Handicap Le temps des engagements (4)
Handicap Le temps des engagements Sous la direction de Julia Kristeva- Charles Gardou PUF 2006 (355 pages.15 euros)
Forum Vie, santé, Ethique et déontologie
Responsables du Forum :
Charlotte Dudkiewiewicz, psychanalyste
Henri-Jacques Stiker, directeur de recherche en anthropologie historique, Université Denis Diderot –Paris VII
Intervenants :
Daniel Sibony, psychanalyste et écrivain
Jean-Claude Ameisein, professeur d’immunologie à l’Université de Paris VII –Chu Bichat, président du Comité d’Ethique de l’iNSERM, membre du Comité consultatif national d’éthique
Yves Agid, professeur neurologue, chef de chu salpêtrière et directeur de neurosciences
J.London, professeur, Université Paris VII- Denis Diderot présidente de l’Association française pour la recherche sur la trisomie 21 (AFRT)
J’aime copier ces noms de tous ceux qui travaillent à l’amour pour les personnes vulnérables, qui travaillent à trouver des solutions, qui travaillent à inventer un nouveau regard.
A eux, merci ! merci ! Merci !
Naissance et peur du handicap
Charlotte Dudkiewicz-Sibony : Pour commencer cette réflexion, dire, reconnaître que cela est là : la peur du handicap, la peur d’avoir un enfant handicapé. Désir de s’en protéger ne signifie pas le rejet.
Relation d’un récit : A la maternité de Tenon, là où travaillait Charlotte, c’est elle qui raconte, une femme avait mis au monde une petite fille trisomique 21. Comme ça, dès le début : rejet absolu de l’enfant qui sera donc placé en pouponnière adaptée.
MAIS, ensuite la maman reprend l’enfant. Elle ne veut pas que le lien symbolique avec l’enfant soit brisé, elle ne veut pas que son enfant soit réduite à un simple handicap. Elle reprend donc son enfant et devient donc très active dans une association relative aux enfants trisomiques. Trop, semble dire l’histoire et elle met en danger l’équilibre de sa famille jusqu’aux limites de ses relations avec sa famille. Le handicap de son enfant révèle les limites.
Charlotte Dudkiewicz-Sibony relate les réactions qui se produisent autour d’une situation de handicap : dans une famille, dans le milieu professionnel et le jeu inattendu entre rejet et retournement de ce rejet. Elle étudie plusieurs situations auxquelles des soignants ont été confrontées, leurs réactions, leurs projections, leur peur, cette peur dit-elle, qui est le nœud de la réflexion sur le handicap.
Cette psychanalyste propose des groupes de réflexion éthique dans chaque hôpital sur le handicap, avec tous, parents comme soignants pour que chacun trouve à ses talents et ses limites dans sa famille puis dans la société. Elle suggère ainsi de transformer l’énergie véhiculée par la peur en un souci actif et fécond d’améliorer la qualité du lien social tellement en péril chez ceux en situation de handicap.
Les exigences de la condition éthique des personnes handicapées
Henri –Jacques Stiker : il rappelle bien à propos Les droits de l’homme qui proclament définitivement qu’aucun homme ne peut être « hors humanité », hors de « la distribution sociale ». Ils rappellent que les personnes handicapées ont conscience de leurs droits et de leurs valeurs, revendiquant leur droit à l’autonomie tant financière que physique et mentale, leur droit de « circuler » dans la société et d’avoir le choix de mode d’existence.
L’exigence sociale la plus urgente réside dans le développement de la possible autonomisation des personnes handicapées et dans l’obligation de tout mettre en route pour l’expression de ces personnes.
Conclusion : l’éthique du normal et du pathologique :
Dans ce chapitre il est rappelé les positions de Ricoeur qui souligne comment l’écart social vient trop souvent souligner l’écart biologique et souligne une fois encore le droit à l’accessibilité de tous à l’espace social dans lequel il évolue.
Paradoxes du handicap
Daniel Sibony rappelle le choc narcissique pour les parents d’avoir un enfant différent, choc qui annihile tous les repères antérieurs et qui produit une souffrance qui écrase, qui relance, qui élance. Là nous dit Daniel Sibony, les vécus vont se jouer, s’exprimer dans la différence de chacun à l’être et à la culture.
Tentative de dépasser la réaction première qui parfois est le rejet dont le support est cette phrase : « ça, ce n’est pas moi ». Daniel Sibony énonce là plusieurs pistes existentielles possibles :
La ligne de fuite : « tout pour cet enfant »
La ligne de renouvellement avec mise à nu des possibles avec une richesse possible après l’acceptation face aux autres
La ligne doloriste : culte de la victime : vouloir imposer à chacun le handicap avec l’idée qu’accepter le handicap c’est élever le niveau de l’humain et transformer la souffrance du handicap en souffrance emblématique.
Selon Daniel Sibony le vrai problème n’est pas de « donner des droits aux handicapés » car l’octroi de ces droits n’est pas toujours synonyme de reconnaissance mais bien plus de les aider à vivre leurs limites.
C’est à dire ne pas réduire les personnes handicapées à leur handicap.
C’est à dire parler de personne « en situation de handicap » et non de handicapées comme si être handicapé était une essence existentielle. Non le handicap est une situation qui atteint un être humain dans son essence mais ne signe pas son essence.
C’est à dire reconnaître la pluralité des situations de handicap et n’en pas faire un concept générique
C’est à dire s’orienter dans la rencontre dans ce qui n’est pas handicap et explorer ce que l’on peu développer.
C’est à dire chercher ce qui toujours peut être dépassé
C’est à dire surmonter l’étrange et familier par l’acquisition de vraies formations car une vraie rencontre existentielle ne peut faire l’économie du savoir. L’authentique s’apprend, se développe
C’est à dire ne pas négliger non plus la technique qui peut aider même si elle ne supplée pas dans sa totalité le manque rencontré par une personne en situation de handicap.
Handicap, biologie et société :
Une approche éthique de la notion d’altérité.
« la liberté et l’autre »
Jean-Claude Ameisen. La façon « d’intégrer les êtres différents » révèle une société. Une culture c’est un « vivre ensemble » et non « un temps d’exclusion »
La définition de mon prochain c’est ma rencontre avec lui. Je n’existe qu’à partir de ma rencontre avec un autre, l’autre n’existe qu’à partir la rencontre avec moi. (Travaux de Lévinas, Hannah Arendt, Frédéric Poché et quelques autres.). Notre regard sur le visage de l’autre n’est jamais neutre ; il peut engendrer amour ou exclusion. Notion d’empathie et se mettre à la place de l’autre, le reconnaître dans sa singularité mais aussi dans sa similitude avec moi, vaincre l’étrange étrangeté par une intelligence du cœur et de l’esprit, une intelligence de l’âme et des livres. Travailler sa relation à l’autre différent par un travail sur soi et par un travail de savoir ce qui fait l’humain. Travailler pour rencontrer, travailler pour aimer, travailler pour accompagner, travailler pour accéder au partage et à l’échange et ne pas sombrer dans une fascination malsaine, inhumaine, mortifère pour celui qui la subit.
Nécessité alors de développer une éthique nomade, toujours en mouvement qui permet de réaliser une adéquation entre les pratiques et les valeurs qui la sous-tendent, entre le devoir d’aider et le respect de celui que nous aidons. La proximité s’invente dans le fil des jours et ne se pétrifie pas dans des principes immuables. La proximité est un cœur qui bat, qui respire soumis au paradoxe de la vie c’est à dire à ce qui change mais aussi à ce qui fait loi. Mais même la loi n’est pas immuable. La loi peut faire rencontres, débats, invention de nouveaux textes et décret. La loi s’applique dans un contexte une fois encore de vie. Ainsi en va-t-il pour la loi du 11 février 2005
Restent le vivre et « la mal mesure de l’homme. », reste le soulagement de la souffrance et l’aide à « vivre ensemble » avec la différence, malgré la différence, restent à vivre dans d’infinies manières d’être différents et souffrants,
Reste la reconnaissance urgente de l’unicité de chaque être humain. Reste l’urgence d’introduire cette unicité dans un pluriel culturel qui signera cette reconnaissance sans discrimination aucune. Reste à donner à l’homme le droit d’être singulier dans le pluriel de tous.
Un neurologue face au handicap
Yves Agid :
Des chiffres :
3,5 de personnes handicapées
370.000 personnes en fauteuils roulants
parmi les personnes handicapées : 30% de chômeurs
40 % des entreprises qui devraient employer des handicapées le font réellement
seulement 30% des mairies sont accessibles aux handicapés
Alors se pose la question : « comment compenser cette insuffisance ? »
Définition du handicap : dyscapacité. Connotation péjorative
le malheur sans raison
le handicap évolutif
le handicap calculé (avant une opération)
Il n’y a pas de handicap mais des handicapés donc à chaque fois prendre en compte l’histoire, le milieu familial, le milieu social. Resituer dans un contexte.
Le handicap : que faire ? prévenir, soulager, réparer.
Quelle place pour le handicap dans la décision éthique ?
Jacques London rappelle que dans notre société, toutes les personnes ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Son insertion sociale dépend de ses possibilités d’autonomie. Il rappelle que ceci ne s’applique pas qu’aux personnes en fauteuil roulant mais à toutes personnes vivant une situation de handicap.
Il essentiel de former, d’informer, d’éduquer, de révéler et de mettre à jour un maximum de compétences et ce dans tous les domaines. Il est essentiel de se forger de véritables outils éthiques qui seront les arcanes des décisions politiques, économiques et sociales qui permettront en profondeur à la personne en situation de handicap d’exercer ses devoirs comme tous les autres citoyens et de décliner sa vie au pluriel, avec les autres.
Je construis une éthique de la rencontre du « vivre ensemble »
Tu construis une éthique du « vivre ensemble »
Il ou elle construit une éthique du « vivre ensemble »
Nous construisons une éthique du « vivre ensemble »
Vous construisez une éthique du « vivre ensemble »
Ils ou elles construisent une équipe du « vivre ensemble »
Et des sourires dans les visages de tous nous inventerons.
MJC