chaque chemin, il pose la nuance, la contradiction, l’oscillation possible de sa pensée toujours en mouvement. Ces 8 chemins ne constituent pas une cartographie immobile mais un creuset de pensées qui comme des vagues accèdent à la plage, jamais au même endroit. La pensée de Charles Gardou, comme  celle de ses amis, qui sillonnent les bas de pages, est pure symbolique car toujours inscrite dans de l’échange pressenti, sollicité, engendré par de nombreux livres, par de nombreuses citations. Par de nombreuses situations.


Je vais donc essayer de rendre compte de ce mouvement, de ce symbolique en empruntant sagement les 8 chemins proposés, avec dans notre sac à dos des livres. Penser le handicap, c’est penser à partir de la pratique, de la terre ocre et noire, constituées de ses aspérités de souffrances parfois éclatées, mais si vivantes,  mais aussi à partir des livres, de leur sagesse, si pleine de pensées et de transmission qui invente une possible stabilité.


1) Le premier chemin  est constitué de « la pleine et entière reconnaissance de la variabilité individuelle des enfants touchés par une déficience. » Oui, ce chemin mérite d’être tracé car si souvent nous disons par exemple  « Les enfants trisomiques »,  oubliant cruellement que chacun a son histoire, son identité, son caractère, ses fragilités, et sa force comme tout à chacun. Et ce pluriel « les » engendre de l’effacement mortifère. Il est essentiel d’emprunter ce chemin du refus de la catégorisation et sans doute avec l’auteur de lire, de découvrir ou redécouvrir la pensée de Soren Kierkergaard. Il est urgent de ne pas demander à l’enfant de se plier devant la norme, de s’effacer en silence, avec son pauvre handicap, avec sa souffrance dérangeante.


Mais


Attention nuance !!! Il ne faut pas tomber non plus dans « un différentialisme ségragateur », dans un intégrisme de la différence.


Ce premier chemin invente la douceur d’une rencontre et d’une inclusion. Je crois que la douceur est le maître mot de ce chapitre qui renonce à des points de vue rigides et sans appel

Pour faire place à toujours l’étude d’un possible, entre standardisation et différences, entre diversification et fragmentation.


2) Le deuxième chemin nousentraîne sur une flexibilité éducative et intégrative par l’étude d’une inclusion  en milieu ordinaire qui peut-être soit collective, soit individuelle. (collective : une classe, individuelle : un enfant). Sur ce chemin, nous parlons ensemble, comme sur le chemin précédent de toujours diversifier les inclusions, sans les fragmente, en inventant, par une réflexion quotidienne, sur des situations quotidiennes, avec l’enfance et le handicap conjugué au quotidien, de la flexibilité qui peut répondre à une insertion complexe mais vivante.


3) Le troisième chemin que nous empruntons, va nous réfléchir, après celui de la flexibilité, à la continuité. L’une n’excluant pas l’autre. L’enfant évolue dans la continuité des écoles qui l’accueillent selon son âge. Il en va de même pour l’enfant en situation de handicap qui progresse dans la continuité soutenue, reconnue, voulue par ses parents comme par ses maîtres. Il est nécessaire d’assurer des parcours cohérents mais surtout vivants et authentiques. En bas de page, nous trouvons la référence à l’auteur R.J Clot qui a écrit L’enfant halluciné (Paris Grasset 1987) et qui dit son « abandon dans la classe » et combien alors son esprit « battait en retraite. » Il est important de mettre toutes nos forces dans la bataille pour traiter avec égalité l’enfant porteur d’un handicap. Certes, c’est facile à écrire, difficile à instituer, dans des classes surchargées, avec des maîtres insuffisamment former à la rencontre du handicap (on y reviendra plus loin). Mais déjà, postulons l’égalité, et sa mise en œuvre adviendra dans le chemin du combat.. Ce chapitre se situe entre utopie et pratique, et c’est en ça qu’il écrit la douceur d’une perspective souvent traitée dans la violence de notre sentiment d’impuissance (voir chapitre précédent).


4) Le quatrième chemin que nous empruntons nous permet de dire justement la difficulté d’être enseignant qui vit la rencontre avec l’enfant porteur de handicap. Vivre cette rencontre, l’inventer au jour le jour relève de l’art d’être humain et de porter dans son cartable de maître des pratiques efficaces dans un entrecroisement de regards qui permet au maître de ne plus être seul à  bord : interventions plurielles, je dirai « para éducatives » : psychologue, orthophoniste, psychomotricien etc.… Sur ce chemin, nous rencontrons des maîtres et d’autres professionnels qui aident à penser aussi le handicap dans sa dimension inclusive.


Mais


Sur ce  chemin, nous cheminons aussi avec les familles des enfants, dont le désir est si important. Surtout, ne pas les laisser sur le bord du chemin. Parler avec eux du possible comme de ses limites. Parler. Maître mot, de ce quatrième chemin.


5) Cinquième chemin, sur lequel nous allons ensemble relire Sophocle et notamment quand il nous dit, cité par Charles Gardou : « Accepte le destin, mais sache le maudire » , nous lirons aussi Vercors, (toujours cité par Charles Gardou,) quand il écrit : « Désespoir est mort ». Cheminer avec les enseignants, pour lutter avec eux, contre leur désespérance professionnelle (voir le chapitre précédent). Important de laisser naître chez les enfants un désir d’avenir qui risque d’être étouffé par le handicap porté. Sur ce chemin, parents, maîtres et enfants marchent, inventant un possible avenir pour tous. Ce chemin est bordé de livres et de fleurs.


6) Le sixième chemin nous mène à Amsterdam ou fut signé un important traité qui a donné corps à la proclamation européenne du principe de non-discrimination, contenue dans l’article 13 de ce traité et qui pose « Le droit à la compensation. Restent à tous les marcheurs, à tous les acteurs de lui donner vie pour permettre à l’école de faire vivre tous les enfants. Essentiel pour que l’inclusion ne devienne pas un processus d’échec et de violence.


Je note que le terme de violence revient souvent sous la plume de Charles. Oui, le handicap peut emporter beaucoup de violence du côté des acteurs sociaux. Ne pas dénier. A réfléchir. A approfondir.


7) Le septième chemin est emprunté par des éducateurs et des instituteurs, il nous amène réfléchir sur l’équilibre à donner à l’enseignement à des enfants porteurs de handicap, équilibre entre éducation et enseignement. Surtout ne pas renoncer à enseigner. J’invite le lecteur à se reporter à mon commentaire du précédent où je m’arrête un moment sur le beau roman de Jeanne Benameur Les Demeurées. Oui, apprendre dans le souffle des lettres les secrets de l’humanité doit être le privilège de tous. Ne pas renoncer au symbolique. Jamais. C’est un chemin, difficile mais si beau.


8) Le Huitième chemin nous fait découvrir de grandes bâtisses, et si nous en poussons les portes, ensemble, nous découvrons émerveillés une multitude de livres, de tous les âges. Il est temps pour nous de nous former pour mieux réformer ce monde, qui parfois, se vit avec trop d’injustices.


Enfin, fatigués, mais heureux de nos huit chemins, nous arrivons au but de nos randonnées, dans le mouvement des jours et de nos toujours. Nous arrivons à la conclusion qui nous dit

que nos textes humanistes et généreux peuvent vivre et abriter des colombes si nous sommes vigilants à la mise en place de nos textes par d’autres textes, cette fois-ci politiques, législatifs qui rendront accessibles les classes, et qui donneront des finances réelles et non illusoires pour asseoir une pédagogie inclusive, avec des classes non surchargées, avec des maîtres formés, avec un aménagement du temps pour parler avec les parents.


Et confidence, pour confidence, moi, je verrai bien, comme destination de nos chemins de randonnées, Les Régions, Les Conseils généraux, l’Assemblée Nationale, L’Elysée, Le Parlement Européen….


Un kilomètre à pied, ça use, ça use,

Un kilomètre à pied, ça use les souliers !


En marche, pour un monde métissé, où les enfants porteurs de handicaps pourront vivre l’école de la République !


Merci, Charles Gardou pour ce si beau chapitre, entre utopie et savoir, entre espoir et combat, dans une sagesse si quotidienne  et si humaine. MJC,



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22 juin 2010 2 22 /06 /juin /2010 14:59

J’invite le lecteur à lire Fragments 1, 2, 3 (10,11,12 mai catégorie Force et vulnérabilité) et 4 et 5 (samedi 19 juin) et Césure (dimanche 20 juin 2010), Fragments 6 (le 22 juin 2019)


 

  Un livre de Charles Gardou

Fragments sur le handicap et la vulnérabilité

Pour une révolution de la pensée et de l’action

érès 2005 261 pages

Collection  «Connaissances de la diversité.»

 

 

Le chapitre étudié  se nomme :


Composer avec le divers

Refuser l'étiquetage

Cheminer vers le métissage

Interroger le pouvoir de la norme

Ce chapitre a été écrit en collaboration avec Jean-Pierre Audureau et Denis Poizat

Ce chapitre a pour objet l’enfance lorsqu’elle est frappée de l’injustice du handicap. Sa lecture m’a emportée vers du chagrin.  Mais reste le savoir des auteurs : Charles Gardou, Jean Pierre Audureau et Denis Poizat.


De quoi nous entretiennent-ils ?


Ils nous entretiennent des soubassements sociaux et anthropologiques concomitants à la possibilité d’écoles inclusives qui respecteraient la différence d’enfants parfois porteurs de douleurs tout en permettant leur avancée avec tous.


Ils nous entretiennent de la comparaison entre différents pays  et les façons différentes d’aborder ce problème


Ils nous entretiennent des passionnants travaux de Janus Korczac, dont à tort, je remets toujours à demain de vous le présenter, lui et son travail au cœur du ghetto de Varsovie, lui et son assassinat avec les enfants par les nazis, lui qui disait, nous rappellent les auteurs de ce chapitre qui  « Réformer le monde, c’est réformer l’éducation ».


Ils nous entretiennent de Lévi Strauss et de la différence d’aménager les divisions de l’humain selon les cultures.


Ils nous entretiennent de Michel Foucault et de G.Canguilhem

Ils nous entretiennent de la nécessité d’interroger la norme et son pouvoir.

Ils nous entretiennent « du clos et de sa délimitation mais aussi du trouble et de sa métamorphose ». J’aime le mouvement de cette phrase qui conclue le chapitre.


Vous l’avez compris. Il s’agit d’un chapitre très dense, d’une extrême intelligence, à lire crayon en main.


Enfin, dans une note en bas de page est citée une auteure que j’apprécie beaucoup et sur qui j’ai écrit une note pour la revue Empan, (N°59) qui a publié cet article. Mais si vous me le permettez, pour vous éviter toute recherche, je vous là copie, là, la nichant avec tous ces gens de talent, parce que dans son roman, elle a su merveilleusement raconter l’école, la différence et bien sûr la lecture. Voilà ce que j’écrivais du roman de Jeanne Benameur, il y a quelques temps :


Les demeurées Jeanne Benameur

Editions : Denoël, 2000

 

Ecrire, lire, c’est construire sa métaphore . Apprendre à lire à l’autre c’est l’aider à broder un nom , le sien ou celui des autres, broder un nom qui fait secret.


J’ai aimé le livre de Jeanne Benameur parce que le savoir des lettres en constitue sa métaphore. Apprendre de l’autre, apprendre à l’autre  est une histoire d’amour qui peut aller jusqu’à la mort, qui se vit dans l’excès, dans la folie, jusqu’au mutisme ou jusqu’à l’éclat de rire. Une passion.


Luce, elle est fille de demeurée et demeurée elle-même, elle n’apprendra jamais à lire. C’est le village tout entier qui l’a dit, mais la loi c’est la loi, elle ira à l’école. L’institutrice, elle s’appelle Solange. Sur le tableau noir, elle écrit le nom de Luce et de la poussière de craie jaillira fièvre, maladie et presque mort. Tabou violé. Du nom, des lettres, de l’alphabet tout entier, Luce ne veut rien savoir mais Solange insiste. Mur de craie ou mur noir du tableau de l’autre côté du mur, la mère. Solange la tierce , Solange son ordre, son savoir, son alphabet, son amour. Apprendre à lire à l’enfant mais dans le respect comme le lui a enseigné son vieux professeur.

           

Les Demeurées conte ou récit ou  roman, je ne sais pas. Les mots sont très denses et tracent un immense chagrin de solitude. Les mots sont là, tous là, serrés, enfouis , tressés, brodés. J’ai été émue par Luce, par sa mère, par Solange, par ces trois femmes prise dans la tourmente d’apprendre et cette émotion a fait écho à ma passion de l’alphabet quand je le lis, quand je le transmets. Apprendre à lire, c’est transmettre un ordre, celui d’un groupe humain, d’un village avec son boulanger, son école et son cimetière comme l’écrit Jeanne Benameur. Permettre à l’autre de lire les étiquettes, les lettres brodées, le journal, les livres mais aussi les noms sur les tombes. Lire c’est ordonner la vie et la mort, c’est prendre place dans le secret du monde.

 

            Ce livre est court, écrit dans un style pur. Il nous emporte  sur un chemin de lettres, d’amour et de mort. Nous nous déplaçons de mots en mots dans une histoire brodée par trois femmes, Luce, La Varienne et Solange. C’est très intense, très fort. Prenant de bout en bout, parce que les mots sont là :

           

            Le savoir –quand ça ne peut plus s’arrêter -  

 

Epeler l’alphabet

            sans jamais tomber

            vivre dans le souffle de ses lettres

            tracer les lettres

            lire le meilleur et le pire

            écrire son nom et exister.

 

 Apprendre à l’école avec sa différence, avec tous. Apprendre dans le souffle des lettres les secrets de l’humanité dans la nécessité d’exister.

 

Merci aux auteurs de ce chapitre, chercheurs érudits, une fois de plus au service de l’humain quand il se fait différence mais surtout quand il se fait enfance à l'école. MJC

 

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22 juin 2010 2 22 /06 /juin /2010 10:24

J’invite le lecteur à lire Fragments 1, 2, 3 (10,11,12 mai catégorie Force et vulnérabilité) et 4 et 5 (samedi 19 juin) et Césure (dimanche 20 juin 2010)


Un livre de Charles Gardou

Fragments sur le handicap et la vulnérabilité

Pour une révolution de la pensée et de l’action

érès 2005 261 pages

Collection  «Connaissances de la diversité.»


Le chapitre étudié  se nomme :

 Accompagner sans se perdre

Se garder du scientisme

Apprendre le doute

Récuser la relation métallique

Admettre sa propre vulnérabilité


J’ai aimé ce chapitre d’une écriture rigoureuse, ferme et qui pourtant sait nous faire vaciller dans le tremblement de l’être quand il accompagne ceux qui sont dans la détresse d’un handicap singulier.


La question est toujours et toujours : le respect et la reconnaissance de chacun. Un chacun qui se fait autre qui ne peut être segmenté, compartimenté, nommé, pointé, repérer, rencontré enfin, à partir d’un handicap qui l’épinglerait, qui l’immobiliserait à tout jamais : handicapé, qualificatif réducteur et mortifère.


Une fois de plus, l’écriture de Charles Gardou emporte la vie, le mouvement, l’interrogation, le doute quand il se fait créateur de pratiques professionnelles humanisantes malgré l’angoisse jusqu’au vertige de toute-puissance ou d’impuissance qu’elles emportent. Toute puissance ou impuissance, du pareil au même à bien y réfléchir.


L’important, c’est d’ inventer la rencontre avec les êtres fragiles et leurs parents.

L’important, c’est de repérer l’angoisse de la rencontre sans s’y perdre.

L’important, c’est de circonscrire la matière de la rencontre sans la réduire.

L’important, c’est de déployer  la manière de la rencontre

L’important, c’est d’être vigilant à l’éthique de la rencontre sans manichéisme.


-  La matière : les techniques spécifiques appliquées à l’humain

-  La manière : comment le soignant s’engage dans la relation avec son identité, ses ressources, ses carences, son intuition, ses certitudes et ses doutes

- L’éthique de la rencontre : Les valeurs qui articulent une pratique : « penser ce qu’on fait » dirait Hannah Arendt


La rencontre professionnelle avec les êtres fragiles signifie inventer les questions qui fécondent une riche pratique professionnelle qui, à l’ombre de ses questions devient possible, humaine, à son tour fragile mais lucide, dans une oscillation de l’entre deux lieux d’une praxis professionnelle génératrice d’équilibre malgré le terrible « déséquilibre » engendré par les situations de handicap.


L’entre deux :


-  Entre scientisme et savoir scientifique

-  Entre amateurisme et professionnalisme

-  Entre espoir et désespoir

-  Entre impuissance et toute puissance

-  Entre défaitisme et triomphalisme

- Entre relation métallique et relation ontologique.


Je m’arrête au mot ontologique. A ce point si important de son chapitre, Charles Gardou nous conte Lévinas. (Il approfondira cette pensée, plus largement encore dans un autre chapitre.)


L’humanité commence dans la possibilité que chacun a de savoir souffrir avec l’autre. L’autre est comptable de la souffrance de son prochain. Mieux encore, il en est responsable. Il existe à partir de l’autre.


Ce qui signifie qu’il est hors de question d’exclure l’autre. Charles Gardou parle alors du « co-sentir ». Je trouve ce mot très beau. « Co-sentir » l’autre mais aussi consentir à sa fragilité. Inventer un lien, ni voile, ni cuirasse. Inventer une présence poreuse qui signifie la possible humanité, de moi, de l’autre. Inventer un possible lien tissé du savoir et non du scientisme, tissé de professionnalisme et non d’amateurisme, tissé de l’acceptation des limites de mon narcisse et non de ma toute puissance, tissé de mes possibilités de travail et d’empathie et non de mon impuissance. Inventer un possible lien qui intègre mes contraires, ma force d’humanité, ma force de rencontrer les autres, mes prochains si proches à partir de ma vulnérabilité acceptée, à partir de ma force de travail et de vie assumée.


Charles Gardou, nous livre une fois de plus :


l- Le dit de la force et de la vulnérabilité qui touche des patients, certes fragiles, mais forts puisqu’ils qu’ils la vivent, cette fragilité, jour après jour.


-  Le dit de la force et de la vulnérabilité des parents fragilisés par la fragilité de leurs enfants, mais forts,  puisqu’ils l’affrontent, jour après jour.


-   Le dit de la force et de la vulnérabilité des accompagnants, fragilisés par   des fantasmes difficiles qui naissent de leurs accompagnements mais forts de leur savoir professionnel et de leur savoir d’humanité, au jour le jour.


Ce chapitre raconte dans le mouvement régulier des aubes et des crépuscules, des jours et des nuits, des rencontres difficiles, faîtes « de co-sentir » et de consentement à la difficile condition humaine, à ses fragilités qui écrivent des souffrances sans nom, mais aussi l’obstination à les surmonter.


Merci, Charles Gardou, pour ce dit du « co-sentir ». Merci, une fois encore pour vos précieuses notes en bas de pages qui nomment, ceux qui comme vous sont au travail de l’humain. J’invite vivement les lecteurs à s’y reporter. La qualité essentielle de ce chapitre est d’avoir tracé une mosaïque de savoirs. Plus j’avance dans le livre, plus il me semble que c’est la principale qualité du livre : être une mosaïque d’intelligences et de cœurs. Une mosaïque que Charles Gardou nomme « Fragments », « Fragments sur le handicap et la vulnérabilité. » Titre au plus près du sujet quand il dit : je souffre, quand il dit, quand il dit je vis. MJC








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20 juin 2010 7 20 /06 /juin /2010 16:14

 

 Epiphanie. Inventer le fœtal. Avancer lentement pour ne pas me heurter aux parois du chagrin. Glisser sur les eaux natales, entendre la note bleue, doucement si doucement, calmer mon cœur en folie de tant de larmes quand le destin écrit de ma vie, le fragile incertain. Le sel ravine mon pauvre visage, la flamme du ciel calcine ma pauvre âme qui devant tant de chaos ne comprend rien. Le sol se dérobe. J’ai perdu mon contraire, dans mes jours, à l’infini j’erre, dans mes nuits je me noie, je me broie Je ne sais plus si je crois, encore moins si je dois. J’ai perdu des hommes, la loi. J’ai perdu ma foi. Mon cœur bat comme dans un tonnerre éteint qui ne roule plus ni dans la foule ni en moi. Je suis surprise par la glaciale bise, mon feu silencieux irise mon néant d’où ne surgit plus le temps. L’ombre ne reflète plus sa lumière. La petite cascade se tait, les fées s’en sont éloignées, l’eau brisée ne rit plus, ne dit plus, ne coule plus. L’eau n’existe plus. Elle a disparu de la terre et même des mers. Mon chagrin m’assèche et se répand dans le noir tunnel de mon existence rompue. Un drame qui se trame dans l’élan oublié de mon espérance disparue. Le vent se lève emportant dans un  désert brûlé ma sève, celle qui autrefois, mes branches irriguait, celle qui autrefois me disait gaie et légère d’être moi. Le malheur m’a frappée. Soudain, douloureusement,  je me souviens.

 

Alors,

 

Je lis le beau texte de Charles Gardou, « Havaiki, de l’autre côté de toi ». J’aime ses mots, sa poésie qui n’en finissent pas de dire le destin d’une enfant incluse dans sa tragédie immobile et secrète, incluse dans l’horizon de ses parents attentifs qui, à la vie chaque jour la font naître, fragile, vulnérable, précieuse, soyeuse, lucide, déchirée, cachée, indéchiffrable, mystérieuse, douloureuse, somnolente, traversant la seconde, la sienne, la tienne, la mienne, la nôtre. Seconde d’une vie qui respire et qui danse dans le temps singulier de tous. Nous sommes égaux devant le temps. Je le sais, parce que j’ai longuement vécu, longuement aimé, longuement dansé sous le ciel de mon étonnante de vie.

 

Ce texte « Havaiki », j’aime à le relire, parce que me semble-t-il, il écrit la césure de ces deux chapitres, « Comprendre l’errance » et « Entendre les non-dits, » chapitres difficiles, essentiels pour ceux et celles qui veulent connaître, se reconnaître dans la naissance d’un enfant pas tout à fait comme les autres. Quand la fragilité du bonheur prend le visage de cet enfant là.

 

Je ne raconterai pas ces deux chapitres. Je vous laisse les découvrir du lieu de votre histoire, de lieu de votre sensibilité, du lieu de votre temps et de votre disponibilité, mais toujours du lieu de l’amour, de la tendresse. La mienne m’a dictée ce court texte que j’ai nommé « La césure ». J’aime ce mot dont les lettres douces disent qu’il est possible de vivre, dans le temps de l’épiphanie et du don, une césure au chagrin.  Peut-être. MJC

 

"Havaiki de l'autre côté de toi" est publié dans le livre de

 

Charles Gardou avec le soutien de Tahar Ben Jelloun

Au nom de la fragilité.

Des Mots d’écrivains.

Editions érès 2009

 

« Comprendre l’errance »

« Entendre les non-dits »

Sont deux chapitres du livre ci-dessous

 

Charles Gardou

Fragments sur le handicap

Pour une révolution de la pensée et de l’action

Editions érès 2005

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19 juin 2010 6 19 /06 /juin /2010 17:46

J’invite le lecteur à lire Fragments 1, 2, 3 (Les 10, 11, 12 mai  catégorie Force et vulnérabilité)


Un livre de Charles Gardou

Fragments sur le handicap et la vulnérabilité

Pour une révolution de la pensée et de l’action

érès 2005 261 pages

Collection  «Connaissances de la diversité.»


Les chapitres étudiés ce jour se nomment

 

Mettre fin à l’exil

Franchir le seuil

Se libérer de l’entre-deux

Préserver son identité

Rompre les silences

Reconnaître le droit d'aimer

Bannir les clichés

Favoriser le bien-être


En exergue du chapitre « Rompre l’exil », nous lisons une citation de Platon :

« La nature de l’Autre était rebelle au mélange.

Pour l’unique harmoniquement au même, le démiurge usa de contrainte. »


L’histoire de ce chapitre est celle du difficile mélange de l’Autre


Je veux dire que ce chapitre constitue un étonnant mélange de l’autre. Un détonnant mélange. J’ai beaucoup aimé ce chapitre tissé avec ceux qu’on laisse sur le pas de la porte, dans l’entre deux d’un monde où une reliance ontologique et cosmique est possible. La souffrance de ne pas être relié aux autres voilà ce dont il s’agit dans ce chapitre. Et déjà dans l’écriture même de son travail Charles Gardou relie en citant amplement. J’aime ses longues citations qui font des trouées de lumière et d’amour dans son texte. Il les cite tous, un à un, dans un patient travail d’écoute et surtout de reconnaissance de leur intelligence à eux qu’on a laissés sur le seuil de la porte de l’humain, dans un entre deux criminel qui tue leur identité, pire encore, qui les amalgame à des déviants, à des criminels. Voilà, ils sont hors norme. Point barre. Charles Gardou lève la barre du point, et les laisse tous entrer sur ses pages d’études, pour notre plus grand bonheur d’humains, chercheurs de savoir. Permettez-moi, de tout mélanger car l’humain n’est beau que du mélange des êtres et des autres. Dansons tous à pertes de pages, à pertes de recherches, à pertes d’espoir. Se mélanger les uns avec les autres est possible sans nier nos différences, en les reconnaissant et en les caressant avec les mots du cœur, sans peur et sans reproches. La solitude ? Basta ! Lisons, écrivons, écoutons la musique des mots et tournons dans la valse de tous. Valse identitaire, valse de la terre, par de-là les mers et les montagnes, par de-là nos différences, parfois douloureuses certes, mais si porteuses de possible humanité. Cherchons et ensemble trouvons.

Charles Gardou, vous a cité, je vous nomme. Entrez dans la danse ! J’ai tant envie de vous découvrir  et à mon tour de vous lire et de me couvrir de vos savoirs, de vos espoirs. De me mélanger à vous, à vos mots érudits, passionnés, à vos mots de vie.

- R.F.Murphy, Vivre à corps perdu, Paris Plon, 1987

- H-Jstiker, Corps infirmes et sociétés, Paris, Aubier Montaigne, 1982, Paris Dunod

- E.Goffman, Stigmate, Les usages sociaux des handicaps, Paris, Editions de Minuit, 1975

- A.Van Gennep, Les rites de passages. Etudes systématiques des rites, paris, Editions A et J Picard 1981 (1ère édition 1909)

- E.Durkheim, Les formes élémentaires de la vie religieuse. Le système totémique en Australie, PUF, 1990 (1re édition 1912)

- M.Eliade, Initiation, rites, sociétés secrètes. Naissances mystiques. Essai sur quelques types d’initiation, Paris, Gallimard, 1959

- P.Erny, « La notion de rite de passage », dans T.Goguel d’Allondans, Rites de passage : d’ailleurs, ici, pour ailleurs, Toulouse, érès 1994.

- JF Gomez, Le temps des rites, handicaps et handicapés, Paris Desclée de Brouwer, 1999

- M.Calvez, « La liminalité comme cadre d’analyse et du handicap », dans revue Prévenir N°39, 2ème semestre 2000

 - J-L Blaise, « Liminalité et limbes sociaux :  une approche anthropologique du handicap, thèse de doctorat d’histoire et de civilisations des sociétés occidentales/Anthropologie historique, université Paris-7 Denis Diderot, 2002

- N. Milner, The child in Primitive Sociéty, New York Brentano’s 1928 ; dans B.Bettelheim Les blssures symboliques. Essai d’interprétation, des rites d’initiation, Paris Gallimard 1972


Et d’autres et d’autres. Ceci n’est pas une bibliographie. Ce sont des notes de bas de pages. Moi, j’ai toujours aimé les notes de bas de pages qui disent l’ailleurs pensé de l’auteur. L’ailleurs pensé de Charles Gardou est immense. Encore et encore…


- F.Dolsky, Comme un pingouin sur la banquise, Paris, Balland 1990

- L-A Samaras, Le Golio ou les portes de l’espoir, noisiel, Les Presses du Management, 1991

- Y. Lacroix, Un passage délivré, Lyon, Editions com’Act

- V. Mize, Comme dans un fauteuil. Valide/invalides : mode d’emploi. Paris, Editions Ramsay, 1993

- P.Segal, L’homme qui marchait dans sa tête, Paris, Flammarion, 1977

- D.Sibony, Entre-deux, l’origine en partage, Paris, Le Seuil, 1991


Et encore, et encore. Charles Gardou, à pertes de notes de pages, nous offre une toile symbolique, pour les accueillir tous, les exclus à cause d’un corps malade, à cause d’un psychisme défaillant, à cause d’une fêlure, comme ça trop visible et qui dérange. A ceux là qui dérange, qui brise notre image d’une humanité lénifiante et réconfortante, on leur dit « attendez ! attendez, sur le pas de la porte ! »


Mais ce que je veux dire aussi, c’est que ce chapitre, s’il est un chapitre de savoir,  n’est pas qu’un chapitre de savoir. Il est poème qui aime l’autre ; il y a des passages de tendresse et d’affection pour tout ceux-la qui font la queue pour entrer dans l’humain que nous avons décidé « infaillible » . Oui, avec ces mots de poètes Charles Gardou sait dire ce qui tremble dans « d’humides ténèbres ».


Oui, ce chapitre est très beau, par sa profondeur du savoir, sa profondeur du cœur, comme ça ,ce chapitre est écrit dans le temps de la sensibilité et du cognitif. Nous avons besoin de ces deux dimensions pour progresser tous ensemble et inventer l’humain ; Mais que de travail  pour « rompre les silences » ! qui est le titre du chapitre suivant et que sur la foulée, je vais vous raconter


Rompre les silences

Reconnaître le droit d'aimer 

Bannir les clichés

Favoriser le bien-être


« Rompre les silences » et le tabou de l’amour comme de la sexualité pour les personnes en situation de handicap. De quel droit décrétons-nous que ces personnes ne peuvent ni aimer ni faire l’amour ! Il faut leur reconnaître le droit d’aimer dans leur corps et dans leur âme, non à corps perdu mais à corps retrouvé malgré leurs blessures, leurs meurtrissures, leurs souffrances physiques ou psychiques, leur errance, souvent, par nous voulu, par nous imposée. (Pas toujours par nous. Manier la nuance). Il faut bannir les clichés, favoriser leur bien être et même les accompagner dans leur acte d’amour si cela est nécessaire. Il n’est pas question de développer une pseudo innocence mais il faut bien plus améliorer tout ce qui peut permettre une vie sexuelle épanouie et réelle. De quel droit, qui sommes-nous pour pointer, repérer, stigmatiser un impossible amour ? Bien, sûr, il faut faire attention au risque d’abus sexuels, on ne peut nier ce risque, mais le risque ne doit pas entraver l’amour simple comme le quotidien. Les personnes en situation de handicap ne doivent pas rester sur le palier de la chambre à coucher.


Cela engage, nous dit Charles Gardou, pour conclure ce chapitre, notre éthique de responsabilité… Et déjà, nous pressentons l’étonnante analyse, que plus loin nous trouverons sur la pensée d’Emmanuel Lévinas.


J’aime ce livre. Je le travaille très lentement mais, je vous promets à tous, une belle synthèse. Patience ! Laissez-moi le temps d’une douce et profonde élaboration…Le sujet est douloureux et pourtant parfois si heureux de courage, de persévérance à être et à aimer… Ces « Fragments sur le handicap et la vulnérabilité » sont une longue saga, « une révolution de la pensée et de l’action », laissez-moi le temps de l’intérioriser pour vous convaincre, si vous ne l’êtes déjà, que l’humain ne peut s’écrire qu’avec tous et sans laisser personne, pas une seule âme, pas un seul corps, pas un seul coquelicot sur le palier de l’humain …


Et donc, à suivre dans la douce lenteur du ciel et dans la chaleur de l’été, MJC


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6 juin 2010 7 06 /06 /juin /2010 11:37

Lettre au président de la République sur

les citoyens en situation de handicap

A l’usage de ceux qui le sont et de ceux

qui ne le sont pas

Julia Kristeva

Fayard 2003

 

 

J’ai aimé cette lettre douce et bien construite qui s’adressant au Président de la République témoignant du désir profond  de poser le handicap en terme de citoyenneté. C’est un livre court, à peine cent pages,  mais efficace. La construction en est la suivante :

 

Par cette présente note, je vis tenter de rendre compte brièvement de l’enchaînement rigoureux de ces quatre parties.

 

Le président de la République à qui s’adresse lettre est Jacques Chirac.

C’est à une réflexion sur le sens de la vie que Julia nous invite. Une sens de la vie qui laisse place à la différence des êtres en souffrance qu’il est urgent de reconnaître dans leur être intime et citoyen bien plus que de les situer sans fin dans une dynamique de compassion et de réparation. Ce dont il est question dans cette longue lettre, c’est de donner aux êtres, qui parfois apparaissent comme différents, un statut de sujet sur le plan politique et social en intégrant, en se souvenant du handicap à travers l’histoire, les situant soit comme lieu d’une horreur, soit comme des « seigneurs ». Personne ne mérite ni cet excès d’honneur ni cette indignité. Il s’agit simplement et humainement de permettre à chacun, porteur de handicap psychique ou physique. de réintégrer son statut de sujet de droit, sur les plans aussi bien politique que social en évitant de tomber dans le modèle médical toujours binaire où l’autre est définit exclusivement comme lieu de maladie à soigner, excluant toute parole de sujet, le chosifiant à partir d’un handicap.

 

Une telle approche en terme de sujet, approche de l’autre porteur de différence, porteur de handicap suppose selon Julia Kristeva

 

Julia Kristeva insiste : il n’est pas question de dénier la souffrance psychique où de se réfugier dans un vague masochisme qui s’exprime dans la phrase « ça peut m’arriver à moi » mais de donner le statut du sujet avec sa souffrance et son manque. C’est le choix d’une société qui doit accepter d’être plurielle, de reconnaître l’humain qui la constitue jusqu’à ses extrémités de différences : visages différents, corps différents, fonctionnements de la pensée différents. C’est à partir de cette reconnaissance de chacun, de Lévinas (irréductibilité du visage qui ne se livre pas à Hannah Arendt (l’homme ne serait être superflu) que peut se construire une société citoyenne et démocratique laissant à chacun de ses membres une possibilité d’être et de vivre dans le lien social bien plus que de vivre comme être « à réparer ».

 

Mais Julia Kristeva nous dit que si cette conception du handicap est en cheminement de progrès en terme de philosophie qui pense l’homme dans les faits il y a encore bien à faire. Ainsi, entre autre, nous cite t-elle Le Tribunal d’honneur présidé par le Docteur Roger Salbreux et l’association Droit aux soins et à une place adaptée (DSP). Elle cite aussi les terribles conclusions du rapport Thévenot-Quémada qui livrent des chiffres indignes d’une société digne de l’humain (à lire absolument). Ils constituent un « J’accuse ! » à connaître et qui dénonce un violent manque de respect des personnes en souffrance Je ne peux tout résumer, j’invite mes lecteurs à lire avec fidélité les chiffres de Julia Kristeva.

 

C’est pour défendre la philosophie politique exprimée précédemment, c’est pour dénoncer l’inhumain des chiffres cités que Julia Kristeva invite  à sensibiliser, informer, former. J’aime à lire comment elle défend le terme de « sensibiliser » qui signifie dépasser indifférence et résistances liées à nos peurs de la différence qui nous renvoient à notre propre inachèvement. Sensibiliser, informer, former à la conception même du handicap. Voilà ce qui en jeu

 

Pour clore ce livre si efficace par sa brièveté et précision, Julia Kristeva rappelle des exemples concrets d’actions. A lire lentement, crayon en main.

 

J’ai aimé ce livre d’une grande sobriété, d’une grande efficacité qui dit, avec simplicité mais exigence, l’urgence de mieux penser le handicap pour mieux y répondre. Ce qui est en jeu c’est l’humain quand il se fait solidarité dans une société qui se doit de reconnaître à part égale chaque membre qui la constitue. Mais que de travail pour passer des mots aux pensées construites et des pensées aux actes.

 

Merci, Julia Kristeva pour votre lettre écrite du lieu de votre intelligence et de votre générosité de femme au travail. MJC

 

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12 mai 2010 3 12 /05 /mai /2010 14:54

J’invite le lecteur à lire Fragments 1 et 2 (jours qui précèdent, même catégorie)


Fragments (3)


Un livre de Charles Gardou

Fragments sur le handicap et la vulnérabilité

Pour une révolution de la pensée et de l’action

érès 2005 261 pages

Collection  «Connaissances de la diversité.»


Le chapitre se nomme

Reconnaître pour inclure

Permettre d’exister

Evacuer l’autonomie

Respecter les droits de chacun

Refuser la fatalité


Charles Gardou poursuit sa réflexion sur un être ensemble qui autoriserait et, qui doit absolument autoriser, la reconnaissance d’êtres blessés par la vie, inscrits dans une douleur physique ou psychique qui compromet leur place dans la  communauté si on n’y prends garde.
Il pose d’emblée  quatre repères pour constituer cet être ensemble optimal.


La notion de reconnaissance

La notion d’autonomie

La  notion des droits imprescriptibles de l’humain

La notion du dire et de l’agir


Ainsi ce chapitre sera constitué de quatre sous-chapitres qui développe ces 4 points dans une pensée structurée qui donne au livre une dimension symbolique incontestable, dans laquelle il est simple d’en suivre les pas, pas à pas. Un chemin tracé à emprunter sagement pour inventer un être ensemble presque généreux, avec d’autres auteurs toujours présents dans les pages de Charles Gardou qui n’avance dans sa réflexion qu’au sein de sa parenté symbolique : d’autres chercheurs de l’humain.

 

Permettre d’exister

 Être sujet, suppose la reconnaissance par un autre. Lévinas, Hannah Arendt, Freud, et quelques autres se faufilent dans ce paragraphe. L’émergence du sujet se fait dans le un qui devient pluriel, Hannah Arendt a, je crois une belle phrase pour dire cela, « pour être un, il faut-être deux ». Deux, la mère et puis quelques autres encore qui définissent la cité dans lequel le sujet à venir aura « le droit de cité ». Ce droit de cité pour tous, même et surtout pour ceux qui portent et emportent une grande douleur, physique ou psychique suppose, nous dire Charles Gardou, la construction, ou reconstruction, l’élaboration d’une éthique morale qui permettent aux plus démunis d’être reconnus. Parce que de cette reconnaissance dépend leur construction identitaire. Certes la psychanalyse , Freud, Lacan, Winnicott, Françoise Dolto, Mélanie Klein, Anna Freud, et d’autres encore ont élaboré avec sagesse la construction identitaire du sujet à partir de la relation à la mère, au père et plus largement au sein de la dynamique familiale ; mais combien sont nécessaires les travaux des sociologues, anthropologues, ethnologues et autres représentants des sciences merveilleusement humaines pour approfondir, définir, circonscrire la place du collectif, du social, de l’histoire dans l’élaboration du sujet.


Le défaut de reconnaissance est tragique pour ceux qui le subissent de plein fouet. Une telle privation, joue l’effet d’une double peine pour ceux qui en portent déjà une très lourde. La blessure devient fêlure, la fêlure devient cassure, la cassure devient mur, qui enferme le sujet dans le  chagrin de sa différence. L’universel de l’homme passe par tous ceux qui constituent l’humanité : les faibles et les moins faibles et je dirais même restent à définir ceux qu’on appelle faibles et forts. Pour moi, faible est celui qui conjugue à perte de sa vie, le verbe avoir ; pour moi fort est celui qui conjugue, dans une lutte de chaque jour, son verbe être.


Je suis, tu es, il ou elle est, nous sommes, vous êtes, ils ou elles sont.


Je me dépasse, tu te dépasses, il se dépasse, nous nous dépassons, vous vous dépassez, ils se dépassent.


Entre ce verbe être et son laborieux mais possible dépassement dans une douce lenteur existentielle et non dans une violence active, voire même activiste, se joue un tendre vivre ensemble aux couleurs du possible.


Oh combien, je suis d’accord avec Charles Gardou lorsqu’il transforme le cogito cartésien « Je pense donc je suis » par « Je suis reconnu donc, j’existe. »


Je reconnais l’autre

Tu reconnais l’autre

Il ou elle reconnait l’autre

Nous reconnaissons l’autre

Vous reconnaissez l’autre

Ils ou elles reconnaissent l’autre.


Cela est bien difficile mais on essaie ? Chiche ? Pari tenté ! Pari gagné !


Accompagner l’autonomie

Difficile est la question de l’autonomie qui permet à chacun « de se prendre en main et de devenir singulier » écrit Charles Gardou.


L’autonomie n’est pas exclusivement liée à la personne, elle est aussi liée au monde qui l’environne. Je pense là, à une notion chère à Winnicott : pour grandir, il faut au petit homme, qui deviendra grand, un environnement « suffisamment bon ». C’est à ce « suffisamment bon, qu’il faut s’atteler pour tous, au plus vulnérables et aux autres. J’ai une amie, qui m’a fait don d’une jolie expression « l’écologie humaine ». Oui, c’est cela, il faut éviter la pollution

de l’environnement par des situations  concrètes asphyxiantes qui auront la tragique conséquence de réifier les plus démunis. La question n’est pas celle de réadapter sans fin, de produire des relations qui s’inscrivent dans du déficit et de l’assistanat, la question est de poser la possible émancipation,  « un care », dirait encore Winnicott, structurant un accompagnement réussie et non une assistance mortifère. La question est de rompre le pain de nos complexes vies, ensemble. Le pain de l’inachevé, lui permettre de lever nos incertitudes, ensemble, nous permettre de continuer d’exister, humains.


Un mouvement sociopolitique a été fondé dans les années 60 aux Etats-Unis, par des personnes victimes de handicaps. Elles ont alors protesté contre leur situation sans autonomie dans leur lieux de soins. Elles ont réclamé le droit d’aménager leur vie, selon leur choix tout en respectant leur handicap. La question n’est pas de dénier le handicap mais de construire avec le handicap intégré. Oui, c’est cela, la question n’est pas celle de la compensation mais celle de l’intégration du handicap. C’est à ce prix là, certes difficile, que pourra s’installer une réelle autonomie qui permettra à celui qu’on nomme « handicapé » de se vivre sujet de sa vie, voire même de son handicap, n’en déplaise aux partisans de la compassion mortifère.


Je vis avec mon handicap

Tu vis avec ton handicap

Il vit ou elle vit avec son handicap

Nous vivons avec notre handicap

Vous vivez avec votre handicap

Ils ou elle vivent avec leur handicap


C ‘est difficile, mais qui a dit que vivre était facile ! Basta, je continue !


Respecter les droits de chacun


Je recopie, avec Charles Gardou, un doux passage de La Déclaration universelle des droits de l’homme, ça ne fait pas de mal de s’en imprégner, toujours et toujours même si, elle ne vaut pas la Déclaration des droits de la femme (surfez sur Olympes de Gouge !)


1er article

« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits [..] Ils sont doués de raison et de conscience, et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité »


2ème article

« Les droits proclamés à tous, sans distinction aucune de [...] de fortune, de naissance ou de toute autre situation. »


Charles Gardou, qui décidément n’apprécie pas la pensée de Descartes (moi non plus !) n’est pas d’accord avec ce dernier, lorsqu’il définit l’être humain, par rapport à son intelligence et au rationnel


Charles Gardou, rappelle avec justesse, que, quelque soit notre pouvoir, notre avoir, notre place dans la cité, nous sommes tous porteurs d’une histoire, d’une tradition, d’un nom propre, transmis et à transmettre. Nous sommes tous des êtres de transmission. L’humanité est une affaire de transmission – avec ou sans intelligence- ; transmission malgré blessure et solitude. Et c’est à ce point qu’il est possible de définir la dignité : la dignité d’occuper une place dans une généalogie, parfois douloureusement obturée, mais toujours insistante, quelque soit le handicap. La dignité rejoint le concept cher à Winnicott, celui de « sollicitude ».


Je renvoie donc mes lecteurs à mon commentaire sur ce point, catégorie Winnicott.


Charles Gardou, nous invite à sans cesse emprunter d’autres chemins théoriques, faisant de sa pensée un espace multidimensionnel. Passionnant ! Un mot encore, sur la dignité


La dignité est l’affaire de tous ou n’est pas !


Refuser la fatalité.


J’aime la douceur de ce dernier paragraphe, très Arendtien qui pose la dialectique du dire et de l’agir, du dire des recherches si nombreuses qui permettent un agir humain vers les si nombreux blessés de la vie.


J’aime la douceur de cette conclusion qui trace l’espoir de la recherche au service d’un possible statut de sujet. Charles Gardou nomme ses compagnons de pensée et cela me fait au chaud au cœur, moi, parfois si désespérée. Oui, il faut espérer dans l’intelligence humaine, non dans l’intelligence solidement rationnelle, mais dans celle qui naît de la difficulté d’être dans une généalogie possible, dans une solidarité de chaque jour, dans le patient travail des pouvoirs publics des institutions, toujours stimulés par les associations, certaines si démocratiques. C’est donc, sur ce mot de démocratie, que nous suspendrons notre lecture, jusqu’à mon prochain commentaire.


L’histoire de sujet, blessé gravement par la vie, aux prises avec une destinée difficile, je dirais plutôt, un instant de destinée, car la roue tourne et personne n’est à l’abri de voir sa destinée basculer dans une précarité d’être, aussi triomphant que soit son présent, cette histoire là, du sujet singulier, s’inscrit et s’inscrira toujours, nous ferons tout pour cela, dans l’espace/temps de la démocratie.


Oui, Charles Gardou, votre chemin est passionnant ! et donc,


A suivre ! MJC









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11 mai 2010 2 11 /05 /mai /2010 16:03

Fragments (2)


Un livre de Charles Gardou

Fragments sur le handicap et la vulnérabilité

Pour une révolution de la pensée et de l’action

Erès 2005 261 pages

Collection «Connaissances de la diversité.»


Nom du chapitre : "Bannir ce qui réifie"


Accepter la différence

Changer le regard

Evacuer les préjugés



Un chapitre court, par rapport aux autres chapitres du livre mais un chapitre essentiel qui dit complexité et paradoxes, dangers et conséquences, certitudes et interrogations de la rencontre, des rencontres avec d’autres différents emportant tant de similitude à nous, avec d’autres pareils emportant tant différences. Du même au différent, ce chapitre nous conte là une dialectique humaine difficile à vivre et qui ne se laisse pas saisir comme ça dans l’élan d’une première lecture. J’ai lu plusieurs fois ce chapitre difficile qui abrite de l’évidence semble-t-il au premier regard mais au second nous livre tant de complexité.


Et donc, je commence


Nous ne sommes pas seuls au monde, la chose n’en est pas toujours aisée à vivre et nous pouvons même parler de souffrance ; voilà qui paraît simple ! En effet, si nous ne sommes pas seuls, l’enjeu d’un être ensemble, lui est beaucoup plus nuancé. Et voici la première conséquence qui en découle. Certains vivent la double peine que constitue la blessure d’un handicap alliée à la blessure du regard de l’autre qui réifie leur douleur, leur blessure. C’est de ce bannissement là, c’est de ce refus de la double peine que Charles Gardou nous entretient avec grande intelligence dans ce chapitre. J’entends par intelligence l’art contraire de créer tout à la fois, une distance à son objet, et  d’en atteindre le noyau constitutif de son savoir sur le handicap. Ainsi,  tout au long de ce chapitre le lecteur attentif relèvera en permanence une structure bipolaire.


Je vais donc présenter un à un les sous-chapitres et souligner pour vous la bipolarité qui les habite successivement. Bipolarité absolument nécessaire à percevoir pour inventer un « vivre  ensemble » constitué de respect et de dignité de l’autre, mon prochain, mon pareil, mon semblable si différent de moi, et pourquoi pas, un vivre ensemble constitué, en plus, d’amour. La cerise sur le gâteau !


Accepter la différence


La première bipolarité que j’ai relevée dans la rencontre avec les êtres blessés est celle crée par la tension existante, qui immédiatement s’instaure :


- postulat d’égalité avec négation de la différence, qui se dilue dans l’identique, au nom de l’égalité, et conduit alors, dans une égalité béate, au rejet de l’être différent

ou

- postulat de singularité et droit à la différence qui souligne et sépare, et stigmatise enfin jusqu’à l’exclusion


Et donc par le repérage de cette bipolarité, Charles Gardou accède à la fonction du terme de « Handicap » qui désigne une personne mais ne nous apprend rien sur son être au monde.

Il est plus aisé de classer, de marginaliser, de montrer, de repérer, d’opposer, de différencier, de stigmatiser, d’exclure que de s’approcher d’une déchirure, d’en recevoir les éclats et que de savoir être là, soi, intact de soi, inachevé, sans peur de ce que la blessure de l’autre nous renvoie de notre inachèvement et de notre équilibre si précaire dans notre destinée.


Voilà, ce que nous apprend, l’étonnante analyse de cette première bipolarité.


Changer le regard


Les deux termes d’une bipolarité tragique pour celui qui souffre d’un handicap


- Considérer l’autre comme objet à regarder, comme objet surtout différent de moi, je n’ai rien à voir avec cette blessure, je suis une personne normale, qui mérite sa chance de vivre dans une société performante, je peux posséder, moi, le presque parfait, je peux conjuguer mon verbe avoir à tous les temps, sur tous les modes et tant pis pour mon verbe être ! Et tant pis pour celui de l’autre ! Cela s’appelle la bêtise, celle qui fait souffrir, celle qui détruit, celle qui anéantit, celle qui blesse.

ou

- Rencontrer l’autre comme une limite à mon image, comme finalement pas si différemment moi, le blessé de naissance mais différent malgré tout par une expérience de vie courageuse qui n’est pas la mienne, par expérience de vie qui élargit les possibilités de l’être. Alors soudain, s’infiltre, comme une eau fœtale bienfaisante pour nous deux, le respect et l’admiration pour tant de dignité et d’expérience. Oui, je vais l’aider dans ses difficultés quotidiennes, pourquoi pas, mais je vais l’aider en, sans cesse me souvenant, de sa valeur de lutteur pour la vie. Non pas une valeur de « battant » qui n’a de cesse de battre l’autre dans je ne sais quelle rivalité, non, dans le sens de « lutteur », celui qui lutte inscrivant dans le fil de ses jours sa vitalité et son courage à conjuguer son verbe être !


Evaluer les préjugés


Les  deux termes d’une bipolarité véhiculée par la société


 - Une société qui véhicule des préjugés sur l’être blessé, qu’il faudrait sans cesse aider à compenser ce qui est vécu toujours comme manque et déficit, faisant d’eux des parasites et des assistés, des victimes, des « sous-hommes », des indignes de l’humanité pensante. Des préjugés qui écrivent les mots « horreur » et « scandale » de telles pensées qui déresponsabilisent l’homme de sa responsabilité d’homme.

Ou

 - Accepter la complexité de l’incertain et de la vulnérabilité, accepter la roue qui tourne, accepter la dimension douloureuse de l’humanité, accepter le chagrin de l’autre, qui au détour d’un regard enfin humain, devient le mien, accepter l’immense étendue des expériences et des ressentis humains, accepter enfin la vie dans toute sa complexité, résistant à notre savoir, mais ne devant jamais résister à notre cœur, si simple, qui bat à la cadence du temps de l’horloge qui est le même pour tous.


Je veux dire, combien j’ai aimé ce chapitre, pourtant difficile, nous plongeant dans des contraires qui nous font émerger de tant simplifications mortifères et honteuses, celles que nous avons, toujours à portée de mains, dans le placard aux vilénies qui est toujours si plein et que nous devons épousseter avec le plumeau de nos livres, par exemple ceux si nombreux de Charles Gardou, mon ami. MJC






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10 mai 2010 1 10 /05 /mai /2010 14:37

Un livre de Charles Gardou

Fragments sur le handicap et la vulnérabilité

Pour une révolution de la pensée et de l’action

Erès 2005 261 pages

Collection «Connaissances de la diversité»


Introduction


Je commence donc un nouveau livre de mon ami Charles Gardou dont je vous ai présenté à plusieurs reprises la dynamique de recherche. Ce livre n’est pas le plus récent (publié, il y a 5 ans déjà) mais il exprime un tournant dans sa réflexion d’homme toujours au travail de la différence quand elle fait exclusion.


Je travaillerai ce livre chapitre par chapitre puis j’en ferai une synthèse, présentant  par là une démarche d’étude qui m’est chère.


Je lirai ce livre de ma place de femme, de citoyenne et de psychologue clinicienne, celle que j’ai été des années durant avant que la retraite ne me surprenne incroyablement fière d’une vie professionnelle faîte de résistance au jour le jour, poussée par mes toujours citoyens, jusqu’à, parfois,  l’échec. Mais qu’importe ! J’ai vécu mes vérités professionnelles dans la lumière de mes engagements de femme.


Je lirai aussi ce livre de ma place de grande lectrice depuis toujours et d’écrivaine depuis si peu.


Pour vous donc, je commence ma longue et patiente lecture, soulignant une fois encore que mon commentaire ne doit surtout pas vous dispenser de lire le livre. Il s’en veut une simple introduction et surtout une incitation à le lire, tant, je le dis déjà, il constitue un livre essentiel pour tous, quelque soit le lieu d’où on choisit de le lire.


Je commence donc mais auparavant, encore une pensée introductive.


Ce livre, comme tous les livres de Charles Gardou est un livre pensé de l’ailleurs de son savoir d’homme et de lecteur. Je me réfère par là à la splendide bibliographie qui est sienne dans la plupart de ses livres et aux citations et exergues qui émaillent et brisent son texte, écrivant l’ailleurs de ses propos et donc la distance nécessaire à toute conceptualisation mais aussi dans une référence permanente à sa parenté symbolique.


J’espère qu’il me pardonnera de citer, parmi ses nombreux exergues, celui-ci qu’il signe en début d’ouvrage :


« Tout compte fait de mes expériences écartelées et écartelantes, je crois qu’il n’y a qu’une chose qui ne se compense pas, c’est de ne pas vivre et de n’avoir pas vécu. Je suis de la religion de vivre et de permettre aux autres de vivre. J’essaie d’être digne là où la vie à son lieu : ici et maintenant »


Ces propos témoignent, j’en suis convaincue du livre qui s’avance





Chapitre 1. Susciter une révolution culturelle, désinsulariser le handicap


Ce chapitre, je l’ai lu comme une introduction au livre qui s’avance et donc dans une richesse conceptuelle importante mais non encore aboutie. Le livre sera là pour développer « les graines » semées dans ce chapitre, puis dans l’ensemble de sa recherche ultérieure, « terre de pensées », terre à labourer des pages durant entre stylo et clavier, dans la rencontres d’hommes et de femmes vivant « L’évènement- handicap »  le pensant ou le pansant,  mais surtout l’accueillant dans une dynamique de respect, générique de la seule approche possible de l’humain, en détresse ou non. La roue du temps et du destin  tourne pour tous mais le respect, lui,  doit-être toujours là, attentif aux aléas des destinées.


Nous sommes d’emblée avertis qu’il s’agit là d’un ouvrage /synthèse et donc difficile mais riches  des pensées qui l’ont précédé, élaboré et mûri dans le fil des années, des expériences de vies, intimes comme professionnelles. Donc un ouvrage d’homme dans sa maturité d’homme. Un livre tournant, vous ai-je dit.


Un texte ouvert sur des questions essentielles : la norme, le handicap, la différence, le regard sur l’autre, le destin, le silence quand il se fait violence symbolique, la machine sociale qui porte en avant certains et qui en détruit d’autres, les actes de vie et leur conscientisation, la nature du lien entre les hommes mais surtout l’objet de ce livre sera l’approche dans l’intelligence du coeur de ceux qui vivent « L’évènement-handicap ».


Qu’est-ce donc qui annonce la révolution culturelle, la désinsularisation du handicap ?


Pourquoi ces mots si précis de « culturel » et de « désinsulaire » dans le titre du chapitre ?

Désinsulaire renvoie à « île » et à Robinson. Histoire de solitude. Celui qui vit l’évènement-handicap vit dans la solitude sur île nommée différence et différence renvoie à culture. Comment la culture traite-t-elle la norme et la différence ? A ce point germent déjà les études interculturelles de Charles Gardou. Comment traite-t-on le handicap dans les différentes cultures ? Ceci étant  l’objet des recherches actuelles de Charles Gardou, anthropologue et inlassable voyageur.


Le handicap, n’est qu’un des aspects spécifiques de l’humanité mais qui a un rôle d’amplificateur nous-dit il par la peur de la différence qu’il véhicule, par cette façon qu’il a de nous assigner à notre miroir brisé dont nous ne voulons pas. Nous nous voulons triomphant et fort, ainsi la culture  nous assigne-t-elle chaque jour un peu plus à cette place, clôturant notre être dans du définitif qui brille. Mais la vulnérabilité dont nous sommes tous porteurs vient écrire la faille de cette force qui nous enferme dans notre être approximatif, inachevé malgré la culture du triomphe. Alors Charles Gardou vient nous rappeler que le lien qui nous unit aux autres est un lien de vulnérabilté, de singularité qui impulse pour chacun un itinéraire singulier où la destinée a sa place, la destinée et ses triomphes, la destinée et sa gloire mais aussi la destinée et son pauvre désir d’enfant fragile. Vous savez celui qui a toujours besoin de l’autre pour vivre : le premier autre, sa mère puis les autres autres, les hôtes de notre désir souvent en morceaux, de notre désir souvent fragmenté. Le titre du livre :  « Fragments sur le handicap et la vulnérabilité » mais comme ça, je dirai aussi quand notre désir nous fragmente jusqu’au handicap, avec du handicap dans le temps de notre destinée.


Alors, biens sûr , il n’existe pas de cadre à la douleur que d’être humain inachevé, il n’existe pas de cadre normatif qui nous rassurerait tant dans nos pauvres peurs chimèriques, dans nos nos fragments si fragmentés. Restent à inventer des lumières qui jaillissent de nos regards, les uns sur les autres, des regards sans compassions, des regards sans superstitions, des regards sans hostilité, des regards sans indifférences, il nous restent à inventer des regards forts sur la vulnérabilité, la leur, parfois la nôtre, la nôtre parfois la leur, il nous reste à inventer une pensée métisse, il nous reste à inventer la métis, il nous reste à inventer dans le patient travail de nos jours et de nos amours le possible de nos fragments ; ça pour l’insulaire


Il nous restent à inventer une culture où l’évènement-handicap a sa place, dans sa différence certes mais dans son droit à exister inachevé par ses membres, ses sens, ou son âme défaillants, il nous reste à inventer un droit de cité pour l’évènement-handicap dans nos âmes et notre géographie existentielle ; ça pour la culture.


Milan Kundera écrit que nous traversons notre présent les yeux bandés. Mais qu’est-ce donc qui bandent nos yeux si ce n’est ce refus obstiné que nous avons tous de nous vivre inachevé et dans le pathétique désir de vivre ensemble pour masquer notre solitude et notre impossible partage d’être dirait Lévinas.  Nous avançons dans nos vies, les yeux bandés dans un étrange tâtonnement existentiel, jour après jour. Certes, nous avons besoin de force et de triomphe mais à quoi bon dénier notre vulnérabilité et la faire porter dans un définitif adieu à l’autre, l’exilant sur une île de chagrin  tandis que nous continuons sur le continent ?


                        Une île

                        Ta vie qui file

                        Dans la différence

                        La mienne ou la tienne

                        Ne pas chanter l’inutile

                        Tous les êtres sont égaux

                        Malgré ou avec leur maux


                        Dans le silence ou dans le tapage

                        Nous vivons à tous âges

                        Nos victoires et nos gloires

                        Mais dans nos cartables d’enfants

                        Nous sommes vulnérables

                        Par nos manques à être

                        Et par notre inextinguible dette


                        D’une culture

                        Que le chagrin refuse

                        Plus obstinée qu’une buse

                        Je refuse d’être la muse

                        J’en appelle aux pouvoirs publics

                        Et à toute la clique des bien pensants

                        La douceur il faut garder patiemment


                        Contre vents et marées

                        Nous poserons les bases

                        D’une nouvelle culture

                        Où chacun aura sa place

                        Avec sa différence

                        Avec ou sans dépendance

                        A l’autre, corps ou âme


            La révolution culturelle, qui laissera à tous, une égale place, sans charité, mais avec l’intelligence du coeur, qui laisse place à la vraie transmission du savoir humain, réside nous dit Charles Gardou dans la « désacralisation de l’individu qui se voudrait parfait, immortel et auto-suffisant ».


Voilà pour l’essentiel me semble-t-il de ce chapitre qui introduit avec rigueur et exigence le livre et la recherche d’une vie à venir. MJC

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2 mars 2010 2 02 /03 /mars /2010 19:18

Nous les humains, nous sommes des malentendants de naissance et nous sommes foutus avant notre premier cri. 

 

Ce n'est pas une raison pour démissionner de notre labeur de vivre ! MJC

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