25. Post-Alpha
J’ai écrit ce texte au sortir d’un atelier de lecture Post-Alpha, en avril 2002, mais dans l’éternité qu’est-ce qu’une date ? Dans le recommencement des guerres, hélas ce poème peut toujours s’écrire pour décrire un atelier de lecture parmi d’autres.
POST –ALPHA
Un printemps blanc
qui dirait le sang
qui dirait les peines
impossibles fleurs
quand toi mon frère
tu meurs
tu erres.
A toi, par toi, par ton regard
je suis liée.
Dans ce printemps blanc,
dans mon atelier
je t’écoute lire.
Je te sais somalien, irakien, bosniaque, kurde, serbe, albanais du Kosovo, algérien. Je te sais de toutes religions ou même athée. Chaque instant de ta vie est un instant qui ne peut connaître que mort ou exil. Civils qui tombent dans la fureur stupide de l’explosion d’une bombe, civils qui s écroulent dans une fusillade, un enfant dans les bras de son père, des jeunes dans une pizzeria, des charniers en Bosnie, des milliers de morts en Somalie. Terrible sort des civils innocents. Enumération impossible, tragique qui s’écrit dans mon cœur. La nuit, je pleure. Hommes et femmes de tous pays pleurons ! Impossible paix…
Je te sais en guerre, mon frère, ma sœur, mon amie et sur mon tableau vert, je t’apprends les temps « passé, présent, futur », je t’apprends les mots que dans ta langue tu connais, que dans ma langue tu méconnais. Ces mots que nous partageons comme le pain, comme la vie. Nous parlons de ta ville, de ta campagne, de tes montagnes. Nous parlons religions. De toutes les religions. Nous parlons coutumes. De toutes les coutumes. Nous parlons des jours de toujours, des douleurs et des peurs de tous.
Nous parlons de ce printemps blanc
ce printemps de sang
Les morts en Israël
Les morts en Palestine
Surtout ne pas les mettre dos à dos
Ou en face à face
Un mort n’est pas égal à un mort,
Respecter la douleur
l’incommensurable de la mort à partir de un
Il n’y a pas une arithmétique des morts
il y a des êtres chers à tout jamais disparus
un visage effacé, un corps évanoui.
Ne plus tuer.
Pleurer, le dire, pleurer encore
l’impossible mort
Ce printemps est blanc.
un printemps de sang.
Nanterre.
Silence on enterre.
Un printemps dans mon cœur
tout meurt et j’en pleure.
Un printemps blanc qui dit le sang
je renonce à inventer la paix
c’est trop dur.
Je les sais si nombreux ceux-là
qui pas à pas, sûrs d’avoir raison
détruisent ta maison
Je ne peux plus lutter
contre cette déraison
que dicte la raison.
Dans ce printemps blanc
dans ce printemps de sang
j’aurai voulu que le blanc
soit de mon jardin la couleur des lilas
Mais cela n’est pas.
j’en meure et j’en pleure.
Dans ce printemps blanc
j’échoue à inventer l’espoir
mon regard heurte les couleurs de la saison des bourgeons.
mais ne peut recueillir ni les couleurs, ni les bourgeons.
Reste à accueillir, dans le temps de lire
vos regards à tous, mes frères, mes sœurs, mes ami(e)s,
stagiaires de ce groupe post-Alpha, à qui je dédie ce poème,
à qui je dis mon admiration et mon respect.
Par ce poème retrouvé, il est maintenant possible, de continuer à dire nos mots, à les échanger, à les partager de bouche en bouche, comme des baisers, de cœurs en cœurs dans le corps à corps de nos vies, dans le mouvement des ateliers de lectures. La vie reprend, la vie continue …
A demain,