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26 juin 2009 5 26 /06 /juin /2009 15:52

Handicap Le temps des engagements (4)


Handicap Le temps des engagements Sous la direction de Julia Kristeva- Charles Gardou PUF 2006 (355 pages.15 euros)   


Forum  Vie, santé, Ethique et déontologie


Responsables du Forum :

Charlotte Dudkiewiewicz, psychanalyste

Henri-Jacques Stiker, directeur de recherche en anthropologie historique, Université Denis Diderot –Paris VII


Intervenants :

Daniel Sibony, psychanalyste et écrivain

Jean-Claude Ameisein, professeur d’immunologie à l’Université de Paris VII –Chu Bichat, président du Comité d’Ethique de l’iNSERM, membre du Comité consultatif national d’éthique

Yves Agid, professeur neurologue, chef de chu salpêtrière et directeur de neurosciences

J.London, professeur, Université Paris VII- Denis Diderot présidente de l’Association française pour la recherche sur la trisomie 21 (AFRT)


J’aime copier ces noms de tous ceux qui travaillent à l’amour pour les personnes vulnérables, qui travaillent à trouver des solutions, qui travaillent à inventer un nouveau regard.


A eux, merci ! merci ! Merci !


Naissance et peur du handicap


Charlotte Dudkiewicz-Sibony : Pour commencer cette réflexion, dire, reconnaître que cela est là : la peur du handicap, la peur d’avoir un enfant handicapé. Désir de s’en protéger ne signifie pas le rejet.


Relation d’un récit : A la maternité de Tenon, là où travaillait Charlotte, c’est elle qui raconte, une femme avait mis au monde une petite fille trisomique 21. Comme ça, dès le début : rejet absolu de l’enfant qui sera donc placé en pouponnière adaptée.

MAIS, ensuite la maman reprend l’enfant. Elle ne veut pas que le lien symbolique avec l’enfant soit brisé, elle ne veut pas que son enfant soit réduite à un simple handicap. Elle reprend donc son enfant et devient donc très active dans une association relative aux enfants trisomiques. Trop, semble dire l’histoire et elle met en danger l’équilibre de sa famille jusqu’aux limites de ses relations avec sa famille. Le handicap de son enfant révèle les limites.

Charlotte Dudkiewicz-Sibony  relate les réactions qui se produisent autour d’une situation de handicap : dans une famille, dans le milieu professionnel et le jeu inattendu entre rejet et retournement de ce rejet. Elle étudie plusieurs situations auxquelles des soignants ont été confrontées, leurs réactions, leurs projections, leur peur, cette peur dit-elle, qui est le nœud de la réflexion sur le handicap.

Cette psychanalyste propose des groupes de réflexion éthique dans chaque hôpital sur le handicap, avec tous, parents comme soignants pour que chacun trouve à ses talents et ses limites dans sa famille puis dans la société. Elle suggère ainsi de transformer l’énergie véhiculée par la peur en  un souci actif et fécond d’améliorer la qualité du lien social tellement en péril chez ceux en situation de handicap.


Les exigences de la condition éthique des personnes handicapées 


Henri –Jacques Stiker : il rappelle bien à propos Les droits de l’homme qui proclament définitivement qu’aucun homme ne peut être « hors humanité », hors de « la distribution sociale ». Ils rappellent que les personnes handicapées ont conscience de leurs droits et de leurs valeurs, revendiquant leur droit à l’autonomie tant financière que physique et mentale, leur droit de « circuler » dans la société et d’avoir le choix de mode d’existence.

L’exigence sociale la plus urgente réside dans le développement de la possible autonomisation des personnes handicapées et dans l’obligation de tout mettre en route pour l’expression de ces personnes.


Conclusion : l’éthique du normal et du pathologique :


Dans ce chapitre il est rappelé les positions de Ricoeur qui souligne comment l’écart social vient trop souvent souligner l’écart biologique et souligne une fois encore le droit à l’accessibilité de tous à l’espace social dans lequel il évolue.


Paradoxes du handicap


Daniel Sibony rappelle le choc narcissique pour les parents d’avoir un enfant différent, choc qui annihile tous les repères antérieurs et qui produit une souffrance qui écrase, qui relance, qui élance. Là nous dit Daniel Sibony, les vécus vont se jouer, s’exprimer dans la différence de chacun à l’être et à la culture.




Tentative de dépasser la réaction première qui parfois est le rejet dont le support est cette phrase : « ça, ce n’est pas moi ». Daniel Sibony énonce là plusieurs pistes existentielles possibles :


La ligne de fuite : « tout pour cet enfant »

La ligne de renouvellement avec mise à nu des possibles avec une richesse possible après l’acceptation face aux autres

La ligne doloriste : culte de la victime : vouloir imposer à chacun le handicap avec l’idée qu’accepter le handicap c’est élever le niveau de l’humain et transformer la souffrance du handicap en souffrance emblématique.


Selon Daniel Sibony le vrai problème n’est pas de « donner des droits aux handicapés » car l’octroi de ces droits n’est pas toujours synonyme de reconnaissance mais bien plus de les aider à vivre leurs limites.

C’est à dire ne pas réduire les personnes handicapées à leur handicap.

C’est à dire parler de personne « en situation de handicap » et non de handicapées comme si être handicapé était une essence existentielle. Non le handicap est une situation qui atteint un être humain dans son essence mais ne signe pas son essence.

C’est à dire reconnaître la pluralité des situations de handicap et n’en pas faire un concept générique

C’est à dire s’orienter dans la rencontre dans ce qui n’est pas handicap et explorer ce que l’on peu développer.

C’est à dire chercher ce qui toujours peut être dépassé

C’est à dire surmonter l’étrange et familier par l’acquisition de vraies formations car une vraie rencontre existentielle ne peut faire l’économie du savoir. L’authentique s’apprend, se développe

C’est à dire ne pas négliger non plus la technique qui peut aider même si elle ne supplée pas dans sa totalité le manque rencontré par une personne en situation de handicap.


Handicap, biologie et société :

Une approche éthique de la notion d’altérité.

« la liberté et l’autre »


Jean-Claude Ameisen. La façon « d’intégrer les êtres différents » révèle une société. Une culture c’est un « vivre ensemble » et non « un temps d’exclusion »

La définition de mon prochain c’est ma rencontre avec lui. Je n’existe qu’à partir de ma rencontre avec un autre, l’autre n’existe qu’à partir la rencontre avec moi. (Travaux de Lévinas, Hannah Arendt, Frédéric Poché et quelques autres.). Notre regard sur le visage de l’autre n’est jamais neutre ; il peut engendrer amour ou exclusion. Notion d’empathie et se mettre à la place de l’autre, le reconnaître dans sa singularité mais aussi dans sa similitude avec moi, vaincre l’étrange étrangeté par une intelligence du cœur et de l’esprit, une intelligence de l’âme et des livres. Travailler sa relation à l’autre différent par un travail sur soi et par un travail de savoir ce qui fait l’humain. Travailler pour rencontrer, travailler pour aimer, travailler pour accompagner, travailler pour accéder au partage et à l’échange et ne pas sombrer dans une fascination malsaine, inhumaine, mortifère pour celui qui la subit.


Nécessité alors de développer une éthique nomade, toujours en mouvement qui permet de réaliser une adéquation entre les pratiques et les valeurs qui la sous-tendent, entre le devoir d’aider et le respect de celui que nous aidons. La proximité s’invente dans le fil des jours et ne se pétrifie pas dans des principes immuables. La proximité est un cœur qui bat, qui respire soumis au paradoxe de la vie c’est à dire à ce qui change mais aussi à ce qui fait loi. Mais même la loi n’est pas immuable. La loi peut faire rencontres, débats, invention de nouveaux textes et décret. La loi s’applique dans un contexte une fois encore de vie. Ainsi en va-t-il  pour la loi du 11 février 2005


Restent le vivre et « la mal mesure de l’homme. », reste le soulagement de la souffrance et l’aide à « vivre  ensemble » avec la différence, malgré la différence, restent à vivre dans d’infinies manières d’être différents et souffrants,

Reste la reconnaissance urgente de l’unicité de chaque être humain. Reste l’urgence d’introduire cette unicité dans un pluriel culturel qui signera cette reconnaissance sans discrimination aucune. Reste à donner à l’homme le droit d’être singulier dans le pluriel de tous.


Un neurologue face au handicap


Yves Agid :


Des chiffres :


3,5 de personnes handicapées

370.000 personnes en fauteuils roulants

parmi les personnes handicapées : 30% de chômeurs

40 % des entreprises qui devraient employer des handicapées le font réellement

seulement 30% des mairies sont accessibles aux handicapés

Alors se pose la question : « comment compenser cette insuffisance ? »


Définition du handicap : dyscapacité. Connotation péjorative 


le malheur sans raison

le handicap évolutif

le handicap calculé (avant une opération)


Il n’y a pas de handicap mais des handicapés donc à chaque fois prendre en compte l’histoire, le milieu familial, le milieu social. Resituer dans un contexte.


Le handicap : que faire ? prévenir, soulager, réparer.



Quelle place pour le handicap dans la décision éthique ? 


Jacques London rappelle que dans notre société, toutes les personnes ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Son insertion sociale dépend de ses possibilités d’autonomie. Il rappelle que ceci ne s’applique pas qu’aux personnes en fauteuil roulant mais à toutes personnes vivant une situation de handicap.

Il essentiel de former, d’informer, d’éduquer, de révéler et de mettre à jour un maximum de compétences et ce dans tous les domaines. Il est essentiel de se forger de véritables outils éthiques qui seront les arcanes des décisions politiques, économiques et sociales qui permettront en profondeur à la personne en situation de handicap d’exercer ses devoirs comme tous les autres citoyens et de décliner sa vie au pluriel, avec les autres.


Je construis une éthique de la rencontre du « vivre ensemble »

Tu construis une éthique du « vivre ensemble »

Il ou elle construit une éthique du « vivre ensemble »

Nous construisons une éthique du « vivre ensemble »

Vous construisez une éthique du « vivre ensemble »

Ils ou elles construisent une équipe du « vivre ensemble »


Et des sourires dans les visages de tous nous inventerons.


MJC


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24 juin 2009 3 24 /06 /juin /2009 15:55



Handicap Le temps des engagements Sous la direction de Julia Kristeva- Charles Gardou PUF 2006 (355 pages.15 euros)   


Forum vie autonome et citoyenne


Responsables du forum :


Catherine Meimon –Nisenbaum, avocate

Nadia Sahmi, architecte


Animateur : Michel Chevalet

Parrain : Gilbert Montagné

Avec la présence de Marc-Philippe Daubress,

Ministre de Logement et de la ville (en 2005)



Idées retenues pendant  ma lecture :



- La loi du 11 février 2005 est nécessaire mais pas suffisante

- Les architectes doivent concevoir des habitats que tous peuvent habiter. Cela coûtera moins cher que de les rectifier ensuite

- Nécessité que chacun ressente et exprime ses besoins.

- Nécessité de l’engagement  des associations pour personnes en situation de handicap dans l’expression des besoins au cours de ces Etats généraux.

- Se méfier de l’usine à gaz provoquée par une loi avec une application toujours différée.

- Prendre en compte les besoins et les financements pour vérifier ultérieurement le chemin et les réalisations advenues

- Prendre en compte les expressions et les besoins de chacun signifie : former, informer et partager son savoir-faire, signifie aussi rédiger un cahier des charges et réaliser un suivi de ce cahier des charges

- Nécessité comme aujourd’hui de réunir des acteurs qui ne se sont jamais rencontrés.

- Le handicap concerne tous les acteurs de la société, dans tous les domaines.

- S’engager de partout avec une réelle exigence d’aboutir.





Bibliographie


Pierre Fabre, l’accessibilité des ERP, guide amplitude, 1998

Pierre Fabre, Des bâtiments publics pour tous. Accessibilité et confort d’usage, Amplitude 1997

Publication du CSTB de Paris et Nadia Sahmmi, Concevoir un espace public accessible à tous, Paris, Publications du CSTB, 2002.

Site internet : www. meimon-nisenbaum.avocat.fr

Yan le Gal, Les bus et leurs points d’arrêts accessibles à tous, Certu de Lyon, 2001.

Yan Le Gal, Bonnes pratiques pour des villes à vivre : à pied, à vélo, GART, 2000

Louis-Pierre Grosbois, Handicap et construction, Paris, Le Moniteur 1999

Marc-Renard, les sourds dans la ville, publication ARDDS, 1999.

Jean-François Hugues, Déficience visuelle et urbanisme, Jacques Lanore, 1989


J’aime cette brève bibliographie ; à la parcourir nous sentons, pressentons les problèmes. Les livres c’est la vie.

 

MJC




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24 juin 2009 3 24 /06 /juin /2009 14:53

Handicap

Le temps des engagements

Sous la direction de Julia Kristeva-

Charles Gardou

PUF 2006 (355 pages.15 euros) (2)

 

Ce livre définit 8 engagements. Chacun des engagement constitue un forum de cette journée de ces premiers Etats généraux du 20 mai 2005

 

Forum : « Vie autonome et citoyenne »

Forum : « Vie, santé, éthique et déontologie »

Forum : « Vie affective, familiale et sexuelle »

Forum : «  Vie professionnelle »

Forum : « Vie Scolaire »

Forum : « Vie artistique et culturelle »

Forum : « Vie sportive et loisir »

Forum : « Vie, grande dépendance et dignité »

 

Je ne sais pas si depuis 2005, il y a eu d'autres Etats généraux. Quelqu'un peut-il renseigner ? Merci.

J'aimerai  faire un blog relativement actuel bien que dans ce domaine le temps.... Plus que l'année ce qui compte c'est comment nous nous rencontrons les uns et autres dans notre force et notre vulnérabilité. Mais nos travaux sont essentiels aussi car ceux qui souffrent sont dans l'urgence des progrès réalisés.

MJC

 

 

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22 juin 2009 1 22 /06 /juin /2009 00:10


 

La création à fleur de peau. Art, culture, handicap.

Erès Collection 2005.

Connaissance de l’éducation (113 pages.)

 

Un souffle. Le mien. Celui de ma lecture de ce livre étonnant de poésie, d’intelligence, de générosité. Créer dans l’échange et dans la réciprocité. Inventer la singularité. Ils ont parcouru à grands regards d’étranges contrées peuplées d’êtres si vulnérables mais si doués et ce dans tous les domaines : danse, musique, théâtre, peinture, photographie, littérature écrite et orale. Ils disent de l’art la presque finitude, le presque inachèvement, ils disent de tous ceux qui le portent le manque, la béance, le mouvement, la fécondité dans la déchirure. C’est cela, tous créent dans la déchirure de leur clair de lune, dans la vacance de leur terre, dans l’errance de leur corps troué par le handicap, dans leurs trajets bousculés par la souffrance et le creusement de la différence. Regard de l’autre qui parfois n’y comprend rien à  l’art et au handicap, regard de l’autre qui parfois mélange tout : création, handicap, souffrance, différence, marginalité, exclusion. En finir avec le mythe des handicapés géniaux. Admirer leur art pour ce qu’il est de création et de qualité, pour ce qu’il est « d’être » et non parce qu’il prend racine dans la souffrance. En finir avec le regard qui broie, le regard qui noie, le regard qui nie le noyau du fruit, la perle de l’huître, l’étamine de la fleur. En finir avec la rupture du dialogue. Caresser la blessure du handicap avec notre âme attentive, avec notre présence au monde, avec la vérité de l’être. Retrouver, inventer, épeler, nommer, le lien subtil à l’autre, si différent certes mais si semblable. Entre différence et similitude s’incliner devant l’altérité transcendée par  des créations multiples :

 

La danse qui s’élance, la danse qui absorbe la différence et la douleur de l’immobile. Les formes mobiles s’offrent au public dans le dialogue des corps qui bougent. Ils sont empêchés, peut-être mais dans le peut-être ils épousent la musique, leur corps se ploie, se déploie. Ils gagnent sur la  différence, portés par la musique. Les fauteuils ne roulent plus, ils se soulèvent, caressent les contours de l’air et toi le spectateur, tu es pris, tu oublies le fauteuil et c’est gagné, l’art a gagné ! La différence est vaincue. C’est la fin du spectacle et l’alter est égo. Bravo !  La chorégraphie a tissé ses liens et le partage est là, parfaitement là. Ils ont crée ensemble dans l’ici et maintenant de la musique, du texte et du déplacement. Bravo ! Bravo ! Bravo !

 

La musique. Dans le silence trahi les cœurs battent, l’air vibre, les percussions résonnent, tout s’enlace indépendamment des handicaps. Le chef d’orchestre passe les sons et là encore ça se tisse le lien entre tous ceux de la déchirure et les autres. Tout est aléatoire mais tout advient. C’est le miracle de l’humain dans le dur labeur de la création. Juste jouer et jouer juste. Oublier la séduction. Laisser Narcisse au vestiaire et créer dans la vérité du son jusqu’au point nodal de l’expression quand elle se fait densité. Miracle de l’oiseau noir du Champ fauve. Quand l’art se fait percussion soutenue d’une splendide photo. Continuer la musique. Continuer la vie.

 

Théâtre. Mettre en mouvement les corps et les récits. Dé-pétrifier le handicap. Ne pas nier la spécificité et les différences des acteurs, donner les repères, une fois encore créer les liens entre tous constituent l’essentiel du travail de la création dans le mouvement des mots, des corps, dans l’impact des regards, dans la fragilité des sourires. Sur scène, ce n’est pas comme dans la rue, là avec ses tabous, ses regards qui tuent, non sur scène tout est simple. Tabous et inhibitions tombent. Reste la rencontre, la vraie portée par la création qui transcende le handicap. Une seule exigence : la qualité de la prestation théâtrale, générer du vrai, générer une authentique rencontre. Le lien encore par la création. Le rideau tombe. C’est la fin du spectacle mais ce qui s’est joué là de vérité est inscrit pour toujours sur les auteurs et spectateurs. Rien, n’est moins éphémère que la création. La création est indélébile parce qu’elle est dans l’être et non dans le paraître. C’est la qualité, l’authenticité du jeu, des JE qui l’emportent, qui gagnent, qui triomphent et rien d’autre, certainement pas le handicap. Bravo ! Bravo ! Bravo !

 

Peinture. Ce sont les couleurs qui cette fois révèlent le lien. Ouvrir à la diversité du champ pictural et créer les couleurs, travailler les ronds et les carrés, la matière et la structure. Travailler avec la peinture. S’exprimer. Libérer les perceptions. Refléter l’intime et ses luttes. Ses victoires aussi. Raconter son histoire et créer du lien encore et encore dans le mouvement de l’art, dans le mouvement de l’être, dans le mouvement de la toile. Continuer jusqu’à la presque maîtrise du réel. Maîtrise. Handicap presque vaincu. Bravo ! Bravo ! Bravo !

 

Image : les yeux écoutent. Photographier sans trahir, photographier avec amour « tout simplement. » Créer ensemble la fluidité de l’image et donc du lien allégé de la déchirure parfois si profonde. Chercher l’invisible et l’offrir au possible regard. Eviter l’intrusion. Abandonner le sensationnel. Trouver l’essentiel parce que l’identité est une somme, une construction entre intérieur et extérieur. L’identité est un entre-deux, une aire intermédiaire. Photographier l’aire intermédiaire dans la tendresse de l’invisible presque à portée du regard mais à l’abri du voyeurisme. Bravo ! Bravo ! Bravo !

 

Conte : Les mains parlent. Quand le signe se marie au verbe dans la spatialisation des corps  dessinant l’émergence du conte : La belle au bois dormant, le Petit Prince, Œdipe… Magie des mains, magie des mots. Bravo ! Bravo ! Bravo !

 

Littérature : les mots traduisent.

Comme précédemment les mots traversent le corps, la déchirure, la blessure. L’écriture c’est la présence au monde, la présence aux autres, la présence en mouvement. L’écriture c’est la rencontre. Et pourtant,  ils peuvent à peine tenir leur stylo. Atmosphère si étrange entre lenteur de l’énonciation et richesse de l’imagination. Les aider à accoucher de leurs mots, les aider à vaincre le blanc de leur page, la nuit de leur faille. Les accompagner dans cette solitude de leur main, dans sa lenteur à être. Malgré lenteur et angoisse, écrire, dire, se dire et surtout se risquer. La création est un immense risque. Celui de s’exposer. Bravo ! Bravo ! Bravo !

 

Art et Culture. Entrée libre. D’abord sortir de l’exceptionnel. Créer dans l’ordinaire de la création. On ne crée pas parce qu’on est handicapé. On crée parce qu’on est homme, parce qu’on est femme. Le sujet du verbe créer n’est jamais,  absolument jamais  le handicap mais le pronom personnel JE. Un JE de culture à toujours développer dans une dialectique de l’accessibilité.

La culture est lieu de rencontre, la culture est lien, comme la création. Lien entre des êtres vivants, remuants, inscrits dans le passé, présent, futur, dans l’intranquillité  chère à Pessoa et dans l’improbable du hasard et de notre destin. L’accès à la culture dans la mixité des publics, dans le décloisonnement des souffrances est le seul chemin possible. Les artistes entrent dans l’hôpital, les patients sortent. Circuler tout est à voir : le spectacle de l’art, le spectacle de la vie, le spectacle du monde qui bouge. « Je sans frontière » sinon « Frontière de l’ennui. » Je pense à la magnifique nouvelle de Noémie Aulombard « La frontière de l’ennui » (voir 20 juin 2009 dans la catégorie Force et vulnérabilité). Je ne sais pas pourquoi, ce prénom de Frontière m’a touchée si fort. 

JE sans frontière, JE de culture, JE de création. Projets citoyens dans une vraie liberté d’action. Transmettre l’art. Histoire de médiateur et de passeur. Histoire du corps qui touche l’art. Inventer la réciprocité. Retrouver le dialogue d’une pédagogie active qui interroge la réception des sens et qui refuse la passivité du spectateur. Ne plus consommer l’art. Le vivre à corps retrouvé. Ce qui signifie poser la question de la culture en terme politique, en terme de financement. Le lien social ne se paie pas que de mots. Il exige des structures, des cadres, du temps, de l’espace. Le lien social est cher parce que précieux ; le lien social c’est avec la création, l’or de l’humanité. A cet or là tout le monde, handicapé ou non à le droit d’accéder. C’est tout simplement une histoire des droits de l’homme et du citoyen. Ce n’est pas autre chose. Basta !

 

Conclusion

 

Créer ensemble dans la reliance de l’humain, dans l’alliance de tous, handicapés où non. De cette reliance, de cette alliance, la fécondité de la création, l’essor de la culture  en dépendent. Liberté, égalité, fraternité. Tous libres et égaux devant la création, tous fraternels. Création histoire de force et de vulnérabilité. Création, histoire d’adelphité. Mais il faut soutenir les mots de leur force oeuvrante, de leur force d’action, de leur force de durabilité en instituant des formations interprofessionnelles et des budgets, en développant toujours plus d’information. Cesser de lier handicap et créativité. La créativité est liée à la puissance créative qui surgit de la faille mais la créativité n’est pas la faille. Un fleuve n’est ni sa source ni son embouchure, un fleuve est son cours de sa source à son embouchure. Un fleuve est un chemin. Une création aussi. Refusons les « pétrificateurs » de toutes sortes et soyons chercheurs d’or, chercheurs d’art mis au monde par des créateurs de qualité venant de tous horizons de l’humain, venant de partout de la planète. Chercheurs d’art, chercheurs d’or. Oui, ça me plaît.

 

Chercheurs d’être aussi.

 

J’ai beaucoup aimé ce livre « La création à fleur de peau » qui pose  de l’art ses branches essentielles : l’être, la culture, le social, la politique, le lien citoyen, sans oublier bien sûr la souffrance intranquille et probable de la déchirure que d’être humain.

 

Enfin, je veux signaler la bibliographie de 8 pages et l’annexe si habitée de tous ces artistes du livre qui « dessinent un monde métis. »

 

Bravo ! Bravo ! Bravo !

MJC

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21 juin 2009 7 21 /06 /juin /2009 08:10

Handicap

Le temps des engagements

Sous la direction de Julia Kristeva-

Charles Gardou

PUF 2006 (355 pages.15 euros) (1)

 

Introduction de Julia Kristeva et Charles Gardou : Présidents du Conseil National du « Handicap : sensibiliser, informer, former »

 

20 mai 2005, Maison de l’Unesco : premiers Etats généraux «  Handicap : le temps des engagements »

 

De nombreux noms qui  s’honorent de leur engagement dans le collectif Reliance sur les situations de handicap, l’éducation et les sociétés fondé et présidé par Charles Gardou. Ils viennent de partout, ils sont 150 personnes du monde des Lettres, des arts, des sports et du spectacle, des chefs d’entreprise, de la MGEN, de CASDEN, d’Air France, des journalistes responsables des grands médias, des chercheurs, des médecins et des psychologues, des responsables associatifs et institutionnels, du CNCPH, de l’APF, de l’APAJH, de l’UNAFAM, de l’UNAPEI. La fondation de la solidarité de la Caisse d’épargne assure la coordination de tous ceux qui composent le collectif Reliance

 

Le Conseil national « Handicap : sensibilisation, informer, former » qui prend appui sur ce collectif a appelé à la mobilisation citoyens, médias, entreprises, associations, administrations  à créer et participer aux premiers états généraux « Handicap : le temps des engagements à Paris, Maison de l’Unesco, 20 mai 2005.

 

France Télévisions a appuyé la préparation des Etats Généraux sur les chaînes publiques par la diffusion de sept programmes courts réalisés par Serge Moati

 

Ces états généraux se sont déployés dans huit dimensions avec les visées suivantes :

 

Désinsulariser le handicap : le replacer dans l’ordinaire de l’existence humaine (rencontres, projets, entrer en complémentarité et synergie avec les associations)

 

Mobiliser l’ensemble des citoyens avec le soutien de personnalités de tous les secteurs, arts et culture, travail, associatifs pour donner de l’ampleur au message, pour affirmer que l’exclusion générée par le handicap est l’affaire de tous

 Affirmer que l’égalité des droits et des chances se fait dans la tolérance et s’inscrit dans  tous les moments politiques citoyens et républicains. C’est l’affaire de tous

 

Traduire en acte les principes de la loi adoptée le 11 février 2005 et rejoindre les perspectives ouvertes au niveau européen c’est à dire intervenir dans le cadre législatif en y amenant des améliorations et contribuer à l’amélioration de l’accompagnement des personnes en situation de handicap –quel que soit le handicap à partir des chartes, des dispositions législatives et France et en Europe.

 

Faire émerger des engagements concrets, constructifs et prospectifs dans tous les domaines de la vie : citoyenneté, santé, éthique, vie affective et familiale et sexuelle, vie professionnelle, scolarité, culture, sports et loisirs, dignité en situation de grande dépendance.

 

Ces états généraux se déroulent dans un état d’esprit citoyen et républicain et laissent place à la diversité des passions et des débats, des enjeux et des engagements de chacun et de tous, porteurs de handicaps ou non.

 

Mon commentaire :

 

Ces états généraux, le collectif Reliance sont des initiatives porteuses d’humanisme et de solidarité. Dans les jours à venir, je vous invite à suivre le résumé de certains chapitres qui suivront

 

Ce livre je souhaite le découvrir et vous le faire découvrir à petit pas et dans la lenteur des jours, lenteur qui à mon avis est garante d’une élaboration patiente et respectueuse des propos, garante d’une élaboration constructive dans la douceur et la profondeur du savoir.

 

A suivre donc…

 

MJC

 

 

 

 

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18 juin 2009 4 18 /06 /juin /2009 07:44

Handicap, force, vulnérabilité (2)

Rencontres, débats avec Charles Gardou

28 mai 2009 (entrée libre)

 

Nous retranscrivons dans cet article nos « notes d’écoute » de la deuxième conférence de cette journée intitulée Handicap, force et vulnérabilité. Dans cette conférence Charles Gardou reprend les grandes lignes de la préface : D’argile et de marbre » de son livre Pascal, Frida Khalo et les autres.

Le compte-rendu de la 1ère conférence est intitulée : Charles Gardou : Le devoir d’humanité. ( Voir blog même catégorie : force et vulnérabilité)

 

Méthode de travail : j’ai repris mes notes prises dans le fil des phrases et des mots précis  de Charles Gardou  puis j’ai étoffé cette retranscription de sa préface et de certaines de mes associations d’idées venues là au moment de la retranscription. Ce texte est donc une mosaïque de retranscription de mot à mot, de relecture d’un écrit (la préface) et bien sûr de re-création personnelle. Je souhaite ainsi rendre au plus près l’étonnante force de travail, d’intelligence et de profonde sensibilité qui émanaient de cette conférence toute aussi brillante qu’émouvante.

 

Je commence donc, mais que Charles Gardou me pardonne, je commence par une image qui m’est propre, mais qui, j’en suis certaine retiendra son attention.

 

Récemment, j’ai eu la chance de me promener dans les pavillons de la biennale de Venise. Une œuvre d’art m’a profondément émue. Elle était signée du Camerounais Pascal Martine Tayou. Elle représentait le continent africain comme un assemblage de porcelaine brisé. Probablement parce que j’avais déjà entendu Charles Gardou et à ma façon de toujours inventer ce que je perçois, j’imaginais une nouvelle œuvre d’art qui serait une forme humaine constituée de porcelaine brisée. Charles Gardou écrit dès les premières lignes de sa préface que l’humanité fait un «  bruit de porcelaine brisée » alors qu’elle se croit forte. C’est à se croire si forte qu’elle se brise.

 

Cette conférence est à l’écoute du son brisé et cristallin de l’humain.

Cette conférence est ce bras tendu, ces mains tendues quand elles recueillent la fragile porcelaine pour en constituer l’espoir de la solidarité. La fragilité est énoncée dans sa dialectique avec le sentiment de force et non dans sa rupture, et non dans son opposition à la force. C’est la seule attitude humaine possible, constructive, respectueuse. L’être humain EST fort et vulnérable même si cette vulnérabilité et cette force ne sont pas réparties égalitairement. Mais cette inégalité, cela est certain est à tout instant en suspend dans la vie de chacun. Elle est provisoire. Rien n’est jamais acquis à l’homme dit le poète, dit aussi Bouddha. L’homme au cœur de sa force peut rencontrer de façon inattendue sa  vulnérabilité mais  au cœur de sa vulnérabilité il peut rencontrer sa force.

L’espoir peut décupler les forces vitales de tous ceux qui savent emprunter les interstices existant entre les morceaux brisés de la porcelaine. L’être humain est à même de vivre des situations imprévues parce que l’homme construit, supplée, s’adapte. Ainsi une entrave peut devenir motrice d’adaptation.

 

Le handicap incarne cette éclosion de facultés de suppléance et dit Charles Gardou, l’assèchement apparent peut susciter une floraison de la vie.

 

Vous savez, j’ai dans mon jardin, un abricotier tout noué, voire même calciné, qui un jour a été foudroyé. Si vous saviez comme ses branches, la saison venue sont alourdis de fruits ! C’est à mon arbre fruitier que les mots de Charles m’ont fait penser. Mais ajoute-t-il, à contrario, des forces intactes ne garantissent pas le désir de vivre.

 

Vulnérabilité donc inhérente à la blessure d’être humain, à la blessure qu’emporte le handicap physique ou psychique mais chacun, chacune aux prises avec cette blessure la transcende pour continuer d’être et c’est le devoir d’humanité de chacun d’aider son prochain à  situer dans l’ordinaire du quotidien cette faille là et non de la statufier, de la pétrifier par un regard réducteur. Faire vivre par notre pouvoir de reconnaissance de l’être et non du handicap auprès de ceux qui ne se sont jamais résignés, qui se sont rebellés, qui ont refusé le double processus mortifère de la maladie et du regard déshumanisé que parfois pose le passant « sur eux » les évidant de leur force vitale et de leur sublime transcendance.

 

Sublime transcendance parce que si souvent se retourne le handicap pour donner « une nimbe à la clarté », de la vie si quotidienne, à la clarté de l’ordinaire. Charles Gardou, raconte le combat de ceux qui se sont emparés de la vie, de leur vie pour lui redonner sa hauteur.

 

Le devoir d’humanité, c’est dans la solidarité avec celui qui souffre de lui donner la possibilité de le sortir de la détresse engendrée par la dissociation du handicap, c’est reconnaître aux plus inaperçus le droit d’exister et de sublimer leur vie parce que la blessure n’est pas une totale négation. Le handicap provoque à exister. Le handicap impose limites et détresse, il réduit en poussière des projets mais jamais, au grand jamais, il n’empêche d’être. Toute vie dépouillée a son vernis et renvoie à une fragilité d’être, à une fragilité d’identité et la solidarité, la vraie c’est celle qui se niche dans la profonde prise de conscience de cette fragilité qui est la nôtre, inhérente à l’humanité. Chaque homme est un continent de porcelaine brisée. Chaque homme, doit un jour entendre le tintement de sa vaisselle éclatée par la souffrance et le manque et non la loger dans l’autre et non asseoir sa force sur la faiblesse de son prochain. La vraie force est celle qui repose sur la reconnaissance de sa propre vulnérabilité. Nier cela serait pure vanité.

 

La fragilité est à fleur d’épiderme et l’humanité se pervertit dans la célébration excessive de la force. L’humanité ne doit être constituée de faibles et de forts sinon on aboutit à une humanité de battants et de battus, à une humanité vidée de ses valeurs d’amour et de solidarité, à une humanité lamentable, à une humanité présomptueuse, à une humanité de miroirs brisés ne pouvant soutenir le mensonge de l’homme idéalisé.

 

Il est urgent de s’interroger et de proclamer la valeur humaine des plus vulnérables.

 

Il est urgent de reconnaître en soi et en l’autre la faille dans laquelle peut prendre racine notre arbre de vie.

 

Il est urgent de s’assumer fragile.

 

Il est urgent de ne plus ignorer notre destin d’humain fait d’argile et de marbre.

 

Il est urgent de ne plus se mirer dans une image idéalisée de l’homme.

 

Il est urgent de replacer la personne porteuse de handicap dans une vraie chaîne culturelle et de lui donner accès à Venise.

 

Il est urgent de replacer la personne porteuse de handicap dans l’ordinaire de la vie et de la sortir du soi-disant extra-ordinaire de sa condition.

 

Il est urgent d’être avec la personne porteuse de handicap pour lui permettre (et non pour l’aider) de vivre son destin comme nous dont la fragilité est provisoirement moindre.

 

Il est urgent de reconnaître la force des vulnérables, de s’en nourrir et de les remercier pour ce qu’ils sont au lieu de les plaindre pour ce qu’ils n’ont pas.

 

Il est urgent de vivre dans la dimension de l’être et non de l’avoir.

 

Il est urgent de s’y mettre à être.

 

Il est urgent…

 

Ce que je veux dire, c’est que, ce que j’ai passionnément aimé dans cette journée du 28 mai c’est son éclairage intime.

 

Je sais les lois, je sais le matériel, je sais le spécifique, je sais le concret, je sais le faire. Je sais tout cela et cette urgence quotidienne. Je sais le politique et le social, je sais les financements, je sais les élus, je sais les politiques de gauche et de droite, je sais le bon cœur, je sais les bonnes volontés, je sais le singulier et le pluriel. Je sais tout cela.

 

Mais, je sais maintenant, encore plus qu’avant,  la nécessité de conjuguer ensemble, d’une même voix universelle dans un immense  chœur :

 

Je suis de marbre et d’argile

Tu es de marbre et d’argile

Il ou elle est de marbre et d’argile

Nous sommes de marbre et d’argile

Vous êtes de marbre et d’argile

Ils ou elles sont de marbre et d’argile.

 

Merci Charles Gardou de donner à la clarté une nimbe.

Merci de votre talent, de votre érudition, de votre travail.

Merci de l’espoir que vous nous faîtes partager,

d’un monde entre marbre et argile.

 

MJC

 

 

 

 

 

 

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9 juin 2009 2 09 /06 /juin /2009 17:49
Handicap, force, vulnérabilité (1)

Rencontres, débats avec Charles Gardou

28 mai 2009 (entrée libre)

 

Les rencontres du jour se font dans deux lieux de Montpellier exprimant par l’espace le franchissement de la ligne de partage entre vulnérabilité (IRTS : Institut régional du Travail Social) et force (Université Paul Valéry (Montpellier III.) Cela a été mentionné avec justesse par Monsieur Hirt, Directeur de l’IRTS.)

 

Charles Gardou : Accompagner les personnes vulnérables/Concilier obligation de science et devoir d’humanité

 

Ceci est une synthèse, de la conférence initiale de 16 pages.

 

Résumer un texte c’est un peu le mutiler et j’en suis sincèrement désolée. J’ai fait de mon mieux pour garder l’essentiel de la pensée passionnante et généreuse de Charles Gardou.

 

Charles Gardou est Professeur à l’Université Lumière Lyon 2, membre de l’observatoire national sur le handicap.

Auteurs de très nombreux ouvrages (j’invite les inventeurs de lectures à se rendre sur Google)  et notamment  de Pascal, Frida Kahlo et les autres ou quand la vulnérabilité devient force aux Editions Erès (voir note de lecture dans la même catégorie…)

 

« Multiples professions sont en jeu, des professions qui éduquent et accompagnent, multiples mais avec un même rôle : celui d’apporter secours, non pas seulement avec des compétences mais aussi avec une qualité de présence. Il ne s’agit pas de segmenter un savoir mais de réaliser une mosaïque humaine

- Du social et de l’éducatif s’immiscent dans la relation de soin ;

- Du thérapeutique niche dans l’action éducative et sociale dans la mesure où celle-ci participe à la réparation.

Aussi, sans nier ce qui les distingue, les interventions des professionnels gagnent-elles à être conçues et mise en œuvre en étroite complémentarité. »

         Elles se déploient dans une éthique de l’accompagnement qui intervient avec force dans les situations de handicap où émergent la question de l’être humain, de sa liberté, de sa vulnérabilité et surtout de ses droits. Cette éthique se développe autour de trois axes.

 

                  L’axe de la matière constitué des techniques spécifiques appliquées à l’humain : un grand cœur est nécessaire, mais s’il est suffisant il n’est pas exclusif. Il faut avoir des savoirs : méthodes et techniques spécifiques.

 

                  L’axe de la manière constitué de l’identité, des ressources, des carences, de chacun et de la capacité de la perméabilité au désarroi de l’autre.

 

                  L’axe du sens : du sens et non de morale, axe constitué de l’ordre des convictions et des valeurs

Nous sommes comptables de la dignité des plus vulnérables et responsables de la dignité à donner à autrui. C’est cela que Charles Gardou soutient avec conviction.

 

Il interroge avec force  nos métiers de l’impossible, nos métiers de réparateurs et d’accompagnateurs ; il s’interroge :  dans ces métiers là, comment affronter, l’épreuve fondamentale de l’autre de la détresse de l’autre, son enfermement, comment garder un espace de liberté ?  Comment vivre la pénibilité inhérente aux personnes très fragiles et très éloignées des normes actuelles ? Comment être vigilant à la survalorisation technique ? Comment continuer d’exercer nos métiers avec l’angoissant sentiment d’impuissance ?

 

Dès lors Charles Gardou articulent sans concession quatre points : 

 

1.Refuser le bricolage et toute forme de scientisme

Le scientisme est une sous estimation du savoir et de la technique. En effet, il y a danger à sacraliser le savoir en oubliant que les techniques les plus pointues sont relatives. Ne sacraliser ni ne sous-estimer le savoir. Certes, on a besoin de savoirs mais on ne doit pas tout réduire aux savoirs multiples. Il est nécessaire de reconnaître une personne, de l’accompagner dans son entièreté, dans sa globalité, dans son invisibilité, dans sa dimension inconsciente en se situant dans un véritable équilibre entre vécu de la relation et savoir-faire éprouvés avec des règles et des lois Il n’est pas question d’avoir recours au bricolage en substituant à une formation sérieuse, approfondie, dans la durabilité une notion passe-partout à la mode, une notion de sensibilisation. Il faut trouver la juste place au savoir sans le pétrifier ni le gélifier, une place inscrite dans la substance de la pensée humaine. 

 

2.Apprendre le doute, accepter l’impuissance.

Quand on n’accompagne un être fragilisé ce qui fatigue le plus ce n’est pas ce qu’on     fait mais ce qu’on ne fait pas,  c’est ce qu’on voudrait faire et  qu’on ne peut faire, qu’on a pas le temps de faire. En tant que professionnel, nous sommes dépositaires d’un fardeau, signataires d’un contrat de non-dérobade  jusqu’au bout de la fragilité de l’autre, jusqu’au bout de nos savoirs et de nos connaissances, jusqu’au bout de notre incertitude, de notre faille, de notre manque. Jusqu’au bout, malgré notre sentiment d’impuissance. Dans cette difficulté à ne pas se dérober, il y a trois positions possibles :

 

1e  dérive :  je désespère, je ne vois plus que le handicap, je renonce à tout projet.  On ne voit plus que le handicap et ses difficultés. Respecter un certain sentiment d’impuissance ne signifie pas « abdiquer »

2ème dérive : je m’acharne à redresser et à rendre conforme à la norme. Hors ce qui   est important c’est de mesurer le chemin à faire. Voilà ce qui est important pour un enfant et pour tout être humain.

Ne pas oublier que le handicap n’est pas la maladie mais ce qui découle de la maladie.

La 3ème position possible est celle de  s’inscrire dans un processus qui se niche dans  un entre de tâtonnement et d’incertitude :

 

 « Il est difficile de marcher sur un fil entre la maîtrise et le manque,entre la technique et l’écoute, entre l’urgence et l’attente, entre le geste qui sauve et la parole qui console et symbolise, entre la mobilité et les schémas indissociables de l’efficacité. »

 

Il est difficile de renoncer à prouver qu’on est bon professionnel, qu’on est efficace. Il est difficile de réparer l’humain, de réparer ce que la nature a prévu autrement et de neutraliser la détresse.

Il est difficile de renoncer au déni de la mort

Il est difficile d’être souvent témoins démunis et de modérer ses ambitions, de ne jamais détenir de certitudes, de ne pas tout tenir entre nos mains, de marcher sur un fil entre la maîtrise et le manque, entre l’agir et le rêve, d’accepter de ne pas tout comprendre, tout faire, tout embrasser.

Il est difficile de se démarquer d’une idéologie actuelle d’auto engendrement

Il est difficile de ne pas se laisser interpeller dans nos défenses.

Il est difficile d’éviter que nos savoirs se pétrifient.

 Il nous faut garder notre capacité de tâtonnement et de doute et dans le même temps garder notre capacité de certitude et de confiance dans notre savoir chèrement acquis au fil de nos heures d’études approfondies. Vivre dans le paradoxe du savoir et du non savoir, du silence et de la parole. Vivre dans le paradoxe qui signe notre humanité.

3.Récuser la relation métallique, se garder de la fusion

« Développer l’empathie mais non la fusion. Il faut se garder de rapports essentiellement pragmatiques, techniciens qui développeraient une relation de type métallique qui mettrait au second plan la souffrance, la jouissance et la réciprocité et occultant que le désir de reconnaissance est un préalable au désir de réalisation de soi. »

 

L’empathie n’est ni une fusion ni une contagion, elle garantit les professionnels contre la déshumanisation. L’empathie c’est se mettre à la place de l’autre sans éprouver forcément ses émotions. C’est différent de la sympathie qui conduit à éprouver les émotions de l’autre sans se mettre à sa place, c’est une contagion. On peut-être empathique sans éprouver de la sympathie.

L’attitude du professionnel doit être faîte d’empathie, doit être perméable mais         en apprivoisant l’angoisse qui pourrait nous amener dans une voie sans issue où nous pourrions nous perdre dans notre miroir brisé, dans une peur de nous-même (comparable au mécanisme du racisme.)

 

 

Être en situation de handicap c’est vivre une situation de privation.

Celui qui accompagne est amené à vivre quelque chose de l’ordre de la perte. «  Il est amené à se rendre à un rendez-vous avec de l’existentiel qui laisse impuissant. »

Les professionnels mesurent leur propre finitude et c’est plus difficile encore quand il y a croyance dans des idéaux professionnels de toute puissance et une telle situation renvoie à une violence fondamentale.

« La souffrance inhérente à cette rencontre avec l’être vulnérable ne peut s’éradiquer mais il est possible de l’alléger notamment par la formation (et non sensibilisation) Il demeure essentiel d’analyser les sources et les ressorts, de saisir ce qui provient de soi et de l’autre de faire un effort pour connaître ses propres mécanismes de soi, d’investiguer son propre monde, et d’admettre sa propre vulnérabilité. Si on demeure opaque à soi-même on ne comprend pas l’autre. Il faut absolument renoncer au mythe du professionnel « capable de tout supporter .»

 

Les professionnels luttent pour soigner, écoutent le désespoir, accompagnent, résistent à l’angoisse, conversent, donnent le goût de vivre, transmettent des forces mais mesurent leur finitude et de ce fait « ne supportent pas tout ». Devant « l’irréductible étrangeté de l’autre » ils doivent se savoir déstabilisés. Ils sont humains dans leur faille et dans leur perte, dans leur miroir brisé et dans la différence trop cruelle, pour eux comme  pour l’autre. C’est l’extrême condition pour être pleinement avec l’autre si souffrant, pour l’accompagner dans une finitude humaine.

 

Encore une belle expression de Charles Gardou : « vivre le clair-obscur de cette expérience » dans une relation éthique entre les hommes qui ébranle les théories, bousculent les planifications, « casse les forteresses » .

 

Charles Gardou conclue sa conférence sur ces mots que j’aime tant :

L’homme quand il est seul cesse d’être un homme ; la seule définition de l’humanité ce n’est pas celle de Descartes : « Je pense donc je suis » mais c’est pouvoir dire

 

« Je suis reconnu par l’autre,  mon semblable si différent »

 

Merci, Charles Gardou pour tant et tant de  travail si passionnant qui révèle ce splendide devoir d’humanité.

 

Ce devoir là par lequel j’écris mon blog dans le quotidien de mon humanité de femme attentive à l’autre quand il existe vulnérable mais qui dans sa vulnérabilité emporte sa force vitale, ce devoir là qui donne sens à ma vie.

 

Merci ! Merci ! Merci !

 

MJC

 

 

 

 

 

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6 juin 2009 6 06 /06 /juin /2009 16:45

Hier, le 5 juin 2009, j’ai écrit une note sur le livre de Charles Gardou « Pascal, Frida Khalo et les autres (voir catégorie Force et vulnérabilité.)

 

Chemin faisant, j'ai avancé dans ce que je cherchais depuis longtemps dans la patience de mes livres et notamment dans ma lecture récente de deux biographies de Winnicott.

 

 Il ne faut pas confondre force et force vitale.

 

La force appartient à ce que Winnicott appelle le faux self souvent (pas toujours)  mal géré. Elle exprime souvent (pas toujours) des pulsions agressives et des rivalités destructrices. Ce sont celles exigées de nos jours dans le monde du travail et dont les principaux porteurs sont ceux qu’on aime appeler « Les battants » c’est à dire non ceux qui se battent mais ceux qui battent, qui cognent le rival de façon primitive. Quand le monde du travail se fait stress, coercition, répétition de tâches linéaires, mortifères, compétitives, dans l’appât du gain et de la grise visibilité, quand le monde du travail s’évide de son sens : un travail qui serait solidarité de l’humain. Quand le monde du travail se fait enfer destructeur.

 

La force vitale appartient au vrai self du côté de la création qui surgit de la destructivité nécessairement intégrée au sentiment d'exister et à celui de notre durabilité qui inscrit notre  vie dans l’œuvre de l’humanité pour reprendre les mots d’Hannah Arendt et ce grâce à une mère aimante et ferme mais surtout grâce à un bon environnement (environnement affectueux et intelligent des créateurs.) Il serait intéressant de réfléchir sur le rôle joué par l'environnement  de ceux qui ont tant souffert, tant crée, tant donné. Ils ont tant donné sans doute parce qu'ils ont tant reçu. Je pense à Dostoïevski et à sa femme, à Schumann et à sa femme, à Bousquet et à ses amis, à Helen Keller et à son professeur, à Pascal et à sa soeur et je crois ainsi  rejoindre Winnicott, Françoise Dolto, Cyrulnik et quelques autres...

 

Je veux signifier encore que par créateurs, je n’entends pas que les artistes mais aussi tous ceux qui sont sujets de leur création sociale, notamment les chercheurs et ceux que j’appelle Les inventeurs. Les inventeurs d’un monde presque meilleurs, les inventeurs de relations d’amour et d’empathie, les inventeurs de techniques novatrices et généreuses, les inventeurs qui dans tous les domaines luttent pied à pied contre toutes formes de destruction du corps ou de la planète mais surtout de destruction des âmes et de l’esprit.

 

Permettre à ces inventeurs d’être dans la durabilité de leur identité reconnue par d’autres qui comme eux inventent et créent dans le feu vaincu de Thanatos, dans l’ombre bienfaisante d’Eros, c’est sans cesse s’acharner, oui c’est cela, s’acharner à créer du meilleur environnement, du Holding comme dirait Winnicott, c’est à dire un cadre bienfaisant à l’humain. Et une des arcanes de ce cadre est politique. Il faut de l’argent pour créer, quel que soit le domaine de création élaborée.

 

Créer, maintenir la vie et perdurer l’élan vital de chacun et de tous coûte cher tant en amour qu’en argent. 

 

 La dette est un  collier de pierres précieuses, un collier qui fait le tour de la terre et des mers, parce que chaque être humain à la naissance est une promesse de recommencement de l’humanité, une promesse de recommencement du possible et des soleils,  une promesse de solidarité entre tous.

 

Mais certains sont plus vulnérables que d’autres, certains pour survivre doivent faire surgir de leur enfer la flamme invincible de leur élan vital sinon leur handicap leur serait fatal. Alors ceux là paient  plus cher que d’autres  pour être vivant, donnent plus que d’autres par leur persévérance à exister et à nous dire l’espoir du toujours possible. Qu’ils en soient remerciés. Qu’ils en soient aimés. Qu’ils en soient respectés mais surtout qu’il en soient reconnus. Notre dette, auprès de tous ceux là militants du possible et de l’espoir est immense. J’aimerai tant pouvoir changer cette phrase : il faut aider les personnes en situations de handicap. Non la question n’est pas là, il faut, à mon avis avec eux, dans le mouvement de nos élans vitaux à tous, vulnérables et moins vulnérables PARTAGER LA DETTE IMMENSE d’être vivants ensemble, la partager dans le politique et l’économique comme dans le psychique. Partager nos perles, ensemble faire nos colliers et de diamants en diamants retrouvés, reconnus, caressés, admirés, aimés, continuer d’inventer un petit peu l’humanité dans le temps d’une grande solidarité, dans le temps de tous.

 

MJC

 

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5 juin 2009 5 05 /06 /juin /2009 19:47

 

PASCAL, FRIDA KHALO, ET LES AUTRES…

Ou quand la vulnérabilité devient force.

Editions Erès 222 pages (2Oeuros)


 

  Yin et Yang

 

Douleur humaine,

Eros et Thanatos

 Lune et soleil

Vie et mort

Vulnérabilité et force

 

Sombre lumière

A l’ombre des contraires

Jaillissement du moi

Pulvérisation de l’être

Reconstitution de soi

 

Dépassement

Transformation

Transcendance

Méditation

Intégration

 

J’ai aimé ce livre de Charles Gardou qui raconte avec érudition et sobriété leur vie à tous, exilés de la vie, exilés de la mort, ne sachant ni vivre ni mourir, ne sachant faire qu’une chose créer, créer, créer encore..

 

Il était une fois Schumann et c’est de Schumann, justement que partira mon propos. C’est avec lui que je vous confierai ma lecture de ce livre oppressant de trop de souffrances, lumineux de l’espoir qu’il charrie de cette capacité infinie que l’homme possède à se dépasser, à se transcender, à s’élever au-dessus de sa douleur, à renoncer à sa violence mortifère, à abandonner Thanatos qui sans cesse veut le rattraper, pour rejoindre, se nicher dans Eros.

 

Schumann donc. Moi, la non musicienne, l’analphabète du solfège, ne connaissant ni le mi ni le ré mais toujours à me lover, à me mirer dans le souffle d’une mélodie ;  on invente la musique comme on invente la lecture, à partir de soi et de l’autre,  le compositeur.

 

Un de mes morceaux préférés qui depuis toujours m’accompagne, est la symphonie N°4 de Schumann en Ré, mineur. Opuscule 120. interprétée par l’orchestre de la Résidence de La Haye sous la direction de Willem Van Otterlo. Je le dirai en terme simples ce qui me plaît tant dans cette symphonie là c’est l’incertitude du rythme, entre Lento et Vivace. On n’est à peine dans l’un que soudain l’autre arrive pour être à nouveau dépassé puis abandonné. Il y a comme un chevauchement des deux rythmes avec un troisième thème répétitif qui traduit l’envolée, la joie, l’avancée, la vitalité surtout. Une musique qui avance dans ses notes entre Lento et Vivace tressés dans la chevelure  de mon âme de femme, sur les variations de mon cœur et de ses désirs, dans la mouvance de mes jours et de mes nuits, dans mon noyau de nuit et de lumière, dans ma persévérance à vivre.

 

Schumann donc. Au cœur de sa dualité que raconte avec talent Charles Gardou. Il la raconte avec tendresse, respect, il s’incline devant leurs talents et leur force, eux si vulnérables. Eux, Schumann, Frida Khalo, Pascal, Jean-Jacques Rousseau, Dostoïevski, Bousquet, Hélène Keller, et d’autres encore qui, comme une cascade de vies coulent dans le dernier chapitre.

 

Un livre torrent qui témoigne non de la force mais de la force  vitale de tant d’êtres en souffrance, qui ne s’en « sortent » de leurs souffrances que par leur « entrée » dans une création peut-être,  mais surtout par une générosité immense. Créer est un don dans tous les sens du terme. Créer c’est donner le meilleur de soi, le meilleur de son soleil, le meilleur de son espoir. Créer, c’est offrir le possible aux autres. Créer c’est clamer la victoire d’Eros sur Thanatos. Mais pour dépasser Thanatos, il faut l’avoir rencontré, il faut s’être brûlé les ailes au feu de l’enfer. C’est le prix à payer pour connaître le paradis de Cézanne, les tournesols de Van Gogh,  les Colombes de Picasso, pour connaître les battements de la beauté de la vie. Il faut avoir entendu le cri de Münch pour entendre le froissement des ailes des pigeons de Venise. Plus fort on plonge dans l’enfer plus fort on s’envole vers le Paradis. La vie n’existe que dans le mouvement du jour et de la nuit, que dans la succession de l’aube et du crépuscule, que dans le mouvement des marées, la vie n’existe qu’entre profondeur et surface, qu’entre ciel et terre, qu’entre volcans éteints et volcans en fusion. La vie est un long silence bruyant. L’homme est un être de dualité. Paradoxalement, c’est dans cette dualité que naît le temps retrouvé de la création et du don. Un don non paisible mais un don d’amour. Un don splendidement humain.

 

Le livre de Charles Gardou est une saga de la création douloureuse, terriblement douloureuse mais portant haut, très haut l’espoir que d’être humain.

 

Merci Charles Gardou d’avoir su nous conter cette saga avec tant d’amour et de don. Merci aussi pour votre si généreuse bibliographie qui emmène les lecteurs dans un paradis littéraire. Vraiment, merci pour tout cela. MJC

 

 

 

 

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29 mars 2009 7 29 /03 /mars /2009 15:50

NAÎTRE OU DEVENIR HANDICAPE
LE HANDICAP EN VISAGES 1
Erès 1996, 2005
205 pages. 21 euros

J’aimerais tant vivre dans un monde où les personnes handicapées ne seraient plus dans la nuit et dans l’angoisse, dans la dépendance et dans la solitude, dans le chagrin et l’immobilité d’une difficile relation avec les autres.

J’aimerais tant vivre dans un monde qui ne passerait plus indifférent, ignorant à ce qui fait la valeur de tous : une lutte au quotidien pour être reconnu et respecter.

J’aimerais tant vivre dans un monde où nous apprendrions tous sur les différents visages des souffrances humaines qui nous sommes.

J’aimerais tant vivre dans un monde où la domination ne serait plus. La domination de ceux qui se croient les plus forts sur ceux qui se savent ne pas être les plus faibles tant leur combat quotidien révèle leur humanité. Souvent, parfois. Ne pas simplifier. Ni le bon, ni le meilleur. Parfois trop méprisés, trop cassés, certains épuisés de souffrance peuvent détruire eux-mêmes ou les autres. Reconnaître la moyenne païenne pour tous..

J’aimerais tant vivre dans un monde dans lequel l’enfer de la discrimination n’existerait plus. Nous serions tous égaux dans une parole construite qui reconstruirait après le néant, les gouffres, les hiatus, les brisures, les schismes, les malentendus, les nuits, les silences sans patiences, les tempêtes, les cyclones, les immobilités roulantes, les ignorances, les indifférences, dans une parole qui reconnaîtrait les différences sans les nier, une parole qui inventerait une humanité qui part en vrille dans la multitude des souffrances qui ravagent les continents, tous les continents géographiques, physiques, psychiques.

J’aimerais tant vivre dans le monde de Jacques DEJANDILE. Dans lequel un animateur en fauteuil roulant présenterait une émission qui parlerait de tout sauf du handicap !

J’aimerais tant vivre dans un monde où chacun aurait plein de savoirs que tous partageraient dans une mutualisation heureuse, généreuse. Que chacun soit, muet, sourd, aveugle, érudit, paralytique, bavard à tuer son prochain, bègue, silencieux, sombre, clair, coloré, colérique, doux, hurlant, glissant, dérapant, cinglé, posé, raisonnable, imaginatif, créatif, il offrirait aux autres son don que chacun alors recueillerait humblement, étonné, admiratif, enthousiaste, reconnaissant. Ce serait beau ! Ce serait le temps des énumérations vivantes gagnées sur la souffrance et sur le silence de la différence. Ce serait si passionnant la terre !

J’aimerais tant vivre dans un monde où aider son prochain serait un désir, un bénéfice, une chance. Ce serait un partage des âges et des âmes ; ce serait un tendre regard sur les corps différents et souffrants, un regard sans peur qui dirait la possible peur de l’étrange étrangeté vaincue.

J’aimerais tant vivre dans un monde où aider l’autre ce serait se retrouver plus riche du combat de l’autre pour exister. Ce serait se retrouver fier d’exister grâce à son existence différente.

J’aimerais tant vivre dans un monde où la solidarité ne serait pas des décrets boiteux, des lois parfois glacées, des discours parfois sans âmes (vous savez des discours électoraux). Mais la solidarité serait celle d’un monde qui regarderait en face les difficultés, elle s’affirmerait au risque du quotidien, au risque de la maladresse qui blesse, du cauchemar qui remue, du rire qui réchauffe, de la voix qui émeut, du ciel partagé de l’attention porté à l’autre, humain comme moi, indestructible, comme moi jusqu’au jour où la mort imprévisible nous surprendra , lui comme moi.

J’aimerais tant vivre dans un monde où tous nous partagerions égaux la même planète. A corps perdu, à regards troués, avec mon sourire qui affronte le pire, comme Delphine, je suis femme dans cet éternel voyage initiatique qui nous pose dans notre difficulté d’exister femme si différente des hommes, avec tant de droits à conquérir pour inventer la féminitude.Inventer, cette féminitude, ensemble hommes et femmes dans la mutualisation de nos différences. Parce que la féminitude est au coeur de l’humanitude.

J’aimerais tant vivre dans un monde où parleraient sans effet néfaste des lieux communs qui pulvérisent par leur absurde force la bonté inhérente à chacun.

J’aimerais tant vivre un monde où l’humanité serait belle de ses imperfections, visibles ou non mais toujours secrètes nous nous rendons tous fragiles et vulnérables dans le fil difficile des jours à vivre avec les autres. Nos souffrances nous mettent en exil de nous-même, en exil de notre entourage, en exil des humains . Aucun d’entre nous n’est intact ni de lui-même ni des autres et malgré cela il continue son chemin d’humain. Voilà ce qui fait la dignité d’être. Laissons cette dignité fleurir, ne la laissons pas mourir par peur, par inquiétude, par angoisse de la différence

J’aimerais tant vivre dans un monde qui ne serait pas idyllique mais dont de possibles idylles naîtraient ; qui de la différence reconnue et acceptée ferait de chacun une terre de voyage, une terre à explorer, une terre à révéler sous le soleil de l’humain.

Je sais que vivre dans un tel monde est possible parce que j’ai lu ce très beau livre de Charles Gardou si intelligent dans son engagement. Ce très beau livre nous dit comment il est urgent de sans cesse parfaire l’humanitude ensemble, tous ensemble et surtout avec les personnes en situation d’handicap qui ont tant à nous apprendre.

Donnons du sens à nos paroles et à nos actes comme l’écrivait avec ses mots Hannah ARENDT ; ce livre nous aide à cheminer sur notre route, comme le faisait, son bâton à la main, Oedipe.

 


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