Lire aux éclats
Eloge de la caresse
Première ouverture : Les mots voyageurs
En exergue, une citation de Martin Buber qui nous raconte comment un jour, on demanda à Rabbi Lévi Yitzak, pourquoi dans le Talmud de Babylone, à chaque traité manquait le premier feuillet. Tous les feuillets commençaient à la page 2.
Le rabbi répondit que quelques soient les pages lues et méditées par un lecteur studieux, il ne doit jamais oublier qu’il n’est toujours pas arrivé à la première page.
Les mots voyagent de page en page
mais toujours il manque la première page
celle de l’origine de la pensée
Oui, tout commença par un voyage
Celui des quatre Maîtres
Le premier mourut d’avoir cru voir la vérité
Le second devint fou de voir tout en double
Le troisième devint autre, saisit par l’étrangeté
Le quatrième s’en sortit indemne
Jardin du sens et des significations
Jardin de l’écriture et de l’aventure
Pardès, paradis, en hébreu signifie
« Lire aux éclats »
Le pschat ou le sens littéral
Le rémez ou le sens allusif
Le drach ou l’altérité, l’interprétation, l’altération
Le sod, le secret, le caché, le mystique.
Les mots qui voyagent sont ceux
du pschat, du rémez, du drach, du sod
Ça se dit comme ça en hébreu
Les chercheurs de mots ont pris ces chemins
Ils ont trouvé les livres
leur existence et leur insistance
leur pouvoir-dire et leur vouloir dire
A l’horizon, ils ont trouvé le nouveau
Ils ont trouvé des êtres nouveaux
des livres nouveaux
des objets nouveaux
Ils ont inventé par les livres
le renouveau du monde.
La question n’est pas celle de la fidélité
mais celle de l’interprétation
qui donne vie et nom
à l’oiseau qui dans le texte s’envole
La multiplicité des commentaires
libère la parole
Elle est passion, invitation
à parler, à lire
dans l’éternelle recherche
ponctuelle et érudite
de la première page si sage
celle de l’origine pas sage.
dans l’histoire du passage
de l’homme à la femme
de la femme à l’enfant
de l’homme et de la femme
à l’oiseau du texte peu sage
qui toujours voyage.
au large des âges
au large de sa première page.
MJC