J’invite le lecteur à lire dans la catégorie Force et vulnérabilité, Fragments 1, 2, 3 (10,11,12 mai 2010 ) et 4 et 5 (samedi 19 juin) et Césure (dimanche 20 juin 2010), Fragments 6 (le 22 juin 2019), Fragment 7 (22 juin 2010)
Un livre de Charles Gardou
Fragments sur le handicap et la vulnérabilité
érès 2005 261 pages
Collection «Connaissances de la diversité.»
Le chapitre étudié se nomme :
Provoquer des ruptures
Entrelacer les compétences
Promouvoir les ressources
Former pour réformer
Ce chapitre articule les différents chemins de la question d’une école inclusive pour les enfants en souffrance de handicap et approfondit le chapitre précédent qui en posait les prémices. Maintenant, nous élaborons les conditions de cette question que Charles Gardou qualifie de deux adjectifs : exigeante et décisive.
Pour satisfaire ses dimensions, exigeante et décisive, de la pensée sur le handicap, Charles Gardou, dans ce chapitre essentiel nous propose 8 chemins, mais ce qui est intéressant et qui donne profondeur à son travail, c’est que, dans chaque chemin, il pose la nuance, la contradiction, l’oscillation possible de sa pensée toujours en mouvement. Ces 8 chemins ne constituent pas une cartographie immobile mais un creuset de pensées qui comme des vagues accèdent à la plage, jamais au même endroit. La pensée de Charles Gardou, comme celle de ses amis, qui sillonnent les bas de pages, est pure symbolique car toujours inscrite dans de l’échange pressenti, sollicité, engendré par de nombreux livres, par de nombreuses citations. Par de nombreuses situations.
Je vais donc essayer de rendre compte de ce mouvement, de ce symbolique en empruntant sagement les 8 chemins proposés, avec dans notre sac à dos des livres. Penser le handicap, c’est penser à partir de la pratique, de la terre ocre et noire, constituées de ses aspérités de souffrances parfois éclatées, mais si vivantes, mais aussi à partir des livres, de leur sagesse, si pleine de pensées et de transmission qui invente une possible stabilité.
1) Le premier chemin est constitué de « la pleine et entière reconnaissance de la variabilité individuelle des enfants touchés par une déficience. » Oui, ce chemin mérite d’être tracé car si souvent nous disons par exemple « Les enfants trisomiques », oubliant cruellement que chacun a son histoire, son identité, son caractère, ses fragilités, et sa force comme tout à chacun. Et ce pluriel « les » engendre de l’effacement mortifère. Il est essentiel d’emprunter ce chemin du refus de la catégorisation et sans doute avec l’auteur de lire, de découvrir ou redécouvrir la pensée de Soren Kierkergaard. Il est urgent de ne pas demander à l’enfant de se plier devant la norme, de s’effacer en silence, avec son pauvre handicap, avec sa souffrance dérangeante.
Mais
Attention nuance !!! Il ne faut pas tomber non plus dans « un différentialisme ségragateur », dans un intégrisme de la différence.
Ce premier chemin invente la douceur d’une rencontre et d’une inclusion. Je crois que la douceur est le maître mot de ce chapitre qui renonce à des points de vue rigides et sans appel
Pour faire place à toujours l’étude d’un possible, entre standardisation et différences, entre diversification et fragmentation.
2) Le deuxième chemin nousentraîne sur une flexibilité éducative et intégrative par l’étude d’une inclusion en milieu ordinaire qui peut-être soit collective, soit individuelle. (collective : une classe, individuelle : un enfant). Sur ce chemin, nous parlons ensemble, comme sur le chemin précédent de toujours diversifier les inclusions, sans les fragmente, en inventant, par une réflexion quotidienne, sur des situations quotidiennes, avec l’enfance et le handicap conjugué au quotidien, de la flexibilité qui peut répondre à une insertion complexe mais vivante.
3) Le troisième chemin que nous empruntons, va nous réfléchir, après celui de la flexibilité, à la continuité. L’une n’excluant pas l’autre. L’enfant évolue dans la continuité des écoles qui l’accueillent selon son âge. Il en va de même pour l’enfant en situation de handicap qui progresse dans la continuité soutenue, reconnue, voulue par ses parents comme par ses maîtres. Il est nécessaire d’assurer des parcours cohérents mais surtout vivants et authentiques. En bas de page, nous trouvons la référence à l’auteur R.J Clot qui a écrit L’enfant halluciné (Paris Grasset 1987) et qui dit son « abandon dans la classe » et combien alors son esprit « battait en retraite. » Il est important de mettre toutes nos forces dans la bataille pour traiter avec égalité l’enfant porteur d’un handicap. Certes, c’est facile à écrire, difficile à instituer, dans des classes surchargées, avec des maîtres insuffisamment former à la rencontre du handicap (on y reviendra plus loin). Mais déjà, postulons l’égalité, et sa mise en œuvre adviendra dans le chemin du combat.. Ce chapitre se situe entre utopie et pratique, et c’est en ça qu’il écrit la douceur d’une perspective souvent traitée dans la violence de notre sentiment d’impuissance (voir chapitre précédent).
4) Le quatrième chemin que nous empruntons nous permet de dire justement la difficulté d’être enseignant qui vit la rencontre avec l’enfant porteur de handicap. Vivre cette rencontre, l’inventer au jour le jour relève de l’art d’être humain et de porter dans son cartable de maître des pratiques efficaces dans un entrecroisement de regards qui permet au maître de ne plus être seul à bord : interventions plurielles, je dirai « para éducatives » : psychologue, orthophoniste, psychomotricien etc.… Sur ce chemin, nous rencontrons des maîtres et d’autres professionnels qui aident à penser aussi le handicap dans sa dimension inclusive.
Mais
Sur ce chemin, nous cheminons aussi avec les familles des enfants, dont le désir est si important. Surtout, ne pas les laisser sur le bord du chemin. Parler avec eux du possible comme de ses limites. Parler. Maître mot, de ce quatrième chemin.
5) Cinquième chemin, sur lequel nous allons ensemble relire Sophocle et notamment quand il nous dit, cité par Charles Gardou : « Accepte le destin, mais sache le maudire » , nous lirons aussi Vercors, (toujours cité par Charles Gardou,) quand il écrit : « Désespoir est mort ». Cheminer avec les enseignants, pour lutter avec eux, contre leur désespérance professionnelle (voir le chapitre précédent). Important de laisser naître chez les enfants un désir d’avenir qui risque d’être étouffé par le handicap porté. Sur ce chemin, parents, maîtres et enfants marchent, inventant un possible avenir pour tous. Ce chemin est bordé de livres et de fleurs.
6) Le sixième chemin nous mène à Amsterdam ou fut signé un important traité qui a donné corps à la proclamation européenne du principe de non-discrimination, contenue dans l’article 13 de ce traité et qui pose « Le droit à la compensation. Restent à tous les marcheurs, à tous les acteurs de lui donner vie pour permettre à l’école de faire vivre tous les enfants. Essentiel pour que l’inclusion ne devienne pas un processus d’échec et de violence.
Je note que le terme de violence revient souvent sous la plume de Charles. Oui, le handicap peut emporter beaucoup de violence du côté des acteurs sociaux. Ne pas dénier. A réfléchir. A approfondir.
7) Le septième chemin est emprunté par des éducateurs et des instituteurs, il nous amène réfléchir sur l’équilibre à donner à l’enseignement à des enfants porteurs de handicap, équilibre entre éducation et enseignement. Surtout ne pas renoncer à enseigner. J’invite le lecteur à se reporter à mon commentaire du précédent où je m’arrête un moment sur le beau roman de Jeanne Benameur Les Demeurées. Oui, apprendre dans le souffle des lettres les secrets de l’humanité doit être le privilège de tous. Ne pas renoncer au symbolique. Jamais. C’est un chemin, difficile mais si beau.
8) Le Huitième chemin nous fait découvrir de grandes bâtisses, et si nous en poussons les portes, ensemble, nous découvrons émerveillés une multitude de livres, de tous les âges. Il est temps pour nous de nous former pour mieux réformer ce monde, qui parfois, se vit avec trop d’injustices.
Enfin, fatigués, mais heureux de nos huit chemins, nous arrivons au but de nos randonnées, dans le mouvement des jours et de nos toujours. Nous arrivons à la conclusion qui nous dit
que nos textes humanistes et généreux peuvent vivre et abriter des colombes si nous sommes vigilants à la mise en place de nos textes par d’autres textes, cette fois-ci politiques, législatifs qui rendront accessibles les classes, et qui donneront des finances réelles et non illusoires pour asseoir une pédagogie inclusive, avec des classes non surchargées, avec des maîtres formés, avec un aménagement du temps pour parler avec les parents.
Et confidence, pour confidence, moi, je verrai bien, comme destination de nos chemins de randonnées, Les Régions, Les Conseils généraux, l’Assemblée Nationale, L’Elysée, Le Parlement Européen….
Un kilomètre à pied, ça use, ça use,
Un kilomètre à pied, ça use les souliers !
En marche, pour un monde métissé, où les enfants porteurs de handicaps pourront vivre l’école de la République !
Merci, Charles Gardou pour ce si beau chapitre, entre utopie et savoir, entre espoir et combat, dans une sagesse si quotidienne et si humaine. MJC,