Récit d’un colloque au travail de l’humain : La cause des Aînés... Pour vieillir autrement... et mieux
« Sous le parrainage de Madame Nora Berra. Secrétaire d’état chargée des aînés »
Samedi 12 et Dimanche 13 juin 2010 à Paris
Les actes du colloque donneront lieu à la publication d’un ouvrage collectif qui paraîtra en octobre aux éditions Desclée de Brouwer. C’est dans ce temps là, que je reprendrais une à une, les intelligences de chacun, d’une immense rigueur, d’une infinie profondeur. De tous, j’ai pressenti une fabuleuse mise au travail et j’ai pris des notes à perte de pages, pour « essayer » d’être sage, d’être une sage dans cette vieillesse qui est mienne, à portée de ma main, à portée de mes demains. Aujourd’hui donc, plutôt qu’un compte-rendu, c’est un bouquet d’idées et d’émotions que je vous offre là, pour déjà vous mettre au travail. J’approfondirai ensuite, crayon en main, tournant les pages, que j’attends avec impatience, des actes du colloque qui m’a appris tant de choses mais qui m’a aussi bouleversée à plusieurs reprises. La vieillesse, terre de savoir, terre de rencontres, terre de chagrins et de pertes, terre d’intériorité et de liberté. La vieillesse, terre en attente, terre où poussent les femmes coquelicots. Splendide Noëlle Châtelet, dans ses deux interventions que j’ai tant aimées. Noëlle Chatelet ma préférée. J’ai eu le temps de la happer dans la rue, de lui dire merci, de recueillir son sourire fatigué. Mais, voilà, une fois de plus je vais trop vite !
Je reprends...
Un verbe entre tous a retenu mon attention : Essayer. Patiente recherche de tous : essayer de saisir la vie en plein vol quand elle se décline à l’épreuve du temps.
Essayer de vieillir sans nous perdre dans la longue succession de nos pertes.
Préparer et vivre sa vieillesse, la sienne, celle de nos amis, de nos parents de nos proches, (concept efficace de « parentage »,) dans une démographie en pleine mutation, lorsqu’elle nous surprend en plein vol de nos activités, lorsqu’elle nous demande de réorganiser notre quotidien, dans le temps comme dans l’espace dans une cascades de nouvelles heures à vivre ou de nouveaux silences à sangloter.
J’ai été émue par l’émotion de Georges Arbuz, au coeur de son exposé : « L’existence après soixante ans : nouveaux enjeux, nouvelles perspectives. »
Il nous parle du lieu de son savoir d’ethnologue et d’anthropologue mais soudain ses yeux se brouillent, sa voix s’enroue quand doucement il avance l’idée de ce que toutes les personnes âgées peuvent apporter, puis il continue et nous raconte des groupes de parole et la nécessité si cruciale de permettre aux personnes âgées de retrouver une identité à partir desquelles elles seront « auteur et acteur » sans pour autant exclure un accompagnement sécurisant.
J’ai aimé cet exposé à la fois sage et tourmenté, tellement habité du coeur du conférencier qui bat, qui bat... Cette émotion là, je la soutiens encore dans l’exposé suivant d’Alain Amselek qui annonce ses 76 ans, qui partant de l’humour de Woody Allen, nous emporte dans une légende de la plénitude de l’être et de Shangri-La. Il parle d’intériorité, de source de vie. Quand la vieillesse se fait sagesse.
En écho, ou plutôt en miroir viendra la non moins émouvante conférence de Jean Maisondieu « Le syndrome de Tithon ou l’autruicide des vieux.
Je m’arrête un instant pour dire, que ce que j’ai aimé dans ce colloque, c’est sa structure. Vous savez la pendule de la chanson de Brel « Les vieux », cette pendule d’argent qui dit oui qui dit non. Cette pendule, elle était là, avec son oui, avec son non et poussant le balancier, il y avait Catherine Bergeret-Amselek qui de sa voix douce et grave a tenu obstinément le balancier dans sa régularité, elle aussi obstinée. Ce que je veux dire par là, c'est que ce colloque fut riche de débats contradictoires et même parfois, violents, trop violents à mon goût mais ce que je veux dire aussi c’est que ce colloque fut splendidement vivant... Jusqu’à l’épuisement. Je suis sortie épuisée et il m’a fallu plus de 12 heures de sommeil pour récupérer.
Epuisant par la haute teneur d’intelligences au travail mais aussi par les chemins de traverses que tous nous faisaient emprunter, je veux dire les associations qu’ils faisaient surgir : vieillesse avec d’autres, vieillesse de solitude, vieillesse triomphante, vieillesse dans une nuit d’hôpital, seule après une nuit d’angoisse, vieillesse et mort choisie où s’éteignant dans des soins palliatifs. J’ai pensé à ma soeur et j’ai pleuré. Oh ! là mes amis, le débat fut rude ! François de Closets s’est énervé, Noêlle Chatelet fut sublime dans l’évocation du choix de sa mère de l’heure de sa mort. Moi, j’étais avec eux, chacun son choix. Choix de société, choix d’humanité, choix de liberté, choix de démocratie. François de Closets a beaucoup insisté là-dessus.
Il y eut aussi un très beau film documentaire de Paul Perez qui a filmé avec talent et engagement « Patients-vulnérables. Soignants exposés. » J’ai pensé à ma mère morte en long séjour et j’ai pleuré. Je n’ai pas assisté au débat, j’étais trop bouleversée. Le lendemain, une participante m’a dit que « ça avait chauffé » entre Paul Perez et Yves Gineste qui avait présenté l’après-midi une conférence que j’avais beaucoup aimé « Présentation de l’humanitude » et qui disait combien il était important de savoir continuer à regarder, à toucher, à caresser les êtres en détresse. N’ayant pas assisté au débat, vous resterez sur votre faim, mais ce que je veux dire là, c’est que la pendule d’argent qui ne ronronnait pas au salon, qui dit oui qui dit non, a sonné fort ! Mais finalement c’est bien . Cela prouve la vie des conférenciers et cette vie là donne vie à la vieillesse. Ils sont sujets passionnés de leurs recherches et cette passion, passe, j’en suis certaine, dans leurs relations avec les aînés et impulsent la vie. Mais évitons toutefois la violence...
Il y eût aussi un splendide exposé de Charlotte Herfray « sortir du temps » et aussi une très rigoureuse conférence sur la créativité de Henri Dunon-Boileau. Toux deux portaient haut et fort leur 85 et 92 printemps. Que du bonheur de les entendre...
La pendule qui dit oui qui non Charlotte Herfrey et son chatoyant parlêtre pour le oui et pour le non, le rigoureux narcissisme primaire au travail de la vieillesse exposé par Marion Péruchon
Toujours, la pendule qui dit oui qui non avec les splendides interventions de terrain de Marie-Laure Martin, Sidonie Rougeul et le super infirmier et auteur interprète qu’est Jean-Michel Taliercio, eux trois nous ont fait cadeaux de leur pratique d’espoir et du verbe « essayer » qu’ils conjuguent si bien, quand plus rien ne tient, reste l’instant présent, mais là, il y a non, je ne me souviens plus de son nom mais il était dans la problématique de la visibilité du travail... et dans le questionnement intéressant à souligner : « devant le terrible effacement, peut-on encore parler de sujet ? »
Qu’importe ! Nous avons entendu une splendide chanson qui faisait monter les larmes aux yeux, composée par une mère atteinte de la maladie d’Alzheimer et sa fille « j’aimerai tant t’emmener en Amérique ».
Qu’importe ! Danielle Rapoport, nous fait cadeau d’une belle citation de René Char « Aucun oiseau n’a le coeur de chanter dans un buisson de questions » et Danielle ajoute « Mais aucun oiseau ne peut chanter dans un buisson de réponse »
Mais le mieux du mieux du mieux, ça a été l’approche winnicottienne des personnes âgées avec Patrick Linx (le huit clos) et José Polard, tous deux membres de l’espace analytique. C’était brillantissime mais il vous faudra attendre les actes du colloque car c’était très difficile ! Mais, je vais beaucoup le travailler c’est promis !
Mais la perfection c’était Noëlle Châtelet avec son combat de femme pour les amours tardives dans son roman la Femme Coquelicot et pour son second combat de fille qui lutte tant pour donner à sa mère son plein pouvoir de la liberté choisie dans sa mort. (dans son récit La dernière leçon)
J’en oublie de nombreux autres. Qu’ils me pardonnent. Je les ai tous écoutés, sagement, au premier rang, comme toujours. J’aime être au premier rang dans les colloques, pour ne pas être distraite, pour vivre et entendre dans une proximité intense de ceux qui énoncent leur sujet qui soudain devient mon sujet.
Catherine Bergeret-Amselek, du lieu d’une blondeur rayonnante, avec sa voix grave et douce, avec son immense savoir permettait de mettre en mouvement dans la régularité du temps de nos attentes si immenses aussi, une pendule d’argent au salon, qui dit oui, qui dit non et qui jamais ne ronronne...
Merci à tous de votre carillon, que j’ai entendu et reçu comme un cadeau de l’âme, cadeau que je n’oublierai jamais et qui m’aidera, j’en suis certaine à construire ma vieillesse, le regard grand ouvert sur sa richesse comme sur son tragique. Je prends les deux et mes livres, notamment celui des actes du colloque et je continue quelques années encore, si voulez bien de moi...
Je vieillis, tu vieillis, il ou elle vieillit, nous vieillissons, vous vieillissez ils ou elles vieillissent... ENSEMBLE !!!
A tous, infiniment merci et bravo !... MJC