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31 mai 2011 2 31 /05 /mai /2011 11:11

 

 

Ce 23 mai 2011, je recevais un mail de Monsieur Jean-Claude Drouilhet, fondateur et ancien Président de l’association de Oklaoma-occitannia (OK-OC) et comme moi, visiteur régulier du Musée de la Résistance à Montauban. Dans ce mail, il m’écrivait :

 

Bonjour,

 

Du  mardi 24 jusqu’au jeudi 27 mai inclus, je recevrai la visite d’un couple d’Américains de Washington : Martin et Amy Goldsmith

Martin Goldsmith refait le parcours, de Boulogne à Auschwitz via Montauban, de son grand-père et son oncle, deux juifs allemands qui furent internés à Montauban en 1940 (fiches du commissariat de police ci-jointes) puis à Drancy et Auschwitz où ils furent assassinés par les Nazis. Je vous joins également le récit de Martin Goldsmith.

Cette émouvante démarche mérite, je pense, respect et compassion. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé d’aider de mon mieux  Mr et Mrs Goldsmith pendant leur séjour à Montauban. Ils visiteront notre ville et particulièrement le musée de la Résistance et de la Déportation, le carrefour des Martyrs, la devanture de l’ancienne usine Poult, avenue de Mayenne (dite « cantonnement Poult » sur les fiches de police), le monument des Déportés au Cours Foucault, ainsi que le camp de Judes à Septfonts.

 

Pour vous Inventeurs et avec l’autorisation de Monsieur Goldsmith, je recopie son récit fait à Monsieur Jean-Claude Drouilhet :

 

« Cher Monsieur Drouilhet,

 

 Mr Jack Shoemate de Pawhuska  en Oklahoma, la ville jumelée à Montauban, m'a communiqué votre adresse électronique et votre numéro de téléphone. Il m'a parlé de vous en termes chaleureux et m'a dit que vous pourriez m'aider.

 

 Je me nomme Martin Goldsmith et j'habite aux environs de Washington. Mon grand-père Alex Goldsmith et mon oncle Klaus-Helmut Goldsmith, étaient parmi les Juifs qui tentèrent de fuir l'Allemagne nazie à bord du bateau d'émigrants le Saint Louis, en mai 1939. Ce bateau fut détourné de sa destination, Cuba, et fit route cap au nord vers la côte des États-Unis. En dépit des supplications insistantes du capitaine du navire au président Roosevelt, le Saint Louis fut empêché d'entrer dans un quelconque port américain. Alors le bateau s'en retourna en Europe. Pendant le voyage un marché fut passé qui proposait aux quelque 900 réfugiés de débarquer au choix en France, Angleterre, Belgique ou Hollande. Mon grand-père et mon oncle furent parmi les 220 passagers qui débarquèrent en France. Ils arrivèrent à Boulogne le 19 juin 1939.

 

Il y a quelques années, j'ai découvert qu'Alex et Klaus-Helmut avaient été envoyés au camp de Rivesaltes en janvier 1941, de là ils furent envoyés au camp des Milles en juillet 1941, puis en août 1942 ils passèrent par Drancy avant leur voyage vers la mort à Auschwitz. Mais je n'ai pas pu reconstituer leur parcours entre juin 1939, lorsqu'ils arrivèrent à Boulogne, et janvier 1941.

 

 C'est alors que la semaine dernière, en faisant des recherches au musée de l'Holocauste à Washington, je suis tombé sur un microfilm de fiches d'identité qui avaient été remplies au camp des Milles. Sur la fiche il y avait un cadre dans lequel était indiqué par où mon grand-père et mon oncle étaient passés avant d'arriver au camp des Milles. Les noms de Boulogne, Montauban, Agde et Rivesaltes... m'amenèrent à penser qu'ils avaient passé quelque temps dans votre ville ainsi qu'à Rivesaltes sur la côte méditerranéenne.

 

Je me demande si vous sauriez – ou pourriez apprendre – quelque chose sur leur parcours pendant cette période. Est-il possible qu'ils soient partis de Boulogne vers le sud et aient vécu en liberté à Montauban pendant quelques semaines ou mois ? Est-il possible qu'ils aient été cachés par quelques citoyens courageux avant d’être envoyés à Agde, ou peut-être avaient-ils été dénoncés après que le gouvernement de Vichy ait publié ses lois antisémitiques d'octobre 1940 ? Je sais qu'en août de 1942, l'Évêque de Montauban avait rendu publique une déclaration protestant fermement contre le traitement des Juifs et je me demande si Montauban essayait déjà de protéger des Juifs à la fin de 1939 et 1940.

 

Je rappelle leurs noms : Alex Goldsmith et Klaus-Helmut (ou plus simplement Klaus) Goldsmith. Alex était né le 1er janvier 1879 à Sachsenhagen, en Allemagne et Klaus Helmut était né le 14 septembre 1921 à Oldenburg, en Allemagne.

 

 Comme vous pouvez l’imaginer, ce serait pour moi très important d’apprendre quelque chose sur ces membres de ma famille. Quelle que soit l’information que vous pourriez découvrir, ou quelle que soit la direction de recherche que vous pourriez m’indiquer pour en découvrir davantage, serait apprécié avec la plus grande reconnaissance. 

 

Merci !  Thank you very much!

 

 Yours sincerely, “

 

 Martin Goldsmith

 

Kensington, Maryland

 

USA.

 

Emue, je me suis rendue à la cérémonie commémorative du 25 mai 2011 à 18 heures, devant le monument de la déportation, pendant laquelle j’ai fait la connaissance de Madame et Monsieur Goldsmith, de Monsieur Eugène Daumas, représentant de l’association des Tsiganes à Montauban, de Monsieur Jean-Claude Drouilhet ; j’ai revu aussi  avec plaisir mes amis Madame et Monsieur Elie Arditti (voir son précieux témoignage sur mon blog ; même catégorie)

 

Nous étions peu nombreux, infiniment trop peu nombreux !

 

Je remercie Monsieur Jean-Claude Drouilhet de m’avoir autorisée à recopier son si simple discours pour cette commémoration. Il m’a fait parvenir son texte dans un mail dont il a nommé l’objet ainsi : « indifférence »  :

 

Blâme de l’indifférence

 

Martin Goldsmith, venu de Washington aux États-Unis, s’efforce de reconstituer le tragique parcours vers les chambres à gaz de son grand-père Alex et de son oncle Klaus-Helmut, de Boulogne jusqu’à Auschwitz en passant par Montauban.

 

Octobre 1940. La France n’est plus une république ; elle est devenue « l’État français » gouverné depuis Vichy. Alex et Klaus arrivent à Montauban le 13 octobre comme l’indiquent les fiches du commissariat de police. Ils sont internés, avec d’autres réfugiés étrangers, au « cantonnement Poult ». Il s’agit en fait de l’ancienne biscuiterie Poult ouvrant sur l’avenue de Mayenne et l’avenue Jean-Jaurès, à deux cent mètres de la gare SNCF. Pourquoi l’usine Poult ? En 1940 la biscuiterie est au chômage technique, elle présente l’avantage d’être suffisamment spacieuse, d’être enserrée entre d’autres bâtiments et à deux pas de la gare. Alex et Klaus y seront enfermés avec d’autres juifs, et des étrangers allemands et espagnols. La gendarmerie sera mobilisée par le préfet pour les convoyer avec une soixantaine d’autres juifs le 9 novembre 1940 par le train de 15h30 jusqu’à Agde.

 

Cette « étape » montalbanaise aura donc duré un peu moins d’un mois dans l’indifférence générale. C’est bien cette attitude que dénonçait Martin Goldsmith lors de son séjour à Montauban.

 

Le mercredi 25 mai à 18 heures nous organisions une petite cérémonie au monument de la Déportation, au cours Foucault à Montauban. Après le dépôt d’une gerbe  Martin Goldsmith prenait la parole pour évoquer la mémoire des membres de sa famille assassinés parmi d’autres juifs, tsiganes, homosexuels, résistants et opposants politiques. Il y rappelait notamment que le contraire de l’amour, selon lui, ce n’est pas la haine, c’est l’indifférence. Celle d’hier comme celle d’aujourd’hui.

 

Ce jour-là, nous étions une petite quinzaine autour de Martin et Amy Goldsmith à nous incliner devant la statue dédiée à la déportation. Aucun officiel dans ce groupe, la cérémonie était une initiative privée ; seul le public avait été invité, par Internet et par voie de presse. On peut penser que l’indifférence a, cette fois encore, inspiré le défaut d’intérêt.

 

Berthold Brecht avertissait, il n’y a pas si longtemps, d’un danger rémanent : « Le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde ». Il serait peut-être temps de l’entendre.

 

Jean-Claude Drouilhet

 

Suite à Monsieur Drouilhet, Monsieur Eugène Daumas a pris la parole et je le remercie vivement de m’avoir autorisée à transcrire son discours qui m’a si profondément émue. Nous avons aussi échangé quelques mots sur la situation des ROM en France, je lui ai dit que j’étais de la Cimade, il m’a dit sont combat au sein de son association montalbanaise. Je l’ai assuré de ma solidarité profonde. Voici, son discours :

 

Mesdames mademoiselle et messieurs, nous voici réunis ici aujourd’hui pour honorer la mémoire de nos anciens, internés, déportés, et disparu.

 

Dans cette même période sombre de notre histoire, sur le territoire national français étaient interné des français que l’on appelait les nomades.

 A aucun moment ces gens internés n’ont fait l’objet d’une  quelconques attention et personne ne se  posait la question de savoir pourquoi ces nomades méritaient cela, bien que malgré ça, beaucoup de Préfet le savait ainsi que certains de la haute autorité, l’histoire ne dira pas comment cela aurais pu finir si la guerre s’était prolongée

 

6000 tsiganes, hommes, femmes, enfants ont été  internés de 1940à 1946 dans trente camps d’internement français.

Les tsiganes internés dans les camps français  ont vécu six années dans la plus grande précarité, tant matérielle que morale. Ils ont fait face à ces événements seul, sans aucune aide de la population française ni même des œuvres caritatives pourtant très présentes dans les camps d’internement.

 

Les adultes furent obligés de travailler pour des entreprises françaises mais aussi allemandes dans le cadre du S T O

Les enfants furent séparés de leurs parents et placés à l’assistance publique ou dans des institutions religieuses pour les extraire définitivement d’un milieu jugé pernicieux.

 

Libéré presque deux ans après la fin de la guerre  après les collabos et les prisonniers, les tsiganes avaient tout perdu, ils regagnaient seul  a pied les lieux ou ils avaient été arrêtés, en espérant retrouver  leurs roulottes, mais hélas tout avait disparu ils ne pouvaient compter sur aucune aide, ils durent recommencer leurs vie à zéro, pour la plupart ils n’avaient pas d’autres choix que de se sédentariser.

 

La plupart des tsiganes internés en France n’ont pas obtenu la carte d’interné politique, les démarches administratives étant insurmontables pour des gens analphabètes et plus méfiants que jamais envers les « gadjés ».Ils n’ont ainsi reçu aucune indemnisations pour ces années passées dans les camps français. Ils n’ont pas reçu davantage de compensations morale puisque ces événements n’ont laissé aucune trace dans la mémoire

 

Beaucoup de nos parents et grands parents ont participé directement  ou  indirectement a la libération de la France. Biens des nôtres sont tombées sur les champs de bataille de la première guerre mondiale certains ont choisi le combats dans la clandestinité, comme tous citoyens français ils ont fait leur devoir de patriote 

 

La France n « a pas reconnu ses enfants tsiganes pourtant ils ont versé leur sang pour elle, comme récompense ils ont étaient internés  dans des conditions très désastreuses ou beaucoup de mortalités parmi les enfants est les vieillards ou même la nourriture qui leur était destinée était détournée, déportés pour une partie de notre  population qui ont fini dans les chambres à gaz .

 

 Plus à l’est. Quatre vingt pour cent de notre population a était exterminée, ou servi de cobayes pour des’ expérience avec la mort comme délivrance

Ce n’est que depuis quelques années que les historiens ont exhumé ce que l’on a longtemps appelé le « génocide oublié »et que des plaques commémoratives rappellent que des camps d’internement pour nomades ont existé en France.

 

 Aujourd’hui notre peuple vit avec cette souffrance qui fait partie de notre quotidien nous la portons dans nos racines, notre peuple ne demandera jamais d’indemnités ou excuses ou de pardon : les tsiganes ne vendent pas leurs  morts.

 

 Nous voulons seulement une reconnaissance  française de l’internement des tsiganes pendant cette période sombre de notre histoire ,que soit préserver les lieux de mémoire  qu’ils soit sous la tutelle de l’état et que soit apposés des plaques , stèles ou monuments est procéder aux commémorations comme il se doit ,

Que soit inscrit dans la mémoire collective et dans les manuels scolaires cette histoire des tsiganes français internés car elle fait partie intégrante de l’histoire de France

 

Messieurs les représentants de la république française  au non de la  communauté tsigane de France je vous demande de nous rendre justice par le biais de cette reconnaissance de l’internement des tsiganes  pour que nous continuions à honorer la mémoire de nos anciens et que l’on soit considérés comme des citoyens à part entière et que notre jeunesse continue ce devoir de mémoire.

 

                              Que justice nous soit rendue  !                     

 Merci à vous   

UFAT

 

Puis Monsieur Arditti a parlé et a souligné une fois encore le rôle du gouvernement de Vichy dans les arrestations de ceux dont le destin serait d’être assassinés dans les camps de la mort. Il a aussi témoigné de ses souvenirs

 

Enfin, Monsieur Goldsmith a pris la parole, pour dire l’histoire de sa famille qu’on sentait là comme le berceau de son identité. Il a parlé d’amour, de haine et surtout d’indifférence. Il a remercié les Montalbanais présents et j’ai  été émue par cet homme et sa compagne.

 

Puis vint le temps des fleurs et de la minute de silence, le temps d’une photo aussi, où tous groupés autour de monsieur Goldsmith, nous affirmions notre rôle si humain, porteurs d’espoir : nous étions avec lui, Monsieur Goldsmith,  les sentinelles de la mémoire.


Bravo à nous, si peu nombreux, mais si présents dans ce jour de printemps à Montauban . MJA

 

 

 

    

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

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