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30 mai 2009 6 30 /05 /mai /2009 17:17
  • Ce dimanche 6 février 2005, j’étais à Paris avec ma famille, 17, rue Geoffroy-Lasnier dans le 4ème arrondissement. Métro Saint-Paul.Nous y étions. Recueillis. Nos yeux fixés sur le mur des noms. 1943. Dansles lignes du haut, j’ai lu : Fortunée Abignoli. 1890 Quelques jours auparavant, par internet, nous avions pris connaissance du convoi –convoi 52 – qui l’avait emportée, elle ma grand-mère, au diminutif chéri d’Hanem, vers Sobibor. C’était simple. Ce dimanche 6 février 2005, je me recueillais enfin en paix devant ces lettres Fortunée Abignoli, devant cette année 1890, son année de naissance, devant 1943, l’année de sa déportation. Ma grand-mère est maintenant logée pour l’éternité avec 76000 autres noms. Eternité, je le sais, c’est de cela qu’il est question. Elle qui avait sombré dans la nuit, dans le brouillard d’un génocide, dans le meurtre et dans l’effacement. Ils l’avaient tuée, puis ils avaient effacé toute trace de leur meurtre, toute trace d’elle, Hanem. Ils l’avaient engloutie dans le néant. Ce néant là avait englouti moi et ma famille dans nos larmesconfisquées, dans mort et culpabilité d’un impossible deuil. Souffrance immense pour chacun d’entre nous, surtout pour toi ma mère. Mon histoire. Je passe.

 


Maman, les hommes n’ont pas renoncé. Ils ont cherché, fouillé le néant, sculpté la pierre. Par ces noms, par nos regards recueillis sur ces noms, nous avons hissé dans notre temps présent et dans leur histoire enfin réintégrée ma grand-mère, ta mère et eux tous, porteurs de ces noms retrouvés. Le néant n’est plus de mise. Mémoire et trace sont là. La transmission brisée a retrouvée son ordre, mère, fille, petite fille, arrière-petite-fille. Maintenant je peux te dire et m’en souvenir. A toutes mes bagues, je donne un nom. Celle-là, toute belle, qui à mon doigt étincelle, je la nomme Fortunée, je la chuchote Hanem. Le temps m’a passé la bague au doigt, le souvenir m’a dit ton nom et me caresse de ton prénom, ma grand-mère ici présente pour toujours, jusqu’au bout de l’avenir pour moi et les miens. Je continue mon cheminement avec elle, Fortuné Abignoli avec vous tous mes amis de lutte, bâtisseurs de noms retrouvés

 



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