« L’ identité au risque de l’être (6bis)
Ma vulnérabilité
Un immense fleuve bleu
les méandres blancs de son lit blême
s'étirent et mordent la mer
Tu dis ta plainte et tes craintes
tu pleures et tu t'éreintes
Ta vie d'argile si fragile
abrite tes pauvres feintes
dans les noirs corridors de ton âme éteinte.
En bleu et en blanc
tu écris des lettres blêmes
La solitude te traverse
tout te fait mal et te blesse
tes blessures s'écaillent
tu as mal, tu as peur.
Dans son impossible rime
en bleu et en blanc
la vie blême
te laisse sur la rive
plus morte que vive
désespérément seule.
Une histoire de lune
une histoire de dune
de bleu et de blanc
au creux de la lagune
Dans une solitude bleue
dans un désert blême de fleurs bleues.
Secrète, tu te tais
rien ne se sait
ni tes craintes
ni tes bleus à l'âme
ni le blanc ni le blême
ni le désert
ni les fleurs bleues
Tu es seule
tu en meurs
en bleu, en blanc
Tout est blême.
Ici finit la rime
Ainsi s'achève le poème
bleu blanc blême.
Dans le silence je disparais
Je voudrais te dire
Je voudrais te dire
la peur de mon coeur
du silence qui s’avance
dans mon âme qui s’élance
et que rien ne panse
Je voudrais te dire
mon impossible
dans ton impossible
je voudrais te dire
mon ciel dans ta nuit
Je voudrais te dire
mes pages blanches
et mes lignes désertes
quand mon cahier fermé
j’efface mes traces
Je voudrais te dire
de mon jardin les fleurs
et de mon coeur la douleur
dans mon éternelle peur
devant l’horreur
Je voudrais te dire
l’impossible ronde
de ce grand monde
qui se tait ou gronde
dans paix ou guerre
Je voudrais te dire
l’impossible colombe
mon découragement
de femme vivante
entourée par trop de guerres
Je voudrais te dire
tant et tant de choses
un rassemblement manqué
une solidarité absente
et le monde qui tourne
Je voudrais te dire
le découragement
l’inutile
l’indifférence
Je voudrais te dire
Mais dans le silence je disparais
2 avril 2009
Waterloo
Ce serait l’aube de matins
De grands chagrins
Ta terre serait brûlée
De ne plus pouvoir parler
Et dans l’immense plaine
Tes jours immobiles
Ce serait le crépuscules des grands soirs
D’immenses désespoirs
De ton histoire si noire
De tes mots sans gloire
Qui dans le fouillis des phrases
Diraient les nuits qui écrasent tes jours
Maintenant sans toujours
Tous ces rêves morts, jonchant ta mémoire
De femme autrefois si riante
Pleine de si beaux espoirs
Mais tu as vieilli
Et tes espoirs de ton chemin de vie
Ont disparu comme des étoiles filantes
Ce serait la victoire de l’immobile
Et toi, tu écrirais ton poème
Toujours le même
Dans le ciel noir de chaque soir
Tu n’attendrais plus
Tu saurais le silence définitif
D’une plage sans coquillage
Ce serait ton regard perdu
Dans chaque nuage
Tu aurais froid d’avoir perdu
Tu te tairais
Infiniment triste
Tu quitterais la piste
Ce serait fini.
Juillet 2009-
Mais aussi ma force
Elle serait une virgule de l’impossible puzzle qui l’imprimerait femme ; du linge à étendre, une vaisselle à rincer, un enfant à consoler, un regard vide devant la télévision, une amie qui parle, une minute de solitude, une larme qui coulerait, un instant de clarté, un ongle cassé, un moment à ne rien faire, le gâteau du dimanche à pétrir, les plantes de la salle à manger à arroser, le livre à feuilleter, la framboise à ramasser, la tendresse à exprimer, l’autre à écouter, la lettre qui n’arriverait pas, la robe neuve à choisir, le baiser du soir aux enfants, l’étreinte dans la nuit, une page blanche à écrire.
Elle serait l’épouse, la mère, la fille, la soeur, l’amie, la belle-fille, la belle-soeur, la cousine, la mère, la voisine, la passante.
Elle serait la craquelure de ce qui ne cesse de se taire.
Elle serait des mots, des mots cannelle, des mots amers, des mots doux, des mots sucrés, des mots cristaux, des mots fleurs, des mots peur, des mots qui mourraient, des mots soufflés, des mots balbutiés, des mots chuchotés, des mots qui blesseraient, des mots qui égratigneraient, des mots qui ratureraient, des mots tonnerre, des mots d’hier, des mots perdus, des mots oubliés, effacés. Des mots refoulés.
Elle serait la lassitude dans ce qui se répète et s’use, imparfait des certitudes, bruissement d’ailes, tournoiement de l’être.
Après tant d’années de silence, vers vous, elle s’élancerait, elle serait l’écrivaine, la triomphante, la resplendissante, la lumineuse
Elle serait femme.
La Multiple.
MJC